LiangZhu | 良渚
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Volume 2 / Chapitre 11
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Grâce au travail et à l’enthousiasme de tous, la réparation des chaumières – endommagées durant l’attaque de sangliers –, était déjà terminée. 

« Voilà grand-père, on a fini de retaper les maisons. En plus, on te régale de cochon grillé tous les jours. Alors maintenant ça y est ? Tu nous apprends à faire des flèches ? La poterie, ça peut attendre un peu. » 

« Vous alors, avec vos flèches… », se désola le sorcier. 

« Sans poterie, comment va-t-on faire pour stocker l’eau et la nourriture ? Sans poterie, comment allons-nous cuire le gibier ? Sans parler du fait que, avec le bambou, on peut faire des tas de choses, pas seulement des flèches. » 

« Allons, les enfants », ajouta-t-il, « ne soyez pas si impatients. Commençons par la terre cuite et, dès qu’on aura fini, je vous apprendrai à faire ces fameuses flèches. D’ici là, les animaux ne vont pas s’évaporer de la forêt… » 

Et c’est ainsi que, prenant leur mal en patience, ils s’initièrent à l’art de la poterie – sous l’œil attentif du sorcier. 

… … … 

« C’est pourtant pas compliqué, grand-père. On façonne une motte d’argile à la main, on la fait cuire au feu, on attend qu’elle soit bien sèche et puis voilà. À quoi bon se fatiguer à en parler. » 

« Il y a du vrai là-dedans », concéda-t-il. 

« Alors, allons-y », s’écria l’un des chasseurs, « qu’est-ce qu’on attend ? » 

« Dans notre tribu », répondit patiemment le vieil homme, « presque tous les adultes ont des rudiments de poterie. Mais pourquoi à votre avis, quand chaque famille fabrique ses propres pots, ils sont tous différents ? Pourquoi certains sont solides et durables, quand d’autres se cassent au premier coup de sanglier. » 

« À chacun sa poterie », plaisanta l’un, pour amuser la galerie. 

« Ce qu’on veut maintenant », continua grand-père Rivière, imperturbable, « c’est partager avec vous, les jeunes, le savoir-faire de la tribu, pour qu’à l’avenir, TOUTES les poteries soient solides et durables. » 

« L’important, c’est la terre et la température de cuisson », insista-t-il. « Sans une bonne argile et un feu puissant, on ne peut pas fabriquer de poterie vraiment solide », avant d’aborder les différents types de matériau. 

Peu à peu, Liang, Caillou et les autres prirent conscience qu’il s’agissait d’autre chose que de s’égayer un moment dans la boue. 

Suivant ses instructions, tous – garçons et filles confondus –, se rendirent d’abord dans la forêt pour couper une grande quantité de bois ; puis, faisant rouler les troncs le long du chemin, ils se retrouvèrent sur le rivage du Grand Lac. 

Là, grand-père Rivière leur demanda de collecter de l’argile et de l’amonceler en mottes. Ensuite, il les fit cribler du sable fin, en prenant garde à le débarrasser de ses aspérités. Enfin, il les envoya collecter des miettes de pots cassés, pour qu’ils les moulussent et en fassent une sorte de pâte fine. 

« À quoi ça sert tout ça, grand-père », s’étonnèrent-ils. 

Pour eux, jusqu’alors, faire de la poterie consistait simplement à ramasser un peu de boue, à la modeler à la main, à la laisser sécher au vent, puis à la faire cuir au feu. Jamais l’idée de mélanger des grains de sable ou des morceaux de vieux pots à de l’argile ne leur serait passée par la tête. 

« Alors vous voyez ? Pas si simple, n’est-ce pas ? » 

« Vous ignorez encore à quel point notre technique de cuisson s’est améliorée, et comme il est important que vous la maîtrisiez. Il en va de l’avenir de notre tribu », expliqua-t-il d’un ton grave. « Car, voyez-vous, le sable fin contient de petits cristaux qui, une fois calcinés, s’agrègent entre eux et rendent nos poteries plus solides. » 

« Et pour les morceaux de pots cassés ? », demanda Liang. 

« Ces morceaux ont déjà été cuits une première fois. Ils ont donc la propriété d’être indéformable et résistant au feu. En les ajoutant à l’argile, nos nouvelles poteries en deviendront alors plus stables. » 

« Grand-père, tu pourrais pas nous montrer plutôt », demanda l’un. Même s’ils avaient saisi l’essentiel, tous avaient un peu la tête dans le brouillard. 

« Bien dit », s’exclama un autre. « Nous, tout ce qu’on veut, c’est faire de la bonne poterie bien solide. » 

« Vous alors… », fit le sorcier en éclatant de rire. « Sans maîtriser les principes, vous devez au moins vous souvenir de la méthode. D’autant qu’aujourd’hui, on ne va pas se contenter de mélanger de nouveaux éléments à l’argile, on va aussi tester une autre technique de cuisson. » 

Il leur demanda de creuser des fosses en pente, puis de modeler de petites plate-formes dans chacune d’elles ; ensuite, de tasser la terre à coup de pierre, pour la rendre bien ferme ; enfin, de laisser l’intérieur des fosses sécher au soleil. 

« À quoi servent ces trous, grand-père ? », demanda Caillou. 

« Ces fosses vont nous permettre de concentrer les flammes en un seul endroit et ainsi, d’élever la température de la cuisson. Cela devrait rendre nos poteries plus solides. » 

« Et si on utilisait aussi l’ancienne méthode, histoire de faire quelques pièces », proposa Liang. « De cette façon, on pourra comparer les deux types de cuisson. » 

« Pourquoi pas, mais alors dans ce cas, en prenant le nouveau type d’argile. Sans quoi, cela n’aurait pas grand intérêt. » 

« Compris, grand-père. À ancien feu, nouvelle argile », dit Liang. 

Ainsi, près du rivage, agenouillés dans la boue, tous se mirent à amasser des mottes de terre à la main, puis à pétrir contre des plaques de pierres ou des planchettes en bois, afin de rendre l’argile bien homogène et malléable. Après quoi, ils la modelèrent suivant les formes qu’ils souhaitaient. 

Certains en firent des objets familiers, ceux qui les entouraient au quotidien ; quand d’autres – comme Zhu et les filles, qui étaient venues prêter main forte –, firent preuve de davantage d’imagination, façonnant leur pâte de différentes tailles, ou en modelant les anses comme des oreilles, ou encore en y dessinant à l’argile rouge les motifs qui les amusaient. 

Le modelage une fois terminé, ils laissèrent l’argile sécher au Soleil et, après qu’elle eut durci, arrangèrent les objets sur les plateformes, dans les fosses, en attendant de les faire cuire. 

« C’est vraiment marrant », dit Zhu, en train de fabriquer un drôle de pot. Elle s’en donnait à cœur joie. « On peut fabriquer des cruches tout en jouant dans la boue. » 

« Dis grand-père, qui a inventé la poterie ? », demanda Liang. 

« Nos ancêtres évidemment. C’est eux qui nous ont transmis ce savoir-faire. » 

« Oui, mais comment ont-ils fait, eux ? », demanda Caillou. 

« Ça, c’est grâce à l’Esprit du Feu. C’est lui qui les a mis sur la voie. En cuisant leur nourriture, ils ont dû s’apercevoir que certaines terres se durcissaient au contact du feu ; puis que, malléables, ils pouvaient les façonner à leur guise. Donc, tu vois, la poterie est bien un don des Esprits du Feu et de la Terre. » 

« En même temps », ajouta-t-il, « c’est aussi le fruit de l’intelligence de nos ancêtres, et le résultat de nos propres efforts, nous qui ne cessons de perfectionner la technique. » 

« Et cette nouvelle cuisson, grand-père », demanda un autre, les mains et la moitié du visage tout couverts de boue, « qui te l’a apprise ? » 

« Mais c’est la Lune, bien sûr », conclut le sorcier en éclatant de rire. 



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