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Traductrice : Moonkissed
Édit : Geofraynils
Auteur : Butterfly Blue
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3 décembre, Glory !
Depuis un mois maintenant, ce logo, avec ses lettres audacieuses, ses épées croisées et ses ailes déployées, un peu comme si elles allaient s’envoler du papier, était affiché de manière grandiose. Presque partout où l’on regardait, que ce soit sur les écrans de télévision, d’ordinateur, les affiches publicitaires géantes ou les prospectus distribués dans tous les coins de la ville, on voyait une annonce à l’effigie de Glory.
« Un mois ? Le 3 décembre, c’est dans exactement six semaines ou 42 jours ! », dit Su Muqiu, tout en faisant défiler une énième publicité qui venait d’apparaître sur son écran pour vanter les mérites de Glory. Ce jeu à venir envahissait tous les canaux de diffusion en ce moment.
Clic, clic, clic…
Malheureusement, la seule réponse qu’il obtint fut le son d’un clavier et d’une souris martelés, avec légèreté, mais au rythme de frappe régulier et rythmé.
Su Muqiu jeta un coup d’œil à celui qui était assis à côté de lui. Son écran affichait actuellement des éclairs d’attaques et des gerbes de sang, mais le joueur lui-même arborait une expression d’ennui. De toute évidence, cette activité n’était pas suffisante pour nécessiter toute son attention.
« Tu as entendu ce que je viens de dire ? » se plaignit Su Muqiu. Si le combat n’était pas assez exigeant pour que son ami se concentre à fond dessus, il n’y avait aucune raison qu’il ne réagisse pas au monde réel.
« J’ai entendu, Glory, mes oreilles saignent à force d’entendre ce mot sortir de ta bouche si souvent, tu ne le vois pas ? » répondit Ye Xiu. Depuis que Glory avait commencé sa campagne publicitaire, Su Muqiu avait parlé de ce jeu presque sans s’arrêter. Le ciel savait à quel point il l’attendait avec impatience.
« Il n’a pas été annoncé depuis trop longtemps, mais avec ce genre de buzz, c’est suffisant. Ce sera certainement un jeu à succès, déclara Su Muqiu, ignorant le désintérêt apparent de Ye Xiu.
– Hmm… marmonna Ye Xiu sans s’engager. Il l’avait déjà entendu à de trop nombreuses reprises.
– J’ai entendu dire qu’il n’utilise pas de nom d’utilisateur et de mot de passe pour se connecter, tu auras besoin d’une carte de compte.
– Hmm…
– Tu as besoin d’un lecteur de carte spécifique aussi, pour que ça marche.
– Hmm…
– Et ce lecteur de carte est relativement bon marché.
– Hmm…
– Mais la configuration requise pour le faire tourner semble être assez élevée !
– Oh ? » Ce point avait finalement attiré l’attention de Ye Xiu, son rythme de frappe au clavier était devenu plus fort, l’espace d’une seconde, avant de se stabiliser à nouveau. Il se retourna pour regarder Su Muqiu avec une expression sérieuse.
« Quel genre d’exigences ? »
Son voisin ne répondit pas… Il avait deux vieux ordinateurs chez lui, l’un était en légèrement meilleur état que l’autre, mais même celui-là répondait à peine aux exigences minimales pour faire tourner Glory. L’autre ordinateur était si mauvais qu’il ne valait même pas la peine d’aborder le sujet. Ye Xiu n’était pas un expert en informatique, mais il jouait sur ces ordinateurs depuis plusieurs mois maintenant et savait à quoi s’en tenir. Su Muqiu avait confiance en lui, il n’avait pas besoin de s’expliquer, son silence était assez explicite.
« Il est temps d’en changer. », avait dit Ye Xiu, toujours avec cette expression sérieuse. Bien qu’il ne soit pas aussi excité par Glory que Su Muqiu, il ne voulait clairement pas le rejeter sans lui laisser la moindre chance. Pour décider si un jeu était bon ou mauvais, il fallait y jouer soi-même.
« Oui, il est temps d’en acheter de nouveaux, mais les finances se font rares ces derniers temps… »
Ayant vécu ici plusieurs mois, Ye Xiu était bien sûr au courant des conditions de vie de ces frère et sœur. Ils étaient orphelins et n’avaient aucun parent, et leur subsistance dépendait des revenus que Su Muqiu gagnait en jouant. Après l’arrivée de Ye Xiu, ils avaient maintenant une deuxième personne qui gagnait de l’argent, donc leur situation s’était légèrement améliorée. Malgré cela et le fait qu’ils n’aient aucun mal à se procurer les produits de première nécessité, il allait être difficile de sortir de l’argent pour acheter deux ordinateurs performants. S’il en avait eu la possibilité, Su Muqiu n’aurait pas supporté ces deux horribles antiquités.
« On dirait qu’on va devoir se contenter des cybercafés pour l’instant, dit Ye Xiu.
– Oui, acquiesça son ami.
– Tu en as déjà cherché un bon ?
– Bien sûr, j’enquête depuis plus d’une semaine maintenant », dit calmement Su Muqiu.
3 décembre, minuit.
Cette heure de lancement n’était pas très clémente pour les joueurs. Pour la plupart des gens, c’était l’heure de se déconnecter et d’éteindre leur ordinateur. Mais avec un événement comme celui-ci, de nombreux joueurs étaient prêts à sacrifier leur emploi du temps.
La campagne publicitaire de Glory s’était déroulée à grande échelle, pendant six semaines, soit 42 jours. Durant cette période, la publication opportune des détails du jeu avait réussi à créer un fort engouement, à tel point que plus personne ne se souciait de savoir s’il sortait à midi ou à minuit.
Cette nuit, d’innombrables personnes se préparaient pour le lancement.
Cette nuit, les cybercafés de toutes les grandes villes se transformèrent en « boîtes de nuit » animées.
Ville H, Cybercafé Excellent Era.
Ye Xiu et Su Muqiu avaient réservé deux ordinateurs dès l’ouverture, et plus l’heure du lancement approchait, plus ils devenaient concentrés et alertes. De nombreuses personnes s’étaient rassemblées dans le café, mais, voyant qu’il n’y avait plus aucun ordinateur de libre, elles étaient devenues déprimées et irritables. Contrairement à Su Muqiu et Ye Xiu, qui venaient uniquement parce qu’ils n’avaient pas d’ordinateurs assez performants à la maison, la plupart des gens venaient simplement passer du temps avec d’autres personnes au cybercafé. Jouer ensemble dans un même lieu était souvent plus agréable que de jouer en ligne séparément.
À l’approche de minuit, le cybercafé était bondé et ceux qui n’avaient pas réussi à obtenir un ordinateur ne purent que repartir, déçus. Le propriétaire, Tao Xuan, était plus que satisfait par cette affluence. Il avait énormément investi dans ce jeu, améliorant toutes les machines qui en avaient besoin. Aucun ses proches concurrents n’avaient fait de même. Ils attendaient encore de voir si Glory allait devenir populaire. Malgré tout le battage médiatique autour de lui, qui pouvait prédire si cela allait être une réussite ou un échec ? Après tant d’années, n’y avait-il pas eu d’autres jeux incapables de répondre aux attentes des joueurs ?
Bien sûr, Tao Xuan était très anxieux. Il fixait l’horloge sur le mur, regardant les aiguilles se rapprocher de minuit. À 11 h 59, il avait éteint sa cigarette et s’était assis devant un ordinateur, préparé un peu plus tôt pour son usage personnel.
Étant lui-même un joueur, il voulait aussi s’essayer à Glory.
Minuit !
Le brouhaha dans le cybercafé se calma soudain.
Passer une carte dans un boîtier externe pour se connecter ? C’était un nouveau mécanisme, et les gens essayaient maladroitement de s’y adapter.
Puis, tout le monde se mit à réfléchir en arrivant sur l’écran suivant : le nom du compte.
« Laissez-moi faire, laissez-moi faire ! Su Mucheng avait apporté un tabouret pour s’asseoir entre Su Muqiu et Ye Xiu. En les voyant atteindre cet écran, elle avait bondi d’excitation.
– Et ensuite, tu vas directement au lit, compris ? dit sévèrement Su Muqiu.
– Je sais ! » Su Mucheng prit le clavier de Ye Xiu et commença à taper un nom. Elle ne jouait pas vraiment elle-même, alors c’était sa seule façon de partager cela avec Su Muqiu, et maintenant Ye Xiu aussi.
Rapidement, un nom apparut sur l’écran, comme si elle s’était préparée à l’avance.
« One Autumn Leaf*, lut Ye Xiu à haute voix. C’était un proverbe chinois bien connu. Mais, n’y a-t-il pas une faute de frappe ?
Mais Su Mucheng avait déjà appuyé sur la touche entrée.
– C’est fait ! Su Mucheng rendit immédiatement le clavier à Ye Xiu, avant de prendre celui de son frère.
– Dépêche-toi ! », le pressa celui-ci, impatient de commencer.
Su Mucheng tapa rapidement sur les touches et un nom apparut à l’écran.
« Qiu Mu Su ? lut Su Muqiu à haute voix. Hé hé, tu ne peux pas faire un peu plus d’efforts que ça ? Je suis ton frère ! »
Ce nom d’utilisateur était simplement les caractères de son vrai nom, dans l’ordre inverse…
Heureusement, lorsque Su Mucheng appuya sur la touche de confirmation, le système renvoya un message : « Ce nom est déjà utilisé ».
« Merde ! » Su Muqiu jeta un rapide coup d’œil à l’heure sur l’ordinateur. Il n’était pas encore 00 h 01, et ce nom était déjà pris ? Combien de personnes jouaient à ce jeu en ce moment ?
Les mains de Su Mucheng étaient rapides. Le nom étant déjà pris, ses doigts dansèrent pour en taper un autre.
« Autumn Tree ? » Su Muqiu resta sans voix, pour de bon. La seule chose qui avait changé dans ce nom d’utilisateur était le deuxième caractère, mais il se prononçait toujours « Qiu Mu Su ». Une fois de plus, Su Mucheng avait appuyé sur la touche de confirmation et ce nom était définitivement confirmé.
La jeune fille hocha la tête, révélant une expression satisfaite.
« Très bien, c’est l’heure de te coucher ! » lui rappela Su Muqiu. Il se faisait tard, mais leur maison était proche et ils connaissaient très bien les environs. Su Muqiu ne s’inquiétait pas de renvoyer sa sœur chez elle, toute seule.
« Dans une minute, répondit sans vergogne la jeune fille, pensant que son frère ne voudrait pas quitter l’ordinateur pour la forcer à rentrer.
– Juste une minute ! » Elle avait vu juste, car Su Muqiu céda immédiatement et se retourna vers l’écran.
« Hé ! Ye Xiu, tu vas choisir quelle classe ? J’y ai beaucoup réfléchi et je me suis décidé pour le tireur d’élite. Pourquoi tu n’en jouerais pas aussi ? Je pense qu’on pourrait très bien travailler ensemble.
– Je vais d’abord essayer le système et voir comment ça se déroule. », répondit Ye Xiu.
* NDT — One Autumn Leaf, 一叶之秋 (yī yè zhī qiū) et le dicton « Une feuille qui tombe annonce l’arrivée de l’automne » 一叶和秋 (yī yè zhī qiū) se prononcent pareil, mais diffèrent d’un caractère. Dicton qui signifie qu’un petit signe peut indiquer une grande tendance.