Vingt minutes après qu’Arthur le fort se fut éloigné de la réserve de super pierre malnérale, celle-ci explosa. Quatre-vingt-dix mille skavens périrent à cause de la déflagration, ils avaient construit leur ville juste en dessous de la réserve. Or la pierre malnérale était un explosif d’une puissance phénoménale. De plus les skavens n’avaient rien trouvé de mieux que de construire leur ville Kirkis très près de la réserve de pierre. Cette mesure était motivée par la paranoïa des chefs skavens, qui voulaient disposer d’une puissante arme pour réprimer les mouvements de révolte. D’un autre côté Kirkis avait connu plusieurs incidents tragiques, à cause de sa proximité avec les entrepôts de pierre.
Le fort transporta son supérieur hiérarchique à la surface, il ne rencontra personne car les rares skavens survivants essayaient de grapiller du pouvoir dans les décombres souterrains en ruine.
Glil le lieutenant était rempli de rage, Arthur le fort poussa la condescendance jusqu’à l’épargner lors de leur duel, et à le porter sur son dos pendant une bonne partie du trajet jusqu’à la surface. Dans l’esprit torturé du lieutenant, la principale raison de ce geste n’était pas liée à de la gentillesse, mais à la volonté de générer une profonde humiliation.
En effet pour Glil, son ennemi le fort était un être détestable, qui saisissait toutes les occasions possibles de le rabaisser. Il complotait pour prendre sa place de lieutenant, ou au moins jeter le discrédit sur lui. Mais Glil n’avait pas l’intention de se laisser faire, il allait réagir en prenant des mesures énergiques, son premier geste avait été de tuer sauvagement le voyant à qui il avait eu la faiblesse d’accorder sa confiance. La deuxième étape de ses manigances consistait à dresser un portait sombre d’Arthur au général Lancelot, à révéler l’insubordination et l’attitude indigne du fort, durant la mission dans les souterrains creusés par les skavens. Certes à première vue le fort se montra courageux, mais il n’était qu’un sale prétentieux imbu de sa personne d’après Glil. Pour le lieutenant le fait qu’Arthur n’ait pas accepté de se faire embrocher relevait d’une terrible faute de mauvais goût. Entendu il était le premier à avoir dégainé son épée, mais il s’avérait dans son bon droit.
En tant que membre de l’élite il avait un droit de vie ou de mort sur les simples soldats, il méritait de sélectionner de façon arbitraire et unilatérale les subordonnés qui avaient la possibilité de continuer à être vivants. Puis il se reprit, s’il servait ce genre d’arguments complètements absurdes à Lancelot il serait certain qu’il provoquera une réaction de pitié, voire de consternation chez le général. Il arrivait que Glil ressente des sensations puissantes grâce à l’héroïne, mais il délirait par moment à plein régime à cause de la drogue.
Quand il s’adonnait à la consommation de certaines substances, il avait l’impression d’être un elfe particulièrement intelligent et une force de la nature, même s’il subissait des délires plutôt poussés. Le lieutenant avait quand même assez de contrôle sur lui-même pour arriver la plupart du temps à réfréner ses accès de loufoqueries. Par contre cela n’empêcha pas la tente du général de servir de lieu pour une discussion jugée déconcertante par Lancelot, qui devait lutter contre la tentation de jeter son paquet de cartes à jouer sur la figure de Glil.
Lancelot : Donc si j’ai bien compris tu me demandes de traduire en conseil de guerre Arthur, parce qu’il a eu un comportement indigne.
Glil : Tout à fait, non seulement il a désobéi à mes ordres, mais il a levé la main sur moi.
Lancelot : Je ne vais pas punir Arthur mais au contraire le récompenser. Il aura le droit à la décoration de l’emblème royal pour sa bravoure, et une promotion au rang de sergent.
Glil : Mais je ne comprends pas mon général, Arthur a déshonoré votre armée.
Lancelot : D’après deux survivants de la mission, tu as fait passer ta survie au détriment de ton objectif principal. Quant à la proposition d’Arthur de se séparer durant la mission, elle était judicieuse.
Glil : Je ne vois pas comment des cibles isolées constituent un meilleur parti qu’un groupe compact.
Lancelot : Cinquante personnes qui partent dans cinquante directions différentes, c’est plus difficile à attraper qu’un groupe compact.
Glil : Même en admettant qu’Arthur ait eu raison de désobéir, il reste quand même coupable de coups et blessures à mon encontre.
Lancelot : Arthur a dit que tu avais été pris de folie et que tu l’as attaqué le premier. Comme j’ai plus confiance en lui qu’en toi, je ne lui tiendrais pas rigueur de t’avoir assommé.
Glil : Je dépose un recours contre la promotion d’Arthur, vous commettez une belle erreur en lui permettant de devenir sous-officier, sauf votre respect mon général.
Lancelot : À ta place je ne ferai rien, si tu portes plainte contre Arthur cela te couvrira de ridicule.
Glil : Pourquoi protégez-vous une tête brûlée, un élément instable comme Arthur ?
Lancelot : Parce qu’il est prometteur contrairement à toi. D’ailleurs tu peux t’estimer heureux de ne pas être puni sévèrement. Heureusement pour toi, ton père fait partie de l’entourage de sa haute-majesté Esinaé.
Glil en était maintenant certain, Arthur commerçait avec des démons. Et il envoyait ses agents infernaux pour prendre le contrôle de l’esprit de gens influents. Alors le lieutenant se dit qu’il devait recourir aux services d’un exorciste. Le fait que Lancelot soit aussi imperméable au bon sens concernant le fort ne pouvait venir que du résultat d’une possession démoniaque d’après Glil. Pour le lieutenant la menace que représentait Arthur s’avérait gigantesque, il fallait prendre des mesures désespérées.
Il serait sans doute nécessaire de mener une immense chasse aux agents des puissances de la ruine. Cela signifierait des procès retentissants, des familles ruinées et des scandales monumentaux sur les elfes. Mais selon Glil c’était une procédure impérative. Il pensait que le salut de centaines peut-être même de milliers d’âmes reposait sur ses épaules. Le lieutenant jugeait que plus il attendrait pour faire chuter Arthur plus il mettrait en péril de nombreux gens. Il se trouva une pseudo mission sacrée qui rachèterait sa félonie à l’égard des skavens. En prouvant qu’Arthur était un agent des divinités de la destruction, le lieutenant considérait qu’il redorerait son blason à l’égard du dieu de la lumière.
Certes le fort sauva sa vie, et contribua à faire échec aux skavens, des individus souvent nuisibles pour les elfes. Mais Glil ne s’y trompait pas, Arthur œuvrait pour une faction redoutable liées aux ténèbres. Il était un agent d’élite des forces de la damnation. D’accord le lieutenant n’avait aucune preuve ou même début d’indice pour justifier un procès contre Arthur. Cependant il chercherait avec énergie afin de faire chuter un ennemi vraiment dangereux. Néanmoins cela prendrait peut-être beaucoup de temps avant de faire chuter le fort, il y avait donc une nécessité d’agir d’une façon exceptionnelle.
Glil avait donc l’intention de déposer de fausses preuves afin de provoquer une procédure judiciaire contre Arthur. Toutefois il restait un facteur gênant, comment se procurer des éléments en rapport avec des cultes vus comme hors-la-loi par les elfes ? Glil manquait de contacts avec les criminels, surtout depuis que le sorcier skaven qui le corrompit se fit écraser par des rochers. Le lieutenant n’appréciait pas la nouvelle du décès du sorcier, mais il était assez orgueilleux pour croire que ce n’était qu’un incident passager.
Le lieutenant se dit qu’il ne pourrait pas demander franchement à entrer dans une secte. Il s’imaginait que la manière de frayer avec les puissances de la ruine était assez compliquée, lorsque les informations se bornaient à des récits issus de rumeurs. Glil avait l’impression d’être dans une impasse. Si seulement il avait mieux écouté les cours religieux dans son enfance, il bénéficierait alors peut-être d’un moyen de porter la justice divine contre le fort.
De toute façon il en conclut que même en se renseignant avec acharnement, il n’aboutirait pas à forcément à la réussite. Et puis il serait indigne de son rang social de frayer avec des moins que rien désespérés, donc il abandonna l’idée de se lier avec un culte des ténèbres. Il agirait au grand jour et de manière légale, il ferait éclater la vérité de façon irréprochable. Même si Arthur était un champion des ténèbres, Glil se voyait comme un allié de la lumière, donc il était tout à fait capable de l’emporter sur le long terme. Pour l’instant il peinait, toutefois il recevrait tôt ou tard un soutien divin dans sa noble quête de lutte contre le fort.
Les délires du lieutenant ne passaient pas totalement inaperçus, une sombre entité remarqua ses loufoqueries. Et elle appréciait bien les débilités mentales de Glil, ce dernier au nom de sa vision déformée risquait d’apporter beaucoup de divertissements et aussi de nombreuses âmes à corrompre.
Arthur en devenant un sergent accéda à de nouvelles possibilités. Il fit une fête mémorable avec ses nouveaux subalternes pour commémorer sa promotion, il passa une nuit blanche à boire, manger et danser à la belle étoile avec des soldats. Il découvrit qu’un de ses subordonnés trafiquait avec des mercantis, des marchands qui arrondissaient leurs fins de mois en se livrant à la vente de marchandises parfois à des tarifs douteux. Ils offraient de tout du vêtement pour avoir plus chaud l’hiver à la fille de joie destinée à agrémenter le repos du guerrier. Arthur passa sous silence les arrangements de son caporal en échange de contacts et d’une part du gâteau, de dix pour cent des bénéfices sur les ventes d’habits et de couvertures.
Toutefois il interdit formellement au caporal d’encourager de la prostitution. Arthur n’aimait pas les mercantis mais il reconnaissait que leurs services étaient souvent essentiels, et puis en les encadrant, il diminuait leurs dérives. Il était conscient que des compromis étaient nécessaires pour combattre certaines compromissions graves.