Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 95 – Un magicien bien préparé
Lorsque Klein, à nouveau, baissa les yeux, il ne vit plus l’étrange bougie enveloppée de peau humaine mais un parfum légèrement sucré s’attardait autour de ses narines.
Ignorant le corps d’Utravsky qui gisait dans une mare de sang, il sortit sa boîte d’allumettes et en enflamma une.
Le sang sur le sol disparut aussitôt et l’église en désordre redevint propre.
Le gigantesque Utravsky se releva lentement et le regarda, le visage déformé :
– « Ça n’a eu aucun effet…Pas étonnant que vous ayez accepté cette mission. Mais c’est pour votre malheur. Je ne voulais pas vraiment vous tuer. »
Tandis qu’il parlait, la lumière des bougies des deux côtés de la cathédrale se mit à vaciller de façon bien visible et brusquement, la nef toute entière s’éclaira d’une lumière douce mais pas aveuglante. On aurait dit que le soleil du matin se levait.
L’esprit invisible disparut aussitôt. Sans un mot, Klein jeta l’allumette, contracta ses joues et simula le bruit d’un coup de feu.
Une balle d’air jaillit et frappa puissamment l’Évêque à la poitrine avec un son retentissant. Cependant, le “géant” s’était équipé d’une armure d’argent intégrale, comprenant gantelets, plastron et casque.
Une fissure en forme de toile d’araignée apparut sur le “métal” argenté mais au lieu de se briser, l’armure se réparait lentement.
Bang ! Bang !
Deux balles d’air fusèrent l’une après l’autre vers la poitrine de l’adversaire, Klein ayant dans l’idée de détruire complètement ses défenses au moyen d’une attaque continue !
C’est alors qu’il vit dans la main de l’Évêque une lourde et large rapière dont on aurait dit qu’elle était faite de lumière condensée. L’ecclésiastique s’en servit pour bloquer habilement les deux balles d’air, ce qui produisit deux sons quasiment impossibles à distinguer l’un de l’autre.
Utravsky fit un pas en avant et la cathédrale parut trembler. Au même moment, sa lourde épée qu’il tenait à deux mains s’abattit sur Klein avec une force à briser l’édifice.
Mais avant que le coup ne le frappe, le jeune homme faillit perdre l’équilibre tant le déplacement d’air provoqué par l’épée était fort.
Quelle puissance terrifiante ! Pensa-t-il en bondissant sur le côté, prêt à faire une roulade.
La rapière d’Utravsky s’écrasa sur le sol, brisant les dalles de pierre et provoquant des fissures qui se propagèrent rapidement dans toutes les directions.
Il la traîna ensuite au sol en un balayage horizontal qui fit jaillir des étincelles. C’était là un mouvement destiné aux adversaires qui avaient coutume de faire des roulades.
Klein était sur le point de le faire lorsque soudain, il se vit mentalement frappé par l’épée. Aussitôt, il balança ses bras, paumes tendues, prit un léger appui et bondit dans les airs.
Le déplacement d’air qui s’ensuivit balaya la poussière tandis que la terrifiante rapière renversait les bancs à proximité.
Le “géant” enchaîna aussitôt sans laisser le temps à Klein de contre attaquer.
Un coup d’épée, puis deux, puis trois… cinq, six, sept… Utravsky était visiblement très endurant. Ses attaques incessantes, semblables à des tempêtes, duraient des dizaines de secondes.
Frappe verticale, frappe en diagonale, balayage horizontal, bond en avant, épée en avant, il avait recours aux techniques les plus simples, visiblement désireux de montrer quelle était la manière la plus efficace et la plus judicieuse d’infliger un maximum de dégâts. La portée de l’épée était, de surcroît, stupéfiante.
Klein sautait, roulait, courait, sans trouver l’occasion d’utiliser ses pouvoirs. Il était plutôt pathétique. Sans les allumettes qu’il avait jetées en différents coins de la cathédrale et la lumière des bougies qui n’étaient pas encore éteintes, lui permettant de “flasher”, il aurait probablement déjà été tué.
Je n’en attendais pas moins d’un Transcendant adepte du combat… Aucune erreur, aucune faiblesse… Se dit le jeune homme qui ne paniquait pas pour autant. Entre roulades et esquives, il cherchait les failles de l’ennemi et attendait que ses assauts ralentissent.
Enfin, il s’aperçut que quelque chose n’allait pas dans la technique d’Utravsky.
Trop longue, trop grande, sa rapière posait un problème évident en combat rapproché !
Cette pensée en tête, Klein profita de ce que l’épée frappait verticalement pour rouler vers la gauche, puis, d’une poussée de la main, se propulsa entre les jambes de son adversaire.
Ce “demi-géant” de plus de 2,2 mètres de haut se tenait jambes écartées lorsqu’il était debout et son entrejambe argenté était nettement visible.
Tout en roulant, Klein fouilla dans sa poche à la recherche d’un long morceau de papier et le transforma en une canne pointue. Puis il l’inséra dans la fente située sur le côté de l’entrejambe et poignarda l’impressionnant Évêque !
Le coup fatal ! Pensait-il lorsque soudain, son cœur se mit à trembler. En esprit, il se vit englouti par une terrifiante tempête de lumière tandis que la rapière s’abattait.
Un piège ! Le piège d’Utravsky ! Sans hésiter, il prit appui sur sa main droite, bondit d’entre les jambes de l’homme d’église et se retrouva derrière lui.
Dans l’intervalle, l’Évêque avait levé son épée qu’il vint planter droit dans la dalle de pierre devant lui.
Il y eut un craquement. Des rais de lumière semblables aux premiers rayons de l’aube jaillirent de la lame et prirent la forme d’un ouragan qui balaya les environs.
Sans un bruit, la dalle sur laquelle se tenait Klein auparavant disparut tandis qu’au-dessous, le sol se creusait sur dix centimètres. Endommagée au niveau de l’entrejambe, l’armure d’argent se brisait centimètre par centimètre, laissant à nu la peau de l’adversaire.
Son piège consistait à subir des dommages en échange de la mort de son ennemi.
Klein, qui se trouvait maintenant derrière Utravsky, trouva enfin une occasion de contre-attaquer. Il se contorsionna dans les airs, gonfla les joues et simula des coups de feu à l’arrière de la tête du géant.
Deux balles d’air en succession rapide vinrent frapper Utravsky, brisant le métal argenté qui vola en éclats, laissant une zone totalement à découvert.
Notre Magicien était sur le point de lui porter un coup fatal lorsque l’ecclésiastique se redressa brusquement et, d’un mouvement de la taille, fit un violent balayage de son épée vers l’arrière.
Le coup était si rapide et si puissant qu’on aurait dit que Klein ne pourrait l’esquiver. Mais il sortit de sa poche un morceau de papier qu’il plaça devant lui.
La collision produisit un bruit métallique qui se répercuta dans toute la cathédrale.
Klein fut projeté tel une balle de tennis. Il ne restait plus dans sa main qu’un minuscule morceau de papier.
Il était encore dans les airs que déjà, son adversaire, enragé, se lançait à sa poursuite. La situation était précaire.
Cependant, il ne paniqua pas le moins du monde et secoua son poignet.
Le minuscule morceau de papier s’envola et aussitôt, une étincelle grandit jusqu’à l’envelopper totalement.
La rapière s’abattit sur la boule de feu mais pour tout dommage, elle ne créa qu’une petite étincelle.
C’est alors qu’une légère flamme jaune s’éleva d’une des bougies situées sur le côté droit de la cathédrale et prit la forme d’une silhouette au visage peint.
Klein réapparut et sortit de sa poche une autre bande de papier que, d’un mouvement du poignet, il transforma en un solide fouet duquel émanaient des flammes d’un rouge écarlate.
De loin, il frappa le “géant” mais très vite, son arme se désintégra sous les coups d’épée.
C’était précisément ce que le jeune homme attendait !
D’un claquement de doigts, il fit jaillir du sol des traînées de feu qui paralysèrent Utravsky et brûlèrent ses jambes qui n’étaient plus protégées.
L’Armure de l’Aube mettait du temps à se reconstituer !
Les langues de feu carbonisaient ses jambes dans lesquelles on pouvait voirs’infiltrer une couleur rouge.
Mais cela n’affecta pas l’agilité de l’Évêque. Avec un grognement sourd, tel un train à vapeur qui aurait atteint sa vitesse maximale, il fonça à travers les flammes et se posta devant Klein.
Ce fut extrêmement rapide !
Peu après, la rapière qu’il tenait à deux mains se fissura et se dissipa en taches de lumière qui se propagèrent à dans toutes les directions.
Presqu’aussitôt, Klein se retrouva en réel danger de mort.
Les allumettes qu’il gardait sur lui s’enflammèrent et ce feu intense l’enveloppa.
Cependant, ce ne fut pas aussi rapide que l’Ouragan de lumière. La flamme rouge fut engloutie au moment même où elle faisait son apparition.
Le corps de Klein fut réduit en lambeaux qui s’amincirent et se transformèrent en bouts de papier.
Une colonne de feu d’un rouge écarlate jaillit derrière Utravsky et Klein en sortit.
Il prit dans son autre poche une boîte d’allumettes qu’il lança en direction des jambes non protégées de l’Évêque, comme s’il souhait que toutes les allumettes s’enflammassent d’un coup pour, contraintes par l’espace réduit, créer à coup sûr une explosion.
Puis, levant la main droite, il fit claquer ses doigts.
Au même moment, l’homme d’église sauta sur son dos et replia les jambes.
Un claquement de doigts – quoique la boîte d’allumettes ne fût pas touchée – s’accompagna d’une forte détonation. Une balle d’air venait de déchirer avec précision l’arrière de la tête d’Utravsky qui ne disposait d’aucune protection. Une arme mortelle que Klein préparait depuis un moment !
Du crâne ouvert jaillirent du sang et des débris blancs. Avec beaucoup de difficulté, Utravsky tourna la tête et dans un état second, lâcha :
– « Vous … »
Criblée de trous causés par l’Ouragan de Lumière, la boîte d’allumettes tomba au sol, intacte.
Klein se mit à rire :
– « Je n’ai jamais prétendu que mon claquement de doigts ne servait qu’à contrôler le feu. Il peut aussi tirer des balles d’air, regardez. »
Il claqua plusieurs fois des doigts et l’une après l’autre, des balles d’air vinrent frapper Utravsky, brisant son casque et fissurant sa tête.
L’ecclésiastique, qui ne respirait plus, s’effondra lourdement sur le sol, faisant légèrement trembler la cathédrale.
Le Magicien se retourna et une nouvelle fois, claqua des doigts.
La boîte d’allumettes explosa et une flamme écarlate enveloppa le gigantesque cadavre.
Klein ne tenta pas de ressentir l’existence de la bougie. Se fiant à sa propre lucidité, il se fraya un chemin hors du plus bas niveau de son esprit.
Derrière lui, le cadavre brûlait, enveloppé de flammes écarlates, et le monde tout autour se désintégrait peu à peu.