Cependant, comme pour ridiculiser un comportement aussi pathétique, elle quitta tranquillement la salle de banquet avec ses servantes. Ayant l’impression que son enthousiasme avait été gâché, Riftan posa son verre à moitié vide. L’idée de s’en prendre à elle lui traversa l’esprit un instant, mais cela aurait été trop évident, car il aurait perdu le défi dans lequel il était engagé. Il avait essayé de s’excuser plusieurs fois pour ce qui s’était passé, mais à chaque fois, il avait échoué à plusieurs reprises.
Les lèvres de Riftan se tordirent sur le côté alors qu’il se souvenait de Maximillian qui était toujours occupé à le fuir dès qu’il essayait de l’approcher. Maintenant, la fille allait probablement le considérer non seulement comme un fouineur, mais aussi comme un ivrogne et un fêtard. ( Tu l’auras chercher )
Super. Riftan marmonne sarcastiquement et boit le reste de son verre. Qui sait, peut-être que c’est pour le mieux.
Il n’y avait aucune chance qu’il puisse se tenir à ses côtés de toute façon, et même si cela pouvait être le cas, Maximillian le mépriserait probablement terriblement. À ce moment-là, il pourrait aussi se débarrasser de ses sentiments insensés. Il remplit à nouveau son verre. Les vins les plus fins semblaient avoir un goût amer dégoûtant.
Le lendemain à l’aube, Riftan et les autres chevaliers sont partis pour le palais de Drakium. Les vassaux du duc séjournaient au château de Croix pour plusieurs semaines tandis que les chevaliers royaux devaient monter la garde jusqu’au départ des messager de Dristan. La mission des chevaliers de Remdragon n’était que de fournir un soutien militaire et ils l’avaient rempli, il n’y avait donc aucune raison de rester à Croix plus longtemps.
Ils voyageaient sans fin à travers de vastes plaines, passant de temps en temps par des marchés et des villages bien achalandés entre les rizières vert clair qui poussaient. En se déplaçant un peu plus au nord, ils rencontrèrent un immense ranch où paissaient des milliers de bovins et de moutons. Riftan fit claquer sa langue en réalisant à quel point le Duc était riche. Les rumeurs selon lesquelles le Seigneur de l’Est serait plus riche que le Roi n’étaient pas exagérées.
Après avoir traversé les terres à cheval pendant quatre jours entiers, ils atteignirent enfin le mur nord qui bordait le territoire du Duc. Au-delà des magnifiques murs qui s’élevaient à près de cent kvet (30 mètres), se trouvaient les rudes montagnes Callic, marquant la fin des douces plaines. La capitale royale apparut devant leurs yeux après avoir traversé trois ou quatre collines.
“Combien de temps comptes-tu rester dans la capitale ?”
Uslin Rikaido approcha son cheval et demanda alors qu’ils franchissaient les portes du château et voyaient les rues pleines de spectateurs. Riftan lui lança un regard et répondit sans ambages.
“Je vais me reposer quelques jours ici et je partirai immédiatement. Anatol a été laissé vide pendant trop longtemps.”
Un soupçon de mécontentement a assombri le visage d’Uslin. “Que dirais-tu de rester au palais pendant un mois à la place ? Un certain nombre de nobles seront en visite dans la capitale au printemps prochain. Je les présenterai à toi afin que…”
“Il n’y a pas besoin de cela. Je n’ai pas l’intention de perdre mon temps sur des questions sans intérêt.”
Riftan l’a coupé, rétorquant froidement. Hebaron gloussa, regardant la scène se dérouler entre les deux.
“On dirait que le jeune maître de la maison Rikaido a encore été rejeté.” ( Hebaron the best )
Uslin lui lança un regard féroce et fit tournoyer les rênes comme un fouet, entraînant son cheval à une vitesse nerveuse. Les serviteurs se sont précipités pour les aider alors qu’ils arrivaient au Palais Drakium. Après que Riftan ait demandé aux gardiens d’écurie de bien s’occuper de leurs chevaux qui avaient souffert du long voyage, il se dirigea directement vers la salle du trône.
Après quelques instants, ils mirent un genou à terre, faisant face au Roi dans une magnifique pièce revêtue d’un tapis rouge. Assis sur le trône, le roi Ruben III lisait les rapports écrits par Triden avec une lueur d’ennui dans les yeux, puis les remettait au serviteur qui attendait à côté de lui.
Pour une raison quelconque, l’apparence du roi semblait plus jeune que la dernière fois qu’il l’avait vu. Sa barbe broussailleuse avait été rasée, et ses joues rondes s’étaient affinées, rendant ses traits plus distincts et révélant un visage qui ressemblait à celui d’une personne d’une trentaine d’années.
De toute sa vie, Riftan n’avait jamais rencontré quelqu’un d’aussi erratique et imprévisible que Ruben III. L’homme affichait la vigilance d’un nonagénaire tout en étant inconstant comme un enfant, mais l’instant d’après, il pouvait faire preuve d’une patience et d’une générosité remarquables tout en agissant comme un homme cruel et ennuyeux. Même les plus vieux nobles du palais, âgés de cinquante ou soixante ans, ne pouvaient pas respirer confortablement en sa présence.
Riftan leva les yeux pour rencontrer ses yeux bruns dorés, avalant un soupir qui bloquait sa gorge et mesurant l’atmosphère. Le roi Ruben a finalement ouvert la bouche après avoir retenu leurs respirations pendant une longue période.
“Cela a pris plus de temps que je ne le pensais.”
“C’est comme je l’ai rapporté Votre Majesté, les négociations ont pris un tour difficile car les deux parties ont impliqué leurs fiertés.”
Triden a raisonné d’une manière polie. Ruben III le fixa intensément, puis sourit, approuvant sa déclaration.
“L’entêtement du duc de Croix est en effet un problème. Alors, quelle est la situation, les dégâts ?”
“Certaines zones ont été saccagées par les bandits, mais elles sont maintenant presque entièrement restaurées. Le nombre de victimes reste le même que celui écrit sur le rapport.”
Le roi se caressa le menton d’un air pensif et hocha lentement la tête.
“Je ne suis pas complètement satisfait du résultat. Cependant, si l’on considère que le différend aurait pu déboucher sur une guerre totale, je dirais que vous avez fait un bel effort.” Le roi marmonna vaguement, ses paroles n’étant ni louangeuses ni condamnantes, puis il sourit généreusement. “Vous avez souffert d’un dur labeur. Vous devez être fatigué, levez-vous. Dès que les chevaliers royaux seront arrivés, je récompenserai tout le monde. Aussi, Riftan Calypse, quant à toi…”
Riftan s’est arrêté de se lever, regardant le roi avec une expression hésitante. Le roi appuya sa joue contre son poing et déclara lentement.
“Il y aura une cérémonie de nomination au sein de la chevalerie dans une semaine, alors ne songe même pas à partir immédiatement.” ( Il le connait trop bien mdr )
Le visage de Riftan s’est durci. Il avait prévu que cela lui arriverait, mais il ne s’attendait pas à ce que cela soit déclaré si tôt. De plus, pas directement devant le commandant actuel. Il regarda Triden, mais le chef se contenta de lui taper fermement sur l’épaule en guise de soutien, sans rien dire. Le roi Ruben, qui contemplait la scène, ajouta formellement.
“Je suis au courant des règles internes et des traditions des Chevaliers Remdragon. L’un d’entre vous a-t-il une objection à ma décision ?” Tous les chevaliers se sont tus et il a agité une main avec une expression satisfaite. “Je ne pense pas qu’il y en ait. Si c’est le cas, prépares-toi à la cérémonie de nomination du poste. Maintenant, allez-y. Vous puez tous le cheval.”
Riftan sortit de la salle du trône et demanda une nouvelle fois l’avis de ses collègues. Tous ont transmis leurs réponses en hochant silencieusement la tête. Une pensée plutôt cynique lui traversa l’esprit : même si quelqu’un n’était pas d’accord avec sa nomination, il n’oserait pas le dire au milieu de cette atmosphère sinistre, mais Riftan s’abstint de le demander deux fois. Il était actuellement en tête des plus fort des Chevaliers Remdragon et la règle absolue non écrite de la chevalerie était d’être dirigée par le membre le plus fort.
Quelques jours ont passé et la cérémonie de sa nomination a eu lieu en présence des nobles. Le roi Ruben a personnellement dirigé la cérémonie et l’a nommé. Après cette nomination laborieuse, la cérémonie de départ à la retraite de Triden a suivi immédiatement. Plutôt que de ressentir un sentiment d’accomplissement, Riftan se sentait vide et seul. Il n’a jamais voulu afficher ces sentiments, mais il avait l’impression d’avoir été poussé hors d’une solide clôture lors du départ de Triden, sa solitude ne devenant que plus vive. ( D’un coup, plein de responsabilité lui sont tombé dessus )
“Enfin, je suis heureux de pouvoir enfin rentrer chez moi.”
Triden déclara, regardant Riftan par-dessus ses épaules alors qu’il se préparait à se diriger vers son domaine. L’homme avait l’air sincèrement joyeux. Riftan lui a répondu sans ambages, réprimant désespérément ses véritables sentiments.
“Je suis soulagé d’être libéré de ton harcèlement.”
“Hmp, tu sais que je sais que tu ne le penses pas ? Je vois déjà tes taies d’oreiller trempées de larmes quand je ne serai plus là.”
Triden le taquine. Riftan lui lança un regard irrité, puis lui fit à contrecœur un petit sourire.
“Prends soin de ta santé.”
“Toi aussi.” Le vicomte Triden monta sur son cheval et le fixa intensément. “Tu as le potentiel pour devenir un chevalier légendaire qui entrera dans l’histoire si tu atteins l’âge de trente ans. S’il te plaît, évite d’être si imprudent.”
“Je m’en souviendrai.”
Triden s’est dirigé vers son domaine, emmenant dix hommes avec lui. Riftan se tenait sur la colline avec les chevaliers et lui a dit au revoir. L’homme qui avait changé sa vie est parti sans se retourner, comme un vent qui passe.
***
Les chevaliers de Remdragon se sont adaptés à leur nouvelle maison. Alors qu’ils se chargeaient de patrouiller dans les zones proches des chantiers pour vaincre les monstres, Riftan devait gérer les fonds du domaine, en trouvant un moyen de rémunérer les chevaliers, composés d’environ trois cents membres.
Lorsqu’il est arrivé à la conclusion que les impôts collectés par le domaine pouvaient à peine couvrir leurs dépenses de fonctionnement, il s’est lancé dans des expéditions commandées par les seigneurs des régions du sud pour vaincre des monstres afin de gagner de l’argent. Il s’agissait pratiquement d’activités mercenaires, mais les chevaliers n’en avaient cure. Cependant, il ne devrait pas continuer à exploiter le territoire de cette façon et soumettre ses chevaliers à de telles activités.
Riftan était assis à son bureau, réfléchissant aux moyens d’augmenter les recettes fiscales d’Anatol et remplissant ses devoirs de Seigneur, lorsqu’il reçut un télégramme portant l’écusson royal.
“Qu’est-ce que ça dit que tu as l’air autoritaire ? Est-ce un autre ordre de t’envoyer ?”
Ruth a demandé curieusement en regardant lui, qui s’est assis silencieusement et a regardé la lettre du roi pendant un long moment. Riftan soupira et lui tendit la lettre. Le mage la lut avec une expression sérieuse, les sourcils froncés.
“Un sujet qui doit être discuté… qu’est-ce que ce sera cette fois ?”
Riftan se massa le front et secoua légèrement la tête. “Je n’en ai aucune idée.”
Il se leva et se dirigea vers la cage à pigeon, ramassant un pigeon qui connaissait le chemin de la capitale royale et le plaça sur un perchoir. Ruth fronça les sourcils à cette vue.
“Tu ne penses pas y aller, n’est-ce pas ?”
“Je suis le vassal du roi. Je ne peux pas désobéir à ses ordres à moins d’avoir une raison acceptable de le faire.”
Ruth s’est tiré les cheveux alors que l’argument de Riftan prenait tout son sens. “Le Roi Ruben n’en fait-il pas trop ? Il a des centaines de chevaliers vassaux sous la main, pourquoi appelle-t-il toujours le Seigneur Calypse ?!”
“Je m’assurerai de lui demander cette fois-ci quand j’irai au palais Drakium.”
Riftan répondit d’un air peu sincère et sortit un parchemin de la taille d’une paume, écrivant la date de son départ et le jour prévu de son arrivée et le roula, le plaçant dans une pochette à lettres.
À l’insu de Ruth, la lettre du roi comportait plusieurs codes cachés qui indiquaient l’urgence de l’affaire. Il devait y avoir une affaire sérieuse qui ne devait pas être connue du monde entier.
“Et la supervision de la construction ? Tu vas encore me laisser faire ?”
Riftan ne répondit pas et se dirigea vers la fenêtre, attachant solidement la pochette à la patte du pigeon. Ruth a alors couru pour lui barrer la route.
“Non ! Tu ne peux pas y aller !”
Ruth a crié fermement, ses yeux se sont écarquillés pour le bloquer. Riftan regarda le visage déterminé de Ruth, évident qu’il ne reculerait pas et se dirigea vers l’autre fenêtre et envoya le pigeon au loin. Ruth a poussé un cri d’agonie. Riftan a souri, se sentant étrangement exalté par sa réaction et a marmonné.
“On ne peut pas vivre en ne buvant que de l’eau douce. Pas vrai ?”