Contes Fantastiques du Pavillon des Loisirs | 聊斋志异
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Le lettré sauta du divan pour la remercier comme s’il était soudain délivré d’une longue et grave maladie. Cependant il se sentait inconsolable de ne plus voir le visage radieux de celle qui l’avait guéri. Depuis lors, incapable de lire, restant assis dans une sorte d’hébétement, il ne savait que faire de la journée.

Ayant percé son secret, le jeune seigneur lui dit:

 

—J’ai cherché pour vous mon frère une épouse idéale et je l’ai trouvée.

 

—Qui donc?

 

—Une de mes parentes aussi.

 

Après être resté figé un bon moment, le lettré répondit:

 

—Ce n’est pas la peine!

Et le visage tourné vers le mur, il cita ces vers*:

 

Après avoir vogué sur l’Océan,

Ces cours d’eau ne me disent rien.

Et aucun nuage n’est comparable

A ceux de la montagne Wu.

 

*vers extraits d’une poésie écrite par Yuan Zhen des Tang qui pleure la mort de sa jeune femme

 

 

Le jeune seigneur comprit l’allusion et précisa :

 

—Mon père qui admire profondément votre talent littéraire aurait voulu vous unir a notre famille par un mariage, mais ma sœur est trop jeune. J’ai une cousine, A-Song, âgée de dix-huit ans, et qui n’est pas mal du tout. Si vous ne me croyez pas, cachez vous dans la chambre du devant au moment où elle se rendra aujourd’hui dans le kiosque du jardin, et vous pourrez en juger.

 

Le lettré suivit son conseil. Il vit en effet que Jiaona était en compagnie d’une beauté aux sourcils dessinés en arc, ses pieds mignons portant des chaussons aux motif de Phénix. Elles faisaient bien la paire.

 

Le lettré éprouva une grande joie et demanda à son ami de lui servir d’intermédiaire pour le mariage, celui ci, en sortant le lendemain de son appartement privé, lui annonça en lui présentant ses félicitations:

 

—Tout est arrangé!

 

Il fit alors aménager un autre appartement pour le mariage du lettré.

 

Le soir des noces, toute la maison, bourdonnant du son de tambour, était remplie d’une animation qui faisait voler la poussière. La fée que Kong avait contemplée était devenue si subitement son épouse qu’il lui semblait que le Palais de la Lune n’était pas forcément dans les cieux.

Après la célébration de son mariage, il vivait très heureux. Un soir, le jeune seigneur lui dit:

 

— Je n’oublierai jamais que vous avez eu la bonté de bien vouloir m’instruire. Bientôt le seigneur Shan, son procès terminé, va rentrer et il m’a réclamé d’urgence la maison. J’ai donc l’intention de quitter cette demeure pour aller vers l’ouest. Il nous sera difficile de continuer à vivre ensemble. J’en suis navré.

 

Comme le lettré exprimait le désir de le suivre, le jeune homme lui conseilla de rentrer plutôt dans son pays, ce qui mit Kong dans l’embarras.

 

—Ne vous inquiétez pas, dit son ami, je peux vous y conduire immédiatement.

Peu après, le vieux seigneur vint en amenant madame Song et offrit au lettré cent taëls d’or. Le jeune seigneur prit chacun des deux époux par la main et leur recommanda de fermer les yeux. Ils se sentirent alors flotter dans les airs tout en entendant le sifflement du vent dans leurs oreilles.

 

—On arrive! s’écria le jeune homme longtemps après.

Ils ouvrirent les yeux; en effet Kong reconnut son pays natal. Il se rendit compte alors que le jeune seigneur n’était pas un être humain ordinaire. Joyeux, il frappa à la porte de sa demeure. Sa mère ouvrit et eut l’heureuse surprise de constater que son fils était de retour accompagné d’une jolie épouse; quel soulagement et quelle joie! Lorsque le lettré se retourna, le jeune seigneur avait disparu.

 

Madame Song se montra une bonne bru pour sa belle-mère et la réputation de sa beauté et de sa vertu se répandit aux alentours et même fort loin dans le pays. Ayant obtenu le titre de jinshi (docteur) par l’examen national, le lettré fut nommé magistrat à la justice de Yen’an et y emmena sa famille. Ne pouvant entreprendre un long voyage, sa mère ne put les accompagner. A-Song mit au monde un fils qui fut nommé Xiao Huan. Puis le lettré se vit révoquer de ses fonctions pour avoir vexé son supérieur par des propos trop francs. Retardé par des affaires à régler, il ne pouvait retourner au pays natal.

 

Un jour qu’il chassait dans la campagne, le lettré rencontra par hasard un beau jeune homme chevauchant un superbe étalon noir, et qui dirigeait sans cesse ses regards vers lui. Il l’observa attentivement à son tour: c’était le jeune seigneur Huangfu. Ils tirèrent sur les brides pour arrêter leurs montures et se laissèrent aller à une joie mêlée de tristesse.



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