Toujours en train de maugréer contre le coup que venait de lui jouer son père, Palkor invita Marlon à s’asseoir dans ce qui avait tout l’air d’être un salon à la décoration spartiate.
Les murs blancs étaient vierges de toute décoration, et seule la table pouvant accueillir jusqu’à six personnes réhaussait un peu l’allure de la pièce. Taillée dans une roche plus sombre que ce qu’il avait vu jusque-là, elle était polie jusqu’au point où l’on aurait pu confondre la matière avec autre chose que de la pierre.
Les chaises, toutes disposées autour de la table de manière millimétrée, étaient taillées dans ce qui semblait être la même matière, ressemblant fortement à de la roche. En tirant l’une d’entre elles pour s’installer, Marlon fut surpris par le poids étonnamment léger du mobilier, qui jurait avec son aspect granitique.
Puis il remarqua, dans la trame de la matière, des reliefs ressemblant à des gravures et il reconnut instantanément la forme caractéristique des runes aperçues sur les sphères métalliques lorsqu’il arriva dans la ville. Elles avaient d’ailleurs le même aspect que l’artefact de transport de Drevos, les pierres lumineuses des gardes de Delia ainsi que les appareillages étranges qu’il avait aperçu dans la Tour des Mages, dans l’office de Djilany.
Il ne dit rien et attendit que son interlocuteur s’asseye à table, ce qu’il ne fit pas tout de suite.
Avec des gestes précipités, autant par sa démarche que dans sa gestuelle globale, il s’éclipsa dans une pièce attenante et revint quelques minutes plus tard, une tasse fumante dans chaque main.
Il en posa une sans délicatesse devant Marlon et s’assit en face de lui, le dévisageant avec une expression qui se situait entre l’ennui et la défiance, avec tout de même une pointe de curiosité.
Cela agaça Marlon, mais celui-ci ne dit rien, conscient de la situation précaire dans laquelle il se trouvait. Il fallait qu’il s’intègre s’il voulait avoir une chance de pouvoir sortir un jour de cet endroit, du moins s’il avait bien compris les nombreuses allusions du Forgeur Céleste.
« Bon, faisons les présentations, et pose les questions que tu as. Vu que mon père te mets sous ma surveillance, ce qui ne m’enchante guère au passage, tu dois être un nouveau-venu à Forgeciel… »
Il sirota une gorgée de la boisson chaude dont l’odeur florale et sucrée mettait l’eau à la bouche à Marlon, qui n’y touchait pas pour le moment.
Palkor tendit une main par-dessus la table et se présenta très officiellement.
« Je suis Palkor Main-Céleste, fils de Than Main-Céleste. Apprenti Forgeur depuis quatre ans. A ton tour. »
Marlon saisit la main tendue et la serra vigoureusement, surprit de sentir la force supérieure à la sienne que la poigne de son interlocuteur possédait.
« Revenge Drelor…aventurier ayant atterri à Forgeciel par un malheureux concours de circonstances, j’arrive tout droit de Delia…d’une manière assez peu orthodoxe d’après ce que j’ai compris. »
« On peut le dire, oui. Je vais devoir couper mon temps d’étude pour m’occuper de toi, tout cela parce que mon père veut…laisse tomber, tu n’y es pour rien…tu as des questions, je suppose ? »
Marlon hésita et finit par hausser les épaules, se disant que de toute façon il lui fallait bien des réponses, quitte à ce que tout son échange soit rapporté à Than par la suite.
« Peux-tu m’expliquer comment fonctionne cette cité ? Et pourquoi est-ce que j’ai l’impression de n’être qu’un cran au-dessus du statut de prisonnier ? »
L’air sévère de Palkor se détendit quelque peu et il soupira avant de répondre au jeune runiste.
« Ce n’est pas une impression, et tu n’es pas au-dessus. Tu es prisonnier de Forgeciel, comme tous les nouveaux arrivants non autorisés. Je ne soutiens pas ce système mais il est efficace…par où commencer… »
Palkor réfléchit pour mettre de l’ordre dans ses idées et posa une question toute simple au runiste, mais son ton était grave et ne laissait pas place à une réponse incomplète.
« Es-tu pour l’Empire ? »
« Je…je viens d’un village minuscule au sud de Delia, et disons que l’empire n’avait pas grande importance là-bas. Je ne suis pour personne en particulier, je préfère me faire ma propre impression. Pourquoi ? »
« C’est un bon début, même si à l’avenir je te conseille de répondre simplement ‘non’ à cette question. Forgeciel est une cité vieille de plusieurs milliers d’années, et elle a été fondée très peu de temps après Delia par un groupe de gens qui n’étaient pas forcément d’accord avec les opinions de Magnus. Nous nous sommes forgés par nous-mêmes et au fil des siècles, notre savoir-faire est devenu bien plus avancé dans certains domaines que ce qui existe dans le reste de l’Empire. Il y a toujours eu un clivage à cause de cela, car nous avons toujours refusé de livrer nos connaissances sans contrepartie, alors Forgeciel est devenue de plus en plus autonome, et nous avons fini par vivre en quasi-autarcie. »
« Mais vous faîtes partie d’Erengar et de l’Empire, non ? »
« Disons que nous sommes une enclave indépendante. Nous avons un enseignement très pointu et personne ne peut y déroger. Ceux qui n’ont pas les capacités nécessaires…et bien disons qu’ils ne finissent pas très bien. Nous formons des Forgeurs et des Soldats, ainsi que des spécialistes d’autres corps de métiers, et nous les envoyons dans certains coins de l’Empire pour que ce dernier nous laisse tranquille. Il est interdit à quiconque de transmettre nos secrets et nous tenons cette promesse sans souci grâce à une magie qui traque et tue celui trahissant sa promesse. »
Marlon déglutit et se maudit intérieurement d’avoir choisi l’écluse pour fuir. Si ces types avaient une magie de ce style, il serait bien plus difficile de s’enfuir ou de trahir Forgeciel. Mais il mit ces pensées de côté et préféra continuer son interrogatoire, heureux que son interlocuteur partage avec lui ces informations. Il comprit également beaucoup mieux pourquoi si peu de gens avaient des informations concernant les artefacts et les runes utilisées.
« Et du coup, quels sont ces secrets dont tu parles ? »
Un sourire calculateur apparut sur le visage de Palkor et il secoua la tête dans un geste d’incrédulité.
« Tu es malin, mais si je te dis tout cela, c’est que je sais exactement quel sort t’attends si tu tentes de t’enfuir. Tu ne seras ni le premier ni le dernier à essayer, tu sais. Personne en plusieurs siècles n’a réussi à fuir la cité, alors tu devrais te faire une raison. »
Marlon grogna mais ne dit rien, espérant que le jeune homme répondrait tout de même à sa question.
« Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi Père t’as mis ici. Les gens transgressant les règles ont le droit en général à un régime bien plus strict, du moins la première année. »
« A cause de ma classe… »
« Qui est ? »
« Runiste… »
Les yeux de Palkor s’écarquillèrent et sa sévérité affichée laissa place instantanément à une curiosité avide, presque malaisante, envers l’homme qui lui faisait face. Marlon commença à comprendre pourquoi Than l’avait placé ici.
D’il ne savait où, Palkor avait sorti un carnet et un crayon, les tendant à Marlon d’un air suppliant.
« Peux-tu me montrer une de tes runes, s’il te plaît ? Je répondrais à ta question juste après… »
Le runiste se plia à sa requête, dessinant la rune Etincelle sur une page de papier blanc, sans injecter de mana où même y mettre d’intention et il tendit la feuille tracée devant lui, Palkor s’en emparant d’un geste fébrile.
« Incroyable, je n’en avais jamais vu, mais elles existent bien…tellement rare…peut-être que je pourrais les utiliser dans mes Sangsues… »
Il continua à marmonner quelques minutes comme cela sans que Marlon ne l’interrompe, mais ce dernier finit tout de même par intervenir lorsque Palkor commença à parler d’expériences et autres manipulations peu attirantes.
« Du coup…tu voulais m’expliquer ce fameux secret ? »
Palkor sembla revenir à la réalité, et pendant l’espace d’un instant Marlon eut l’impression de se retrouver devant Devros, à Akranio. Ce Palkor semblait également être passionné par son domaine de prédilection, malgré l’air sévère et introverti qu’il semblait arborer en général.
« Connais-tu les différents types de runes ? »
Marlon secoua la tête devant son ignorance.
« Non, ton père a dit que j’avais des runes Draconique et je sais que pour trouver un maître de grade plus élevé qui s’apparente à la classe de Runiste, pour pouvoir apprendre quelques informations supplémentaires, il me faudra trouver un Dragon authentique, mais c’est une tâche ardue. J’ai également entendu parler de vos runes, mais ce n’étaient que des rumeurs, rien de concret…les classes rares sont toujours une plaie à cause de cela… »
« Oui, il y a même des légendes sur des hommes possédant des classes rarissimes et finissant fous et désespérés car ils ne trouvaient aucun maître pour leur enseigner. »
Palkor vit une ombre passer sur le visage de Marlon et décida de reprendre sur le sujet des Runes.
« En attendant, je peux t’en apprendre un peu…il existe trois grandes familles de Runes, toute dérivées d’un langage antique qui a disparu dans les méandres du temps et dont seules des mentions hasardeuses sont faites dans les textes anciens dont nous disposons. Il y a les Runes Sanguines, tirant leur pouvoir du sang, et qui sont considérées à raison comme maléfiques à travers tous les royaumes connus. Seuls quelques mages les utilisant ont existé à travers les siècles, et tous ont connus une fin sanglante. Elles sont connues pour augmenter le potentiel physique de leur utilisateur »
L’attention de Marlon était entièrement dirigée sur les paroles de Palkor, étonné que cette personne ayant l’air d’avoir à peu près son âge en connaisse autant.
« Ensuite viennent les Runes Draconique, celles que tu pratiques. Elles sont très rares, autant que ceux qui peuvent les comprendre et les manier, car les Dragons sont un peuple très secret, encore plus que Forgeciel, ce qui est plutôt révélateur. Elles tirent leur puissance du mana ambiant et surtout de l’Abstrait. D’après les informations glanées au fil des siècles, elles sont principalement axées sur la création de sortilèges. Magnus en était un fervent utilisateur. »
« L’abstrait ? »
« La capacité de mettre en forme le monde environnant par sa volonté. Une chose très incomprise par la race humaine mais un peu plus répandu chez les autres. »
Palkor parlait de l’intention, celle qui permettait de réaliser divers effets avec les mêmes runes. Mettre en forme le monde…tournure de phrase qui fit rêver Marlon, mais dont il cacha toute expression à son interlocuteur.
« Enfin, le dernier type est le type Astral. Ce sont les runes que nous pratiquons à Forgeciel. Elles ne nécessitent pas d’intention, c’est plus un alphabet magique permettant de modeler le mana et son fonctionnement en fonction du matériau qu’il traverse. Mais cet alphabet représente la base même de notre société. Il définit notre magie, nos arts du combat, notre manière de gérer la terre, c’est un peu…complexe. Ces runes sont principalement utilisées pour créer des artefacts, elles ne peuvent créer de sort comme les tiennes, pas quelque chose d’éphémère en tout cas… »
« Vous injectez du mana aussi pour activer ces runes ?
« Aucunement. Nous avons juste à utiliser une pensée qui déclenche la rune, et elles se nourrissent ensuite soit du mana ambiant, soit du mana injecté. Et quand tu intégreras l’Académie, d’ici quelques jours, tu comprendras bien plus comment et pourquoi ces runes sont la base même de notre cité. »
« Et c’est pour cela que vous êtes si renfermés sur vous-même ? Parce que vous ne voulez pas partager ces runes ? »
Palkor se renfrogna, et le ton de sa voix se fit un peu plus sec envers Marlon.
« Je comprends que tu sois ignorant de ces questions, mais ne juge jamais avant de connaître le pourquoi du comment. Si nous vivons comme cela, c’est pour de bonnes raisons, mais chaque chose en son temps. »
Beaucoup d’informations en très peu de temps. Marlon adorait cela, et il continua à poser les questions qui lui venait à l’esprit alors que Palkor continuait à siroter ce qui semblait être une infusion.
« Tu me parlais de l’Académie…peux tu m’expliquer un peu plus son fonctionnement ? »
Marlon finit par porter la tasse de breuvage à ses lèvres et but une gorgée, ses yeux s’écarquillant alors qu’un goût riche et profond saturait totalement ses papilles gustatives et envahissait son palais, lui procurant un plaisir instantané et réel. Alors que Palkor allait lui répondre, il ne put s’empêcher de demander :
« Avant toute chose, quelle est cette boisson ? C’est succulent ! »
« Du thé herbal avec un peu de miel. Les herbes sont toutes cultivées ici à Forgeciel…et pour répondre à ta question, l’Académie est le lieu où se forment les forces vives de Forgeciel. »
Il organisa ses pensées pendant quelques secondes avant de continuer.
« Il y a deux branches principales à l’Académie. La branche magique, comprenant toutes les formes existantes de magie que nous maitrisons ici à Forgeciel, et la branche militaire, qui forme les futurs soldats de la cité. Il y a une autre école, destinée à former les autres corps de métier, mais le prestige est moindre, même si la formation est toute aussi pointue. Pour la branche magique, il y a plusieurs sous-branches. Je fais partie de celle des Forgeurs, qui fabriquent des Sangsues, des artefacts utilisant les runes Astrales pour obtenir des effets complexes et plus ou moins puissants. »
« Vous êtes des sortes de mages forgerons, en quelque sorte ? »
Palkor grogna devant la comparaison simpliste, mais il laissa passer.
« Si tu veux…c’est simplifié à l’extrême, mais passons. La branche militaire, elle, se base sur les runes Astrales pour enseigner les arts du combat à tous ceux qui le veulent. Moi-même, je suis quelques enseignements là-bas. »
« Pas de limitations dues aux classes, donc ? »
« Pas tant que tu es suffisamment doué pour assumer le double enseignement. Ce n’est pas parce que tu n’as pas une classe d’épéiste que tu ne peux pas apprendre à te battre à l’épée. Tu n’en auras pas les compétences, c’est tout …et encore ! C’est restrictif, épuisant et très difficile, mais nous ne sommes pas réputés pour rien. Si l’Empire nous jalouse et veut prendre le contrôle de Forgeciel depuis des siècles, c’est exactement pour cette raison. »
Palkor se leva de sa chaise, finissant sa tasse de thé et paraissant agacé brusquement, sans raison aucune.
« J’ai répondu à beaucoup de tes questions, Revenge. Maintenant je vais rattraper le temps perdu et reprendre mes expériences. Je me dois de travailler dur justement car je veux être le meilleur Forgeur qu’ait connu cette cité. »
Un sourire moqueur parut sur les lèvres du runiste et il ne put s’empêcher de rétorquer :
« Pour rendre ton père fier, peut-être ? »
Un éclair de colère traversa les yeux de son interlocuteur, qui répondit tout de même.
« Tout le contraire…pour lui prouver que je suis bien meilleur que lui…mais cela ne te regarde pas. Ta chambre se trouve au premier étage, première porte à droite. Les sanitaires sont au fond du couloir ainsi que la salle d’eau, et la cuisine est juste attenante à ce salon. Fais comme chez toi, demain je te réveillerais au Premier Jet pour te faire visiter les zones autorisées de la ville. Je ne vais pas te tenir la main pendant tout le temps où tu seras là. »
« Je croyais que tu devais faire un rapport quotidien ? »
Des jurons s’échappèrent de la bouche de Palkor, qui semblait avoir oublié ce détail.
« Passons un marché. Tu te tiens tranquille et tu me laisses travailler, et mes rapports seront positifs quant à ton comportement et pas trop détaillés, d’accord ? J’ai trop à faire pour me soucier de peccadilles de ce genre. »
Marlon hocha la tête, trouvant l’assiduité de Palkor exagérée, mais vu que cela lui rendait service, il se garda bien de s’en plaindre. Ce dernier partit et se retourna une dernière fois avant de disparaître dans le couloir.
« Au fond de ce couloir, sur la droite, il y a une porte tout le temps fermé. C’est mon atelier privé. Je te serais reconnaissant de ne pas tenter d’y rentrer. »
Puis il s’éclipsa, laissant un Marlon perplexe quant à la personnalité de celui qu’il venait de rencontrer. Plutôt étrange pour le fils du chef d’une cité telle que Forgeciel.
Le runiste était pressé d’aller visiter la ville le lendemain, mais il voulait surtout avoir des nouvelles de Luna et de son médaillon où Loki était enfermé, même si ce dernier était encore en hibernation, ce qui était une très bonne nouvelle.
Il lui fallait prendre son mal en patience et il se dit qu’il allait visiter lui-même la bâtisse dans laquelle il se trouvait, vu que son hôte avait quelque peu négligé ses obligations de ce côté-là.
Il commença par la cuisine, qui était petite mais fonctionnelle. Il fut surpris de trouver un garde-manger réfrigéré dans lequel de la nourriture reposait. Il était curieux de trouver la provenance de l’air glacé qui jaillit de la porte du meuble semblant lui aussi taillé dans la pierre, comme tout ce qui se trouvait dans Forgeciel apparemment.
Il repéra vite les runes qui devaient permettre à cet artefact de fonctionner et fut impressionné par le niveau atteint grâce à ces runes, n’ayant rien vu de semblable à Delia et se doutant que cela faisait partie des choses gardées jalousement par la ville.
Il inspecta avec la même curiosité la plaque de cuisson, qu’il pouvait activer en passant la main sur des gemmes de couleurs différentes, réglant la force des flammes qui jaillissaient du fourneau ainsi que la chaleur du four encastré dans le meuble.
Il allait pouvoir améliorer fortement son niveau de cuisine avec ce genre d’outillage, et il hocha la tête d’un air satisfait avant de continuer son auto-visite de la maison qui allait probablement être la sienne pendant un sacré bout de temps.
Les sanitaires étaient classiques, munis, là aussi de runes pour faciliter l’évacuation des déchets et le nettoyage de l’appareillage, ce que Marlon trouva très malin. L’on aurait facilement pu se croire sur Terre quelque part aux alentours du 21ème siècle si ce n’était que tout fonctionnait grâce aux runes.
Enfin il se dirigea vers la salle de bains et prit une douche brûlante pour se nettoyer de la crasse accumulée les jours précédents, oubliant par la même occasion cette sensation de froid mordant qui ne l’avait pas quitté jusqu’à son arrivée à Forgeciel. Son esprit se sentit soulagé de se sentir propre, et il revêtit une tenue qui avait été disposée sur un présentoir, à son intention.
Son nom était écrit sur un bout de papier posé sur la tenue pliée, aussi était-il sûr de ne pas se tromper, et la couleur noire des habits qu’il enfila ne le dérangea pas le moins du monde.
La matière était quelque peu rêche, mais une odeur de propre se dégageait des habits et il soupira longuement en se sentant enfin un peu plus à l’aise.
Il se dirigea finalement vers sa chambre, se demandant quand Than ou les soldats lui rendraient son attirail de profession ainsi que son sac et le reste de ses effets personnels. Il n’avait rien avec lui, et il espérait simplement ne pas avoir besoin de tout racheter, car il comptait bien sur son séjour à Forgeciel pour continuer à progresser dans tous les domaines possibles.
Et vu le portrait que venait de lui dépeindre Palkor quant à la place et l’importance de l’éducation dans cette société, il serait étonnant qu’ils ne lui rendent rien.
Il finit par monter dans la chambre et fronça les sourcils devant le manque flagrant de décoration de la pièce. Un matelas était posé à même le sol et une petite table de chevet y était attenante, mais aucune peinture n’avait été mise sur les murs, aucun cadre n’égayait l’endroit.
A Delia, même si les décorations n’étaient pas du plus haut niveau, le fait que presque tout soit construit en bois donnait une chaleur et une ambiance qu’il ne retrouvait pas du tout ici, dans cette cité taillée à même le volcan.
Il avait voulu interroger le fils du Forgeur quant à ce côté explosif de la cité mais ce dernier ne lui en avait pas laissé le temps.
Il s’allongea sur le matelas qui s’avéra être confortable, et ferma les yeux en pensant à ce qui l’attendait les prochains jours, refaisant mentalement la liste de ses priorités et priant intérieurement pour qu’une catastrophe ne lui tombe pas encore dessus.
Il devait tout d’abord récupérer son matériel. Puis voir ce qu’il était advenu de Luna et de Loki, et les récupérer tous les deux, si possible. Il se sentait seul sans eux, et surtout sans Luna, avec qui il avait traversé des épreuves qui sans elle se seraient transformées en exécution sommaire de sa personne.
Ensuite, prier pour qu’une crise de folie ne s’en prenne pas à lui pour le moment, car il ne pouvait pas dessiner de runes sans son matériel, et une nouvelle crise en ce moment serait certainement mortelle pour lui.
Puis enfin il devrait s’intégrer à cette ville étrange, conservative et enfermée sur elle-même, améliorer ses compétences au maximum et gagner leur confiance.
Jusqu’au stade où il serait autorisé à sortir de la cité et pourrait enfin tenter de s’enfuir.
Pour aller où ?
L’île Onirique. C’était là-bas que se trouvaient la plupart des réponses aux questions qu’il se posait, et même si cela devait lui prendre du temps, il serait patient et attendrait la meilleure opportunité pour s’en saisir.
Après tout, il s’était sorti de situations bien pires, et dans le cas de figure le plus sombre, il pourrait toujours prendre Palkor en otage pour faire céder Than, le Forgeur, et le pousser à le libérer sous peine de voir son fils se vider de son sang…
Rien de trop compliqué, somme toute…