Une heure plus tard, Zhang Xuan sortit du Bureau de la Logistique, les yeux pétillant d’excitation.
S’il s’était agit de l’ancien Zhang, celui-ci aurait tiré avantage de la situation du jour. Mais la Bibliothèque de la Voie Céleste avait donné un tout autre sens à sa vie.
Zhang Xuan serra son poing et expira une bouffée d’air :
« Le fait d’être passé dans ce monde est peut-être une bénédiction pour moi! Cette vie excitante est exactement ce que j’espérais! »
Dans son existence antérieure, il n’était qu’un bibliothécaire dont la vie simple et bien remplie tournait autour des livres et de sa maison. Il touchait un salaire fixe et menait une existence sans but. Mais ici, les choses étaient bien différentes. Grâce à la Bibliothèque de la Voie Céleste, il allait pouvoir aller loin, devenir plus fort et mener une vie passionnante, entièrement nouvelle!
A cet instant précis, Zhang Xuan, qui n’avait plus à se débattre en terrain inconnu, faisait partie intégrante de ce monde!
– « Ne me retiens pas. Laisse-moi mourir. Je veux mourir »
Un cri perçant, non loin de là, interrompit le cours de ses pensées. On aurait dit un taureau furieux à vous en arracher le cœur.
Zhang Xuan se retourna et aperçut un gros patapouf qui fonçait en hurlant en direction du lac. Personne n’essayait de l’arrêter. Il se retourna et saisit la main d’un étudiant pour faire croire qu’on le retenait, puis se remit à hurler.
– « Ne me retiens pas. Laisse-moi mourir, je refuse de vivre plus longtemps. »
…
Tout le monde était sans voix.
Zhang Xuan n’en revenait pas :
– « Quel effronté! »
Ce gros gars, qui en réalité n’avait pas l’intention de mourir, jouait la comédie en faisant croire que quelqu’un tentait de l’en empêcher. Il était vraiment culotté.
Nullement intéressé, Zhang Xuan poursuivait son chemin en direction de sa classe lorsque soudain, le sol autour de lui se mit à trembler et une paire de bras dodus lui attrapèrent la jambe.
Le petit gros pleurait à chaudes larmes :
– « Professeur, je vous en supplie, acceptez-moi comme disciple. Ils me méprisent tous à cause de mon poids… »
– « Entrons »
Zhang Xuan était interloqué: se jeter sur lui de cette façon sous prétexte qu’il était enseignant!
– « Professeur, je ne vous lâcherai que si vous m’acceptez! »
Les larmes et la morve ruisselaient sur son visage. La douleur dans sa voix était si profonde que les gens autour de lui finissaient par le trouver sympathique.
« Aujourd’hui, je suis allé voir bon nombre d’enseignants”, reprit-il “ mais aucun d’entre eux n’était disposé à m’accepter! »
Les résultats des étudiants étaient également pris en compte lors de l’évaluation de l’enseignant. Une personne grassouillette comme lui aurait tendance à avoir des problèmes d’agilité lors des combats, c’est pourquoi la plupart des professeurs en vue le refusaient.
– « Si vous voulez que je vous accepte, montrez-moi au moins vos capacités. »
Grâce à la Bibliothèque, le recrutement était pour lui chose aisée. Si cette personne s’avérait médiocre, il ne l’accepterait certainement pas.
Hésitant, il leva les yeux et lentement, desserra son étreinte.
– « Professeur, vous devez m’accepter comme disciple. Je suis tout à fait capable… »
Voyant qu’il était encore un peu réticent à lâcher prise, Zhang Xuan le repoussa :
– « C’est à moi de juger de vos capacités. Il est inutile d’en faire davantage! »
Mais quelle histoire! S’il s’était agi d’une étudiante, cela aurait pu passer. Mais un garçon, et gros de surcroît…. Rien qu’à y penser, Zhang Xuan frissonna.
– « Très bien! Dans ce cas, regardez! » Nullement découragé, le gros garçon se leva et examina les environs. Puis il alla chercher quelques blocs de béton, en souleva un et le fracassa sur sa tête.
Le bloc de béton se brisa. Il répéta l’opération mais cette fois avec son coude et sa jambe.
Ce jeune homme pouvait paraître dodu, mais il pratiquait son art martial à la manière Henglian, c’est à dire en utilisant la force brute.
Zhang Xuan, qui ne connaissait rien à cela, examina le livre compilé dans son esprit.
Les compétences acquises à travers le Henglian pouvaient être assimilées à un art martial en soi.
– « Yuan Tao, pratiquant indépendant de la ville de Dihuang, combattant 1ère Dan du Royaume Juxi intermédiaire! »
……
« Défauts : 18 aspects. No.1, son ancienne lignée impériale(1) doit être révélée! No.2, ses bases sont trop faibles, l’art martial qu’il pratique… »
« Une lignée impériale ? »
En y regardant de plus près, Zhang Xuan se sentit déconcerté. Depuis qu’il avait fusionné avec les souvenirs de son hôte, il savait que dans ce monde, la lignée ou une bonne constitution étaient des atouts déterminants. Si l’on avait la chance de posséder l’un des deux, il suffisait d’une méthode appropriée pour progresser rapidement durant la pratique et pour que la force augmente de façon exponentielle.
Il existait de nombreux types de constitutions, tels que le Corps Yin Pur, le Corps Yang Pur, le Corps Immaculé, le Corps Doré…
Les lignées aussi étaient également très variées, parmi lesquelles les Anciennes et Nouvelles Lignées, Les Héritages et les Mutations…
Une fois les capacités décelées, chaque bénéficiaire devenait une cible potentielle pour de multiples enseignants.
La Lignée Impériale que possédait le garçon dodu était une Ancienne Lignées, des plus puissantes parmi les défensives. Au sommet de la pratique, elle assurait une défense inviolable du corps.
Ce gars insignifiant, gros et éhonté possédait-il réellement une Ancienne Lignée ?
« Si tel est le cas, il faudra la révéler. A en juger par les apparences, il ne semble pas en être conscient. »
Le regard de Zhang Xuan s’illumina. S’il n’avait pas été accepté par les enseignants, c’est sans doute parce que ceux-ci, tout comme lui, ne connaissaient pas l’existence de cette lignée. Il fallait absolument la faire resurgir, faute de quoi il serait exactement comme les autres.
Cependant, même s’il l’ignorait, ce jeune homme avait du potentiel. Ses capacités défensives étaient beaucoup plus fortes que celles des autres élèves, c’est la raison pour laquelle il avait choisi d’exercer un type d’art martial de résistance aux coups appelé “Aida”(2).
Les yeux du professeur Zhang scintillèrent : « Il me faut absolument ce garçon! »
L’académie toute entière ignorait certainement qu’un de ses étudiant possédait une Ancienne Lignée. Il ne pouvait pas laisser dépérir ce bourgeon exceptionnel.
Zhang Xuan, qui jubilait intérieurement, lui lança un jeton d’identité.
– « Ce n’est pas mal. Je vous prends pour élève. Venez, scellons notre relation »
– « Vraiment professeur ? C’est formidable! »
Le garçon enveloppé avait été si éprouvé psychologiquement durant la journée qu’il se sentit tout excité à l’idée qu’un professeur accepte enfin de le prendre sous sa tutelle. Sans hésiter, il s’entailla le doigt et déposa une goutte de sang sur le jeton.
– « Il paraît que le niveau d’un professeur laisse présager de celui de son élève. Un professeur rebut ne peut prendre que des étudiants rebut », une voix méprisante s’éleva soudainement.
Zhang Xuan se retourna et aperçut un jeune homme qui s’avançait, l’air glacial et arrogant.
Une belle dame se tenait à ses côtés. Ses cheveux noirs et soyeux ruisselaient sur ses épaules. Sa peau pâle avait une texture de crème et ses yeux captivaient ceux qui la regardaient.
– « Shang Bin ? Shen Bi Ru ? »
Aussitôt, deux noms lui traversèrent l’esprit. Tout le monde à l’académie connaissait Shen Bi Ru! Elle ne venait pas d’un milieu spécial mais était considérée comme une belle enseignante. Outre son physique, elle excellait dans sa profession. En un an à peine, cette jeune femme était devenue l’enseignante la plus réputée.
Noble, élégante, belle et intelligente, elle était poursuivie par les assiduités frénétiques de quelques professeurs, dont l’ancien Zhang Xuan faisait partie. Malheureusement, en plus d’être un raté, il était peu cultivé et terminait toujours dernier lors des examens. Comme il n’avait pas suffisamment d’estime de lui, jamais il n’avait osé parler à l’élue de son cœur, encore moins la courtiser.
Quant à Shang Bin, le jeune homme qui l’accompagnait, c’était le petit-fils de Shang, doyen de l’académie. Il s’était servi de son statut pour évincer les autres poursuivants. Ayant appris que Zhang Xuan avait des vues sur elle, il l’insultait à chaque fois qu’il le rencontrait, allant même parfois jusqu’à l’agresser physiquement.
Cependant, elle ne semblait pas s’intéresser à lui. Elle était froide avec tout le monde, ce qui rendait Shang Bin malheureux.
Malgré le sarcasme sans retenue dont il faisait preuve, Zhang Xuan ne se fâcha pas. Se tournant vers lui, il demanda:
– « Qui traitez-vous de rebut ? »
– Shang Bin sourit avec mépris :
– « Cette insulte vous était destinée! »
Zhang Xuan agita la main devant son nez, l’air dégoûté :
– « Oh, donc “rebut” m’était destiné? Les déchets ne sentent pas très bon d’habitude, cela vous à attiré! »
– « Espèce de… »
En se voyant reprendre par le pire professeur de l’académie, le visage de Shang Bin rougit de colère.
NOTE: Henglian (横 练) est une façon de s’entraîner et signifie littéralement “s’entraîner par la force brute”. Il y a 3 façons principales de s’entraîner aux arts martiaux : Wenlian, Wulian et Henglian. Selon baidu, ces trois voies mènent à différents sommets. Henglian fait référence à une méthode consistant à briser un objet dur avec son corps afin de se renforcer. De nos jours, quelques personnes ont encore recours à Henglian durant leur entraînement.
(1)’Aida’: 挨打 : recevoir des coups
(2) Lignée Impériale <-> 龙 犀 血脉 (Lignée de Longxi)
Dans la Chine ancienne, les gens étaient persuadés que “les traits du visage déterminaient l’avenir”. Les nobles avaient un visage ‘Longxi’, également appelé « visage impérial ».