Nefolwyrth
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Chapitre 36 – Face-à-face divers
Chapitre 35 – La lueur brûlante Menu Chapitre 37 – Démon contre démons

-1-

Depuis la zone de combat, on entendait les encouragements des spectateurs. Ceux extérieurs au tournoi qui avait assisté aux affrontements du premier tour s’étaient déjà trouvé un favori pour le match qui s’annonçait.

Léonce s’avança le premier.

Léonce : « Je vais reprendre un hachoir, mais pas trop effrayant de préférence. »

L’arme qui apparut entre ses mains n’était pas bien différente de la précédente. Un hachoir de la taille d’un adulte ne pouvait qu’être menaçant.

Néanmoins, la requête spécifique de Léonce avait outré la jeune fille en face de lui.

Dilys : « Dois-je comprendre que tu ne me prends pas au sérieux, espèce de barbare de pacotille ?! »

Elle insista lourdement sur les insultes qui visaient le statut social de mon ami, et le pointait du doigt farouchement.

Son langage amusait le roturier plus qu’autre chose.

Léonce : « Je suis navré, princesse, je ne vous sous-estime absolument pas. Cependant, il serait peut-être plus raisonnable d’abandonner maintenant. »

La fille serra les dents de hargne, puis finit par rire jaune.

Dilys : « C’est ce que je j’aurais fait en temps normal, oui. Mais tu m’énerves. Je ne t’aime pas, et j’ai envie de te faire ravaler cette confiance inappropriée que tu portes à ta petite personne ! »

L’éducation qu’on avait prodigué à la princesse était en train d’être remise en cause par le regard de sa tante.

Luaine : « Surveille ton langage, jeune fille. »

Dilys détourna le regard de l’arbitre, indignée.

Luaine : « Ce sera toujours la hache pour toi ? »

Pendant que la capricieuse princesse nous faisait perdre du temps, Léonce nous saluait, Ellébore et moi, depuis sa place. Son attitude désinvolte montrait bien le peu de sérieux qu’il accordait à ce combat. Il était convaincu de se retrouver en finale.

Un sourire carnassier apparut sur le visage de son adversaire, suivi d’un regard meurtrier.

Dilys : « Non, ma tante, je vais prendre une arbalète. »

Léonce sursauta en entendant ce mot. Il se tourna vers elle dans l’incompréhension.

Dilys : « Oh, mais continue donc de fanfaronner comme tu le faisais à l’instant ! Je vais te montrer où est ta place, misérable insecte ! »

Le stratagème de la jeune fille ne suffit pas à l’intimider.

Léonce : « N’allez pas croire que ça marchera deux fois sur moi. Mais bon… Faites de votre mieux, princesse ! »

L’air railleur de mon garde du corps attisa la fureur de ma cousine. Elle pestait des surnoms douteux à voix basse. Après un tel outrage, Dilys décida qu’elle n’avait plus le droit de perdre.

La duchesse soupira, puis leva le bras, tout en se reculant.

Luaine : « Que ce dixième combat commence ! »

Avec une prise maladroite sur l’arbalète, Dilys lança les hostilités. D’un tir imprécis, elle força Léonce à parer. Mais il ne fit pas la même erreur que la première fois, et s’avança sans peur vers son adversaire, ce qui n’était pas sans impressionner la jeune fille qui s’éloigna aussitôt.

Dilys : « Si tu oses me toucher, je te jure que je ferais en sorte qu’on te coupe la tête ! »

Même si Léonce subissait les menaces injustes de son adversaire, il combla rapidement l’écart avec elle. Il craignait néanmoins depuis le début de tomber face à un enfant du roi. Il avait une relative confiance en notre famille, mais il ne voulait surtout pas s’attirer par mégarde l’hostilité du souverain de ce royaume.

Dilys avait conscience que ce genre de phrases pouvait le troubler, et considérait que tout était bon pour le ralentir. Après tout, la moindre erreur lui serait fatale dans ce combat, elle en avait conscience.

Avec cette idée en tête, elle parvint à trouver une meilleure manière d’empoigner son arme.

Dilys : Je ne pensais pas que recharger serait si dur… Il est si près de moi que je ne peux pas me concentrer !

N’osant pas la frapper de plein fouet, Léonce avançait avec prudence. Dilys pointa enfin son arme chargée vers lui.

Dilys : « Meurs ! »

Elle avait été assez lente pour permettre au sendeuillais d’utiliser son arme pour faire barrage. De cette façon, il était sûr de parer le projectile, quitte à ne plus voir son adversaire pendant un instant.

Hélas pour lui, c’était bel et bien l’objectif de Dilys, et à la surprise du jeune homme, quand il put voir son adversaire à nouveau, plutôt que s’être enfuie le plus loin possible, elle s’était avancée jusqu’à lui.

À bout portant, il ne pouvait que tressaillir. Il avait l’avantage des armes au corps-à-corps, et pourtant, il paniqua.

Dilys : Un perdant comme toi aura toujours des doutes ! Et même si tu n’es qu’une brute épaisse, tu y réfléchiras à deux fois avant de frapper une princesse ! Au moins assez longtemps pour que je puisse en finir avec toi !

L’air malfaisant, elle pointa son arbalète directement contre le torse du jeune homme avant de tirer.

Léonce : Non !

Trop tard. Le coup partit avant même qu’il n’ait pu prendre une décision. Elle avait été beaucoup trop rapide. Le garçon décolla porté par l’effet diogellois, il devina à la violence de l’impact que le coup suffisait à lui faire quitter la zone de combat.

Tout le monde s’étonna une fois de plus de ce revirement de situation, qui nous était cette fois-ci offert par la quatrième princesse de sang. Elle déjouait tous les pronostics, là où même ses frères et sœurs ne s’attendaient pas à sa victoire.

Léonce : Ce tournoi finit comme ça pour moi ? Alors que je n’ai encore rien pu montrer à qui que ce soit… ?

Il se retourna dans son long vol plané, pour apercevoir la zone de chute.

Léonce : J’aurai aimé avoir au moins quelque chose à raconter de ce tournoi… Quelque chose à lui raconter !

Son regard n’était pas celui d’un vaincu. Il était encore près à tenter quelque chose. N’importe quoi qui puisse prolonger ce match.

Avec énormément de concentration, le combattant le plus fort s’apprêtait à nous bluffer.

Il tira précipitamment son hachoir devant lui, pointe vers le sol, se recroquevilla, et posa ses pieds sur la garde de l’arme.

Alors que ma tante se préparait mentalement à annoncer cette victoire surprenante, elle se figea soudainement.

La lame du hachoir se planta profondément et au plein milieu de la faille créée par Efflam. La trajectoire de la projection de Léonce était certes un coup de pouce du destin, mais l’adresse et la précision du garçon relevaient de l’exploit.

Mon garde du corps se trouvait sur l’arme à peine penchée. Il gardait l’équilibre avec ses mains. Il était à plus d’un mètre de la zone de combat, mais il n’était pas hors-jeu.

Talwin : « Qu’est-ce que ?? »

Ellébore : « J-je rêve ! »

Il avait instantanément fait sensation auprès du public. On avait déjà pu deviner avec son premier combat qu’il avait énormément de ressources. Mais ce tour de force était d’un tout autre niveau. L’arbitre ne réagit pas, nous confirmant qu’il n’était pas disqualifié.

Léonce bondit sur le terrain, revenant ainsi dans son duel. Il avait beau être désarmé, il se rendait compte de la chance qu’il avait eu, et à quel point ce qu’il venait de faire était impressionnant. Même avec ce retour in extremis, il montrait un sourire triomphal.

Mais il déchanta vite, et dût esquiver un carreau à très courte distance.

Léonce : « Oh ?? »

Tout comme lui, nous étions stupéfaits. Dilys s’était avancée et avait guetté son retour attentivement.

Brynn : « Dilys est effrayante, parfois… »

Ceilio : « Il n’y avait qu’elle pour prendre en compte la possibilité qu’il revienne sur le terrain. Elle a vraiment décidé de ne lui faire aucun cadeau. »

Eira : « Je ne saurai même pas dire si c’est un de ses défauts, ou l’une de ses qualités… »

Quand tout le monde pensait que le combat était plié, elle s’était rapprochée, et n’avait à aucun moment cessé de le viser.

Mais même si c’était avisé de sa part, elle avait fini par rater son coup. On pouvait penser que malgré tout, l’avoir vu revenir sur le terrain sans son arme l’avait déstabilisée. Peut-être aussi qu’elle avait eu des scrupules à l’attaquer ainsi. La seconde option était peu probable, ceci dit.

Elle rechargea plus vite que jamais. La princesse avait rapidement pris le coup avec cette arme.

Dilys : « Tu es complètement désarmé, abandonne. »

Elle ne tira pas instantanément, mais le menaçait de son prochain carreau.

Léonce réalisa enfin qu’il ne fallait pas prendre cette chipie à la légère, et se mit en mouvement, sachant qu’il n’était actuellement plus qu’une proie.

Dilys : « Tant pis pour toi ! »

Elle tira, et tira encore, à plusieurs reprises. Le garçon tentait de ne pas finir dos à la marche, et s’escrimait à éviter chaque carreau. Nous nous attendions tous à le voir perdre pour de bon d’une seconde à l’autre.

Ellébore : « Est-ce que Léonce peut encore gagner ce combat… ? »

Moi qui comptais l’affronter en finale, je me rendais compte qu’aucun de nous deux n’était sûr d’y aller.

Lucéard : « Je n’ai jamais eu l’intention d’emmener les meilleurs du tournoi dans notre quête. Je serais beaucoup trop inquiet de les traîner dans un endroit aussi dangereux. Mais plus je les vois combattre, plus je me dis que si je les emmenais, ce serait surtout pour Haven Gleymt que je m’inquièterais. »

Cette réflexion fit rire mes voisines.

Dilys : « Je ne suis pas comme cet idiot de Meloar, je ne te laisserai pas t’en tirer ! »

Léonce déglutit à l’idée de devoir prolonger ce calvaire plus longtemps. Néanmoins, il était encore d’humeur à la titiller.

Léonce : « Faites comme vous voulez, mais la seule chose que vous gagnerez sera mon respect ! »

Même dans sa situation désespérée, Léonce continuait de déborder de confiance en lui, ce qui excéda davantage son adversaire. Dans cet accès de colère, elle peina à attraper le prochain carreau.

Le jeune homme à bout de souffle avait entendu cette occasion pendant bien trop longtemps, et sut d’instinct que le moment était venu.

Il fonça vers Dilys, à pleine vitesse, ce qui l’intimida instantanément.

Dilys : « ??? »

D’un coup de pied impitoyable, il désarma la jeune fille.

Dilys : « Ah ! »

Ce cri de surprise était étonnamment mignon. L’arbalète finit son vol quelques mètres plus loin. Après s’être rendue compte que son attitude de pimbêche insensible avait été interrompue, elle retrouva son air mauvais, et tenta farouchement de reculer.

Dilys : « Qu-qu’est-ce que tu vas faire ?? Tu vas t’en prendre à une jeune fille à mains nues ?! »

Léonce ne la laissa pas s’échapper et se retrouva juste devant elle.

Léonce : « Bien sûr que non, princesse ! »

Le fils de jardinier surprit la combattante et la majorité des spectateurs en révélant dans sa main droite un carreau qu’il avait réussi à récupérer au sol pendant l’affrontement.

Talwin : « Pas… PAS MAL DU TOUT ! »

Léonce : « Tu m’auras donné du fil à retordre, mais cette victoire est pour moi ! »

Il tenta alors de la poignarder avec ce carreau diogellois.

Dilys : « Dans tes rêves ! »

La jeune fille venait de parer l’attaque avec une poignée de carreaux qu’elle venait d’extraire de son carquois.

Les grands esprits se rencontrent !

Le choc résulta en une égalité, mais Dilys bénéficiait désormais de l’effet de surprise, et en profita pour envoyer de son bras gauche un coup de poing mémorable qui heurta la joue de Léonce de plein fouet.

La mâchoire de Brynn se décrocha.

Le guerrier au hachoir se retrouva abasourdi par les ressources de la princesse.

Celle-ci venait de vider son carquois, et utilisait les carreaux comme des griffes. Elle était prête à en découdre.

D’une certaine façon, Efflam serait fier d’elle et de sa détermination bouillante.

Dilys : « Tu pensais avoir gagné, hein ? Mais tu as osé me tutoyer. Et tu vas le regretter sale manant ! »

Luaine : « Ça suffit ! »

Le cri sévère de l’arbitre fit sursauter les deux combattants. Dilys regardait d’un air agacé sa tante.

Luaine : « Pour excès de violence en combat diogellois, Dilys est disqualifiée ! La victoire revient à Léonce ! »

Même si c’était un choix logique, nous ne nous attendions pas à voir ce combat se terminer ainsi. Il fallut quelques secondes avant que l’ovation ne commence.

Les combattants regardaient la duchesse, coupés dans leur élan, puis se regardèrent entre eux, hébétés.

Dilys vint alors frapper mollement contre le torse de Léonce.

Dilys : « Dis-lui que je ne t’ai pas fait maaal ! »

Grommelait-elle. Léonce l’attrapa par la tête pour la repousser. La portée de ses bras était insuffisante, mais la princesse continuait de gesticuler, plus rapidement encore.

Luaine : « Ça ne prend pas, Dilys. On ne fait pas de combats diogellois pour se battre comme des chiffonniers. Je ne reviendrai pas sur ma décision. »

Dilys : « Ooooorh ! »

Lasse, la jeune fille ne s’entêta pas, et repartit d’un pas lourd, ce qui amusa Léonce.

Ils revinrent tous les deux dans les gradins, accueillis en héros.

Ellébore : « Je ne m’attendais pas à ce que ce combat soit aussi intéressant ! C’était épatant, Léonce ! Et toi aussi Dilys, tu t’es très bien battue ! »

La demoiselle dont il était question était retournée s’asseoir au fond, seule, pour éviter les remarques de ses frères et sœurs. Quand elle entendit les compliments d’Ellébore, elle se tourna instantanément pour lui faire dos, sans même lui lancer un regard.

Mon amie soupira.

Léonce fixait lui aussi la jeune fille aux couettes, l’air pensif.

Léonce : « Finalement, je n’aurai même pas été capable de la faire sortir du terrain, et la seule attaque que j’ai pu lui porter, elle l’a parée… »

Je me demande bien ce que ça aurait donné contre Klervi.

Ellébore était déjà passé à autre chose, et dévisageait joyeusement l’un des participants.

Ellébore : « C’est le tour de Goulwen, maintenant ! »

-2-

Les quatre participants descendirent après avoir été appelés. Jagu-Jagu commençait à se mouvoir sur le terrain. Face à lui, Goulwen ravalait sa salive, il n’avait plus qu’en tête cette tarte de la victoire.

Aenor restait concentrée, mais ne semblait accorder aucun crédit à ses adversaires.

Une partie du public était déjà rentré chez eux pour le déjeuner. Il ne restait que les plus fervents d’entre eux.

La duchesse de Port-Vespère avait été aux premières loges de beaucoup de scènes intenses, mais son cœur était toujours vaillant.

Luaine : « Choisissez vos armes ! »

Jagu-Jagu tenait ses deux fauchons et gesticulait de façon menaçante face au garçon à la masse.

Jagu : « On va enfin régler nos comptes, Aenor ! Je vais te faire réaliser ma supériorité absolue ! »

La concernée apposa sa main contre son front, et soupira.

Aenor : « Ce gamin est aussi insupportable que bruyant… »

Jagu : « Oh, ben alors ? Tu as peur ? Tu devrais peut-être demander à Goulwen d’abandonner tant qu’il est encore temps ! »

L’artefact d’où émanait la voix, semblable à une pierre précieuse, faisait résonner les provocations criardes de Jagu. On entendait aussi Yuna chantonner en fond.

Goulwen : « Comment puis-je faire sortir cette chose du terrain sans leur faire mal… ? »

Le garçon inspectait Jagu-Jagu avec curiosité.

Jagu : « Hahaha ! Vous êtes impuissants ! Ainsi se termine ton règne de terreur, Aenor ! »

Luaine n’avait plus de patience et décida d’accélérer les choses.

Luaine : « Que l’ultime combat des quarts-de-finale commence ! »

Goulwen se tourna immédiatement vers Aenor.

Sans aucun état d’âme, et avec un ton aussi glacial que terrifiant, la fillette se prononça.

Aenor : « Arrache-leur leurs deux bras, ils seront forcés d’abandonner. »

Les personnes à avoir entendu ce sinistre conseil eurent des frissons d’effroi.

Aenor : « Pas besoin de stratégie pour affronter un idiot pareil. »

Goulwen se mit à avancer nonchalamment, frappant gentiment sa masse contre sa main, s’amusant à la voir se faire repousser par l’effet diogellois.

Du point de vue de Jagu, une aura démoniaque émanait du garçon qui se rapprochait.

Le petit prince tentait de dissimuler la terreur qui l’habitait. Ses articulations métalliques tremblaient.

Jagu : « T-tu ne nous fais pas peur ! A-allez Yuna, on leur montre de quoi on est capable ! »

Un long silence se fit entendre.

Jagu : « Y-yuna ?! »

Le siège en dessous du sien était vide.

Le garçonnet était aussi stupéfait qu’épouvanté.

Jagu : « C-comment elle a fait pour s’extirper de Jagu-Jagu encore ?! Les grilles étaient fermées ! »

La reine de l’évasion avait encore frappé. Elle avait ressentie la menace et s’était instinctivement enfuie à l’insu de tous.

Jagu vit le visage de Goulwen apparaître en gros plan à travers sa visière.

Jagu : « AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHH ! »

L’opulent jeune homme arracha les bras de Jagu-Jagu pendant que son adversaire hurlait à la mort, comme s’il s’agissait des siens. Le public médusé assistait à cette scène d’ultra violence en silence.

Dans la minute qui suivit, Jagu était hors de sa machine couchée au sol, à quatre pattes, et pleurait abondamment.

Luaine : « La victoire revient à Goulwen ! »

Des applaudissements gênés se firent entendre. C’était le signal pour se lever, et rentrer au palais.

Goulwen, Efflam, Léonce et moi. Voilà un sacré programme. Je ne m’attendais pas à ce que Goulwen y figure. Ceilio méritait sûrement plus de se retrouver en demi-finale, mais c’est la faiblesse de ce type de compétition.

J’attendais la conclusion de ce tournoi avec impatience, mais repenser au combat d’Efflam me rappela quelque chose.

Je n’arrive pas à y croire. Cette magie, c’était…

Kana : « Allons vite au carrosse ! Lucéard ! »

Ma cousine m’attendait impatiemment, et finit par me tirer par le bras. Elle voulait retrouver son frère au plus vite. Et ainsi nous rentrâmes au palais.

-3-

Quelques minutes plus tard, cinq d’entre nous étions dans la chambre d’Efflam. Il y dormait paisiblement. Le médecin s’en était allé, il n’avait pas grand chose à faire. Le prince n’avait rien de grave.

Kana était assise la plus près, et tenait la main de son frère, comme s’il était mourant.

Kana : « Je ne pensais pas qu’un de mes frères et sœurs éveillerait un jour sa magie… Il y avait bien eu Nojùcénie, puis toi, Lucéard. Mais dans notre fratrie, c’est une première. »

L’inquiétude dans sa voix me poussa à détendre l’atmosphère.

Lucéard : « Quand on y pense, s’il y en avait bien un dans la famille qui devait l’éveiller, c’était lui. »

La remarque l’amusa. Elle se tourna ensuite vers Talwin qui semblait plus sérieux qu’à l’accoutumée. Ce fut de courte durée, et il finit par sourire en imaginant un futur que personne n’était capable d’envisager.

Talwin : « On dirait bien que cette fois-ci, c’est la véritable magie royale. À une autre époque, il aurait pu prétendre au trône avec ça. »

En effet, c’était aussi ce que j’avais déduis en le voyant éveiller sa magie.

La lignée des Marmoldart, qui remontait jusqu’au roi fondateur de Deyrneille, s’était perpétuée jusqu’à notre époque.

Beaucoup doutaient qu’en plus de 1600 ans, l’héritier légitime des Deyrneille avait pu rester sur le trône. Même il y a plus d’un millénaire, on reconnaissait comme digne souverain celui qui avait les cheveux orangés, les yeux d’or, et une puissante magie de lumière. C’était ainsi qu’on reconnaissait l’hérédité du roi fondateur. Et si on faisait fi de la couleur des yeux, Efflam correspondait à cette description.

Ma sœur et moi avions beau avoir une affinité naturelle pour la lumière, il ne faisait aucun doute qu’elle nous venait de notre côté Nefolwyrth.

Kana : « C-c’est vrai ? »

D’un air crédule, Kana s’étonna. C’était pour une fois la vérité.

Luaine : « Comme il dit, ce n’est plus d’actualité. Et heureusement. Vous imagineriez Efflam sur le trône ? »

S’amusait-elle. Sa fille semblait hermétique à cette plaisanterie.

Kana : « Mais ce serait super, non ? »

Je soupirai. Elle avait beau adorer Efflam, tout le monde ici pensait qu’il fallait plus quelqu’un comme Brynn pour endosser ce rôle, voire Aenor, même si celle-ci pouvait attendre son tour longtemps.

Tandis que je dévisageais Kana qui souriait béatement, une odeur familière fit rejaillir un souvenir.

C’était il y a déjà plus d’un an, deux peut-être. Nojù avait beau ne pas être du genre à s’énerver violemment, réussir à la contrarier était particulièrement pathétique. Nous étions dans ce même palais, et elle s’enflammait, se retenant de ne pas dire plus que ce qu’elle ne pensait.

Nojùcénie : « Retire ça ! Elle n’est pas comme tu la décris ! »

J’ignorais ce que j’avais pu exactement dire. Si je creusais un peu plus, je m’en souviendrais sûrement, mais je n’en avais pas l’intention.

Le Lucéard qui me servait de point de vue détournait le regard, las de se faire sermonner.

Nojùcénie : « Tu ne te rends pas compte qu’elle se comporte comme ça pour que tu puisses mieux t’entendre avec ses frères et sœurs ? Elle fait tout ce qu’elle peut pour t’aider, et toi tu lui dis des choses comme ça ?! Ce n’est pas elle qui t’attire des ennuis, c’est toi qui sabote tous ses efforts et envenime la situation ! »

Je haussais les épaules, n’accordant aucun crédit à ces sornettes.

Lucéard : « C’est toi qui la sur-estimes. Regarde la vérité en face, elle est juste un peu sotte. Pour quelle autre raison sourirait-elle aussi bêtement tout le temps ? Elle n’a pas le moindre second degré, et elle ne comprend jamais rien si on ne lui dit pas les choses clairement. Et puis, qu’est-ce qu’elle est collante. Comment veux-tu que son comportement ne me mette pas dans l’embarras ? »

Je revins dans le présent, troublé. J’avais revu ce visage distinctement, ce visage que je ne pouvais plus revoir, et la déception qui s’y lisait.

Pourquoi maintenant… ? Pourquoi si nettement… ? Qu’avait-elle répondu… ? Avait-elle seulement répondu ? Je ne me souviens pas de la suite.

Le regard soucieux de Kana se tournait vers moi.

Kana : « Quelque chose ne va pas, Lucéard ? Tu es tout pâle… »

Les parents du garçon, ainsi que Talwin, me dévisageaient à leur tour.

Talwin : « Tu as les chocottes de devoir l’affronter tout à l’heure ? Comme je te comprends… Enfin, moi, à ta place, je n’aurais pas peur. »

Kana : « Talwin… »

Rouspéta affectueusement Kana.

Lucéard : « Non, tout va bien. Je voulais juste voir comment il allait. Je vais sortir un peu. »

Cette explication confuse attisa davantage leur inquiétude. Je repartis lentement vers la porte. Elle se ferma derrière moi, laissant la chambre dans le silence.

Kana fixait son frère endormi, comme s’il pouvait lui prodiguer des conseils. Elle finit par se lever.

Kana : « Je sors aussi ! »

Déclara-elle avec son large sourire habituel.

-4-

Je marchais dans le corridor. Comparé à chez moi, l’ambiance y était différente. Notre décoration était guindée, voire pédantesque. On y ressentait la grandeur de la noblesse, le souci de l’esthétique. En comparaison, nos couloirs étaient trop formels, austères, et tristement vides.

Ici, à Port-Vespère, où on accordait plus de valeur à la singularité de cette lignée plutôt qu’à la noblesse standard, on ne se souciait du regard des autres uniquement dans la mesure où ce qu’on pouvait leur montrer devait être représentatifs de notre authentique mode de vie.

Voilà pourquoi il y avait d’étranges ornements muraux, de la végétation diverse, et énormément de tableaux qui chantaient la richesse de la famille royale, pas en ce qu’elle était puissante, mais en ce qu’elle était unie.

J’apparaissais dans nombre de ces portraits de famille, même si moins que la plupart des autres enfants. À l’inverse, si je regardais à ma droite ou à ma gauche, je ne pouvais que tomber nez-à-nez avec le visage de ma sœur. Elle était présente, tout comme moi, dans les portraits événementiels. Mais elle était aussi là pour ceux qui représentaient ce qu’elle considérait comme de grandes découvertes, et très souvent l’aboutissement de certains projets où les participants étaient représentés tout autour de leur travail fini.

Même pour moi, même pour un parfait inconnu peut-être, l’étrange nostalgie qui émanait de ces toiles pouvait nous ramener à ce passé, et raviver une certaine chaleur.

Je m’étais arrêté face à l’une d’elle. On y voyait Nojù, il y a trois ans, entourée de Goulwen, déjà bien en chair, et d’Aenor, qui était aussi mignonne et souriante que Yuna à cette époque. Ce drôle de trio était recouvert de taches en tout genre, et semblait s’amuser comme des fous. Nous avions fêté en grand les vingt ans de Talwin ce jour-là, et même Meloar avait mis la main à la pâte pour lui préparer ce superbe gâteau qui se faisait le centre de l’image. Un seul d’entre eux n’avait pas du tout participé. Et aujourd’hui, il regrettait amèrement.

J’entendis Kana s’approcher en silence, et s’arrêter à côté de moi, pour observer en ma compagnie l’objet de mon intérêt.

Sa voix, plus douce que d’habitude, ne troubla pas le calme de ce corridor.

Kana : « C’est fou ce que c’est passé vite. Et pourtant, regarde Aenor, elle est devenue tellement sérieuse maintenant. Mais je suis sûre qu’elle est toujours la même que ce jour-là au fond, et qu’elle s’amuse énormément dans notre tournoi. »

Quelque chose brillait dans ses yeux. Sa voix était un peu plus faible.

Kana : « Et Nojùcénie, qu’est-ce qu’elle a l’air heureuse sur celle-ci. Elle aimait tellement passer du temps avec nous que j’en venais à penser que c’était sa raison d’être. »

Elle se mit à rire délicatement. Je ne quittais pas le tableau des yeux.

Kana : « Regarde ce sourire, elle avait mis nos cuisines dans un état lamentable ce jour-là. Elle avait été prise d’un fou rire pendant plus de vingt minutes, et n’était même pas encore calmée quand on a fait ce portrait. Il n’y avait qu’elle pour s’amuser autant à toutes nos activités. »

Ses lèvres tremblaient légèrement.

Kana : « Je suis si contente qu’on ait tous ces portraits pour se rappeler de ces jours-là. »

Cette désagréable réminiscence était déjà bien loin. La voix de Kana m’avait quelque peu apaisé. Je ne trouvais néanmoins pas de mot pour lui répondre.

Kana : « Mais nous avons aussi tellement de bons moments qui nous attendent. Déjà, depuis votre arrivée, je trouve qu’on s’est énormément amusés. »

C’est gentil de ta part d’essayer de me consoler, Kana.

Kana : « Ce qui compte le plus pour moi, c’est qu’on puisse remplir tous ces murs avec nos plus beaux souvenirs. Il y aura toujours de quoi être heureux, et on ne sera jamais vraiment seuls, tu ne crois pas ? Si l’on continue de se concentrer sur le moment présent et sur ce qui suit, on refera tout pleins de beaux jours comme celui-là. »

Elle avait réussi à me faire décrocher un sourire, et je trouvais enfin la force d’affronter son regard.

Ce n’est qu’à ce moment-là que je m’en aperçus : Kana avait les larmes aux yeux.

Lucéard : « Kana, tu… »

Je n’en revenais pas, comment avais-je pu ne pas l’entendre dans sa voix ?

Kana : « Dis, Lucéard… Je peux te confier quelque chose ? »

Sa voix nouée par le chagrin fit se serrer mon cœur. Je hochais la tête, dépassé par la tournure de la discussion.

Kana : « Je pense tout ce que je t’ai dit. Je le pense vraiment. Mais rien n’y fait… Je passe bien trop de temps devant ces tableaux. Depuis que tu es arrivé, je n’arrive plus à penser qu’à ça. Nojùcénie me manque tellement. »

Le nez et les joues rouges, ma pauvre cousine était prête à craquer d’une seconde à l’autre. Elle avait énormément pris sur elle tout ce temps. Je n’avais pas su deviner qu’elle avait autant sur le cœur.

Kana : « Tu devais certainement être au courant, mais Nojucénie et moi, on s’écrivait toutes les semaines au moins une lettre. C’était notre tradition, et souvent, mes frères et sœurs passaient par moi pour lui transmettre des messages. »

Les larmes coulaient enfin. Kana semblait désespérée.

Kana : « À chaque fois que quelque chose pouvait l’intéresser, je le notais quelque part, ou j’essayais de m’en souvenir pour lui raconter une fois que je serais devant le papier à lettres. Et même maintenant, je n’ai pas perdu ce réflexe. Il m’est même arrivé d’aller chercher une enveloppe avant de réaliser que je ne pouvais plus la lui faire parvenir. »

Ses épaules tremblaient. Je n’avais rien su faire d’autre que de rendre son chagrin mien. Et elle s’en était aperçue.

Kana : « Je… Je suis désolée de t’avoir dit tout ça. Tu n’as certainement pas envie d’entendre de telles choses. Je suis vraiment trop bête. Je ne sais pas ce qui m’a pris… »

Elle n’arrivait pourtant toujours pas à contenir son émotion. Et par ma faute, elle se retrouvait confuse. Elle se sentait coupable d’avoir révélé ce qu’elle ressentait vraiment. Elle s’en voulait d’avoir été honnête avec moi.

J’ignorais quelle réaction elle attendait de moi, mais voir mon sourire la déboussola.

Lucéard : « Tu n’as certainement pas à te sentir désolée, Kana. »

La jeune fille ne m’avait jamais entendu lui parler avec autant de douceur, ajoutant à sa surprise.

Lucéard : « Je suis prêt à entendre tout ce que tu as sur le cœur. Si je n’en suis pas capable, il y aura toujours de la gêne dans notre famille. Et je ne veux pas que vous ayez à garder vos sentiments pour vous parce que je suis là. »

Kana : « Lucéard… »

Lucéard : « C’est plutôt moi le fautif. J’ai voulu éviter ce sujet pendant si longtemps, je vous ai empêché d’être honnête avec moi. Mais crois-moi, je suis prêt à écouter tout ce qui te tracasse. Et je ne demande qu’à entendre encore parler de Nojù. Même si je dois bien reconnaître que ça peut me rendre triste, je suis content de pouvoir apprendre de nouvelles choses sur elle, de pouvoir la redécouvrir. »

Ce furent maintenant mes lèvres qui tremblaient.

Lucéard : « Comme tu l’as si bien dit, rien ne nous empêchera jamais de connaître d’aussi beaux jours que ceux dépeints ici. Et je compte bien y participer cette fois-ci. »

Je m’essuyai les yeux, pris d’une nouvelle résolution.

Lucéard : « Je ne veux plus que la mention de son nom rende triste qui que ce soit. J’aimerais qu’il fasse sourire quiconque l’entende dans notre famille. C’est ce qu’elle voudrait. Et je ferai tout ce que je peux pour que ce soit ainsi. »

Ma cousine, pourtant plus âgée que moi, se mit à gémir comme une enfant, et se jeta dans mes bras pour pleurer à chaudes larmes.

Elle me serrait aussi fort qu’elle le pouvait, après s’être retenue tout ce temps d’envahir mon espace personnel.

Kana : « Oui… Tu as raison… »

Ne sachant pas quoi faire, je tapotais doucement son crâne pour tenter de la calmer. Cette technique semblait efficace.

Kana : « …Et dire que je suis sortie pour te remonter le moral… Je suis vraiment nulle… »

Un rire discret m’échappa, attirant son attention.

Lucéard : « Tu as réussi, crois-moi. Après tout ce qui m’est arrivé récemment, j’ai pu penser à autre chose, mais comme pour toi, mon arrivée ici m’a replongé dans ces souvenirs… »

Elle me relâcha délicatement, se recula, et m’inspecta après s’être frottée les yeux.

Kana : « Tu ne te sens pas bien ici… ? »

Lucéard : « Si si, bien sûr que si ! Je me suis beaucoup amusé ces derniers jours aussi ! Notamment pendant notre combat ! »

La mention de ce duel la fit sourire provisoirement.

Kana : « Je vois, tant mieux ! »

Ma cousine semblait gênée pour une raison que j’ignorais.

Kana : « En vérité, nous n’avons jamais eu beaucoup de vraies discussions tous les deux, jusque-là. J’ai toujours un peu de mal à te cerner. »

Je ne pouvais que me sentir honoré qu’elle se montre si franche avec moi.

Lucéard : « Tu as raison… J’ai été un bien piètre cousin. Et je te suis très reconnaissant d’avoir toujours fait en sorte d’essayer de t’entendre avec moi, et d’avoir fait en sorte que je m’intègre avec tes frères et sœurs, alors que je n’étais pas très… Sociable. »

Son étonnement se mêlait avec un embarras encore plus profus.

Kana : « Je… Ce n’était vraiment… Enfin… Héhé… »

Elle ne pensait pas qu’elle avait pu être percée à jour. Pourtant, il n’y avait qu’un idiot comme moi pour ne pas remarquer ses efforts.

Lucéard : « Tu n’as pas à le cacher. Je sais bien que je n’ai pas été des plus facile à vivre. J’en ai conscience, comme si je n’étais plus vraiment cette personne. J’ai fini par m’en détacher, je pense. Alors pas la peine de me ménager. Pour les mêmes raisons que tout à l’heure, j’aimerais qu’il n’y ait plus aucun tabou. »

Kana faisait se toucher le bout de ses deux index, toujours plus gênée.

Kana : « Si tu veux vraiment tout savoir, il m’est arrivé de jeter l’éponge aussi. De me dire que tu pouvais avoir une mauvaise influence sur ma fratrie, et créer des conflits. J’en suis même venue parfois à penser que c’était mieux de te laisser dans ton coin puisque tu y étais bien. »

Moi qui disais m’en être détaché, je dois dire que ça fait quand même mal.

Kana : « Mais Nojùcénie faisait tellement d’effort, tout le temps, sans discontinuer. Je la comprenais. Elle voulait que son frère puisse s’amuser autant qu’elle. Elle devait penser que ton mode de vie n’était pas ce qu’il te fallait. Elle te souriait sans arrêt, même quand tu rendais vain tout ce qu’elle avait préparé. Et c’est pour ça que je suis toujours revenue à la charge, à ma façon… »

J’étais confus d’entendre enfin cette vérité. Je comprenais aussi pourquoi ma sœur avait pris tellement à cœur ce que j’avais dit sur Kana.

C’était juste ça…

Je fermais les yeux quelques secondes, furieux contre celui que j’étais.

Pardonne-moi, Nojù… !

Kana : « Lucéard… ? »

La demoiselle regrettait déjà tout ce qu’elle venait de dire. Néanmoins, elle me vit me calmer aussitôt.

Lucéard : « Ça n’a pas été vain. »

Kana cligna des yeux, étonnée.

Lucéard : « Je ne laisserai pas tous vos efforts partir en fumée. Tu verras, je ferai tout pour m’entendre avec chacun de vous. »

Je l’avais rarement vue aussi enchantée. Elle n’y prenait aucune fierté, et pourtant, elle avait de quoi. Je me rendais enfin compte de tout ce que je lui devais.

Kana : « Je suis de tout cœur avec toi ! »

La demoiselle jeta ensuite un coup d’œil derrière elle.

Kana : « Je pense que je vais retourner voir Efflam, tu veux venir avec moi ? »

Lucéard : « Heu, à mon avis, on va être appelés à aller à table bientôt. Je devrais peut-être rejoindre Léonce et Ellébore avant. »

Kana : « Je comprends, à tout de suite alors ! »

Elle se retourna vivement, toute guillerette après notre conversation.

Lucéard : « A-attends ! »

Cet éclat de voix la surprit de ma part, et elle pivota sur elle-même, pour apercevoir son cousin, l’air aussi embarrassé que solennel.

Je peinai à prononcer les mots qui suivirent.

Lucéard : « S-si tu veux bien, on pourrait aussi s’écrire des lettres de temps en temps, à-à partir de maintenant. »

Cette proposition l’avait abasourdie. Elle ne bougeait, ni ne parlait plus. J’eus peur qu’elle éclate en sanglots une fois de plus. Néanmoins, elle se jeta sans prévenir et s’accrocha à mon cou, tout sourire.

Kana : « Bien sûr ! Ce serait formidable ! »

Après cet élan d’affection, elle attrapa mes mains, et me fixa avec un regard étincelant.

J’étais aussi heureux qu’elle, mais cette scène m’évoqua quelque chose d’étrange.

Tiens… J’ai comme une impression de déjà vu…

Malgré l’allégresse du moment, je me replongeais dans mes souvenirs.

Ces soudaines sautes d’humeur, et me faire remonter le moral par une de mes cousines, ça me rappelle…

Je venais enfin d’en prendre conscience. Ces pièces manquantes de ma mémoire me laissaient penser qu’une nouvelle tragédie me guettait. Quelque chose. Quelque chose allait entraver ce bonheur naissant.

Face à la bouille réjouie de Kana, je ne parvenais pas à changer d’humeur. Néanmoins, je gardais cet énigmatique constat dans ma tête.

Je ne pense pas qu’il lui arrivera malheur, mais je risque de leur causer du tort malgré tout. Au point où j’en suis, je ne saurais pas trop quoi dire à Kana, et je n’ai pas trop envie de l’inquiéter avec ça. Par contre, il y a bien une personne à qui je serai prêt à confier tout ça.

On entendit une porte s’ouvrir, laissant sortir les trois Vespère que nous venions de quitter.

Kana : « Papa, Maman, du nouveau ? »

La mère de famille remarqua instantanément que sa fille venait de pleurer à chaudes larmes, mais eut la discrétion de ne pas le faire remarquer.

Luaine : « Hélas non, il dort à poings fermés. Mais il est l’heure de manger. »

Talwin souffla du nez, posa le bout de ses doigts sur son front, et laissa sa tête pencher en arrière.

J’ignorais quel message il voulait nous transmettre, mais sa position était comme d’habitude beaucoup trop dramatique pour ça.

Talwin : « Donc nous mangeons sans Efflam, est-ce bien ça ? Il n’a pas le droit de prendre des forces pour cet après-midi ? »

Personne ne comprit l’étrange attitude de cet énergumène.

Talwin : « Bien sûr, pas de repas. Et après quoi ? Pas de tournoi. C’est ça que vous voulez pour votre fils prodige ? »

Il éleva encore davantage la voix.

Talwin : « Et tant qu’on y est, pourquoi ne pas annuler la fin de ce tournoi s’il ne se réveille pas dans la minute qui suit ?! »

Sa mère et son père soupirèrent en chœur, lassés de l’extravagance de leur aîné.

Luaine : « Cesse tes bêtises. Allons, à table maintenant. »

Le premier d’entre nous à se diriger vers la salle de réception fut Efflam. Il avançait nonchalamment, et finit par se retourner vers nous, constatant que toute notre incompréhension était focalisée sur lui.

Efflam : « Je ne laisserai personne annuler ce tournoi ! »

Et sur cette brève explication il repartit d’un pas déterminé.

Un long silence se fit dans le corridor.

Lucéard : « Bon et bien, il m’a l’air en forme. »

-5-

Finalement, on se retrouva au complet ce midi. Efflam engouffrait son entrée avec une voracité folle. C’était comme s’il revenait d’un long voyage. Mais même ainsi, l’appétit de Goulwen était toujours plus impressionnant. La bouche pleine, le prince mage s’exprima.

Efflam : « Je sens qu’aujourd’hui, je vais te battre Goulwen ! …Mais si je mange trop, j’aurais l’estomac lourd pour la suite du tournoi… »

Malgré son ardeur, Efflam était du genre à revenir à la raison quand il le fallait.

Son interlocuteur avait entendu la provocation du garçon, et émit un rire aussi court que condescendant, puis reprit son repas à un rythme encore plus soutenu.

Même si Efflam avait pris le temps de s’excuser auprès de Ceilio, le sujet de ses nouveaux pouvoirs n’avait pas encore été clairement abordé. Brynn se décida alors à poser les questions qui nous turlupinaient.

Brynn : « C’était quelque chose ce que tu nous a montré, Efflam. Mais dis-moi, comment as-tu su que- »

Efflam : « Si tu penses que ça va se passer comme ça, attends un peu ! »

Le garçon souleva son assiette, prêt à l’ingurgiter toute entière. Son esprit de compétition avait pris le dessus.

Le dauphin n’insista pas, sachant d’expérience que toute tentative serait vaine à partir de là.

Ellébore : « C’est quand même fou d’avoir pu l’éveiller alors que ce n’était qu’un- »

Goulwen : « Je veux bien relever ton défi, Efflam. Mais si tu perds, tu devras te retirer du tournoi. »

Sur le visage rond et aimable de son confrère amateur de tartes, un inquiétant sourire se profilait.

Efflam : « Comme si j’allais tomber dans un piège aussi grossier ! »

Il faut croire qu’on n’obtiendra rien d’eux deux pour le moment.

Goulwen : « Je comprends. Ce n’était pas très équitable de ma part comme affrontement. C’était mal de te condamner à la défaite quoi que tu choisisses. »

Le ton gentillet de mon cousin était quelque peu effrayant quand il tenait de tels propos.

Efflam bouillonnait.

Efflam : « Si tu veux te frotter à moi, je suis ton homme ! »

Sur ce cri, il engloutit en quelques secondes le plat principal qu’on venait de lui servir, ainsi que l’assiette de Talwin qui se trouvait à côté de lui.

L’œil de son adversaire scintillait.

Goulwen : « Pas mal du tout… »

Aenor tirait son assiette vers elle d’un air dédaigneux, ne voulant pas être mêlée à ça.

Ma tante finit par intervenir et les menaça de disqualification. Tout rentra dans l’ordre. Mais après décision de l’arbitre, le tournoi ne reprendrait qu’en fin d’après-midi, nous laissant largement le temps de digérer, et pour Efflam de se reposer encore un peu. Ce qu’il ne fit pas.

-6-

De mon côté, je m’étais retrouvé en tête-à-tête avec Ellébore, qui avait manifesté l’envie de voir tous nos portraits de famille en ma compagnie.

Elle émettait un doux rire à chaque fois qu’elle se retrouvait face à un nouveau cadre.

Ellébore : « Oh, vous étiez tous si mignons ! »

À certains moments, elle paraissait particulièrement sérieuse, et se rapprochait autant que possible d’un point qui l’intéressait.

Ellébore : « Oh, mais ce bébé, ça doit être toi ! »

À cet âge-là, on pouvait surtout me reconnaître car j’étais dans les bras de ma mère.

Elle pointait du doigt chacun des visages qu’elle voyait.

Ellébore : « Brynn, Eira, Talwin, Meloar, et Efflam ! Donc ce bébé à côté de toi c’est Kana ! Trop chou ! Madame Luaine a beaucoup changé ! On dirait une princesse ! Enfin, tu vois ce que je veux dire ? Et ton père, il te ressemble encore plus que d’habitude ! »

Non seulement il était plaisant de la voir s’amuser autant à inspecter chacun des portraits, mais certaines de ses remarques s’avéraient aussi très intéressantes. Elle repérait des détails qui étaient probablement passés inaperçus jusque là, ce qui me rappela qu’elle était bel et bien une détective dans l’âme. Je notais aussi la minutie de ce peintre familial.

Lucéard : « Ce doit bien faire 20 ans que ma tante ne jure plus que par les portraits. Elle doit en faire faire facilement un par mois. »

La demoiselle avait presque le visage collé contre l’une des toiles, et agissait comme si elle cherchait une pièce à conviction. Elle s’en décolla pour me répondre.

Ellébore : « T-tant que ça ? Remarque, si tous les corridors sont comme ça, je veux bien croire qu’il y en a plus de 300. »

Certains étaient dans les chambres de ceux qui y tenaient le plus.

Ellébore : « Quelle chance quand même. J’aimerais tellement avoir des portraits de mon père et moi. Je crois qu’il n’y a jamais pensé… Et puis, ça doit coûter une fortune. »

Ah, c’est vrai…

Elle se ressaisit et prit des notes sur son carnet fétiche.

Ellébore : « Si je résous pleins d’affaires, je nous offrirais un beau portrait de famille ! »

Son support d’écriture disparut aussitôt. Elle s’était tellement habituée à l’utiliser, qu’elle exécutait ce mouvement à une vitesse épatante. Elle se tournait ensuite vers moi, tout sourire.

Ellébore : « D’ailleurs, tu voulais me parler de quelque chose, Lucéard ? »

En effet, cette entrevue n’avait pas seulement pour but de ressasser le passé. C’était aussi une bonne occasion d’avoir une discussion en privé. Elle se calqua sur le sérieux de mon expression.

Lucéard : « C’est à propos du guet-apens dans le bois de Sendeuil… »

Je venais d’annoncer la couleur, et elle ne semblait qu’à moitié surprise.

Lucéard : « J’ai été grièvement blessé, et je ne me suis réveillé qu’une semaine après, je ne me trompe pas ? »

La confirmation que je lui demandais lui fit comprendre le sujet que je voulais aborder.

Ellébore : « Alors je ne suis pas la seule… Grâce aux notes que j’ai prises à cette époque et les questions que j’ai posées à mon père, j’ai plus ou moins comblé les trous. Et pourtant, d’une manière générale, c’est encore plus que flou. »

Elle se replongeait sur ce problème avant même que je ne lui demande quoi que ce soit.

Ellébore : « …Tu t’es comporté étrangement à ton réveil. Même si mon père a été plus catégorique que moi, je m’en suis aussi souvenu. Pourtant, selon lui, j’étais totalement normale. Donc, ce n’est pas corrélé avec notre amnésie partielle. »

C’était bien ce que je craignais. Et le fait qu’elle ait aussi des troubles de la mémoire était probablement dû à ce qui ne tournait pas rond chez moi. Je ne l’expliquai pas encore, mais je le sentais, j’étais tout près.

Ellébore : « Quand j’ai parlé de tout ça à mon père, il m’a dit qu’il pensait que tu pouvais être… »

Elle n’osait pas continuer. La jeune fille fixait le sol. C’était la première fois qu’elle considérait la théorie de son père comme sérieuse, et pour cette raison, elle n’osa pas dire un mot de plus.

Ellébore : « J’ai entrepris de chercher un orbe à vœux, et tu as fini par me devancer en te rendant dans la mine où elle était. Nous avons été retrouvés évanouis au fond de celle-ci… »

Ce qui troublait le plus mon amie était qu’elle ne se soit pas préoccupée de telles incohérences tout ce temps. J’étais tout aussi perplexe.

Lucéard : « Mais oui, Gorwel… Et je me souviens avoir parlé avec Deryn et Eilwen là-bas… Mais dans ce cas… »

Ellébore : « Dans ce cas, il y a fort à parier que la clé du mystère réside dans cette mine où seuls nous sommes entrés. Autant mes souvenirs avant sont vagues, mais ceux dans cette mine sont pratiquement inexistants. »

Tandis qu’elle poussait la réflexion, son regard devint soudain froid.

Ellébore : « Si… »

Une atmosphère inquiétante venait de s’installer dans la pénombre de ce corridor.

Ellébore : « Je me souviens… Y avoir été tuée. »

Je ne pus que frissonner quand elle me dévisagea.

Ellébore : « Je sais que ça peut paraître ridicule, mais j’ai l’étrange sensation d’y avoir été… Plus que poignardée, je dirais. Ça n’a aucun sens, et pourtant, j’ai été anémiée pendant quelques jours après ça… »

Sous les sourires chaleureux des portraits, un calme dérangeant pesait sur nous. L’atmosphère habituellement lugubre de ces vieux couloirs devenait soudain suffocante.

La demoiselle secoua la tête pour retrouver son expression normale.

Ellébore : « Dis comme ça, ça me file la chair de poule. »

Après avoir vu mon air affecté, elle décida de passer ça à la rigolade.

Ellébore : « …Mais il y a bien une chose qui est sûre… »

Affirma-t-elle, la main sous le menton, en souriant. Elle leva l’autre main et imita un V avec deux de ses doigts.

Ellébore : « Je suis toujours en vie ! »

Cette déclaration lumineuse avait fait redescendre la tension, et m’inspira un soupir de soulagement.

Ellébore : « Je ne peux pas me permettre d’avoir l’esprit si confus. Une détective doit savoir rester lucide en permanence. La logique est ma seule boussole vers la vérité ! »

J’admirais sa façon de toujours rendre les endroits où elle se trouvait plus lumineux. Il lui suffisait de déclamer ce genre de réplique pour resplendir.

Néanmoins, il y avait une dualité dans son expression. La joie d’avoir fait la bonne association d’idées, et la crainte de m’annoncer ce qu’elle en avait déduit.

Ellébore : « Si j’ai l’impression que je me suis faite poignardée, voire lacérée, et que je ne suis pas morte malgré la gravité de ces blessures… »

Ellébore : Allez, du nerf, Ellébore. Dis-lui, c’est pour son bien ! C’est pour son bien !

Ellébore : « A-alors… L-la lame qui m’a fait ça est p-probablement Caresse. »

La pauvre détective était rouge de honte, angoissée par ses propres propos. Elle me fixait de ses grands yeux, comme un enfant s’attendant à être grondé après avoir confessé sa faute. En me regardant ainsi, je ne pouvais pas lui en vouloir d’avoir réfléchi ainsi. Je n’avais de toute façon aucune raison de critiquer son raisonnement.

Lucéard : « Ne fais pas cette tête, c’est bien vu de ta part. Je ne sais pas si c’est vrai, mais ça a le mérite d’être pertinent. »

Elle haussa la voix, prise de culpabilité.

Ellébore : « Alors pourquoi tu fais cette tête effrayante ? »

Hein ?

J’essayais de toucher mon visage, ignorant ce qu’elle venait de voir. Puis lui rendit un sourire crispé.

Lucéard : « Et toi alors ? On dirait que tu as peur de ma réaction. »

Elle retrouva son calme et enchaîna.

Ellébore : « Je… C’est juste que… Je ne veux pas que tu penses que je t’accuse de quoi que ce soit, mais… Mais toi, tu penses que c’est possible ? Tu penses que tu m’aurais… »

Je pris le temps de réfléchir à cette question. Je ne pouvais pas me fier à ma mémoire, mais la réponse que j’avais à donner était importante. Elle semblait prête à croire à ce que je m’apprêtais à dire.

Lucéard : « Si quelqu’un t’a vraiment frappé avec Caresse… …Ça ne peut pas être moi. »

Ellébore : « Euh ? »

Ce fut le seul mot qu’elle su rétorquer.

Lucéard : « Je n’essaierais jamais de te blesser, je veux dire… C’est plutôt évident, non ? »

Je détournais le regard, quelque peu embarrassé.

Lucéard : « D-donc, ce n’est clairement pas moi qui t’ai attaqué, d’une façon ou d’une autre. »

Ellébore : « Si nos deux raisonnements se tiennent, alors il y aurait eu une troisième personne avec nous sous terre ? »

Sa voix était si douce qu’on peinait à considérer cette interrogation comme la déduction d’une détective.

Son hypothèse ne m’évoqua pas grand chose. Si je puisais dans ma mémoire visuelle, je n’y voyais que des ténèbres. Et après m’être fait violence, je ne la voyais plus qu’elle, indistinctement, assise à même le sol.

Lucéard : « Nous n’étions que deux, il me semble… Et puis, quand on a été retrouvé, il n’y avait que nous, donc… »

Je sentais que je me rapprochais de quelque chose. J’étais tout près.

Lucéard : « Je ne pense pas non plus que tu te sois mutilée avec ma propre arme, pourtant. Mais alors qu’est-ce que ça signifie ? »

C’était de mauvais goût, mais cette remarque l’amusa malgré tout. Et, quelques instants plus tard, sa réflexion vint à maturité.

Ellébore : « Je… Je crois savoir ce qu’il s’est passé. »

Sa vivacité d’esprit m’étonnait toujours. En l’occurrence, elle semblait avoir des souvenirs plus clairs que les miens concernant cette période.

Ellébore: Suis-je vraiment capable de lui dire ça ? Je ne vois pas comment lui en parler…

Lucéard : « Ellébore ? »

Plutôt que se laisser désirer, je devinais qu’elle avait encore quelque chose de déplaisant à annoncer.

Ellébore : « E-eh bien, s’il n’y avait vraiment que nous deux, c’est peut-être bien tes mains qui ont brandi Caresse. »

Alors finalement, elle me considère coupable… ? À moins qu’elle ne considère que je l’ai frappée par erreur. Elle n’a pas l’air de dire que j’avais l’intention de la blesser.

Lucéard : « Par “mes mains”, tu veux dire… »

Ellébore : « Et si… Et si tu n’étais pas celui qui contrôlait ton corps à ce moment-là ? »

Même si ce fut un peu bancal, l’idée qu’elle avait derrière la tête finit par m’atteindre.

Lucéard : « C-comment… ? »

Constatant mon désarroi, mon amie se fit le plus rassurante qu’elle ne put.

Ellébore : « Je me dis juste que notre amnésie n’a rien de naturel. Ce n’est pas simplement un traumatisme, j’en suis persuadée. C’est un maléfice. Et si quelque chose a lancé ce maléfice, alors il a peut-être aussi essayé de me tuer. Peut-être que c’était une sorte de monstre… Peut-être qu’il a lancé ce sortilège pendant qu’il te possédait… Peut-être qu’il était en toi quand- »

Lucéard : « Il est encore en moi. »

Cette affirmation appuyée coupa Ellébore dans son élan. Dans le ton grave que j’avais pris, elle avait immédiatement su que j’avais fini par m’en rappeler. Ce visage que je lui montrais l’intimidait à son tour.

Lucéard : « …J’ai un démon en moi… Une créature sur le point de se réveiller. Comment ai-je pu l’oublier… ? Et je sais même enfin d’où elle vient… »

Il ne lui fallut que ces mots pour qu’elle réalise aussi.

Ellébore : « …Absenoldeb ! »

Je hochais la tête. Je ne délirais pas. Mais nous n’en savions pas plus, et c’était d’autant plus effrayant. Avant qu’un malaise ne s’installe, je me décidais à lever la main devant moi.

Au bout de celle-ci, mon pouce se leva, et accompagna le sourire rayonnant que je lui lançais.

D’étonnement, sa bouche forma un rond, et ses sourcils se levèrent lentement.

Lucéard : « Mais quoi qu’il soit arrivé ce jour-là, ça ne se reproduira pas ! »

Convaincue par ma résolution, elle leva fièrement le pouce à son tour.

Après avoir poussé sa réflexion sur le sujet, elle rabaissa son bras.

Ellébore : « Hmmm… Tu ne pourrais pas lui parler par hasard ? »

Lucéard : « Je… …pourrais essayer ? »

Cette idée était saugrenue, mais ça ne coûtait rien d’essayer.

Eh, vous m’entendez ? Bonjour ?

Les joues gonflées, mon amie mit sa main devant sa bouche pour se retenir de rire.

Ellébore : « T-tu essayes vraiment ? »

Lucéard : « On ne sait jamais ! »

Rétorquai-je en constatant qu’elle se moquait.

On attendit tous les deux que quelque chose se passe, en vain. Après quelques instants, elle reprit la parole.

Ellébore : « Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire ? Si tu as vraiment un démon en toi, comment est-ce qu’ on est censé le faire sortir… ? »

Je répondais avec légèreté comme si c’était évident.

Lucéard : « Peut-être avec une petite séance d’exorcisme. »

Elle sourit en coin, devinant que je plaisantais.

Ellébore : « Ça m’a l’air douloureux. »

Une meilleure idée me poussa à taper du poing contre ma paume.

Lucéard : « Mais oui ! Je devrais en parler au Maître ! »

Ellébore pouffa un peu avant de confirmer.

Ellébore : « Tout simplement ! »

Ce n’était clairement pas un problème à prendre à la légère, mais nous repartîmes malgré tout rejoindre les autres, après en avoir discuté tranquillement tous les deux.

À aucun moment nous ne nous étions doutés qu’un des portraits nous observait vraiment.



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