Néo-Life
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Chapitre 6 – Retour à Akranio
Chapitre 5 – Excursion en Forêt Menu Chapitre 7 – Prochaine étape

« Noooooon, mon bébé ! Vous avez tué mon bébé ! »

La voix chevrotante provenait du seuil de la cabane en pierre qui menaçait de s’effondrer d’une minute à l’autre. Marlon se retourna et vit un homme s’approchant de la soixantaine qui se tenait là, l’air profondément affligé. Sa chevelure blanche comme la neige mais bien fournie n’était pas coiffée et lui donnait un air de savant fou. Ses habits étaient déchirés à plusieurs endroits et quelques blessures étaient également visibles de là où le jeune homme se tenait.

Il soupira intérieurement à la vue de cet étrange personnage, qu’il avait déjà catégorisé comme lunatique, alors qu’Alune était déjà devant lui.

« Alune, pour… »

SBAAAAAFFF

La soigneuse venait de mettre une mandale digne de ce nom au vieux reclus qui s’était écroulé en bas des marches de la maisonnette. Elle ne s’arrêta pas là et s’avança vers lui en continuant de le rosser de coups. Marlon se sentit mal à l’aise et crut revoir Svein, le père de Selia, devant lui.

« Espèce d’abruti ! Il a fallu que tu recommences ?!?! Tu ne retiens rien, bordel de cul à chiotte ! Raaaaaaaaa !!!! »

Il ne dit rien et laissa la femme se déchaîner contre la personne qui devait forcément être Drevos, même après qu’il eut distinctivement entendu quelques os rompre sous les coups d’Alune. La correction dura une minute ou deux, et aussi soudainement qu’elle s’était jetée sur lui, la soigneuse se reprit. Avec un air qui dissuaderait même un monstre comme le Mantis de s’approcher d’elle, elle se mit à soigner les diverses blessures qu’elle venait de lui infliger.

Ce n’est qu’après qu’elle eut fini ses soins que Marlon daigna s’approcher d’eux deux.

« Eu…tu peux m’expliquer ? » demanda-t-il avec curiosité et un ton apaisant, presque effrayé par le visage que venait de montrer Alune.

Il s’était cru bien trop sanguinaire depuis qu’il avait débarqué sur Néo-Life, mais cette scène lui fit penser qu’il était loin d’atteindre le niveau de ces villageois. Ils semblaient tout résoudre par une bonne dose de violence, et cela ne déplut pas au jeune homme.

Il y avait un coté rafraichissant à traiter les problèmes de cette manière, et aussi simple.

« Sire Revenge, je te…vous présente Drevos. Un génie connaissant plusieurs types de magies mais aussi un irresponsable total qui se moque de tout et surtout des conséquences que peuvent avoir ses actes. »

L’homme en question salua Marlon avant de s’essuyer distraitement une trace de sang qui était restée sur sa joue gauche. Un sourire digne d’un commercial en électronique avait fait son apparition sur son visage alors qu’il tendait la main au runiste.

« Voilà voilà, c’est tout à fait moi ça ! Bon, après, elle oublie de dire combien de fois j’ai sauvé Akranio et à quel point mes découvertes ont révolutio… »

SBAAAAAAF

La baffe le fit se taire instantanément et il fit les yeux ronds à Marlon qui ne put s’empêcher d’esquisser un sourire devant l’excentricité du personnage. Une marque parfaite de main était apparue sur la joue de Devros. Couleur rouge vif.

« Devros, tu vas répondre uniquement aux questions que Sire Revenge et moi allons poser, compris ? Si tu t’écartes d’un demi centimètre de la réponse, je te frappe encore plus fort et je ne te soignerais pas ce coup-ci, ok ? »

L’intéressé fit un signe de tête indiquant qu’il avait compris, les yeux écarquillés fixant Alune comme si elle était un prédateur sur le point de le dévorer, et attendit donc la première question.

« Déjà, pourquoi as-tu amené un Mantis ici ? »

« Je…je voulais en faire une de mes chimères, et je te signale que j’avais presque réussi avant que… »

SBAAAFFFFF

« Tiens t’en aux réponses simples et concises, Drevos. On reprend. Pourquoi n’en as-tu pas parlé à Selia ? Tu sais que tu y es tenu pourtant depuis la dernière fois. »

L’homme fit les yeux ronds et une moue boudeuse apparut sur son visage. N’eût été son physique, Marlon aurait été persuadé d’avoir devant lui un enfant trop gâté.

« Je…je…elle n’aurait jamais voulu que j’essaie, tu le sais aussi bien que moi. Et on en a besoin, on ne pourra pas tenir encore une an… »

SBAAAAFFFFFF

« Et tu t’imagines qu’Akranio s’en serait mieux sortie si tu t’étais fait bouffer par ce Mantis ? Parce que clairement, on lui laissait encore une heure ou deux et il venait te cueillir comme une fleur dans ton taudis, Drevos ! »

Il eut l’air gêné et ne répondit rien pour le coup. Marlon jeta un coup d’œil à la cabane branlante et il était persuadé que quelques minutes auraient suffis, pas des heures comme semblait le penser la soigneuse.

Enervée, Alune laissa le vieil homme se relever et se prit la tête dans les mains, sûrement pour éviter de le cogner encore plus. Elle venait de montrer une facette de sa personnalité que Marlon n’aurait pas soupçonné exister.

« Revenge, demandez-lui ce que vous voulez et après on le ramène à Akranio. Selia va vouloir lui parler. »

Un air de panique traversa le visage de Drevos. La Chasseresse laissait apparemment une forte impression sur tout le monde, et il était conscient qu’il avait merdé.

« Je suis Revenge Drelor, un aventurier souhaitant aider Akranio au mieux », commença Marlon sur un ton respectueux, « Je cherche quelqu’un qui pourrait m’éclairer sur l’utilisation des Runes, et Selia m’a dit que vous pourriez peut-être m’aider. »

Les yeux de Drevos se firent brillants d’intérêt, passant de l’inquiétude à la curiosité en moins d’une seconde.

« Je connais les bases, en effet, mais je ne suis qu’un humble chercheur et ne peut me targuer d’avoir acquis toutes les connaissances primaires et secondaires d’un tel domaine d’étude. Qui plus je crois que la conjoncture actuelle… »

« Drevos, je vais encore te frapper », le prévint alors Alune d’une voix menaçante.

L’homme ne se tourna pas vers la soigneuse mais avala tout de même sa salive en interrompant son monologue, jetant des coups d’œil nerveux dans sa direction de temps en temps.

« Ne le laissez pas faire, Sire, ou il va déblatérer comme cela des heures durant sans que vous n’appreniez quoi que ce soit. »

Marlon réfléchit alors prudemment à sa question et finit par la poser à l’homme visiblement dérangé.

« J’ai des runes, comment puis-je les utiliser ? »

« Haha ! Là, je peux t’aider. Ce qu’il faut, c’est tout d’abord une intention ! Puis-je demander quelle rune tu possèdes ? »

« Pour le moment, seulement Course et Etincelle », lui répondit le jeune homme.

« Haha, Haha ! Seulement deux…et vu que tu connais leur nom, je suppose que ce sont des Runes Draconique, dont le savoir devient inné quand on les absorbe…des gens seraient prêts à tuer pour posséder ‘seulement’ ces deux runes, jeune homme. Bien, bien. Alors imagine que tu veuilles courir plus vite. Tu dois visualiser l’effet dans ta tête, ensuite, tu dois dessiner la Rune à l’aide d’un catalyseur. »

« Un catalyseur ? Qu’entends-tu par-là ? »

Le chercheur soupira devant tant d’ignorance mais répondit tout de même sur un ton hautain qui hérissa le poil de Marlon.

« Alala, on n’est plus très aidés aujourd’hui, hein ? Enfin, on n’y peut rien…un catalyseur ça peut être n’importe quoi. De l’eau, du miel, du sang. C’est quelque chose que tu vas utiliser comme une encre. Bien entendu, certains matériaux se prêtent plus ou moins à l’exercice, le sang étant l’un des meilleurs. Tu dessines donc la rune, sur un support. »

Il marqua une pause et regarda Marlon d’un air absent pendant quelques secondes avant de continuer.

« Ouais, je suppose que je vais t’expliquer ce qu’est un support aussi, hein ? Ça peut être un parchemin, du tissu, ta peau…dans l’absolu même l’air peut être utilisé comme support par les maîtres runiques. La rune va agir sur le porteur du support, ou bien s’activer à distance, ça dépendra de l’intention lors de la création. »

Il s’arrêta le temps de reprendre son souffle et Marlon en profita pour lever la main afin de pouvoir en placer une.

« Une intention, un catalyseur, un support. Jusque là ça va je suis. Qu’en est-il de combiner les runes ? »

Drevos eut un sourire qui aurait pu effrayer tant il était dérangeant. Non par sa forme, mais par la folie qui se dégageait de son regard alors qu’il souriait. Ce gars était vraiment un allumé, et le jeune homme savait de quoi il parlait.

Sur Terre, il avait bien souvent croisé des junkies dans le hall de son immeuble. Les pires étaient ceux qui s’injectaient des nano-drogues. Quand ils redescendaient de leur trip, ils avaient ce même genre de regard. Celui qui vous fait frissonner de peur et couler un filet de sueur froide entre les omoplates.

« C’est là où ça devient sublime ! Tu peux les combiner, bien sûr ! Et je ne parle pas d’une ou deux, mais de dizaines, voire de centaines de runes ! Le problème tient dans l’intention. Il faut qu’elle soit claire, sinon ça peut péter à la gueule du Runiste. Et plus tu en combines, plus l’intention est dure à établir. Haha, il y a quelques années j’ai vu un gars carrément exploser en essayant d’en combiner seulement cinq. »

Drevos continua encore à déblatérer sur l’usage des Runes, mais Marlon était concentré sur le message qui venait d’apparaître devant ses yeux.

Ding

Vous avez trouvé un instructeur de Runes. Vous pouvez maintenant utiliser les Runes que vous avez trouvé. L’intention doit être soigneusement construite sous peine de contrecoup. Le niveau de votre classe vous contraint à utiliser un support. Le catalyseur peut être librement choisi mais l’efficacité du sort Runique dépendra fortement de votre choix.

Aussitôt que ce message disparut, une autre fenêtre apparut devant son champ de vision.

« Bravo, gamin ! Maintenant tu vas pouvoir commencer les choses sérieuses. Un indice : quand tu auras fini ce que tu as à faire à Akranio, vas à Delia. »

Loki, encore lui. Il avait l’air de suivre très assidument l’aventure de Marlon, et il ne s’en étonna pas du tout. Il tenta de répondre mais la fenêtre était verrouillée et disparut très rapidement. Il releva la tête et vit qu’Alune aussi bien que Drevos le regardait étrangement.

« Haha, désolé. Je réfléchissais à ce que tu me disais. Merci pour les informations en tout cas ! »

Il se tourna vers Alune et lui demanda :

« Devrions nous dormir ici ? Akranio est trop loin pour qu’on rentre de jour…et avec Drevos… »

La soigneuse lui fit un sourire et secoua la tête.

« Ce type est peut-être un peu fou, mais crois-moi, il est vraiment doué. Il peut nous ramener en un clignement d’œil au village. »

Marlon leva les deux sourcils en signe d’étonnement et Devros s’empressa d’acquiescer.

« oui, oui, oui, je peux nous ramener aussi rapidement que ça, laissez-moi deux minutes ! »

Il se précipita à l’intérieur de sa maison et ils l’entendirent fouiller énergiquement à l’intérieur.

Entre-temps, les deux créatures ressemblant à des chiens s’étaient rapprochées du jeune homme et sa camarade et couinaient comme pour réclamer quelque chose. Drevos, qui semblait les avoir entendus, ne s’interrompit pas dans sa fouille et leur lança :

-Ce sont des Karnel, caresse-les derrière les oreilles, ils adorent ça !

L’aventurier hésita quelque peu devant la stature relativement impressionnante du chien à coté de lui qui commençait à le pousser avec son museau. Les six pattes, chose restant tout de même très bizarre pour le terrien qu’il était, ne faisaient rien pour le rassurer.

Mais voyant Alune gratter celui à ses cotés de bon cœur, il se résigna et commença à faire de même, provoquant un mouvement de queue s’approchant du mur du son de la part de la créature canine.

Il n’avait jamais eu de chien sur Terre. Les seuls animaux domestiques restants étaient réservés aux riches. L’état de misère dans lequel se trouvait le reste de la société avait fait oublier toute considération domestique envers les animaux. Depuis une bonne centaine d’années, ce n’étaient plus que des mets d’exception pour tout le monde. Les chiens et chats errants n’existaient plus. Ils avaient tous été dévorés par des gens qui seraient morts de faim sans cela.

La bête imposante remua la queue et semblait aux anges de recevoir cette attention de la part de Marlon. Heureusement pour ce dernier, qui n’était pas très à l’aise, cela ne dura pas très longtemps.

« Ha, voilà, je l’ai retrouvé ! »

Drevos sortit de la maison avec un objet brillant et cylindrique dans la main qu’il brandissait comme un trophée. Des runes étranges brillaient sur la surface de l’objet et semblaient presque imbues d’une vitalité propre.

Les deux chiens reculèrent alors de quelques mètres et le jeune aventurier fut intrigué par leur comportement. Ils s’approchaient des étrangers mais pas de leur maître ? Le savant fou hocha la tête en voyant les deux chiens à six pattes reculer.

« Si seulement j’avais eu ce Mantis, je l’aurais dressé aussi bien que ceux-là… »

Un semblant de regret traversa son visage alors que son regard se portait sur les cadavres restants de ses chiens, mais ce fut fugace.

« Ba, je n’aurais qu’à en invoquer d’autres », conclut-il en haussant les épaules.

« Bon, on y va ? »

Marlon eut une illumination et interrompit Drevos.

« Eu…attends deux secondes, s’il te plaît. »

Il enleva le paquetage qu’il portait sur les épaules et fouilla dedans. Il trouva enfin ce qu’il voulait. Il sortit les deux fioles vides qu’il avait trouvé dans le sac et les déboucha promptement avant de se précipiter vers le cadavre de Mantis. Il réussit à remplir les deux récipients du sang de la créature même si elle s’était quasiment entièrement vidée avec ses blessures béantes. Il reboucha les deux fioles et revint vers Alune et Drevos qui l’attendaient.

« Haha, il est plus malin que je ne le pensais, celui-là », dit le chercheur fou à la soigneuse.

« Le sang de Mantis est un très bon catalyseur. »

Revenge Drelor hocha la tête en guise de remerciement au vieil homme puis finit de les rejoindre.

« Bon, maintenant, plus personne ne bouge, j’active l’artefact de transport. »

« L’artefact de trans… » commença Marlon.

Il n’eut pas le temps de finir. L’objet cylindrique qu’avait tenu Drevos s’était mis à briller comme mille soleils et tous durent fermer les yeux sous la lumière aveuglante. Puis ce fut comme s’ils se trouvaient au centre d’un maelstrom d’une violence inouïe, leurs corps balancés de droite à gauche sans interruption.

Fort heureusement, cette sensation ne dura que quelques secondes. Lorsque Marlon retrouva la sensation de la terre ferme sous les pieds, il faillit tomber. Mais Alune, juste à coté de lui, lui attrapa le coude afin de le stabiliser et hocha la tête simplement lorsqu’il la remercia.

Regardant autour de lui, le jeune homme vit qu’ils étaient sur la place publique d’Akranio, au pied de l’estrade où il avait exécuté l’un des joueurs. Les quelques villageois qui passaient par là firent de grands yeux, mais en voyant le trio qui émergea du flash, ils reprirent leur activité comme si de rien n’était.

Le chercheur parut ravi que l’artefact ait fonctionné et ille tenait contre lui tel un trésor. Le jeune aventurier ne put s’empêcher de lui demander :

« Comment est-ce que cela fonctionne ? »

Drevos lui sourit et eut l’air mystérieux, répondant à moitié.

« Des runes, différentes de celles que tu exerces, mais j’ai promis de ne pas parler de l’origine de cette chose. Tout ce que je peux te dire, c’est que de là où cet artefact provient, il fait très chaud, haha, haha. »

Une vingtaine de minutes plus tard, tous étaient assis dans le salon de Selia autour de la grande table en bois massif. Marlon s’étonnait encore en passant la main dessus. Il pouvait sentir le grain du bois ressortir sous ses doigts ! Mais il cessa d’être distrait alors qu’Alune faisait un rapport à la Chasseresse et à Svein, qui écoutait d’une oreille plus qu’attentive.

Il vit leurs deux visages passer par plusieurs émotions alors qu’elle narrait les évènements. La surprise, la colère, et peut-être même une certaine forme d’admiration. Drevos, lui, tentait de disparaître sous la table mais lorsque Selia tapa du poing sur la table en le regardant, il reprit sa position normale et ne bougea plus.

« Bon, ce fut très riche en rebondissements comme excursion…tout d’abord, merci à toi, Marlon », commença Selia.

Elle hésita et finit par demander :

« Tu as obtenu une nouvelle rune ? »

« Oui, Etincelle. »

« Parfait ! Ho, et ne te sens pas gêné de me dire tes vraies intentions la prochaine fois. »

« Je l’ai fait. Il a servi d’éclaireur pendant tout le trajet comme je te l’avais dit, puis d’appât par la suite. C’est juste qu’au moment où il a perdu son utilité… »

Le jeune homme finit sa phrase en haussant les épaules et en écartant les mains.

Svein éclata de rire et vint mettre des tapes amicales dans le dos du jeune homme.

« J’adore ce gars, Selia ! Si un jour tu veux l’épouser tu as ma bénédiction », dit-il à Marlon en le regardant dans les yeux.

Le jeune homme rougit sous la remarque et fit de son mieux pour ne pas se focaliser sur la profonde gêne qu’il ressentait. La Chasseresse, elle, eut un sourire mutin, mais ne s’attarda pas sur le sujet, consciente de ce que ressentait l’aventurier.

« Du coup, je suis contente que tu ais trouvé ce que tu cherchais. Je t’offre bien sûr le paquetage et tout ce qu’il contenait, et voici un petit supplément, continua-t-elle en lui lançant une bourse. »

Après avoir regardé rapidement, Marlon la remercia sincèrement et mit les vingt pièces de cuivre dans le sac qu’il avait posé à côté de lui.

Puis elle se tourna vers Drevos.

« Je suis profondément déçue par toi, Drevos. Non seulement tu n’as pas compris la leçon mais en plus tu continues de nous mettre en danger. Même si le Mantis était mourant, tu sais comme moi que cinq ou six hommes auraient pu être gravement blessés à le combattre. Marlon et Alune, bien que très malins, ont eu également beaucoup de chance ! »

Le jeune homme ne pouvait qu’être d’accord. Il se rappelait encore la sensation de ses tripes voulant aller se balader en dehors de son corps et rien que cette idée le fit frissonner.

« Je…je suis désolé, Selia. Je te jure que je faisais ça pour le bien du village. »

« Le pire là-dedans, c’est que je le sais. Mais tu es pire qu’un gosse. Tu ne réfléchis pas aux conséquences. Tu as vraiment de la chance d’être essentiel à la survie d’Akranio, sinon tu aurais été faire un tour sur le billot, Drevos. Je vais assigner deux soldats à ta surveillance permanente, et au moindre dérapage tu finis dans les geôles. Compris ? »

L’intéressé hocha la tête frénétiquement et se confondit en excuses toutes plus larmoyantes les unes que les autres.

« Et toi, quels vont être tes projets, Revenge ? » demanda-t-elle à brûle pourpoint.

Il réfléchit quelques secondes et finit par répondre.

« Je vais rester encore une semaine ou deux parmi vous. J’aimerais que l’on m’enseigne le maniement des armes, j’y ai beaucoup trop de lacunes. Et je vous aiderais comme je le peux entre temps. Après tout cela, je pense aller à Delia… »

La Chasseresse hocha la tête.

« Très bien, nous ferons comme ça. Tu vas être d’une grande aide au village pendant ce laps de temps. Que diriez-vous tous d’aller manger à l’auberge ? »

« J’ai une dernière question, y a-t-il eu d’autres aventuriers pendant notre absence ? »

« Un seul est passé, il a chassé quelques rats mais n’a pas souhaité rester et est parti vers Delia aussitôt sa récompense récupérée. »

Le jeune homme hocha la tête en regrettant ne pas avoir été là. Il aurait pu progresser davantage dans sa maitrise des runes s’il avait pu lui ôter la vie. Ce genre de pensée ne le choquait même plus et il pensa intérieurement qu’il devrait être prudent. Dans le sens où il faudrait en tuer beaucoup et que les autres ne devaient pas le voir faire. Il remercia Selia et se leva en suivant les autres.

Tous passèrent une soirée mémorable et même Drevos, qui s’en voulait toujours beaucoup, raconta des anecdotes incroyables à Marlon. Ainsi il apprit que le fameux incident qui avait eu lieu était lié à l’obsession du chercheur envers le dressage et l’invocation de chimères. Il avait convoqué au milieu du village des fourmis censées attaquer les créatures rodant aux alentours du village.

Au lieu de ça, elles avaient dévoré quelques bâtiments avant de pouvoir être renvoyées de là où elles venaient. Heureusement personne n’était mort, mais plusieurs blessés graves avaient été à déplorer.

C’est à cette époque qu’il avait été exilé à l’extérieur du village. Cela lui convenait car il pouvait mener bien des expériences, mais il avait du mal à gérer ses ambitions démesurées par moment, comme l’avait prouvé la mésaventure de Marlon et Alune.

Puis ce furent deux semaines très intenses qui défilèrent pour Marlon.

Le matin il allait s’entrainer avec les soldats sur les terrains d’entraînement, progressant jour après jour à force d’acharnement et de coups reçus. Seuls deux ou trois incidents eurent lieu où il eut du mal à contrôler sa rage et s’acharna plus que de mesure sur ses adversaires.

L’après midi il allait chasser des créatures aux alentours du patelin. Des rats, des insectes suceurs de sang aux allures de moustiques géants ou bien encore des serpents dévastant les poulaillers. Ces derniers lui donnèrent un peu de fil à retordre et faillirent même le tuer une ou deux fois. Mais grâce à cela il acquis une expérience de combat non négligeable. Et surtout des pièces de cuivre en accomplissant ces quêtes de chasse données par Selia. Son niveau était même monté jusqu’à cinq.

Enfin le soir, il rentrait à l’auberge et mangeait, souvent en compagnie de Svein et Selia, puis il remontait dans sa chambre. La Chasseresse avait payé pour son séjour et il n’eut rien à dépenser. Il profitait donc de ses soirées pour s’entraîner à dessiner les Runes avec du sang de rat. Il gardait celui de Mantis pour les vraies utilisations, pas pour s’entrainer. Devros lui avait proposé des parchemins en grandes quantités à cette fin, aussi n’avait-il pas refusé cette offre généreuse.

Au début la tache avait été compliquée. Dû au réalisme de Néo Life, dessiner des runes n’était pas aussi simple que d’appuyer sur une touche pour envoyer un sort tel qu’on le faisait dans les jeux vidéo vintage. Bien qu’il ait dans sa tête tous les détails nécessaires pour créer les runes, sa main n’était pas très assurée dans leur traçage. Il lui fallait donc de l’entraînement.

C’est donc ce qu’il fit pendant ces deux semaines, jusqu’à ce que sa main entière soit douloureuse. Le matin venu, il demandait à Alune de le soigner, et il repartait pour une intense journée sans se poser de questions. Les progrès furent incroyables.

Au bout de ce laps de temps, il devint bien plus apte à se défendre avec une arme en main, et il parvenait à tracer les deux runes qu’il possédait en moins de dix secondes et sans trembler. Il décida donc, au bout du quinzième jour, d’essayer de mettre une intention dans son dessin.

Auparavant il sortit de l’auberge et alla sur les terrains d’entraînement afin de ne gêner ou ne blesser personne. Une fois sur place, il sortit son pinceau, acheté dans le village auprès d’une charmante jeune femme et commença à tracer la rune de Course sur une chemise que Selia lui avait donné.

En la dessinant, il s’imagina en train de courir tel le vent et grava cette image dans son esprit. Il imagina le vent lui battre les oreilles et rafraîchir son visage alors que ses pas le faisaient presque s’envoler.

Il n’oublia rien des conseils de Drevos, et lorsqu’il finit le tracé, un flash lumineux intense apparut sur son œuvre, fugace mais bien réel. Il n’avait utilisé que du sang de rat mais cela semblait avoir été efficace. Il s’empressa d’essayer sa création et il rit aux éclats lorsqu’il se mit à courir deux fois plus vite que d’habitude.

Il se sentait incroyable, le vent battait ses oreilles alors que le son de son rire lui parvenait. Aucun humain n’avait jamais couru aussi vite. Dans le musée du Passé, sur Terre, il avait vu une vidéo sur un athlète jamaïcain qui avait été en son temps le dieu de la vitesse. Il avait dépassé sa vitesse ! Profitant autant qu’il put de cette sensation, il finit par s’arrêter. Il s’empresserait d’essayer avec du sang de Mantis une fois qu’il aurait acquis un équipement digne de ce nom à Delia. Et avec cet essai réussi venait l’heure du départ.

Il avait fait quelques tests avec Etincelle, mais cela n’avait pas été aussi probant. Quelque chose manquait pour insuffler de la puissance à la Rune, qui ne produisait que quelques étincelles. Ou bien le problème venait de son intention qui n’était pas la bonne. Mais il se pencherait sur ce souci plus tard.

Il retourna à l’auberge et dormit un peu. Le lendemain, il annonça à Selia son départ et la Chasseresse insista pour qu’ils célèbrent tous ensemble le soir venu. Une journée ne changerait pas grand-chose, aussi accepta-t-il. Ils burent et mangèrent comme des orges, ce soir-là. Même le grand général Svein finit par s’excuser et rentra chez lui en titubant et tombant quelquefois sur le chemin de la porte de l’auberge.

Selia finit par se pencher et faire une proposition indécente sur l’utilisation de leurs deux corps à des fins très ludiques. La prévenant, rouge comme une pivoine, qu’il n’était pas très expérimenté, elle rigola et lui fit comprendre que lui apprendre ne la dérangeait aucunement.

C’est ainsi que Marlon passa une nuit qui serait marqué pour toujours dans son esprit. Leurs deux corps ne firent plus qu’un et ce à de multiples reprises. Dire que cela chamboula le jeune homme eut été un euphémisme. Ce fut passionné, torride et à de nombreuses reprises, maladroit et drôle à la fois.

Et c’est comme cela que le jour du départ, c’est avec une pointe de regret dans le cœur qu’il dit au revoir à tout le monde. Un lien de camaraderie s’étant créé entre eux, Svein lui donna une franche accolade en lui soufflant à l’oreille qu’il faudrait qu’il repasse à l’occasion. Alune lui sourit en lui disant que cela avait été un honneur de le rencontrer.

Selia, quant à elle, lui sourit tendrement et lui chuchota à l’oreille quelque chose qui le fit rougir très fortement et il répondit d’un hochement de tête en disant qu’il repasserait les voir dès qu’il le pourrait.

-Merci encore, Marlon. Grâce à toi, le village va être bien plus tranquille pendant un certain temps. Le nombre de créatures que tu as chassé pendant ces deux semaines est impressionnant ! J’ai un dernier cadeau pour toi, lui dit Drevos, qui était venu le saluer avant son départ.

Il lui tendit une créature que Marlon n’aurait pas pensé voir ici…un chat !

Ne sachant quoi dire, il se contenta de remercier ce dernier qui lui expliqua alors.

-Cette créature est une chimère que j’ai créée pour toi. C’est un félin qui t’avertira des dangers environnants. Et surtout, lorsqu’elle grandira, elle pourra se battre à tes cotés. Nourris-la de viande fraîche si possible, elle mange toutes les créatures et ne devrait pas faire la difficile. C’est grâce à toi ! J’ai compris beaucoup de choses en autopsiant le Mantis !

Même si Selia lui lança un regard réprobateur, elle ne dit rien et Marlon prit son cadeau en se disant que c’était un sacré cadeau. Un familier ! Son passage à Akranio avait été une bénédiction pour lui, dans tous les aspects possibles.

Il partit enfin et fit un signe de la main alors qu’il franchissait les portes Nord du village et s’éloignait vers de nouvelles aventures. Delia l’attendait, à quinze jours de marche d’ici.

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