Auteur : Entrail_Jl
Traductrice : Moonkissed
« 5.04 ? 5.04 ?! C’est impossible… »
Evelyn resta immobile, le regard perdu dans le vague, ne sachant pas comment interpréter la situation. Le silence s’installa sur le terrain d’entraînement, tous les regards fixés sur la silhouette assise au loin.
Son attitude restait inébranlable, toujours aussi impeccablement posée.
Malgré les vêtements froissés et les cheveux en bataille, son expression conservait l’indifférence habituelle qu’il affichait toujours.
Le sang coulant le long de ses yeux semblait sans importance pour lui, comme s’il n’avait jamais été là.
Tout comme les regards.
« … C’est apparemment possible. »
C’est Leon qui fit sortir Evelyn de ses pensées. Avec un léger froncement de sourcils, il tapota légèrement l’épée à sa hanche.
Son expression était difficile à lire, mais pour Evelyn, qui le connaissait depuis aussi longtemps qu’elle, il était évident que lui aussi avait été surpris par les événements qui se déroulaient.
‘Il n’aime pas le montrer, mais il est aussi secoué…’
Sinon, pourquoi tapoterait-il autant sur la pointe de son épée ?
« Il a l’esprit ferme. » conclut Leon au bout d’un moment, et les tapotements s’arrêtèrent.
« … Un esprit très ferme. » répéta-t-il.
D’une manière qui semblait plus s’adresser à lui qu’à elle.
Un esprit très ferme… ?
Evelyn cligna des yeux, se rappelant la scène d’avant.
Au début, ce n’était rien. Personne n’avait été curieux de son résultat au début. Chacun faisait son truc. Concentré sur son examen à venir.
C’était…
Jusqu’à ce qu’un changement commence à se produire sur le terrain d’entraînement.
Le bruit qui remplissait autrefois les environs s’estompa et fut remplacé par un silence étrange.
Un silence qui commença à consumer les environs petit à petit, les engloutissant complètement en quelques minutes.
Au début, Evelyn était confuse.
Mais lorsqu’elle tourna la tête, elle comprit.
« 4,4 »
Même maintenant…
En se rappelant la voix bourrue du professeur alors que le compteur descendait, elle sentit son souffle s’éteindre.
4,4…
Avait-elle mal entendu ? Comment était-ce possible… ?
Mais…
« 4,5 »
La voix rauque continua.
Elle tonnait dans ses oreilles, et dans celles de toutes les personnes présentes.
Le plus saisissant était la silhouette inébranlable de Julien, assis au milieu de la chaise. Son dos était ferme, solidement posé sur la chaise comme si de rien n’était.
Ses yeux étaient fermés, tout comme ses lèvres.
… Son expression impassible semblait inadaptée à la situation.
À tel point qu’on se demandait s’il vivait vraiment l’épreuve difficile qu’ils avaient tous traversée.
‘Le test est-il défectueux ? Y a-t-il quelque chose qui cloche… ?’
En le voyant ainsi, Evelyn ne put s’empêcher de douter de la situation. Même maintenant, elle se souvenait encore de la sensation de picotement et de terreur qu’elle avait ressentie pendant le test. Rien que d’y penser, elle en avait des frissons dans le dos.
Et pourtant…
Julien supportait deux fois plus de douleur sans même broncher ?
Pas possible… !
Impossible.
C’était Impossi…
Ploc ploc… Ploc ploc…
Ces pensées cessèrent dès qu’elle remarqua deux stries rouges coulant le long de ses yeux fermés.
Même si son corps restait immobile et son expression inébranlable, son corps ne l’était pas. Il commençait à le trahir.
Elle comprit alors…
Elle n’avait pas mal entendu…
Il était vraiment…
« Mais que s’est-il passé au cours des cinq dernières années ? »
Le regard d’Evelyn se posa sur Leon. Ses yeux plongèrent profondément dans les siens alors qu’il détournait la tête pour ne plus la regarder.
« … »
Il ne dit pas grand-chose, mais son silence lui en dit long.
En fin de compte…
Quelque chose s’était passé pendant les cinq années où ils ne s’étaient pas vus. Quelque chose d’assez terrifiant pour le transformer ainsi.
Mais quoi… ?
Que s’était-il passé ?
***
« Nous venons à peine de nous séparer, et tu es déjà de retour ici… »
Le médecin familier grommela en éclairant mes yeux. La lumière était assez vive et je tentai par réflexe de fermer les yeux.
« Aide-moi à comprendre. »
Après l’examen, le professeur Kelson m’a emmené à l’infirmerie pour faire examiner mes yeux. Je n’ai pas résisté. Moi aussi, j’étais un peu inquiet pour mes yeux. Ce n’était pas normal que quelqu’un saigne des yeux.
« … Ressens-tu une douleur ? »
« Non. »
C’était étrange. Une sensation bizarre s’était emparée de mon corps. Je me sentais léger. Tout mon corps était engourdi, et que ce soit la douleur ou le sens du toucher… J’avais tout perdu.
Smack… !
Un claquement fort attira mon attention. En baissant les yeux, je remarquai une marque rouge sur ma cuisse et levai les yeux.
« As-tu senti quelque chose ? »
« … Non. »
Est-ce qu’il vient de… ?
« Je vois. »
Le docteur soupira et se retourna pour regarder le professeur.
« Il va bien, mais il a temporairement perdu la sensation de douleur et de toucher. Cela ne devrait pas durer plus d’une semaine, mais les choses seront plutôt difficiles pour lui la semaine prochaine. Je lui suggère de ne rien faire de trop intense la semaine prochaine, pour son propre bien. »
Il se mit ensuite à me regarder dans les yeux.
« … Je vais te dire ça maintenant parce que je ne veux plus te revoir ici. Ne fais rien d’épuisant la semaine prochaine, compris ? »
« Je ne peux pas m’entraîner ? »
« Non. »
« Alors… »
« Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans mes ordres ? Ne fais rien qui implique un effort modéré à léger. Ça peut sembler anodin, mais tu as perdu la notion de la douleur. Tu ne sauras pas quand tu surmènes ton corps pendant l’entraînement. Cela peut très bien te tuer si tu ne fais pas attention. »
« … »
Sur ce, je n’avais rien à objecter.
En repensant à la façon dont je m’entraînais habituellement, je savais que ses paroles étaient justes. Il y avait de fortes chances qu’une fois l’entraînement terminé, j’en aie fini avec cette vie.
Pourtant…
Même si je savais tout cela…
Je serrai les dents.
C’était frustrant.
Même si une semaine ne semblait pas beaucoup, c’était beaucoup de temps pour moi. Quand chaque jour comptait tant pour moi, en perdre sept signifiait perdre beaucoup… Je ne pouvais vraiment pas me permettre de manquer autant de jours d’entraînement.
Mais…
« Huu. »
Je pris une profonde inspiration pour me calmer.
‘Bon, la situation est la suivante. Je n’ai pas d’autre choix que de l’accepter et de trouver un nouveau moyen de progresser.’
Même sans entraîner mon corps physiquement.
Oui, parce que…
Je n’avais pas le choix. Plutôt que de pleurer sur ma situation, je devais m’adapter à ma situation actuelle.
C’est le genre de mentalité que je devais avoir.
‘S’adapter. Je dois m’adapter.’
Une jambe. Pas de jambes. Pas d’yeux. Pas de sens. Pas de bras.
Quelle que soit ma situation, je devais m’adapter.
Pas d’excuses.
Il n’y en avait pas pour moi.
Parce que…
Une excuse n’était rien de plus qu’un obstacle que je m’imposais.
Je ne pouvais pas me le permettre.
Pas moi.
« As-tu compris mes paroles ? »
En entendant les paroles du médecin, j’ai levé la tête pour croiser son regard. Après un court instant, j’ai hoché la tête.
« Compris. »
***
[Julien Dacre Evenus] (Étoile Noire)
Famille – Baronnie Evenus [Aîné]
Analyse de progression :
•Examen de mana — 1,716
•Examen physique — 1,189
•Examen mental — 5,04
Delilah jeta un coup d’œil aux résultats qui s’étalaient sur sa table. La pièce autrefois sale était maintenant propre. Du moins… en partie.
Num…
Mâchant une tablette de chocolat, elle jeta l’emballage par terre. Au moment où elle le fit, sa main se figea et ses yeux tombèrent sur l’emballage par terre. Son expression se fendit et son visage se crispa.
« … Je le ferai plus tard. »
Son regard se posa sur le papier devant elle.
Ouais, c’était plus important…
Les chiffres n’étaient pas impressionnants à première vue. Du moins, pas avant que la valeur finale ne soit affichée.
« 5,04. »
Delilah vérifia plusieurs fois pour s’assurer qu’elle n’avait pas reçu les mauvais chiffres.
Finalement, une fois qu’elle fut sûre qu’ils étaient bien les bons, elle se rassit sans dire un mot.
‘… Que s’est-il passé ?’
Afficher de tels chiffres à un tel âge et à un tel niveau… C’était du jamais vu. Ni ici, ni dans les autres Empires.
Et pourtant…
La voilà, contemplant des résultats aussi incroyables.
« Colère. Tristesse. Peur. »
Telles étaient les émotions qu’il avait affichées jusqu’à présent. Chacune d’entre elles à un degré incroyable.
Non, pas tout à fait.
« Tristesse. »
Il y en avait une qui se démarquait des autres.
Elle ne l’avait pas vue elle-même, mais elle avait entendu parler de ce qu’il en avait fait.
Contrairement aux deux autres, il était capable d’exploiter un tel pouvoir avec de simples mots. Cela seul suggérait qu’il avait déjà atteint le stade suivant pour une telle émotion.
« Dix-huit ans, mais il montre une telle incroyable palette d’émotions. »
Plus Delilah y réfléchissait, plus cela devenait clair.
Il y avait autre chose dans le passé de Julien. Celui qu’elle n’avait pas réussi à découvrir lors de ses vérifications d’antécédents.
Il s’était passé quelque chose dont elle n’était pas au courant.
… Quelque chose qui l’avait brisé au point où la douleur semblait dénuée de sens, et suffisamment traumatisante pour lui permettre de ressentir une telle émotion à un tel degré.
Mais quoi exactement… ?
L’image d’un certain tatouage ne cessait de se répéter dans son esprit.
« Il me manque quelque chose… »
Quelque chose d’extrêmement important.
Mais quoi exactement ?
Son regard continua de s’attarder sur le profil sur la table jusqu’à ce qu’elle finisse par fermer les yeux, puis les rouvrit, remplaçant le regard froid par un regard plus doux.
« … C’est vrai, c’est mon assistant maintenant. »
La vérité…
Elle finirait bien par le découvrir tôt ou tard. D’autant plus qu’il était désormais proche d’elle.
Il lui suffisait d’être patiente.
« Un jour… »
Oui, un jour.