Les Mondes Epars
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Chapitre 5 – Le monde de Glyndal (5)
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Ils partent pour leur nouvelle mission à l’aube malgré les plaintes de Lucie à propos de cet horaire matinal. L’idée est simple : accompagner les pionniers jusqu’à leur clairière puis là, patrouiller le périmètre en éliminant la moindre menace rencontrée. Les hommes d’Aldric les guident à cinq cents mètres du campement, où de nombreux outils et engins traînent, prêts à reprendre du service. Yann et Lucie décident de se séparer du groupe dès leur arrivée. Pour une raison que Yann ignore, elle désire remplir le plus vite possible leur mission.

A peine un quart d’heure que leur patrouille a commencé, qu’ils croisent le premier hokal de la journée. Ils réitèrent la même stratégie que lors du dernier combat : Lucie charge la créature et Yann arrive à sa rescousse en la prenant à revers. Leur tactique s’avère efficace, la créature expirant l’instant suivant mais la barrière de Lucie encaisse le coup en perdant une vingtaine de points. Pas de quoi la mettre en danger mais l’enchaînement probable des combats dû à la nature de leur mission les obligent à élaborer un nouveau plan de bataille plus économe sur cette question.

Ils ne tardent pas à l’appliquer, une centaine de mètres plus loin. Un hokal s’approchait de la clairière des pionniers jusqu’à ce qu’ils l’interceptent. Yann fait face à la créature tandis que Lucie en retrait se positionne de manière à intervenir au besoin. L’hokal, apercevant l’isolement de Yann, exploite cette faille en lui bondissant dessus. Ce dernier, serein, prépare sa réception en gardant sa position, et brandit son pieu planté dans le sol devant lui. La créature s’empale dessus. Stoppée nette, elle n’inflige que des dégâts mineurs à Yann. Son rôle d’appât terminé, il laisse sa place à Lucie, qui surgissant de l’angle mort de la créature, lui enfonce son épée. Elle l’entaille deux fois avant que l’hokal ne se retourne vers elle. Yann, délaissé, l’attaque à nouveau. La créature ainsi harcelée, rend son dernier souffle sans avoir pu mener une seule contre-attaque efficace.

Les deux compagnons, heureux de la réussite de leur stratégie, se congratulent de sa bonne application. Yann lors de la vérification de ses statuts, remarque une évolution sur celui de l’arme :

Statut d’arme

Potentiel : 2/5

Seuils : +1 force (1), +1 résistance (3), +10 barrière (5)

L’augmentation de son potentiel le surprend. Il s’attendait à plus de régularité pour obtenir ces fameux points de potentiel. A part son premier point fulgurant, il a mis quelques combats avant d’obtenir son deuxième. Intrigué, il interroge Lucie à ce sujet :

« Est-ce que c’est normal que je n’obtienne que maintenant mon deuxième point de potentiel ?

– C’est compliqué de répondre à cette question… En théorie, le gain de potentiel dépend de plein de paramètres dont je t’épargne les détails, moi-même n’ayant pas saisi l’ensemble des explications. Pour faire simple, la clef pour accumuler du potentiel est la diversification. Si tu ne combats que des hokals en boucle, tu risques de stagner. C’est pour cela que les explorateurs voyagent de monde en monde, afin d’éviter ce plafond.

– Les explorateurs ?

– C’est le nom qu’on donne à ceux qui comme nous parcourent les mondes épars. Pour revenir à ta question, je dirai que oui et tu auras besoin de plus en plus de combats pour les débloquer… Jusqu’à ce que tu changes de monde.

– Donc au final, je rattraperai un éventuel retard ?

– Exactement. Si tu veux un conseil, ne te préoccupe pas de ça pour le moment. Laisse-moi gérer et profite de mon expertise !

– Si tu le dis… Mais une chose m’interroge après tout ce temps, comment la grande experte que tu es, peut connaître autant de choses et pourtant en être au stade de débutante comme moi.

– Ah… dit-elle d’un sourire gêné. En fait, c’est ma famille qui m’a inculqué tout ça mais je n’ai jamais pu vraiment le voir par moi-même… D’où cette impression… En réalité, depuis que mes parents m’ont appris l’existence de ces mondes, je rêve de les explorer, de les parcourir et de tout savoir sur eux. Ce qui explique ton embauche…

– Et pourquoi ne pas leurs avoir demandé ?

– C’est… compliqué avec eux…

– Ah d’accord… acquiesce Yann gêné par sa réaction. Tant que nous sommes dans les questions diverses et variées, je me demandais aussi pourquoi nous devons porter ces vêtements… rudimentaires et non pas des habits de notre monde ?

– Ah ça, la raison est simple : notre éther intègre les matières des mondes épars. Ainsi, quand les créatures nous attaquent, ils ne se déchirent pas au contraire de ceux de notre monde. Et je préfère éviter de me trimballer à poil dans un monde sauvage après avoir affronter une créature.

– Je comprends mieux. Je me doutais qu’il y avait une raison mais rien d’aussi… terre à terre.

– Eh oui ! Bon, assez papoter, nous avons encore des créatures à abattre sur ce monde ! Nous nous reposerons après avoir occis le gardien !

– Rien que ça ! »

Sous les ordres de Lucie, ils s’enfoncent à nouveau dans les bois à la recherche d’autres créatures à éliminer.

A la fin de la matinée, à leur retour au campement, ils avaient tué trois hokals supplémentaires. Chaque spécimen se trouvant plus loin du précédent, ils supposent que leur travail de sécurisation des pionniers fonctionne. Lorsqu’ils partagent leur point de vue avec Aldric, ce dernier va dans leur sens :

« Effectivement c’est plutôt bon signe, surtout si vous me dites que le dernier hokal que vous avez rencontré se situait aussi loin de notre position. Nous allons bientôt être débarrasser de ces bestioles !

– Qu’est-ce qui vous rend si optimiste ? Demande Yann, circonspect.

– D’après mon expérience, ce type de monde n’abrite au mieux qu’une vingtaine de créatures. De plus, elles ne se régénèrent que très lentement donc à ce rythme-là, demain vous avez fini.

– Mais comment pourrions-nous affronter le gardien dans ce cas ?

– Haha ne vous inquiétez pas, vous serez prêt et si jamais ça vous rassure mes gars seront pas loin au cas où. »

Rassuré par la quiétude de l’expérimenté contremaître, il s’attable avec Lucie au milieu des ouvriers. Celle-ci à l’aise discute avec eux sur des sujets aussi variés que leur vie sur leur monde d’origine ou leur travail ici. Elle leur raconte leurs péripéties de la matinée, ce qui suscite les éloges de son auditoire. Face à cette scène, Yann, perplexe, s’interroge sur sa personnalité. Il n’arrive toujours pas à la cerner. Après tout, quel genre de personne en possession de trois cents millions d’euros rêve de vadrouiller dans un endroit aussi dangereux avec ces conditions rustiques ? Le tout en acceptant de se mêler avec des gens aussi simples ? L’interrogation restera en suspens aussi longtemps qu’elle s’enfermera dans son mutisme sur sa situation.

Le repas se déroule sans accroc et les voilà de nouveau d’attaque pour entamer leurs rondes de l’après-midi. Ils abattent sans difficulté un hokal au début d’après-midi. Au milieu de celui-ci, alors qu’ils trouvaient le temps long, un sifflet les alerte d’un événement sur le campement. Yann se tourne vers Lucie qui lui explique :

« Un court, un long, c’est le signal qu’ils se font attaquer. On y va ! »

Ils se précipitent à travers la forêt qui leur paraît dense. A quelques dizaines de mètres du camp, une créature leur bloque le passage, comme si elle en gardait l’entrée. Lucie crie à Yann :

« Vas-y, laisse-le moi, je gère ! Occupe-toi de défendre le camp ! »

Il hésite un instant puis se rappelle que tergiverser ne sert à rien. Tant pis si la décision lui semble mauvaise, il obéit et se dirige vers le camp. Il quitte Lucie au moment où elle saute sur la créature. Au milieu du camp, il remarque un corps à terre dont il s’approche. Il vérifie son pouls et soulagé, constate la respiration. Il relève le pionnier qui recouvre ses esprits progressivement :

« Que s’est-il passé ?

– Des hokals ont débarqué au milieu du camp. Nous nous défendons comme nous pouvons mais sans arme comme les vôtres, nous n’espérons que gagner du temps jusqu’à votre arrivée.

– Où sont-ils maintenant ?

– Un à rebrousser chemin et deux autres poursuivaient mes compagnons vers la clairière où ils cherchaient à s’abriter. Laissez-moi et aller les secourir. »

Avec ces informations en sa possession, il se dirige vers l’endroit indiqué. Sur le chemin, il réfléchit à toute vitesse. Comment les créatures ont-elles pu atteindre le camp alors qu’auparavant ils n’ont jamais été dérangés ? Est-ce leur faute ? Y a-t-il des morts ? Il déglutit avec cette dernière pensée. Il se rappelle d’avoir abandonné Lucie contre une créature. Enfin, elle lui a demandé de partir devant, se rectifie-t-il. Elle devrait s’en sortir contre l’une d’entre elles. Normalement. Au moins, c’est lui qui se chargera du plus dur : les deux hokals. Après tout, il faut bien qu’il justifie son salaire un moment donné. Lorsque la clairière apparaît au loin, il distingue des corps disséminés un peu partout. Les hokals ont fait des ravages. Par chance, ils sont au mieux sonnés, au pire, assommés. Un peu plus loin, des cris attirent son attention. Il court dans leur direction. Là, il observe une créature en train de s’acharner sur un des pionniers. Sans réfléchir, il brandit son arme droit devant lui et charge. La créature l’ignore. Ce n’est que quand il l’atteint qu’elle abandonne sa proie. Pour se rassurer, Yann se parle à lui-même :

« Hé-hé, c’est entre nous deux, affronte un adversaire pouvant se défendre au moins. »

La créature se retourne et griffe devant elle. Yann esquive d’un pas chassé. D’instinct, il se jette au sol. Une ombre le survole et atterrit deux mètres plus loin. Sans qu’il ne s’en rende compte, son cerveau avait capté le bruit de la deuxième créature ce qui lui a permis de l’éviter. Il se relève juste à temps pour parer l’assaut du premier hokal. Au prise avec deux créatures, seul, il ne voit pas comment s’en sortir. Par miracle, il parvient à ne pas prendre de lourd dégâts qui signifierait sa fin mais il n’en inflige pas davantage aux créatures. Constatant l’échec de leur offensive, elles changent d’attitude : l’une se positionne en retrait tandis que l’autre reste au contact de Yann. Ce dernier saisit sa chance. Il plante à trois reprises l’hokal. La créature tente de reprendre l’avantage en mordant Yann. Il bloque sa mâchoire avec aisance et transperce de nouveau le torse de l’hokal. Convaincue de sa faiblesse, la créature recule parant au mieux les coups décomplexés de Yann. Il parvient à lui planter son pieu dans le crâne de la créature. Sous le choc, elle panique, se retourne et bat une retraite. Sans succès, Yann la terrassant avant qu’elle ne fuie. Son adversaire mort, il cherche du regard son second opposant. Une masse le percute de front. Il s’écroule au sol. Bloqué sous le poids de la créature, il ne parvient pas à se défendre tandis qu’elle le mord et le griffe comme pour venger sa congénère.

Il regrette de s’être fait avoir comme un débutant en croyant naïvement que la seconde créature avait abandonné. Au moment où il commence à perdre espoir, un cri suivi d’une rafale de coups surgissent de nulle part. Une furie s’abat alors sur la créature qui, prise au dépourvu, s’effondre l’instant suivant. Pour la seconde fois en deux jours, un visage familier lui tend sa main pour le relever :

« Heureusement que je suis arrivée à temps !

– Pile à l’heure si j’ose dire, essaye Yann pour détendre les retrouvailles. Tu t’es débarrassée facilement de l’autre ?

– A vrai dire j’ai mal commencé mais un pionnier à détourner son attention ce qui m’a permis de le prendre par surprise. Je suis étonnée que tu aies réussi à survivre face à deux de ces créatures…

– Survivre est un bien grand mot… Trêve de bavardage, nous devons comprendre la situation… Est-ce qu’il y en a d’autres ?

– Heureusement pour nous, non ! Intervient une voix rauque, celle d’Aldric. Nous avons sous-estimé ces créatures… A force de routine, nous avons baissé nos gardes…

– Vos hommes vont bien ? S’inquiète Lucie.

– Dans l’ensemble oui, la majorité est plus choquée que blessée. Pour les autres, un séjour à l’infirmerie s’impose mais rien de bien grave.

– Comment cette situation a-t-elle pu se produire, vous semblez confiant pourtant ?

– Comme je l’ai dit, nous nous sommes trop cru en sécurité… J’avais envoyé des hommes récupérer une des carcasses mais ils se sont fait surprendre par un hokal. Ils ont fui mais durant celle-ci manque de bol pour eux, ils sont tombés sur plusieurs d’entre eux. Ils sont parvenus tant bien que mal à leur échapper mais ces imbéciles les ont guidés jusqu’au camp… Et vous devinez la suite…

– Ils s’en sont sortis ? S’étonne Lucie.

– Même si nous ne sommes pas des combattants, nous maîtrisons quelques techniques pour nous échapper. C’est pas tout ça mais j’ai un camp à remettre d’aplomb et des gars à soigner. Si vous voulez bien m’excuser. »

Sur ces paroles, il les abandonne pour faire l’état des lieux suite à l’attaque. Yann en profite pour vérifier son niveau de barrière avec appréhension. Ses craintes sont confirmées avec un terrifiant 24/100 qui s’affiche. Pour la première fois, il a vraiment échappé à la mort. Il partage son impression avec Lucie qui lui répond :

« Fais attention, en dessous de 20 % de barrière restante, tu peux recevoir des dégâts qui t’impacte vraiment, au début c’est seulement des contusions ou des hématomes mais ça peut vite devenir des membres brisés…

– J’aurai bien aimé l’apprendre plus tôt…

– Je n’aurais pas pensé que nous approcherions cette limite dans ce monde…

– Passons… Nous devrions attendre ici, voir si d’autres créatures rappliquent et réfléchir à la suite.

– C’est tout réfléchit, demain nous abattons le gardien ! Maintenant nous sommes rodés contre ces molosses ! »

Yann soupire, l’enthousiasme mal placé de Lucie le dépite après ces déboires.

Ils finissent la journée dans l’étrange calme qui suit une bataille, sans autre mauvaise rencontre.



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