Pendant ce temps, Foudre, Wendy, Maggie et Colibri exécutaient l’attaque finale avant l’offensive principale.
Etant donné que l’artillerie des navires de guerre ne pouvait tirer que des balles solides, celles-ci étaient pour la plupart inefficaces contre le personnel et les dispositifs de défense installés sur les remparts. Par conséquent, le principal objectif des sorcières était de détruire la première ligne de défense afin de réaliser une percée dans les forces ennemies et d’ouvrir un passage sûr pour l’offensive générale.
C’était aussi la première fois que le ballon à hydrogène était utilisé au combat.
Contrairement au raid de cents kilomètres qui avait eu lieu cinq mois plus tôt, cette fois, le ballon avait décollé sur les bords du canal et pratiquement tout le monde avait pu assister à l’ascension de cet objet colossal. Roland pensait que ce ballon à hydrogène, qui pouvait se déplacer n’importe où sans entrave, était suffisamment évolué pour être utilisé comme bombardier à courte distance. Avec la flotte pour lui apporter un soutien logistique, cet évènement marquait le début de la génération des combats aériens.
Debout sur la jetée, les soldats de la Première Armée éclatèrent en ferventes acclamations. Ils savaient pertinemment qu’aucun adversaire ne serait en mesure de faire face à une attaque aérienne c’est pourquoi leur sage et bienveillant Seigneur était certain de gagner cette guerre.
Très vite, le ballon à hydrogène qui survolait le ciel arriva au-dessus de la Cité du Roi. De ce point de vue, la majestueuse capitale n’était pas plus grande qu’un palmier. Foudre baissa ses lunettes protectrices et fit signe à Wendy de libérer la bombe. Cette dernière acquiesça d’un signe de tête et tira sur le mécanisme.
Aussitôt, une bombe se détacha de son support descendit vers la terre.
À la différence des fois précédentes, Anna n’était pas à bord mais avait été remplacée par Colibri. Sous l’effet du pouvoir magique soutenu de celle-ci, les quatre bombes qu’elles avaient emportées ne pesaient qu’un cinquième de leur poids habituel tant qu’elles n’étaient pas détachées l’une de l’autre. Ce type d’enchantement était une nouvelle méthode que Colibri avait découverte alors qu’elle cultivait sa maîtrise du pouvoir magique. En maintenant l’effet sur une très courte période de temps, elle pouvait modifier le poids de plusieurs objets en contact et réduire la dépense de magie.
Foudre rattrapa sans difficulté la bombe et la guida vers le mangonneau situé d’un côté de la porte de la ville.
À mi-chemin, la jeune fille perçut la peur dans les yeux des chevaliers qui se tenaient au sommet des remparts. Ils levèrent leurs arbalètes et leurs fusils à silex et tentèrent de l’abattre en tirant vers le ciel. Cependant, elle savait qu’il était assez difficile de frapper un oiseau en plein vol, sans compter que la portée de la plupart des armes n’était pas suffisante pour l’atteindre à la distance où elle se trouvait.
La bombe tomba droit sur le mangonneau avec un bruit énorme et une boule de feu rouge flamboyant prit aussitôt de l’ampleur. Les gardes qui se trouvaient à proximité, incapables de l’esquiver à temps, furent instantanément dévorés par les flammes. Tandis que de violentes explosions balayaient les remparts, les chaudrons d’huile bouillante basculèrent et s’enflammèrent aussitôt. Les flammes suivirent l’huile qui se déversait et allumèrent les explosifs placés non loin. Les explosions se succédaient, détruisant tout aux alentours. On ne voyait plus que des flammes et une épaisse fumée. Les chevaliers, qui, peu de temps auparavant, se préparaient pour la bataille, s’enfuirent à la hâte dans tous les sens. Beaucoup, aveuglés par la fumée, tombèrent de la muraille. D’autres pataugeaient dans la mer de flammes ou se roulaient sur le sol pour tenter d’éteindre leurs corps enflammés.
Le sommet des remparts était devenu un véritable enfer.
– « Leur ligne de défense s’est effondrée », commenta Sylvie qui observait les flots de fumée sur les remparts, l’air un peu triste.
– « Ces gens le méritent », répondit froidement Rossignol. « Si nous avions échoué, ils seraient devenus encore pire. »
– « Dans cette guerre, quelqu’un doit payer le prix. C’est l’ennemi ou nous », acquiesça Roland qui feignait d’être calme. Puis il fit signe à Hache-de-Fer qui se trouvait derrière lui :
– « Soufflez la corne et ordonnez que l’on s’empare de la ville. »
L’heure n’était pas aux considérations sur la cruauté de la guerre ou la valeur de la paix. Derrière les luttes de pouvoir ou les combats pour la survie, il y avait toujours une collision d’idées et de classes. Lorsqu’une classe devait être remplacée, jamais elle ne se retirait d’elle-même. Il fallait la déloger et cela ne se faisait pas sans effusion de sang.
Aux yeux de Roland, il était préférable que ce soit le sang de l’ennemi.
– « À vos ordres, Votre Altesse! », répondit ce dernier. Il s’inclina respectueusement et quitta le navire.
Bientôt, le signal de l’offensive principale retentit dans le secteur des quais.
En tant que membre du Quatrième Commando, Neil avait pour objectif de détruire la porte du palais.
Alors que le peloton pénétrait au cœur de la ville, sa progression fut brusquement entravée par une puissante contre-attaque de l’ennemi.
– « Edgar est blessé! Vite, emportez-le! »
– « Bon sang, où est l’artillerie de campagne ? »
– « Ils sont bloqués par des débris! ils doivent faire un détour! »
– « Préparez les armes! Ces monstres reviennent à la charge! »
Neil se frappa la joue avec force puis il remplit une cartouche qu’il tendit à un coéquipier devant lui. Une salve de tirs retentit, criblant de balles les fous furieux qui se précipitaient sur eux. Ils s’effondrèrent dans une effusion de sang. Inconscients, ceux qui suivaient poursuivirent leur charge sur les commandos. Leurs bras, leurs abdomens ou autres parties du corps avaient beau être touchés, ils ne ralentissaient pas.
Ce n’étaient certainement pas des miliciens. Neil sentit ses membres s’engourdir. Les ennemis portaient des plastrons, des cottes de mailles et brandissaient d’excellentes armes allant de l’épée à l’arbalète. Il avait entendu dire par Jon, qui était un connaisseur, que seuls les gardes du Roi possédaient une gamme aussi complète de matériel. Malheureusement pour Jon, ses connaissances n’étaient pas en mesure de le protéger. Lors d’un précédent assaut ennemi, il avait été transpercé par une flèche tirée par le côté.
« J’espère qu’il tiendra jusqu’à l’arrivée de Melle Ange. »
– « Retirez-vous! Quatrième Commando, retirez-vous! »
– « Les trois escadrons sont prêts à tirer! »
Les vétérans, qui ne se souciaient pas d’économiser les balles, tirèrent sur leurs cibles avec précision. En un clin d’œil, ils vidèrent leurs cartouches et se retirèrent immédiatement sur la dernière ligne afin de raccourcir l’intervalle de temps entre les interruptions de tirs. Cinq équipes de commandos se relayaient pour protéger les autres le long de la rue principale. C’était la première fois que Neil voyait cette méthode de tir à tour de rôle depuis que les fusils à barillet avaient remplacé les fusils à silex.
Cependant, leurs ennemis ne se cantonnaient pas à un seul front.
Soudain, un peloton de drogués sauta d’une maison. Avant même que la plupart des vétérans aient le temps de tourner leurs armes, le peloton était déjà au milieu d’eux.
On entendit des cris et des malédictions. Démuni, Neil vit l’un de ses coéquipier coupé en deux devant lui par un garde aux yeux rouges. Les soldats s’empressèrent de l’abattre, cependant, le jeune homme savait pertinemment que même Mlle Ange ne pourrait pas ressusciter cet homme.
– « Mais où sont ces fichus artilleurs ? »
– « Aidez-moi, Aïe… mes jambes! »
– « Continuez à tirer! »
En entendant son capitaine crier ses instructions, Neil serra les dents et, du revers de sa manche, essuya une cartouche maculée de sang. Il ramassa un révolver sur le sol, y introduisit la cartouche, visa un ennemi qui se débattait avec ses coéquipiers et appuya sur la gâchette.
Il avait peur, cependant les entraînements auxquels il avait assisté lui rappelaient constamment que face à un adversaire puissant, il était nécessaire de rester en contact étroit avec son équipe et d’utiliser la force collective pour avoir une chance de survie.
C’est alors que Neil entendit derrière lui l’appel d’une unité de soutien.
– « Le Bataillon d’Artillerie a eu des problèmes dans la Rue de l’Est. Lord Brian nous envoie vous aider! »
– « Qui que vous soyez, faites vite! » Cria le capitaine sans se retourner.
Les renforts tirèrent deux chariots dans la rue. Par chance, ceux-ci étaient équipés de mitrailleuses lourdes Mark I. Ils ajustèrent la position de tir et les canons se mirent à décharger des rafales de balles sur la nouvelle vague de soldats drogués qui chargeait à nouveau.