Subjuguer les Ténèbres | Tales of Herding Gods | 牧神记
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Chapitre 8 – La peau de mamie
Chapitre 7 – Le Mur de l’Embryon Spirituel Menu Chapitre 9 – Les squelettes roses

Bonjour à tous, ce novel est repris à partir de ce chapitre par Faeris! Merci à elle et n’oubliez pas de soutenir le projet sur Tipeee si vous l’appréciez^^

 

« Mamie m’a dit un jour que je ne devais pas paniquer même si je me perdais dans les Grandes Ruines et que je ne pouvais pas retourner au village », se rappela Qin Mu calmement. « Il y a beaucoup de vestiges de la civilisation dans les Grandes Ruines. Si je peux en trouver un où me cacher, je m’en sortirai peut-être vivant. Pour qu’un vestige soit sûr, il doit remplir deux conditions. D’abord, il doit y avoir les mêmes statues de pierre que celles du village. Ensuite, je dois vérifier s’il y a beaucoup de bêtes étranges dans les vestiges. La plupart sont intelligentes, elles devraient donc savoir où se cacher pour échapper à l’obscurité… »

Les vestiges de la civilisation abondaient dans les Grandes Ruines. Plus tôt, Qin Mu était passé devant des villes et des villages abandonnés. À la vue des clôtures effondrées et des murs délabrés, il savait qu’ils étaient extrêmement anciens. Cependant, il n’avait pas eu le temps de s’arrêter pour vérifier s’il y avait ou non des statues de pierre.

Un silence inquiétant s’abattit tout à coup sur le monde ; un silence si profond qu’il pouvait pousser un homme à la folie.

Le soleil couchant avait déjà atteint l’horizon, et n’était plus qu’à moitié visible.

La chape de silence qui venait de s’abattre sur les Grandes Ruines fut immédiatement suivie par un bruit de battement d’ailes. Lorsqu’il leva les yeux, Qin Mu vit un immense groupe d’oiseaux géants qui volaient au-dessus de lui, formant un amas compact dans le ciel. Puis le sol se mit à trembler et la forêt autour de lui commença à s’effondrer. Des bêtes étranges sortirent de terre, émergeant une par une de tunnels qu’elles avaient creusés, avant de se ruer dans une course précipitée.

Qin Mu entendit même l’eau jaillir du marécage. Il vit alors des poissons écarlates et longs de plusieurs mètres bondir au-dessus de la surface et utiliser leurs nageoires pour s’envoler jusque sur la terre puis marcher avec comme s’il s’agissait de pattes !

Ce spectacle déconcerta Qin Mu. Était-ce encore des poissons s’ils étaient capables de courir sur la terre ferme ?

« Toutes ces bêtes étranges vont dans la même direction. Si je les suis, je pourrai certainement trouver un refuge pour me cacher des ténèbres ! »

Rempli d’espoir, Qin Mu courut à leurs côtés.

Tandis que le ciel s’assombrissait de plus en plus, l’obscurité au loin se déversait tel un raz-de-marée. Il ne s’agissait pas du tout de la simple transition entre le jour et la nuit. Elle ressemblait à une inondation gigantesque qui engloutissait tout sur son passage, montagnes, vallées, jungles. Même si ce n’était pas la première fois que Qin Mu voyait les ténèbres envahir la terre, cette vision le stupéfiait toujours.

Les ténèbres se déversèrent sur Qin Mu et le troupeau de bêtes étranges comme une averse torrentielle. Pourtant tous les animaux continuèrent de charger furieusement dans sa direction.

Pendant un instant, Qin Mu hésita.

Là-bas, trouverait-il vraiment un lieu sûr pour se protéger des ténèbres ?

Dans le cas contraire, il courait vers une mort certaine.

« Les ténèbres approchent rapidement. Même si je fais demi-tour maintenant, je n’arriverai jamais au village à temps pour me mettre à l’abri. »

Il serra les dents et poursuivit sa course.

« Je n’ai pas le choix, je dois continuer de courir avec les bêtes ! »

Quatre kilomètres en aval de la rivière qui traversait le Village des Vieux Estropié, le combat entre mamie Si et les Cinq Aînés de la rivière Li avait atteint un point de rupture. Au début, seuls quatre aînés s’étaient attaqués à elle. Mais comme ils n’avaient pas réussi à la vaincre rapidement, Qi Yanbing, le cinquième aîné qui avait regardé la bataille depuis la falaise, rejoignit ses compagnons. Tous réunis, ils formèrent alors le Trigramme de Purification démoniaque des cinq éléments.

Jusqu’à présent, mamie Si avait peiné à repousser les attaques des quatre aînés. Toutefois sa force augmenta étonnamment lorsque Qi Yanbing les eut rejoints. Le Trigramme de Purification démoniaque des cinq éléments lui-même ne réussit pas à venir à bout de cette vieille femme.

D’abord surpris, les cinq aînés furent bientôt envahis par un sentiment de frustration de plus en plus grand. Ils venaient de comprendre que la vieille femme voulait les vaincre tous en même temps. Elle les avait donc laissés croire qu’elle était faible, afin d’inciter Qi Yanbing à combattre et l’empêcher ainsi de s’échapper.

Agile, mamie Si était aussi insaisissable qu’un fantôme. Comme animées d’une vie propre, les aiguilles d’argent de son panier infligeaient des blessures aux Cinq aînés de la rivière Li. Les fils qui étaient attachés aux aiguilles volaient de l’un à l’autre, liant leurs âmes et leurs corps pour les empêcher de bouger.

Mamie Si s’approcha d’eux, des ciseaux à la main, le visage éclairé d’un grand sourire. « Cela fait longtemps que mamie n’a pas cousu de peau humaine… J’espère ne pas avoir perdu la main… »

Au moment où elle fit face à Qi Yanbing, celui-ci ouvrit la bouche et lui cracha une pilule argentée au visage.

Au contact de l’air, la pilule argentée devint cent fois plus grosse et se transforma en une sphère formée de dix mille épées de lumière pure !

Prise de court, mamie Si recula immédiatement. Son corps devint étrangement mou. Tel un ver se tortillant dans les airs, elle esquiva l’attaque lumineuse et lança ses ciseaux. Étincelants comme deux dragons d’argent, ils découpèrent et tailladèrent les épées de lumière.

L’agilité de mamie Si ne l’avait pourtant pas empêchée d’être prise au dépourvu.

L’une des innombrables épées de lumières s’était dissimulée derrière sa bosse et avait réussi à la frapper dans le dos.

Les épées de lumière, qui jusque-là avaient obstrué le ciel disparurent d’un seul coup alors que des morceaux brisés s’écrasaient et recouvraient le sol.

L’instant d’après, la pilule argentée reprit sa taille originelle puis tomba bruyamment par terre.

Mamie Si revint elle aussi sur le sol et retira ensuite l’épée fichée dans son dos en grimaçant.

Qi Yanbi, le chef des Cinq aînés articula d’une voix rauque : « Tu as réussi à esquiver… ». Le désespoir se lisait sur son visage lorsqu’il s’écria : « Six mille huit cent quarante-deux épées étaient cachées à l’intérieur de cette pilule argentée. Pourtant… à cette distance… tu as quand même réussi à les esquiver ! Tu n’es pas un démon ordinaire, vieille femme… pourtant je ne t’ai jamais vue. Qui donc es-tu ? »

À l’instant même où il posait cette question, il remarqua quelque chose d’étrange dans le dos de mamie Si. Malgré la blessure infligée à sa bosse par l’épée, elle ne saignait pas. À la lumière du soleil, Il vit que l’intérieur en était creux.

« Ce n’est pas ta véritable apparence », se rendit compte Qi Yanbing dont le sang se glaça. « Tu… tu portes la peau de quelqu’un d’autre… »

« Tu as déchiré ma peau. » Mamie Si répliqua en fronçant les sourcils.

La voix qui venait de prononcer ces paroles ne ressemblait en rien à celle d’une vieille personne avec un pied dans la tombe. Au contraire, douce et mélodieuse, on l’aurait crue sortie de la bouche d’une jeune et belle femme.

– « Ah, il y a un trou », murmura mamie Si en soupirant après avoir posé la main sur sa gorge.

Elle sortit une aiguille et du fil de son panier puis recousit la déchirure. Elle testa ensuite sa voix. Elle avait recouvré son timbre habituel.

Mais la voix étrange que Qi Yanbing avait entendue l’avait profondément bouleversé. Il avait l’air d’un homme qui avait vu un fantôme.

Il dit en tremblant : « J’ai déjà entendu cette voix… Je sais qui tu es ! C’est toi… Tu es la femme du Culte du Mal cél… »

Alors que Qi Yanbing parlait, l’expression de mamie changea légèrement. Avant même qu’il n’achève sa phrase, elle tira sur le fil qui liait les Cinq Aînés de la Rivière Li et les trancha net. Leurs restes sanguinolents tombèrent par terre avec un bruit sourd.

Étonnamment, le fil n’était pas taché de sang. Puis, comme doté d’une conscience propre, il s’enroula en pelote et retourna dans le panier.

Mamie Si siffla entre ses dents d’un air moqueur, puis elle gloussa.

– « Tu es là depuis longtemps, fichu Boiteux ? »

Derrière elle, Boiteux avança à l’aide de sa béquille, le visage illuminé d’un large sourire : « Je viens juste d’arriver, chère sœur, je n’ai rien vu ni rien entendu. »

Mamie Si le regarda rapidement, avant de lui sourire. « Si tu n’as rien entendu, peu importe ce que tu as vu. Rentrons au village. »

Boiteux hésita.

« Toute sa vie, on vénéra Li Tianxing, le maître de la secte du Culte du Mal céleste pour sa sagesse et sa puissance. Malgré tout, à la fin de sa vie, il commit une erreur stupide et lamentable. Il s’amouracha de la plus jolie démone de la jeune génération. Il quitta alors son épouse officielle pour se marier avec elle, provoquant ce faisant un scandale au sein du Culte du Mal céleste », narra Boiteux d’un ton posé.

« Malheureusement, au cours de leur nuit de noces, alors qu’ils allaient consommer leur mariage, la nouvelle épouse de Li Tianxing l’assassina et déroba la bible démoniaque du Culte du Mal céleste. Tous les aînés du culte sortirent alors de leur retraite pour la poursuivre. Mais elle réussit à s’échapper. »

« C’est vrai ? » demanda mamie Si d’un ton innocent.

« À ce jour, nul ne sait où elle se trouve », répondit Boiteux.

« Eh bien, dans le temps, cette vieille femme a entendu parler d’un homme s’était entraîné à courir comme personne. Il y excellait au point que les gens disaient qu’il possédait des jambes divines », raconta mamie Si en riant.

« Malheureusement, cet homme s’était rendu compte qu’il pouvait utiliser sa vitesse divine pour chaparder. Cela l’amusa tellement qu’il en prit l’habitude. À force, il se forgea une solide réputation et on le surnomma l’insaisissable Dieu des voleur. Mais il se mit à dos les véritables dieux, furieux qu’un simple mortel s’approprie leur statut divin. Comme ils l’avaient prévu, alors qu’il s’introduisait dans l’empire de la Paix éternelle dans le but de dérober le disque de l’empereur, le précepteur impérial l’entendit. Malgré la perte d’une jambe au cours du combat qui s’ensuivit entre les deux hommes, il parvint tout de même à s’échapper avec le disque de l’empereur et disparut sans laisser de trace. Le précepteur impérial, réputé pour être le mortel le plus puissant après les dieux, ne réussit pas à capturer le Dieu des voleurs. En fait… il a sûrement conservé la jambe divine du Dieu des voleurs et attend encore de la rendre à son propriétaire légitime.

Mamie Si regarda Boiteux d’un air entendu, puis tous deux éclatèrent de rire.

« Mamie, nous sommes tous les deux des estropiés du même village », dit Boiteux avec un sourire jusqu’aux oreilles.

« Nous avons chacun nos secrets et nous avons promis de respecter la vie des autres et de ne pas poser de questions.

« À compter de ce jour, je serai aussi sourd et muet », jura-t-il, « Je garderai le silence. »

Mamie Si siffla à nouveau entre ses dents avant de prendre la direction du village, son panier au bras.

« C’est p’tit Mu qui t’a raconté ce qui s’est passé et qui t’a demandé de venir m’aider ? »

Boiteux fit non de la tête.

« Toi et ces cinq vieillards, vous avez causé un tel grabuge que dans le village, on a tous ressenti des vagues résiduelles de votre combat. C’est pour cela que le chef du village m’a envoyé pour savoir ce qui t’arrivait. »

Le visage de mamie Si s’assombrit, et elle demanda avec inquiétude : « P’tit Mu est rentré au village ? »

« Je ne l’ai pas croisé en venant…»

« C’est mauvais signe ! »

Les deux vieillards se précipitèrent vers le Village des Vieux Estropiés. Lorsqu’ils y arrivèrent, le soleil s’était déjà couché et l’obscurité se levait au loin. Elle s’éleva de plus en plus haut dans le ciel, se répandant à l’horizon et enveloppant tout sur son passage comme un raz-de-marée !

Mamie Si courut dans le village à la recherche de Qin Mu.

« Quelqu’un a vu p’tit Mu ? », demanda-t-elle paniquée.

Les ténèbres engloutirent le Village des Vieux Estropiés.

« Ne t’inquiète pas, mamie. »

Assis sur un brancard que Boiteux et Apothicaire portaient, le Chef du Village dissuada mamie Si de prendre une statue de pierre pour aller retrouver Qin Mu. Il lui rappela d’une voix rassurante : « Nous lui avons enseigné tout ce qu’il a besoin de savoir. S’il nous a bien écoutés, Qin Mu devrait être capable de survivre dans les Grandes Ruines. L’obscurité est totale maintenant, cela ne servirait à rien que tu repartes. »

Même si les paroles du Chef du Village déchiraient le cœur de mamie Si, elle savait qu’il avait raison. Les ténèbres avaient déjà submergé les Grandes Ruines. Tant que Qin Mu était encore en vie, elle n’avait pas besoin d’aller le sauver. Il passerait la nuit. S’il était mort, alors elle n’avait aucune raison d’emmener la statue de pierre pour le retrouver.

« Il porte toujours son pendentif de jade…» se dit mamie.

Cependant, elle savait que la protection de l’éclat du pendentif ne pouvait bénéficier qu’à un bébé. Qin Mu avait grandi, la pierre ne protégeait désormais plus que sa poitrine.

« Sers-toi de ta tête, p’tit, Mu », murmura mamie Si, « et tu survivras. »

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