Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 41 – Les différents camps
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 41 – Les différents camps

Quartier de l’Impératrice, dans la luxueuse villa du Comte Hall.

Protégée d’une serviette blanche, Audrey regardait la servante de salle à manger lui couper un morceau de bacon, disposer sur une assiette deux œufs frits, étaler de la confiture sur une tranche de pain de mie et napper de sauce des champignons grillés.

Dans une véritable famille aristocratique, les domestiques étaient divisées en plusieurs catégories. Outre les femmes de chambre personnelles, il y avait des servantes affectées aux différentes chambres, d’autres aux salles d’étude, d’autres encore aux salles d’activités, aux chambres d’amis, des domestiques responsables de l’habillage, des chaussures, des bijoux, des repas, de la blanchisserie et enfin des filles de cuisine. Chacune d’entre elle avait une tâche bien définie, tâche qui n’était confiée qu’à une seule et même personne.

Bien que ce fût un vaste gaspillage de main-d’œuvre, aux yeux des nobles, les convenances étaient primordiales. À moins d’un important endettement, jamais ils ne réduiraient leurs exigences dans ce domaine.

Audrey but une gorgée d’un thé d’un brun rougeâtre, laissant le léger parfum de malt et de rose se répandre dans sa bouche.

C’est alors qu’elle entendit son père, le Comte Hall, membre de la Chambre des Lords et puissant banquier, marmonner, le journal à la main.

– « L’Ordre Aurora est vraiment fou. »

L’Ordre Aurora ? Audrey cligna des yeux :

– « Qu’ont-ils fait ? » Demanda-t-elle, intriguée.

– « Ma chérie, tu ne voudrais pas le savoir. Ils ont assassiné l’ambassadeur d’Intis, Bakerland. Cela ne leur apportera rien. » répondit le Comte en secouant la tête.

Hibbert Hall, le frère aîné d’Audrey, avala une bouchée de champignons grillés avant de donner son avis :

– « Peut-être cherchent-ils à détruire les liens existant entre le royaume et Intis, et laisser la guerre s’étendre des colonies au Continent Nord. »

Ce garçon de noble naissance avait un beau visage, et des cheveux dorés et brillants. Quel que fût l’angle sous lequel on le regardait, il évoquait une sculpture classique.

– « Non, car si c’était le cas, ils n’auraient pas laissé autant de preuves évidentes. De plus, ces derniers temps, le royaume a trop de nouvelles politiques à mettre en œuvre, ce qui nécessite un certain temps de stabilisation. Nous ne déclencherions pas une guerre de manière irréfléchie. Ce qui s’est passé la nuit dernière est déjà dans le journal ce matin, et les détails quant aux évènements et au meurtrier suffisent à expliciter ce que pensent Sa Majesté et ses ministres », expliqua le Comte Hall

Audrey écoutait dans un état second et il lui fallut un moment pour réaliser.

Bakerland a été assassiné ?

Mr. A a donc réussi ?

Fait-il vraiment partie de l’Ordre d’Aurora ?

S’il a délibérément révélé que c’était l’Ordre Aurora qui avait fait le coup, était-ce pour prouver que c’était bien lui qui avait accompli la mission et qu’il ne m’avait pas escroquée ?

Il est vraiment rapide et efficace ! Je ne lui ai versé l’acompte qu’hier après-midi et déjà, la nouvelle me parvient ce matin. Une bonne nouvelle, qui plus est !

À la fois étonnée et ravie, Audrey en ressentait une joie incontrôlable mêlée d’une peur instinctive.

Elle avait vraiment de quoi se réjouir de constater à quel point la mission confiée par l’adorateur de M. Le Fou avait été facile. Cependant, la puissance et les actes dont par M. A et l’Ordre d’Aurora, qui le soutenait, faisaient montre, l’effrayaient.

Heureusement que j’ai pu voir Glaint hier et conclure avec lui un prêt. En tant que Vicomte, il est certainement parvenu à réunir la somme sans attirer l’attention… D’ici deux jours, je remettrai le solde à M. A par l’entremise de Xio et Fors. Je ne peux pas me permettre de me montrer… Comme je n’assisterai pas aux réunions de Monsieur A durant un mois ou deux, c’est une bonne chose que je connaisse d’autres cercles… se dit la jeune femme en mordant dans son pain moelleux tartiné de confiture.

Le petit déjeuner touchait à sa fin lorsqu’on lui servit de petits gâteaux à la crème, aux cerises et aux fraises, ce qui eut pour effet de l’apaiser. Elle ressentit alors un brin de fierté.

M. Le Pendu voulait participer à la mission mais peut-être vient-il tout juste de terminer sa mission première… Ceci dit, c’est terminé. Ça lui apprendra de partir en mer… Se dit Audrey qui avait retrouvé sa bonne humeur en savourant son dessert, le sourire aux lèvres.

Dans le Quartier de Hillston, Xio et Fors, figées, fixaient le journal posé devant elles.

« …C’est M. A qui a fait ça, n’est-ce pas ? » Demanda Xio, à la fois stupéfaite et perplexe.

Fors fit tourner le bracelet de pierre qu’elle portait au poignet et secoua la tête avec un air hébété.

– « Peut-être. Je connais l’Ordre Aurora, mais j’ignore si Mr. A en fait partie. »

– « Certainement. Après tout, nous ne lui avons remis les 2 000 Livres qu’hier. Je doute que quelqu’un d’autre ait eu dans l’idée d’assassiner l’ambassadeur Bakerland… » dit Xio qui ne semblait pas très sûre.

Fors demeura quelques secondes silencieuse :

– « Que ce soit Monsieur A ou non, nous lui devons encore 8000 Livres. Pour le moment, personne ne peut prouver que ce n’est pas lui qui a tué. Si nous voulons rester dans ce cercle, nous ne pouvons pas ne pas honorer notre dette ! »

– « De toute façon, ce n’est pas nous qui payons… Et nous, nous toucherons 500 Livres pour ce que nous avons fait ! » Ajouta Xio, ravie.

– « Le problème, c’est que j’ai l’impression persistante qu’il serait dangereux de revoir Mr A… » dit Fors, pensive. « Je pense qu’il serait mieux pour toutes les deux que j’aille seule lui remettre le solde. »

– « Mais… » Commença Xio, un peu inquiète.

– « Si vous me suivez, cela pourrait entraver ma fuite », répondit Fors d’un air dédaigneux en tripotant son bracelet.

– « Très bien dans ce cas », répondit Xio, à court d’arguments, en se grattant le crâne sur lequel poussaient des cheveux blonds, courts et rêches.

Alors que toutes deux se tourmentaient à ce sujet, un nouveau message de M. A leur parvint par un canal de communication privé. Il les priait de ne pas chercher à le voir mais de déposer le reste de l’argent sur des comptes anonymes séparés dans différentes banques.

Les deux femmes poussèrent simultanément un soupir de soulagement.

Dans un sous-sol aussi spacieux qu’un temple, Mr A, vêtu d’une robe noire à capuche et agenouillé dans l’obscurité, murmurait des paroles révérencielles.

Devant lui se dressait une statue de trois mètres de haut représentant un homme suspendu tête en bas, les jambes retenues par une chaîne.

Ce pendu avait un œil gigantesque et vertical, et ses bras étendus formaient une croix.

C’est alors qu’un homme en robe noire fit son entrée :

– « Mr A, j’ai passé l’information. »

– « Bien joué », répondit l’intéressé sans même tourner la tête.

– « Pourquoi ne nous laissez-vous pas enquêter sur l’identité du commanditaire ? » Demanda l’homme, intrigué.

M. A baissa la tête et répondit d’un ton indifférent :

– « Ce n’est pas nécessaire. N’oubliez pas que nous sommes à un moment critique. Nous allons semer le chaos sur tout le continent, faire tout notre possible pour attirer l’attention des gens et les utiliser pour accueillir notre Seigneur dont le retour est proche ! »

Monsieur A se mit à rire puis fut soudain pris d’une quinte de toux, si forte qu’il s’écroula sur le sol.

Il cracha des fragments couleur sang qui se tortillaient. On aurait dit qu’ils étaient vivants.

L’homme à la robe noire baissa aussitôt la tête et fit celui qui n’avait rien vu.

Au bout d’un certain temps, Mr. A s’apaisa et se mit à ramper, bouche contre le sol, léchant tout ce qu’il venait de cracher.

Au 126 rue du Nouvel An, Quartier de Hillston.

Au lieu de suivre Doragu Gale, Klein, dont les tensions étaient retombées, avait décidé cette fois de filer sa maîtresse, Erica Taylor. Pour commettre un adultère, ne faut-il pas être deux ?

La jolie blonde au maquillage complexe, qui avait pris une voiture de location, arriva de bonne heure au Club Quelaag où Klein la suivit, muni d’une valise contenant son appareil photo portable et toutes sortes de déguisements.

Le badge du Givre épinglé sur sa poitrine, il demanda à l’élégante domestique chargée de recevoir les hôtes :

– « Y aurait-il encore des chambres où se reposer ? »

La femme, qui portait une robe noire et blanche, lui adressa un sourire poli :

– « Oui, veuillez suivre le préposé à l’étage. »

Klein acquiesça d’un léger signe de tête et suivit le valet en tenue rouge. Au moment même où il arrivait à l’étage, il vit Erica Taylor entrer dans un salon qui donnait sur la rue.

– « Souhaitez-vous une vue sur la rue ou sur le court de tennis à l’arrière ? » Demanda aimablement le domestique.

– « Va pour la rue », répondit Klein d’un ton délibérément désinvolte.

Le valet prit des dispositions et lui donna une chambre séparée de celle d’Erica Taylor par deux autres, et d’où il pouvait voir la rue située devant le club.

Comment vais-je pouvoir prendre ma photo ? Faudra-t-il que je cherche une occasion de m’introduire dans sa chambre ou devrai-je grimper par les canalisations jusqu’à la fenêtre ? Aucun de ces moyens ne me permettra de dissimuler cet énorme flash, mais dans le second cas, je pourrai toujours faire passer ça pour un cliché pris de l’extérieur, ce qui évitera d’attirer les soupçons sur moi et d’entraîner mon renvoi… Ceci dit, Doragu et Erica le remarqueront tout de suite… Les endormir avec un charme ? Non, ce ne serait pas assez convaincant. Il me faut une photo d’eux en plein acte…

Je n’aurai qu’une seule chance et je dois la prendre au mieux… Ce n’est pas mon domaine d’expertise, car je ne suis pas maître en matière d’arts. Le Vieux Neil, lui, aurait sans doute tenté un nouveau rituel magique pour dissimuler le flash de l’appareil photo. Si bien sûr la Déesse acceptait de répondre à sa demande…

Alors que Klein réfléchissait à ce qu’il allait faire, il vit l’image de Miss Garde du Corps apparaître dans un miroir argenté, toujours vêtue de sa robe noire et coiffée de son petit bonnet.

– « Connaîtriez-vous un moyen de cacher le flash de l’appareil photo ? » demande Klein avec désinvolture.

Il n’avait pas terminé sa phrase que des ondulations se formèrent à la surface du miroir argenté et une main légèrement transparente en sortit.

Telle un fantôme, la jeune femme émergea du miroir et s’avança vers lui.

– « Oui », répondit-elle avec un signe de tête.

Elle se baissa, se pencha et peu à peu, se fondit dans l’objectif de l’appareil !

À la vue de cet horrible spectacle, Klein resta la bouche légèrement ouverte et il lui fallut un moment pour se remettre de sa stupéfaction. Il prit l’appareil photo et fit un essai.

L’effet surpassa ses attentes. Le flash se limitait à la proximité de l’appareil et l’image était plutôt bonne.

Peut-être devrait-on désormais l’appeler “Appareil photo spectral”… se dit Klein qui s’approcha de la fenêtre et attendit patiemment.

Peu de temps après, il vit Doragu Gale arriver en calèche.

Erica Taylor qui, de l’autre pièce, venait d’apercevoir son amant descendit précipitamment le rejoindre au rez-de-chaussée.

Klein saisit l’occasion et ouvrit la porte de sa chambre avec une carte de tarot, après quoi il se cacha dans l’armoire où étaient rangés les draps et les couettes supplémentaires.

L’obscurité lui rappelait la nuit précédente ainsi que l’effrayant et terrifiant Maître Marionnettiste Rosago.

J’ai couru de grands dangers la nuit dernière et voilà que ce soir, je suis là à attendre de prendre deux personnes en flagrant délit d’adultère. La vie est vraiment merveilleuse…

Klein se riait de lui-même lorsque soudain, il entendit la porte s’ouvrir.

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