Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 172 – Une histoire d’amour
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 172 – Une histoire d’amour

Sous le ciel sombre illuminé d’éclairs, Derrick, au lieu de frapper aux portes de ses quelques connaissances, emprunta la route la plus large et a marché jusqu’au terrain d’entraînement situé aux limites de la Cité d’Argent.

Au retour, en effet, chaque équipe d’exploration était tenue de séjourner là un moment, ce qui leur permettait de communiquer et de faire leurs rapports sur ce qu’ils avaient vu dans les ténèbres, mais c’était aussi une manière déguisée de les mettre en quarantaine afin de se prémunir contre des choses étranges susceptibles de s’être accrochées au corps d’un des membres pour se manifester brusquement au bout d’un certain temps.

Cette mesure, qui découlait de deux mille ans d’expérience, n’était pas très compliquée mais restait très utile.

En arrivant sur le terrain d’entraînement, la Hache de l’Ouragan accrochée à sa ceinture dans son dos, les yeux de Derrick Berg s’illuminèrent à la vue de la sage Lovia – qui paraissait la trentaine – et de deux visages familiers du même âge que lui.

L’environnement de la Cité d’Argent étant limité, sa population ne pouvait s’accroître davantage. Le nombre de personnes par tranche d’âge était suffisant et bien que Derrick n’osât pas prétendre qu’il les connaissait tous, il en avait vu la plupart, certains étant ses camarades de classe et partenaires durant les cours d’instruction générale et sur les terrains d’entraînement.

Celui qu’il connaissait le mieux dans cette équipe d’expédition était Darc Regence, un ancien coéquipier de patrouille.

Ce jeune homme, de taille moyenne et légèrement grassouillet, était fort, optimiste et enjoué et souvent, un sourire amical illuminait son visage. Pour l’heure, c’était un Gladiateur, Séquence 8 de la voie du Géant.

Tous deux étaient séparés par un mur translucide aussi dur que l’acier qui les empêchait de communiquer efficacement de quelque manière que ce fût. Il allait leur falloir attendre qu’on ait acquis la certitude qu’aucun des membres de l’équipe d’exploration n’avait de problème pour pouvoir se retrouver en tête à tête.

Derrick, qui était devenu silencieux et renfermé depuis la mort de ses parents, fit signe à Darc.

Le Gladiateur, qui l’avait remarqué, tourna la tête vers lui.

– « Comment ça s’est passé, Darc ? Tu n’as pas rencontré de danger j’espère ! » lui cria Derrick.

Le matériau dont était fait le mur noir provenait d’un endroit pas très éloigné de la Cité d’Argent et avait pour nom Ambre Sombre. Il était dur comme l’acier, mais possédait un certain degré de transparence et avait des propriétés qui lui permettaient de transmettre le son. Les mots que venaient de prononcer Derrick passèrent donc sans encombre.

Ce dernier s’imaginait que son ami allait sourire et agiter les bras comme il le faisait d’habitude en disant : “Regarde, je ne suis pas blessé. C’est dire que nous n’avons pas été confrontés au danger. Ce n’était rien !”

En entendant sa voix, Darc fit quelques pas en direction du mur et répondit en souriant :

– « Non, tout s’est bien passé. »

À la vue de son franc sourire, Derrick sentit un frisson le parcourir. On aurait dit qu’il campait dans une tour ou une ville en ruines environnée de ténèbres qui s’accumulaient et le terrifiaient.

Au Club Quelaag, Klein et le Dr Aaron s’étaient mis d’accord sur une rémunération de deux Livres.

Je dois reconnaître qu’un médecin gagne facilement sa vie… Autrefois, cette mission serait revenue à dix Solis seulement… pensa Klein, qui avait l’intention d’accepter.

À l’époque où il était Faucon de Nuit, il avait entendu Frye, le Collecteur de Cadavres, dire que les médecins célèbres avaient des revenus particulièrement élevés.

Le Poète Léonard Mitchell, dans une réponse qui n’avait rien de poétique, lui avait alors dit qu’à sa connaissance, si on achetait une maison dans un quartier animé de Backlund pour en faire une vitrine, l’option la plus rapide était de la transformer en clinique.

Ils convinrent de passer chez Will Auceptin après dîner. Comme il n’était pas quinze heures, Talim, le professeur d’équitation, les réunit autour d’une table pour une partie d’Upgrade, un inventé par l’Empereur Roselle.

Je m’attendais plutôt à jouer au tennis, à m’entraîner au tir, à feuilleter les livres à bibliothèque et à mener une vie saine… Pourquoi est-ce ainsi ? se demanda Klein entre deux parties de cartes.

Franchement, avec ses compétences en “magie”, il aurait facilement pu empocher tout l’argent que le Dr Aaron, Mike et Talim avaient sur eux.

Mais je suis un honnête homme qui croit davantage en ses compétences et en la chance…

Tandis que le préposé en veste rouge mélangeait les cartes, Klein prit une savoureuse bouchée de biscuit à la crème.

Ça, c’est la vie ! pensa-t-il, ravi.

Tandis qu’ils jouaient, le jeune homme remarqua que Talim n’était plus dans le même état d’hébétude ou de bouleversement qu’auparavant.

Le problème de son ami tombé amoureux d’une personne qu’il n’aurait pas dû aimer aurait-il été résolu ? se demanda-t-il, intrigué, en sirotant son thé noir Marquis.

En sa qualité de détective, il savait que ce n’était pas une question à poser devant les autres, aussi se concentra-t-il sur la partie de cartes.

À dix-sept heures, Mike Joseph devant retourner au bureau, le jeu prit fin et Klein empocha cinq Solis.

J’ai plutôt de la chance ces derniers temps…

Alors que Klein soupirait de soulagement, il vit le Dr Aaron quitter la table pour se rendre aux toilettes.

Gérant sa voix, il demanda avec un léger sourire :

– « Le problème de votre ami est-il réglé, Talim ? »

Le professeur d’équitation, qui lançait sur la table les cartes qu’il avait en main, s’interrompit un instant et soupira :

– « On peut dire ça. » Puis, comme s’il avait envie de parler, il poursuivit : « En fait, ce n’était pas très grave. Je réfléchissais trop à ce moment-là. Pour faire simple, il s’agissait d’un jeune homme illustre tombé amoureux d’une roturière. Vous n’êtes pas sans savoir qu’un homme de son statut se doit d’épouser une noble. Même la fille d’un homme riche ne saurait faire l’affaire. »

C’est donc ça… Et moi qui me suis fait toutes sortes de films bizarres, comme quoi il était tombé amoureux d’un homme, d’un monstre ou d’une personne dont il n’avait pas le droit de s’éprendre en raison de principes moraux… se dit Klein, déçu.

– « Pour autant que je sache », répondit-il, « les gentlemen de la haute société ne se gênent pas pour prendre une maîtresse. »

– « Non, Sherlock, vous ne comprenez pas. L’amour, vous comprenez ? L’amour ! Ce jeune homme ne veut pas d’autre épouse que cette roturière », s’exclama Talim avec un soupir.

Non, je ne comprends pas, je suis célibataire… pensa Klein qui ne savait que répondre.

Talim soupira intérieurement.

– « Pour le bien à long terme de ce jeune homme, j’avais un jour pensé à vous demander de chercher discrètement des personnes dotées de capacités magiques… Mais comme je suis un citoyen respectueux des lois, ce n’était qu’une idée en passant. »

– « Comment l’affaire a-t-elle été résolue ? » demanda Klein avec intérêt.

Talim prit sa tasse de son café Highlander et en but une gorgée :

– « La solution était beaucoup plus simple que je ne le pensais. Je suis allé directement voir la dame et lui ai fait part de mon dilemme. En personne raisonnable, elle a exprimé sa volonté de quitter ce gentleman et a sollicité mon aide.

« Je dois reconnaître que c’est vraiment une belle jeune femme, attentionnée, gentille, et élégante. Si je n’avais pas tenu compte de qui je suis, peut-être me serais-je agenouillé devant elle et lui aurais-je baisé la main. »

– « Apparemment, je ne vous aurais été d’aucune aide », dit Klein en prenant sa tasse de thé noir en porcelaine blanche à bords dorés.

En tant que visiteur de la Terre, il n’avait aucune envie de briser des couples. Mais écouter des ragots, c’était une toute autre affaire.

Après avoir dîné au Quelaag Club et goûté au plat en quantité limitée de homard Sonia, Klein et le Dr Aaron montèrent dans la calèche de ce dernier pour se rendre chez Will Auceptin, au 66 rue Dalton dans le Quartier Nord.

Le Dr Aaron ayant depuis longtemps mémorisé l’adresse, il n’eut pas à retourner à l’hôpital consulter les dossiers médicaux et Klein était d’avis que toute information pertinente concernant Will Auceptin avait probablement été emportée par les Faucons de Nuits.

En tant qu’ancien Faucon de Nuit, je sais très bien comment ils procèdent… soupira le jeune homme avec un sourire amer.

La sonnette tirée, les deux hommes attendirent un moment avant de voir la porte s’ouvrir. Une domestique en robe noire et blanche, perplexe, demanda :

– « Messieurs, qui cherchez-vous ? »

Devant l’air froid d’Aaron, Klein prit la parole.

– « Nous cherchons Will Auceptin. Voici son médecin traitant, venu voir comment il allait. »

– « Je…je ne le connais pas. Je ne suis ici que depuis quelques jours… Veuillez patienter un instant, je vais chercher mon maître », répondit la servante d’un air absent.

Pendant qu’ils attendaient, Aaron, brusquement, lui dit :

– « J’ai failli croire au motif que vous venez d’inventer. »

– « C’est une qualité fondamentale chez un détective », répondit Klein avec un petit rire.

C’est alors qu’un monsieur d’une cinquantaine d’années s’avança et dit d’une voix grave :

– « Will Auceptin et sa famille ont déjà déménagé le… » suivi d’une date.

Aaron fit un rapide calcul et fronça les sourcils.

– « Pourquoi se seraient-ils donné le mal de déménager deux jours après sa sortie de l’hôpital après l’opération ? » demanda-t-il, comme s’il était vraiment en visite de contrôle.

Klein était un peu perplexe.

– « Comment se fait-il, Monsieur, que vous connaissiez exactement la date de leur départ ? »

En général, les locataires suivants n’emménageaient qu’après un certain temps.

– « Quelqu’un est déjà venu me poser la question. Je suis même allé trouver le propriétaire pour ça », répondit vivement l’homme.

Les Faucons de Nuit… pensa Klein qui demanda sans grand espoir :

– « Savez-vous où cette famille a déménagé ? »

– « Non », répondit laconiquement le vieil homme.

– « Ont-ils laissé quelque chose ? » insista le détective après un instant d’hésitation.

– « Quelques affaires. » Le vieil homme prit une profonde inspiration et ajouta : « Mais les gens qui sont venus avant vous ont tout emporté. »

Je ne peux rien contre ces collègues… Ils ont toujours une longueur d’avance… ne put s’empêcher de soupirer Klein.

Voyant qu’il n’y avait pas d’autres indices, le détective et le médecin prirent poliment congé et quittèrent le 66 rue Dalton.

« On dirait bien que vous allez devoir attendre longtemps avant de pouvoir lever vos doutes », dit Klein en se tournant vers Aaron.

Ce dernier demeura quelques instants silencieux et soupira :

– « Après ce qui vient de se passer, je ne suis plus aussi troublé. Je ne suis qu’un médecin et j’ai bien assez à penser. Je devais revenir faire un contrôle de suivi et pas remettre en question la situation, ce que les autres pensent ou pourquoi ils ne sont pas gentils. Cela ne me regarde pas. À l’avenir, je m’efforcerai autant qu’il est possible de maintenir une relation médecin- patient. »

– « Mieux vaut voir les choses de cette façon », approuva Klein qui demanda d’un ton désinvolte : « Qu’est-ce que Will avait exactement à la jambe gauche ? »

– « Il avait développé une étrange tumeur au mollet qui, par coïncidence, formait un anneau qui exerçait une forte pression sur ses vaisseaux sanguins », se remémora le Dr Aaron. « Cela dit, le gamin n’avait pas l’air particulièrement bouleversé, juste un peu effrayé. Nous voulions tout faire pour préserver sa jambe mais cela empirait. »

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