L’hiver le plus rigoureux de tous les temps était arrivé alors que Riftan persistait à reconstruire Anatol comme un homme possédé par un démon. Cependant, peu importe combien le château a été réparé et combien de murs il a érigé, il ne pouvait pas reconstruire son amour-propre effondré.
Riftan se tenait au sommet des murs frontaux du château, la mâchoire serrée tandis qu’il contemplait la terre gelée. Chaque fois qu’il ferme les yeux, les yeux méprisants du Duc Croix clignotent dans ses souvenirs et chaque fois que sa tête touche l’oreiller, le visage effrayé de la jeune fille apparaît devant lui. Il se frotta brutalement le visage, regrettant terriblement d’avoir toléré de telles insultes à son égard.
Maintenant, il devait vraiment s’échapper de ses fantasmes éphémères. Il n’avait même pas le droit de s’agenouiller devant elle. Il fallait maintenant mettre un terme à ses pensées inutiles. Riftan se répétait cela encore et encore. Maximillian Croix n’était plus un réconfort pour sa solitude, chaque fois qu’il pensait à elle maintenant, il ressentait une douleur amère.
Si tu es né comme un déchet pour le sol, tu dois vivre ta vie en ne regardant que le sol. Si tu regardes vers le haut, tu ne seras que misérable.
Les mots de son beau-père se sont enfoncés profondément dans ses os. Sa présence ne le rendait que plus misérable. Il allait vivre le reste de sa vie dans un vide douloureux tant qu’il ne pourrait pas échapper à son désir pour elle. À cause d’une femme qu’il ne pouvait avoir à ses côtés, il devait souffrir d’une solitude atroce jusqu’au jour de sa mort.
Vraiment, cela doit cesser maintenant.
Il ne voulait pas se ridiculiser plus longtemps, se jurant de ne plus jamais remettre les pieds à Croix. Il cesserait d’entrer et de sortir du domaine du Duc juste pour la poursuivre des yeux et apercevoir la femme qui le regardait comme un insecte. ( Et toi tu comprends rien )
Riftan descendit des murs du château et se dirigea vers son château désolé, priant pour que l’humiliation qu’il avait reçue du Duc puisse graver une colère assez profonde dans son cœur pour effacer sa présence de son esprit…..
Plusieurs mois passèrent et alors que les températures maximales de l’hiver s’apaisaient, des rumeurs commencèrent à se répandre selon lesquelles le dragon des montagnes de Lexos se réveillait. Alors que les équipes d’expédition étaient massacrées dans les forêts brumeuses, chaque royaume a commencé à constituer des troupes pour soumettre le dragon.
Alors que des milliers de soldats campaient près de la montagne Lexos, les prédictions du roi Ruben se réalisèrent et une grande agitation s’ensuivit. Terrifiés, les gens ont fait leurs bagages et ont migré vers le nord. Une procession sans fin de roturiers défilait sur les terres gelées, mettant les propriétaires en difficulté pour réprimer les serfs qui fuyaient.
De tous, c’est le Duc de Croix qui a le plus senti l’odeur du feu. Le front de Riftan se plissa à la lecture des rapports apportés par les informateurs. Lorsque l’ordre d’envoi a été donné au Duc de Croix, il a rassemblé ses vassaux, se réunissant pour des contre-mesures. Il se demandait comment l’homme rusé allait se sortir de ce mauvais pas.
Les lèvres de Riftan se sont levées avec cynisme alors qu’il jetait le parchemin dans la fournaise. Les flammes se sont élevées, illuminant la caserne en un instant. Il déchiqueta du bois de chauffage et l’empila sur le feu, s’assurant que le parchemin se réduirait en cendres, et sortit de la tente pour contempler le ciel où l’aube naissante avait commencé à s’éclairer. Une ombre bleutée planait au-dessus des forêts brumeuses.
Les seigneurs des terres occidentales de Whedon n’étaient pas exemptés de l’ordre d’envoi. Au contraire, ils ont été chargés d’empêcher les monstres de franchir les frontières. Des centaines de milliers de monstres se cachent dans les montagnes de Lexos et bientôt, ils tenteront de migrer pour éviter le monstre le plus puissant. Il est devenu du devoir des seigneurs de les empêcher d’envahir les terres de Whedon.
“Sir Calypse, un messager est arrivé du château de Croix.”
Alors qu’il inspectait les barrières temporairement construites, un soldat s’est précipité vers lui en criant. Riftan a arqué un sourcil.
“Pour quelle raison un messager du château de Croix me cherche-t-il ?”
“Je n’ai pas entendu les détails. Le messager insiste pour vous délivrer son message directement…”
Les yeux de Riftan se sont rétrécis et il a parlé d’une voix froide. “Dis-lui d’attendre. Je n’ai pas encore fini de patrouiller.”
Le soldat parut perplexe devant sa réponse, mais Riftan se contenta de l’ignorer et se dirigea vers la tour de guet. Le soleil se levait lentement sur les sommets sombres des montagnes.
Dans peu de temps, des dizaines de milliers de soldats commenceraient à y marcher, mettant toutes leurs vies en jeu. On ne sait pas combien d’entre eux pourront revenir vivants. Il regarda les douze pics montagneux qui dominaient le ciel, prenant une gorgée de sa gourde pour s’humidifier les lèvres. Des centaines de soldats avaient déjà perdu la vie en essayant de franchir les barrières du dragon. Il ne pouvait pas imaginer combien de cadavres supplémentaires allaient s’empiler à l’avenir.
“Sir Calypse, le messager demande à plusieurs reprises à vous voir immédiatement.”
Lorsque le soleil a atteint le milieu du ciel, le soldat est remonté vers lui, pressant, et Riftan a froncé les sourcils. Il envisageait en fait de l’ignorer, mais il voulait éviter de causer un problème inutile au milieu de ce genre de situation, alors il a simplement laissé échapper un soupir.
“J’y vais maintenant.”
Le soldat l’a conduit directement au messager qui se trouvait dans la caserne. Le messager du Duc Croix, l’a salué avec une expression furieuse, ayant attendu pendant presque la moitié de la journée.
“J’ai voyagé sans fin pendant trois nuits et trois jours pour vous rencontrer.” Il écouta l’homme caresser sa barbe touffue, sans même lui adresser un salut correct. “Le Duc ne serait pas content s’il savait qu’on me fait attendre comme ça.”
Riftan lui a lancé un regard effrayant. “J’ai été commandé par le Roi pour défendre les frontières, empêchant les créatures maléfiques d’envahir cette terre. Tu veux dire que le message du Duc est plus important que l’ordre du Roi ?” ( Et bim, dans ta gueule )
La bouche de l’homme s’est écartée comme s’il allait essayer de réfuter ses paroles, mais elle s’est vite refermée. Après un moment de silence, il prit la parole sur un ton plus doux.
“Il y a des milliers de soldats qui campent ici. Même avec la courte absence du Seigneur, les défenses ne seront pas immédiatement brisées.”
“Je n’ai fait que prioriser la tâche que j’avais à faire.” Le visage de Riftan exprimait de la contrariété. “Au lieu de perdre du temps à te plaindre, dis-moi ce dont tu as besoin. Qu’est-ce qui t’amène ici ?”
“…vous avez dû entendre que Sa Majesté a confié le commandement de l’assujettissement des dragons au Duc.” Le messager a dit d’un ton feutré, comme s’il réprimait son mécontentement. “Pour cette raison, j’ai été envoyé pour délivrer une proposition à Sir Calypse.”
“…une proposition ?”
Riftan demanda d’un ton grondant, décidant de refuser d’emblée tout ce qu’il avait à proposer. Il a rétréci ses yeux, c’était vraiment abrutissant. Après lui avoir craché de telles insultes au visage, il n’aurait jamais pensé entendre une proposition de sa part.
“Mais qu’est-ce qu’il propose ?”
Le messager, qui a tenu sa langue un long moment, ouvre à peine la bouche, semblant en avoir assez de l’attitude hostile de Riftan.
“Son excellence… propose de vous donner sa fille aînée, Maximillian Croix, comme épouse si votre seigneurie accepte de prendre le commandement de l’assujettissement des dragons.” ( … vous allez vous dire que le duc est une girouette mais vous comprendrez après avoir lu quelques chapitres de l’histoire principale qu’il traite Riftan pire et non mieux )
“… Quoi ?”
La bouche de Riftan s’est ouverte dans le vide. Il ne comprenait pas complètement ce que le messager disait. Le messager continuait à parler calmement devant lui, à moitié refoulé.
“Il s’agit d’une mission vitale qui déterminera le sort de la région occidentale. Il a l’intention d’assigner cette tâche au guerrier le plus expérimenté et le plus capable parmi les autres.”
“…Tu parle de moi ?”
“Son excellence a une grande estime pour vos capacités.” ( C’était pas très évident la dernière fois qu’il l’a fait dégagé )
Les lèvres de Riftan se sont relevées en un sourire en coin. Il se demandait quelle épaisseur avait le visage du Duc pour qu’il lui fasse une proposition aussi discrète à ses yeux, cela ressemblait plus à une insulte. La bonne chose à faire était de quitter la caserne à l’instant même et ignorer le Duc.
Cependant, comme si ses jambes étaient coincées, il restait immobile. Riftan se frotta grossièrement la main sur son front. La voix arrogante du messager transperça sa tête qui avait durci comme du ciment.
“N’est-ce pas un grand honneur d’avoir la fille aînée du Duc comme épouse ? C’est une proposition qui n’a jamais été offerte auparavant.”
“Alors… je dois être reconnaissant et dire merci ?”
Riftan a rétorqué entre ses dents serrées. Sa colère ne faisait que croître face à l’arrogance du Duc, qui essayait de profiter de lui et de paraître généreux. A quel point le Duc le trouvait-il ridicule pour avoir le courage de lui offrir cela ? Il avait l’impression que ses yeux allaient devenir rouges de honte. Ce qui lui faisait le plus honte, c’était que ses sentiments vacillaient comme s’ils étaient hors de son contrôle.
Il a serré les poings très fort. Il ne serait jamais capable de se pardonner le dilemme qu’il avait. La proposition ne valait même pas la peine d’être considérée. Il ne s’agissait pas seulement de risquer sa seule vie, le sort des Chevaliers Remdragon et d’Anatol ne tenait également qu’à un fil.
Forcerait-il les chevaliers à suivre ses ordres juste pour satisfaire sa cupidité ? Riftan serra les dents si fort qu’il eut l’impression que sa mâchoire allait se briser à tout moment.
De plus, Maximillian Croix le méprisait. Elle désirerait meilleur qu’un palefrenier, un meilleur homme qui ne soit pas un enfant illégitime, demi-sang, issu d’un milieu paysan. Riftan cracha ses mots, c’était comme si le sang allait aussi en sortir.
“Je refuse.”
Cracher ces mots lui semblait plus dur que tout ce qu’il avait vécu dans toute sa vie. Les yeux de Riftan étaient collés au sol en silence, c’était comme si un énorme trou avait été percé dans sa poitrine. En levant lentement le regard, il vit le visage du messager se durcir de colère. L’homme a parlé de façon menaçante.
“Refusez-vous l’opportunité d’établir un lien profond avec la maison du Duc ?”
“J’ai une terre et un peuple dont je suis responsable.” Riftan a craché sans ménagement. “Dites ceci au Duc. ‘Garde ton honneur pour toi’.”
L’homme le dévisagea froidement puis se leva lentement de son siège. “Je vais lui transmettre votre message. Cependant, vous regretterez les mots que vous avez prononcés aujourd’hui.” Le messager commença à se diriger vers la sortie et fit claquer sa langue comme s’il avait pitié de lui. “Le duc réussit tout ce qu’il entreprend. Il aurait été préférable pour vous d’accepter son offre docilement.” ( Ça c’est de la menace bien placé )
Riftan ouvrit la sortie pour le laisser sortir de la caserne. L’homme a baissé la tête et est sorti. Alors que le bruit des pas du messager s’éloignait, il avait l’impression de tomber dans un endroit lointain.
Riftan se mordit les lèvres jusqu’au sang, réprimant l’envie de le poursuivre immédiatement.
Ça s’est bien passé. Vraiment, bien fait. Riftan s’est dit.
***
“J’ai toujours su que c’était un être humain sans scrupules, mais là, ça dépasse mon imagination.”
Hebaron, qui avait entendu parler de ce qui s’était passé pendant la journée, secoua la tête comme si ce qui s’était passé était tellement absurde. La proposition du Duc se répandit rapidement parmi les chevaliers par la bouche des soldats qui gardaient la caserne. Tous les chevaliers ont craché des mots sur l’arrogance du duc.
“Même le roi Ruben ne se serait pas attendu à ce que cet homme soit aussi rusé.”