Néo-Life
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Chapitre 7 – Prochaine étape
Chapitre 6 – Retour à Akranio Menu Chapitre 8 – Naïve innocence

Marlon marchait depuis trois jours maintenant, et il repensait aux informations que Selia lui avait donné avant son départ.

« Tu dois marcher pendant quinze jours environ en direction du nord. La première semaine sera une promenade de santé, mais méfies toi quand tu arriveras aux abords d’un grand lac. Les gens ne sont pas aussi amicaux qu’ici, et ils essaieront tous de t’escroquer sans exception. »

Il en était encore loin, mais il se préparait déjà mentalement à ce qui l’attendait. La Chasseresse avait eu raison sur le premier point. Depuis trois jours, rien ne se passait ! Il n’avait même pas croisé de créatures dangereuses. Seuls vaquaient quelques herbivores dans la prairie qu’il traversait. Ils ressemblaient à ce que Marlon pensait être des moutons, mais avec un bec de canard. L’ensemble ne paraissait pas naturel mais tant qu’ils pouvaient lui fournir de la nourriture, il s’en fichait royalement.

Car même s’il avait fait le plein de viande séchée au village avant son départ, rien ne valait de la bonne viande fraîche ! De plus, cela lui avait permis de remplir quelques fioles de sang pour pouvoir continuer à s’entraîner avec les runes.

Il y avait eu des gens autrefois ici. En témoignaient les ruines de petites maisons en pierre qui jonchaient le terrain çà et là. Mais vu l’état de ces ruines cela devait faire au bas mot quelques centaines d’années. La végétation les avait entièrement recouvertes et des oiseaux avaient même fait leurs nids sur des amoncellements de pierre qui tenaient encore debout. Les morceaux de murs encore dressés étaient érodés par le passage du temps et recouverts d’une plante ressemblant à du lierre.

La rivière coulait non loin et lui assurait donc une source d’eau potable continue, semblant suivre exactement la direction vers laquelle il allait. Il avait aperçu des poissons remontant le courant mais il ne savait pas pêcher, ni n’avait le matériel nécessaire pour s’y essayer…

Pourquoi tout était en ruine ? Une maladie, une guerre, des créatures ? Marlon ne parvenait pas à comprendre pourquoi des gens auraient quittés ce paradis terrestre.

Chaque matin, il prenait une heure de son temps et s’entraînait à l’épée, répétant inlassablement les mouvements qu’il avait appris au village jusqu’à ce que ses bras le lancent et qu’il n’ait plus de force. Il voulait absolument garder cette routine afin de se renforcer et de devenir chaque jour un peu plus fort, et il profitait da la tranquillité du voyage pour le faire.

Il ne perdait également pas une miette du paysage sublime qui se déroulait devant ses yeux. Le chemin qu’il suivait était très large, fait de terre compacte et paraissant entretenue relativement souvent. Il aurait permis sans souci le passage de deux carioles en même temps, mais il ne croisa les premiers jours aucune âme qui vive, joueurs ou habitants de Gaïa. Aucune trace récente sur la piste n’était non plus visible.

S’entraînant tous les soirs à tracer des runes de plus en plus parfaites, il découvrit le troisième soir quelque chose de très intéressant. Alors qu’il essayait une intention différente pour la Course, une révélation lui parvint. Il ne pensa plus à lui ou bien à l’élément sur lequel il écrivait, mais à quelque chose de plus vaste. Il imagina le vent l’aider à avancer, riant intérieurement de sa tentative. Après tout, il n’était pas…

Ding

Votre intention n’est pas assez puissante. Le Catalyseur n’est pas assez puissant. Vous devez augmenter le grade de ces deux composants pour avoir une chance d’influencer les éléments.

Bien que sa tentative soit un échec, il ouvrit de grands yeux ronds devant l’implication du message.

S’il avait été plus sérieux dans son intention et avait utilisé de meilleurs matériaux, il aurait pu réussir ! Même une Rune qu’il pensait simple comme Course pouvait influer sur les éléments. Les possibilités qui s’ouvraient devant lui venaient d’être multipliées par cent ! Il lui fallait donc juste un peu de patience pour récolter en masse des catalyseurs plus puissants, et se concentrer davantage sur l’intention qu’il émettait en traçant sa rune.

La tête pleine de folles théories, il sortit son sac de couchage et dormit à la belle étoile après avoir allumé une belle flambée. Il utilisait bien sûr Etincelle pour accomplir cela, sans quasiment plus aucune difficulté maintenant. En effet, il dessinait directement sur le bois qu’il voulait allumer en se concentrant sur l’intention du bois se consumant sous une gerbe d’étincelles.

Tout ce que Marlon désirait maintenant, c’était de croiser d’autres joueurs afin de récupérer plus de Runes et pouvoir s’entraîner plus durement encore !

Son vœu fut exaucé, mais pas aussi rapidement qu’il l’aurait souhaité.

Car en effet, la solitude faisait remonter ses démons, et chaque nuit il se réveillait en criant, revivant sans cesse la mort de sa mère et les instants les plus douloureux de son ancienne vie. Ses mains tremblaient et il ressentait un désir de violence exacerbé alors qu’il se rendait compte que ce n’était que des cauchemars. Si ce n’avait été la chimère qu’il possédait, il serait probablement devenu fou. Mais caresser cette boule de poil le calmait et lui permettait d’oublier quelque peu ses angoisses. Malheureusement, elle ne parlait pas. Il l’avait baptisé Luna.

A l’aube du huitième jour, le paysage se modifia et laissa entrevoir du changement, enfin !

A l’horizon, Marlon voyait maintenant un lac gigantesque se profiler, devinant des embarcations voguant sur cette étendue d’eau qui perdurait jusqu’à l’horizon. Jamais de sa vie il n’avait vu quelque chose de semblable. Les dizaines de bateaux avançaient sur l’étendue aqueuse, certains ne bougeant pas, probablement en train de pêcher et de remonter des filets.

Sur Terre, tous les cours d’eau, lacs comme fleuves et rivières étaient soit asséchés, soit pollués au point de dégager une lueur radioactive. Plus aucun n’abritait la vie, et encore moins une trace d’activité humaine.

Le long de la rive, il pouvait clairement voir des hameaux presque aussi grands qu’Akranio d’où se dégageaient de légers panaches de fumée grisâtres. Ces endroits avaient l’air pleins de vie et il ressentait une impatience excitée à l’idée de découvrir encore plus de choses. Il pouvait même sentir quelques odeurs provenir de cet endroit. Des effluves métalliques venaient de temps à autre caresser son nez lorsque le vent soufflait dans la bonne direction.

Ces hameaux étaient entourés de palissades, et l’on pouvait voir que la forêt avait été abattue pour laisser place à des champs de culture bien plus grands qu’à Akranio. Seuls quelques patchs d’arbre subsistaient près des habitations. Il y avait trois ou quatre villages se partageant les bords du lac, tous éloignés de quelques kilomètres les uns des autres. Il ne distinguait pas les détails car c’était encore bien trop loin.

Plus proche de lui, à quelques kilomètres, ce qui ressemblait à de grands vergers se dressaient sur le côté ouest de la prairie. Il pouvait même apercevoir des gens s’activer dans ces mêmes vergers, et il se dit que peut-être il pourrait acheter quelques fruits et légumes pour changer de son régime carnivore qui commençait à le lasser. Mais il n’était pas encore à leur hauteur.

A l’Est, c’était toujours la Forêt des Mille Lieues qui s’étendait aussi loin que le regard portait. La frondaison était opaque, ayant presque l’air infranchissable avec ses dizaines de milliers d’arbres serrés les uns contre les autres. Le jeune homme voyait des sapins gigantesques, d’autres arbres tachetés dont il ne connaissait pas le nom les dépassant. Il aurait pu s’aventurer à l’intérieur pour chasser des créatures un peu plus fortes que les herbivores, mais il ne se sentait pas encore assez en confiance pour faire cela. Sous les rafales de vents qui soufflaient, l’on aurait dit que la cime des arbres entamait un ballet synchronisé et hypnotisant, rythmé et harmonieux tout à la fois.

Malgré tout cela, il commençait à en avoir marre de sa routine…personne avec qui croiser le fer et aucune créature pour se défouler de toutes les sombres pensées qu’il entretenait. Un peu de violence l’aurait sûrement calmé. Il avait hâte d’atteindre ce lac si cela lui permettait de relâcher un tant soit peu cette tension qu’il accumulait.

Il avait ouvert son interface et constaté que sa carte dévoilait maintenant les alentours de là où il se trouvait, ainsi que le chemin qu’il avait parcouru depuis Akranio et cela le rassura quant à l’efficacité de cette Interface.

Ce fameux matin, après avoir fini son entraînement d’épée et repris sa route, il croisa enfin quelqu’un ! C’était apparemment un vieillard, s’aidant d’une canne pour marcher, le dos voûté. Plus il se rapprochait, plus le jeune homme se tendait en prévision du pire. Les habits que portait le vieux marcheur étaient rapiécés, laissant apparaître çà et là de la peau ridée sous le gris délavé des frusques.

Seulement, quand il le vit lever la tête vers lui et le saluer poliment de loin, sa tension disparut quelque peu. Sans paraître trop avenant, il s’approcha de lui et ce fut le vieillard qui entama la discussion, Marlon gardant prudemment les mots de Selia à l’esprit.

« Bonjour, jeune homme. Pourrais-tu aider un homme dans le besoin ? »

« Si c’est dans mes moyens, rien ne m’en empêche », répondit le jeune homme.

« Je marche depuis des jours et ma vieille carcasse ne me permet plus de chasser aussi efficacement qu’avant. Aurais-tu un peu de nourriture à partager avec moi ? Je peux te donner quelques informations sur la région en échange…et comment te prénommes-tu, d’ailleurs ? »

« …Revenge, monsieur. »

Quelque chose chez ce vieil homme, le regard ou bien la posture, rendait Marlon prudent. Il se rappelait cette impression, à Akranio, et écouter son instinct lui avait permis d’engranger beaucoup de bénéfices. Il enleva donc son paquetage et tendit quelques morceaux de viande séchée au personnage qui lui faisait face. Ce dernier inclina la tête en remerciement et s’assit nonchalamment sur un rocher plat au bord de la route avant de grignoter tranquillement les bouts de viande.

« Aurais-tu également un peu d’eau, aventurier ? » demanda ce dernier sans hésitation aucune.

Marlon lui tendit sa gourde poliment mais ne dit rien, attendant qu’il finisse de se restaurer. Au bout de quelques minutes, ayant fini son repas, il poussa un rot sonore dont l’odeur parvint jusqu’aux narines du jeune homme, qui ne put s’empêcher de froncer les sourcils.

« Ha, mes aïeux ! ça fait un bien de fou ! Merci de ton aide, jeune homme. Tu es le seul qui ait bien voulu m’aider ! »

« Pourquoi ? Vous avez croisé beaucoup d’autres aventuriers ? » demanda innocemment Marlon.

« Quelques-uns, en effet. Il y en a même qui campent à une ou deux heures d’ici, en direction du lac, coté forêt. Je crois qu’ils chassent des Arbols, mais ils ont été très impolis avec moi, voulant même me dépouiller, donc j’ai dû me défendre et leur inculquer une leçon qu’ils ne sont pas prêts d’oublier. »

Le jeune homme réfléchit à l’implication de ce que venait de dire le vieil homme. Sans attendre, il lui redonna quelques morceaux de viande séchée et continua.

« Les aider ? Comment vouliez-vous les aider ? J’espère qu’ils ne vous ont pas blessé… »

Prenant rapidement la viande avec une lueur dans le regard, le vieillard éclata de rire en entendant la phrase de Marlon.

« Me blesser ? Haha, c’est eux qui ont récoltés plus de bleus qu’ils n’auraient dû. Je n’en ai pas l’air, mais j’étais un maître épéiste dans ma prime jeunesse, tu sais ? D’ailleurs je vois que toi aussi tu suis la voie de l’épée ? » demanda-t-il en pointant du doigt la lame accrochée à la ceinture de Marlon.

« C’est un bien grand mot, mais en effet je me bats avec cette épée. »

Son interlocuteur battit dans ses mains comme un enfant heureux et se redressa promptement après avoir englouti la barbaque restante.

« Vu que tu es bien plus sympathique que ces malotrus, veux-tu que je t’enseigne quelques mouvements d’épée ? Cela ne te coutera rien, ne t’en fais pas. »

Marlon réfléchit pendant quelques secondes et se dit qu’il n’avait pas grand-chose à perdre.

« Ce serait un plaisir et un honneur de recevoir votre enseignement. »

Le jeune homme ne put s’empêcher de se demander si Loki n’avait pas encore fait des siennes. Il était quand même bizarre de croiser un maître épéiste sur cette route. Cela dit, si les autres joueurs lui avaient donné à boire et à manger, ils auraient profité de ses enseignements. Il mit ces pensées de côté et décida de profiter de sa chance.

« Haha, je doute que tu y prennes beaucoup de plaisir ! Mais la douleur fait grandir les hommes ! »

Il venait de se redresser et faisait maintenant la taille du jeune homme. Toute trace de vieillesse ou de fragilité dans ses mouvements avait totalement disparu et même son regard semblait plus vif. Ses muscles s’étaient tendus pour laisser apparaître une stature impressionnante dont nul n’aurait pu douter quelques instants auparavant. L’on aurait dit une chenille qui se transforme en papillon sous stéroïdes.

Bordel ! Ce gars vient de changer en deux secondes…

Il avait attrapé son bâton comme une épée et avait pris une pose d’attaque. Sans plus attendre, Marlon dégaina également son épée et se prépara au combat, saluant celui qui lui faisait face.

Dix secondes plus tard, il gisait par terre, se tenant le ventre en s’efforçant de ne pas vomir ce qu’il avait ingurgité au réveil.

« Haaaa, voilà, ça c’est quelqu’un qui sait encaisser ! Tu as même réussi à garder le contenu de ton estomac ! Allez, on continue. »

La rage prit possession de l’aventurier et il se redressa en ignorant la douleur, fonçant sur le vieil épéiste en voulant le tuer. Il allait…

…finir de nouveau à terre. Il n’avait même pas vu le mouvement de bâton qui lui avait fauché les pieds.

« Quand tu te bats, ne te focalise pas que sur moi. Tu dois prendre en compte les mouvements de mes jambes et de mes bras, mais aussi mon regard, ainsi que ton environnement. Le mouvement de mon arme aussi doit être surveillé. Tu dois le faire de manière instinctive, mais ça n’arrivera qu’avec énormément de pratique. »

La même scène se déroula encore et encore, toute la journée. Marlon se relevait avec l’intention de tuer et finissait les quatre fers en l’air, incapable de riposter ou de contrer les coups de son professeur. Une nouvelle douleur s’ajoutait à chaque fois, mais elle restait supportable. Le vieux marquait le coup sans véritable intention de blesser, sinon il serait déjà mort quinze fois. Et à chaque fois, il pointait les erreurs du jeune homme en lui donnant des conseils qui, bien que durs à mettre en application, sonnaient justes.

Le jeune homme finit par demander grâce alors que le soleil disparaissait derrière l’horizon. Même les deux semaines d’entraînement à Akranio ne servaient à rien face à lui ! Mais contrairement au début de journée, il arrivait à parer un ou deux coups avant de se prendre un coup qui l’allongeait gracieusement sur le sol.

« Haha, tu commences à comprendre. Voilà un élève doué ! Allez, on va se reposer un peu, et si tu en as toujours l’envie, demain on continue ! Mais avant ça, aurais-tu encore de cette délicieuse nourriture ? »

Le vieil homme était devenu beaucoup plus familier avec Marlon au fil de la journée, et ce dernier eut juste la force d’hocher la tête avant de faire un feu et de préparer le campement pour la nuit. Il s’arrangea pour qu’il ne le voit pas utiliser les runes pour allumer le feu, et il en profita pour poser quelques questions à son tortionnaire alors que la viande grillait sur le foyer.

« Dîtes-moi, que s’est-il passé ici ? J’ai vu beaucoup de bâtiments en ruine, mais je ne comprends pas comment on pourrait quitter cet endroit…il y a tout ce qu’il faut pour vivre confortablement. »

Le vieil homme parut surpris par sa question, mais y répondit sans rechigner.

« Ça date de l’an 8000, il y a à peu près deux milles ans. C’est la guerre qui a chassé les gens de cette région. Et elle a laissée des marques profondes dans ceux qui ont survécu. Je ne saurais te dire pourquoi cette guerre a commencée, mais comme toutes les guerres elle a produit son lot d’horreurs et de cataclysmes. Prends des êtres vivants, donne-leur des armes et de la magie ainsi qu’une raison de se battre et tu obtiendras généralement une recette parfaite pour la catastrophe du siècle. »

Marlon ne put qu’acquiescer à ce que disait son instructeur. Sur Terre, la magie était remplacée par la technologie, et les guerres ne faisaient que se succéder encore et encore. C’est à croire que le désir de conflit était ancré dans la nature humaine… Il apprit également que le calendrier de ce continent était basé sur sa colonisation par Magnus, l’Archimage, il y avait de cela dix mille ans.

Le vieil homme lui raconta encore des histoires sur les créatures magiques monstrueuses qui avaient été créés à l’époque par des mages peu scrupuleux, ainsi que l’histoire de la forêt des Milles Lieues. Cette forêt avait poussé grâce aux ossements des dizaines de milliers de créatures abattues lors de l’ultime conflit de cette guerre de cinquante ans. La Guerre des Mages, c’est le nom qu’elle portait. Et ce massacre avait donné naissance à cette forêt mystique quasiment infranchissable, et surtout très dangereuse pour les humains.

Quand ils eurent fini de manger, le jeune homme alla se coucher en saluant le vieillard et il s’endormit très rapidement, pensant que ce monde avait décidément une histoire très riche. Il faudrait qu’il en apprenne plus à Delia. Ses rêves furent encore emplis de sang et de mort, cette nuit-là, comme depuis quelques jours.

Il fut réveillé à l’aube par un coup de bâton dans les côtes.

« Allez debout, jeune recrue ! Tu as encore une rude journée qui t’attends ! »

Il eut encore l’impression de n’être qu’un morceau de viande que l’on attendrit et la journée lui parut infiniment longue. Il regretta fortement d’avoir accepté la fameuse « aide » du vieillard alors qu’il se prenait le deux cent trente huitièmes coups de la matinée, mais il allait continuer jusqu’au bout, maintenant qu’il avait commencé.

Alors que le soleil était à son zénith, il avait annoncé une pause et c’est un Marlon transpirant et vidé qui s’assit autour du foyer éteint. Mais contrairement à hier, il n’était pas le seul à transpirer.

« C’est bien, tu apprends vite ! Je ne te transformerais pas en Maître, mais tu pourras te débrouiller bien mieux qu’avant notre rencontre, haha ! Tu as retenu les points importants ? »

« Quelques-uns, je pense. Toujours avoir une forte intention sur son prochain mouvement. Se concentrer sur sa cible dans sa globalité afin de prévoir et empêcher ses mouvements. Gérer son environnement et l’utiliser si possible contre l’adversaire. Enfin, garder un équilibre solide à tout moment. »

Les yeux du vieillard s’écarquillèrent légèrement et il hocha la tête d’un air satisfait.

« Tu en as retenu plus que je ne le pensais. N’oublie jamais de t’entraîner dur ! Maitriser une nouvelle technique prend du temps, l’oublier en prend beaucoup moins ! »

Il laissa le soin au jeune homme d’aller chasser le repas, s’allongeant sur l’herbe et fermant les yeux en attendant que Marlon lui donne à boire et à manger. Quand il sentit l’odeur de viande rôtie, il se redressa en salivant et vint s’asseoir à côté du jeune homme.

« On va s’entraîner encore un peu durant l’après-midi, puis je continuerais ma route. Je pense que tu as retenu correctement la base de mon enseignement. »

« Je peux à peine parer un de vos coups ! » s’exclama le jeune homme.

« Hahaha, c’est déjà bien plus que la plupart des gens, crois-moi ! Tant que tu t’entraînes, tu n’auras pas de souci. Tu vas où ? »

« Je me diriges vers Delia… »

« Bien ! Quand tu seras là-bas, va voir le Maître de l’arène, Jacob. Dis-lui que c’est Rastan qui t’envoie. Il complètera mon entraînement. »

Ils mangèrent jusqu’à ce que leur ventre soit plein, puis après avoir digéré ils se remirent à l’entraînement. Ou plutôt à l’attendrissage. Car bien que Marlon ait maintenant compris le système d’appuis et d’équilibre, il était difficile de les mettre en exergue contre un maître comme Rastan. Mais parer deux ou trois coups d’affilée n’était plus si compliqué…s’il était gentil.

Alors que le soleil baissait gentiment dans le ciel, ils arrêtèrent et Marlon se sentit vidé de toutes ses forces.

« Bien joué, jeune homme. J’espère que l’on se reverra bientôt ! Entraîne-toi durement pour ne pas me décevoir le jour où ça arrivera ! Bonne route à toi, et que les Dieux t’accompagnent ! »

Il salua avec un grand respect l’homme qui venait de le martyriser pendant deux jours, car il avait énormément appris dans ce court laps de temps, et il mettrait à profit son enseignement chaque jour.

Alors que la silhouette du vieillard disparaissait doucement du champ de vision de Marlon, il se dit qu’il était temps de jeter un coup d’œil à son évolution et ses stats, ne serait-ce que pour voir la différence comparée au début. Aussi fût-il surpris de voir que pas mal de ses stats avaient augmentées.

Revenge Master : Niveau

Runiste des Temps Anciens: Niveau 1 (maîtrise débutant)

Force :20

Agilité :15

Intelligence :8

Réflexes :8

Constitution :5

HP : 300

Mana : 50

Charisme :5

Influence : 30

Chance : 10

Familier : Chimère Féline (niveau 1), évolution possible, ????, ????

Maitrise de l’épée : Débutant

Sa force avait augmentée de 15 points, son agilité de 10 ! Ses réflexes avaient grimpé de 6, son charisme de 4. Pareil pour la constitution et ses points de vie !

En même temps, vu l’effort constant qu’il faisait pour s’entraîner, il était normal que cela ait progressé. Mais il ne comprenait pas pourquoi son intelligence avait autant augmenté…dans les jeux classiques, c’était une stat liée à la magie. Se pourrait-il que son entraînement aux runes ait eu cet effet-là ?

Il fallait donc qu’il continue à s’entraîner chaque jour encore plus durement. Il ne voyait plus vraiment Néo-Life comme un jeu vidéo. C’était bien plus comme une réalité alternative où l’effort et l’assiduité portaient leurs fruits, permettant aux gens motivés et avec un minimum de jugeotte de s’élever au-dessus des autres.

Quant au familier, les points d’interrogation lui laissaient entendre que le chat avait des capacités qu’il n’avait pas encore débloqué. Devait-il être plus proche de lui, le faire combattre ? Marlon n’en avait aucune idée et haussa les épaules en se disant qu’il essaierait plusieurs méthodes et verrait bien les résultats.

Il passa également sur sa maitrise d’épée, curieux de voir en combien de niveaux de maitrise se divisaient les compétences. Et il fut surpris de voir leur nombre relativement élevé.

Maitrise de l’épée : Débutant

Les maitrises ont plusieurs niveaux : Débutant, apprenti, intermédiaire, avancé, maître, grand maître, divin. Chaque niveau supérieur sera plus difficile à atteindre que le précédent et demandera un entraînement rigoureux ainsi que l’enseignement de maîtres.

Marlon prit quelques minutes pour bien assimiler toutes les informations qu’il venait d’engranger, et hocha la tête pour lui-même quand il eut bien compris toutes les implications de ce qu’il venait de voir.

Evoluer dans ce monde lui demanderait beaucoup d’efforts, mais s’il était assidu pas grand-chose ne pourrait le limiter. Il avait déjà trouvé un maître donc il ne se faisait pas trop de souci pour en trouver d’autre, surtout que le jeune homme avait déjà une recommandation.

La nuit était maintenant tombée sur la prairie, et une lune quasiment pleine éclairait presque autant que le soleil, permettant au jeune homme de distinguer clairement ses alentours. Il put même voir quelques petits rongeurs traverser la prairie pour aller se réfugier dans des terriers aux abords des arbres.

Portant son regard sur la lisière de la forêt, là où Rastan lui avait dit avoir aperçu les autres joueurs, il devina ce qui ressemblait à un feu de camp. Les animaux nocturnes avaient pris le relais et il pouvait entendre des hululements provenir des arbres.

Quiconque aurait vu le sourire glacial sur son visage aurait fait instantanément demi-tour en courant, probablement même en criant. Ses yeux devinrent froids, et son cœur se raffermit alors qu’il commençait à se diriger vers eux.

Il prit tout de même le temps de plier son campement correctement avant, se disant que le temps perdu était une chance que ses cibles soient endormies et représentent une cible bien plus facile.

Au bout d’une heure, il s’était faufilé à une vingtaine de mètres du campement. Il avait posé son paquetage près du sentier, derrière un rocher relativement gros. Personne n’irait lui voler, et il ne serait ainsi pas encombré. Luna le suivait silencieusement, ses yeux couleur or brillant dans la nuit éclairée.

Il pouvait entendre des voix provenir d’un peu plus loin, et il hésita quelques instants à patienter encore jusqu’à ce qu’ils s’endorment. Mais finalement, il préféra y aller, se disant que l’effet de surprise serait suffisant.

Il mit son épée au clair et la tint fermement en avançant. Un chuintement provenant de Luna le fit s’arrêter et il vit que son familier regardait fixement une zone devant ses pieds. Après s’être penché, il eut une sueur froide. Un piège à loup, armé et camouflé par des herbes arrachées, était juste devant lui, attendant patiemment sa prochaine proie. S’il avait continué, non seulement il aurait été gravement blessé, mais il aurait alerté les autres joueurs. Ces mecs avaient du vouloir se protéger des bêtes sauvages, mais où s’étaient-ils procuré un piège ? Près du lac ?

Secouant la tête pour chasser ces interrogations futiles pour le moment, il progressa encore plus lentement sur les quelques mètres qu’il lui restait à parcourir. Il lui semblait distinguer trois voix différentes, lourdes et empâtées. Il comprit rapidement pourquoi.

-Hehe, cette liqueur est vraiment bonne, hein les gars ? On s’est vraiment pas fait avoir par ce marchand !

-Ouais enfin, vous fere…buuuuurp……vous faîtes pas d’illusions, on pourra pas s’en payer tout l’temps. 20 pièces la bouteille c’est un peu cher quand même…

-C’est bon, nous fatigue pas, le radin. Après la branlée qu’on s’est pris par l’autre clochard, fallait qu’on se change les idées. Et tuer des Arbono…des Arbols, c’est chiant au bout d’un moment.

-Shhhhhhh, parle pas aussi fort, tu vas réveiller les monstres ! C’est peut-être un jeu, mais on ne possède que trois vies, les gars !

Marlon eut un rictus effrayant quand il les entendit déblatérer entre eux. C’étaient bien ceux à qui Rastan avait filé une correction, et en plus ils étaient ivres. Ils avaient survécu jusque-là, donc ils devaient avoir compris les bases du jeu, mais ils considéraient encore les habitants comme de simples PNJ de jeux vidéo…ils passaient à côté du principal.

C’était une invitation ouverte au massacre. Il n’eut pas besoin de raffermir sa volonté, il avait hâte de s’en occuper même. Comme si son cœur avait patiemment attendu ce moment où il leur enlèverait la vie.

Sans plus attendre, et après avoir consciencieusement vérifié qu’il n’y avait pas d’autres pièges, il bondit près du feu de camp.

Ils étaient trois près du feu de camp, comme il lui avait semblé entendre. Leur conversation s’interrompit instantanément alors que la surprise les figeait pendant un quart de seconde à la vue de Marlon. Son sourire glacial, empli de mort, leur fit instantanément comprendre qu’ils étaient en danger de mort.

Ils n’eurent pas le temps de se remettre que déjà Marlon avait envoyé un coup horizontal avec toute la force qu’il possédait. C’est à peine si sa lame ralentit alors qu’elle tranchait la tête du premier d’entre eux. Un geyser de sang jaillit du cou se sa victime et le sang qui l’arrosa le fit rire. Un rire dément, provenant d’un monstre qui en cet instant n’avait plus rien d’humain.

Utilisant la force de son premier mouvement, il fit un tour sur lui-même afin de donner encore plus d’élan à son épée qui alla se planter dans les côtes du deuxième larron. Ses bras vibrèrent sous l’impact et son arme s’enfonça quasiment jusqu’à la moitié de son corps. La vie quitta immédiatement les yeux de sa deuxième victime.

En poussant un grognement, il dégagea son arme des chairs du cadavre. Il ne put pas aller plus loin avec son effet de surprise. Le temps de récupérer son épée, le troisième joueur s’était redressé et avait également sorti son arme, une épée semblable à celle de Marlon.

La peur luisait dans son regard et il jura abondamment en voyant ses deux camarades morts sur le coup, ayant dessoulé en un quart de seconde.

-Putain de merde ! Mais t’es qui, espèce d’enculé ?!?

Il balança un coup vers Marlon, qui étonnamment, n’eut aucun mal à le parer. Un deuxième, un troisième…le jeune homme n’eut aucun mal à les contrer avec sa lame. Peut-être était-ce dû au fait que Rastan avait des mouvements infiniment plus rapides et puissants, mais il y arrivait. De plus, il ne ressentait pas la pression énorme qui l’avait envahi lors de son entraînement avec le vieillard. Ce gars n’avait pas eu sa chance, et du coup, n’avait pas l’enseignement qu’il avait enduré.

Mais il avait une bonne endurance et il était rapide. Il enchainait les coups et ne laissait pas vraiment de fenêtre pour contre attaquer. Alors que Marlon commençait à s’essouffler, ce fut Luna qui lui permit de finir ce combat rapidement.

Elle bondit au visage du dernier joueur et lui griffa les yeux. Bien qu’elle ne lui fît pas très mal, la surprise le fit reculer et cesser ses attaques. Il n’en fallut pas plus au jeune homme. Il avança en courant pour réduire la distance les séparant et embrocha son adversaire comme il avait embroché le rat des champs. Du sang jaillit de la bouche du joueur et la vie quitta instantanément son regard alors que l’épée avait traversé son cœur.

Un profond sentiment d’accomplissement l’envahit alors qu’il retirait sa lame et l’essuyait minutieusement sur le vêtement d’un des corps. Il se sentait bien, léger. Comme après avoir tué la Mantis ou exécuté le joueur à Akranio. La violence et le fait de se renforcer comblaient le vide qu’il ressentait en lui depuis que sa mère était morte.

Alors que le sourire se faisait plus doux sur son visage, comme de quelqu’un qui se sentait accompli et bienheureux, s’éleva de la mare de sang au sol trois inscriptions distinctes. Il s’assit à côté du foyer encore crépitant et regarda attentivement le phénomène.

Ding

Vous avez appris la Rune Vision

Vous avez appris la Rune Souffle

Vous avez appris la Rune Protection

Il était certain d’une chose. Ce soir, il ne ferait pas de cauchemars et pourrait enfin se reposer pleinement. Il chantonna, couvert de sang et un sourire cruel sur le visage, Luna le suivant de près, avant de voir les tentes dressées de ses victimes lui tendre les bras.

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