Tout le monde se précipita vers le hublot pour voir de quoi il retournait…
À l’extérieur se trouvaient des centaines d’hommes précédés par un jeune homme grand, mince aux cheveux grisonnants. Il portait une épée sur le dos, ce que Linley trouva curieux.
Au Royaume Infernal, très peu d’experts portaient leurs armes sur eux. La plupart les gardaient dans leur anneau interspatial.
– « Il y a beaucoup de Dieux Supérieurs! »
Le chef des bandits passa par un petit moment de réflexion. Lui et son célèbre groupe couvraient un périmètre d’un million de kilomètres, aussi savait-il exactement quelles caravanes pouvaient être volées et lesquelles ne le pouvaient pas.
– « Seigneur, allons-nous attaquer ? » Dit doucement un Dieu derrière lui.
– « Attaquer ? Tu n’as rien dans la tête. Allez, tout le monde, on se retire. »
Aussitôt, les centaines de bandits s’enfuirent à grande vitesse.
Linley et son groupe retournèrent à leur table.
– « J’ai paniqué pour pas grand-chose. Ces bandits sont bien plus lâches que je ne l’aurais imaginé. Ils ont fui avant même que nous ne sortions », dit Salomon.
Cet évènement déconcerta tout de même Linley qui n’avait rien ressenti, contrairement au frère de Nisse. Cela signifiait que le “sondeur” était un Dieu Supérieur.
– « Monsieur Salomon, ne vous inquiétez pas outre mesure », dit Délia qui semblait plutôt détendue. « N’avons-nous pas avec nous Monsieur Learmonth ? Avec lui, nous n’avons pas à nous en faire. »
– « Délia, tu ne peux pas dire ça », dit Linley.
– « Vraiment ? »
– « Il y a des Dieux dans pratiquement tous les groupes de bandits. Or celui-ci comportait un Dieu Supérieur. Plus il y en a, plus les bandits sont puissants, tu sais. Si vraiment ils attaquent, nous n’avons pas à craindre leurs experts car Learmonth et ses collègues s’en occuperont. Mais les ennemis sont si nombreux que nous pourrions être confrontés aux attaques combinées d’un grand groupe de Dieux », dit Linley, résigné. « Après tout, nous ne sommes qu’une centaine de Dieux. »
– « Je crois qu’il nous faut être très prudents », réalisa Délia.
En effet, Learmonth n’était pas obligé de les aider et quand bien même il le ferait, combien d’ennemis pourrait-il tuer simultanément ?
– « Patron, de quoi parlez-vous ? » Demanda Bébé.
– « J’ai découvert que toi et Nisse, vous vous ressembliez beaucoup. »
– « Quoi ? Oh! je comprends. Et avez-vous aussi remarqué que Délia et vous, vous vous ressembliez pas mal vous aussi ? »
Linley et Délia se regardèrent, surpris. Le mari et la femme avaient, naturellement, un peu la même aura.
– « On dit que les conjoints sont un miroir l’un pour l’autre, ce qui explique que Nisse et moi soyons assez semblables », répondit Bébé dont les yeux papillonnaient en regardant sa dulcinée. « N’ai-je pas raison, Nisse ?
Cette dernière eut un regard coquin.
Linley et Salomon échangèrent se regardèrent, amusé. Selon eux, Bébé et Nisse étaient vraiment faits pour être ensemble.
La créature métallique poursuivit sereinement son voyage. Linley et ses proches passaient le plus clair de leur temps à s’entraîner. On aurait dit qu’ils voyageaient en ligne droite mais en réalité, ils faisaient des détours pour éviter les zones dangereuses.
Quatre autres années s’écoulèrent en un rien de temps.
Dans la chambre de Linley et Délia…
– « Ouf! » Linley ouvrit les yeux.
– « Pourquoi as-tu cessé ton entraînement ? » Demanda son épouse.
– « J’ai atteint un goulot d’étranglement en ce qui concerne les Vérités Profondes de la Vélocité des Lois Élémentaires du Vent », répondit Linley, une étrange expression sur le visage.
– « Vraiment ? Comment est-ce possible ? »
Généralement, on n’atteignait un goulot d’étranglement que lors de la dernière étape dans la compréhension d’un Profond Mystère d’une Loi.
– « Ne m’as-tu pas dit la dernière fois qu’il te faudrait encore vingt ou trente ans pour achever la fusion ? »
– « Il y a quatre ans, je croyais qu’il me faudrait encore vingt ans avant d’atteindre un goulot d’étranglement et quelques années de plus pour le franchir et obtenir la maîtrise », répondit Linley en souriant. « Mais je me trompais. Les Profonds Mystères des lois sont plus difficiles à maîtriser que je ne le pensais. Plus j’avance et plus la difficulté augmente. Je ne me suis pas entraîné sur les aspects “Rapide” et “Lent” séparément. Je les compare, puis je m’entraîne sur les deux ensemble.
« Au début, il est vrai que j’avais besoin de beaucoup plus de temps, mais au fur et à mesure que je m’entraînais aux stades supérieurs et que je continuais à comparer et à émettre des hypothèses, ma vitesse de percée a augmenté. Les aspects Rapidité et Lenteur sont comme deux routes partant dès le départ dans des directions opposées. Plus tu les parcours, plus elles s’éloignent. Toutefois, lorsqu’elles atteignent une certaine distance, elles entament un rapprochement. Ce dernier s’accentuant à mesure de mes comparaisons, j’ai fini par atteindre les dernières étapes de leur fusion. Mais je ne peux pas aller plus loin. »
En tant que Dieu d’affinité Vent, Délia s’était également entraînée aux Profonds Mystères de la Rapidité et de la Lenteur, mais elle ne parvenait pas à les faire fusionner et ne comprenait même pas comment ces deux mystères, apparemment opposés, pouvaient seulement fusionner.
Linley prit la chose de manière décontractée. Il préférait se détendre d’abord pour s’entraîner ensuite.
– « Allez viens, allons manger. »
Mais soudain, il fronça les sourcils :
« Un autre balayage de sens divin ? »
– « Nous en rencontrons beaucoup sur notre route », répondit Délia avec un sourire. « Même les Dieux osent utiliser leur sens divin pour nous sonder. S’ils voient que nous sommes faibles, il est très probable qu’ils viendront nous attaquer et nous piller. »
– « Oublions-les », dit Linley qui en avait soupé de ces groupes de bandits.
Les Démons, dans la créature métallique, avaient fini par s’habituer à cette manière d’être sondé par le sens divin. Ils firent donc comme si de rien n’était et continuèrent à boire, à discuter et à s’entraîner.
– « Dispersons-nous! » Cria un jeune homme aux cheveux bouclés et argentés à ses cent subordonnés. Aussitôt, tous se retirèrent dans les profondeurs des vallées montagneuses.
La créature métallique, qui n’avait pas ralenti, disparut à l’horizon.
Mais au fond d’une gorge profonde où l’on pouvait entendre le goutte-à-goutte de l’eau s’écoulant dans les canaux d’un ruisseau.
– « Après tant d’années, enfin je vous rencontre », dit le jeune homme aux cheveux bouclés qui se tenait près d’un bassin avec, derrière lui, un homme musclé en tunique noire qui se tenait là, respectueux.
– « Hayde! » Appela sèchement le jeune homme.
– « Seigneur ? »
– « Informez immédiatement le jeune maître Inigo [Yi’ni’ge] que nous avons identifié l’escouade où se trouvent les deux aînés. Si le jeune maître sait que la créature métallique est passée près de notre repaire, il pourra facilement en déduire sa destination. »
– « Bien, Seigneur. »
À des centaines de millions de kilomètres du jeune homme aux cheveux argentés, à la Cité de l’Orchidée Rouge, se trouvait un hôtel réservé par un groupe de plusieurs centaines de personnes.
Dans l’une des cours, un jeune homme malicieux aux longs cheveux rouge sang était assis sur une chaise et feuilletait un imposant ouvrage. Un serviteur l’aborda :
– « Jeune maître, Hayde demande à vous voir. »
– « Hayde ? Qui est Hayde ? »
– « L’un de nos messagers. »
Dans le Royaume Infernal, les messages étaient généralement portés par quelqu’un qui avait des clones divins dans des régions différentes. L’on pouvait, par exemple, en avoir un dans la préfecture du Feu Nocturne et un autre dans la préfecture de l’Arc-En-Ciel. Même séparés par un milliard de kilomètres, tout ce que l’un savait, l’autre le savait aussi étant donné qu’ils ne formaient, en fait, qu’une seule et même personne. C’était une forme de communication assez banale.
– « Nous avons finalement trouvé ces deux vieux camarades ? » Le jeune homme fut ravi. « Fais-le entrer, vite! »
– « Oui. »
Le messager en tunique noire entra et mit le genou à terre :
– « Jeune maître Inigo, le Seigneur Padgett [Pa’ji’te] m’a chargé de vous informer que la forme de vie métallique transportant les deux vieux gars vient de passer près de son repaire. »
– « Vraiment ? »
Inigo fit apparaître une énorme carte, très détaillée, sur la table.
– « Ils sont passés près de Padgett ? Je pense qu’ils s’apprêtent à traverser la Chaîne de Montagnes Nisiwan. S’ils ont choisi cette route, alors… » Inigo fixait la carte, un léger sourire aux lèvres : « La toile que j’ai tissée les a finalement trouvés. Je ne connais pas la force des Démons qu’ils ont recrutés. Il faut d’abord que je les sonde. »
« Envoyez immédiatement un message à Vionnaz. Que ses hommes se préparent et se rendent dans la région située près de la rivière Bulu. Ces deux vieux camarades vont certainement passer par là », ordonna Inigo à son serviteur.
– « Bien, jeune maître. »
Resté seul, Inigo plissa légèrement les yeux en murmurant :
– « Ces deux vieux gars… Ils se sont emparés de toutes les richesses du clan de leur maître et ont filé jusqu’au Continent du Bourgeon Rouge. Ils ont du cran. Mais peu importe ce qu’ils préparent. Les choses changeront lorsque je me serai emparé de leur butin. Je me demande combien de richesses a pu accumuler l’antique clan Boyd [Bo’yi]. »
– « Inigo », appela soudain un ancien aux cheveux argentés et à la tunique verte.
– « Maître! »
– « Inigo, tu as amené beaucoup de gens avec toi et dépensé énormément d’argent. Si c’est pour ne rien obtenir, alors… »
– « Ne vous inquiétez pas, Maître. Si j’échoue, la richesse que j’ai accumulée durant toutes ces années ne sera plus, c’est tout. Mais si je réussis… Maître, le clan Boyd est fini, mais ces deux vieux se sont enfuis avec toute sa fortune. L’immense fortune que le clan Boyd a accumulée au cours de toutes ces années. »
Cette seule pensée suffisait à faire trembler le cœur d’Inigo.
– « Réfléchis un peu », reprit le Maître, le front toujours crispé. « Si tu étais en possession d’une fortune pareille, tu ne te cacherais pas ? Non, ces deux bougres ont invité tous ces Démons à les escorter jusqu’au Continent de la Flotte de Jade. »
– « Je trouve cela étrange moi aussi. À leur place, j’aurais disparu depuis longtemps. Mais quoi qu’il en soit, Maître, puisque nous avons retrouvé leurs traces, il nous suffit de les tuer et de nous emparer de leur anneau… »
– « Puisses-tu réussir », répondit l’ancien en robe verte.