– « Les explorateurs n’auront, certes, jamais peur de l’aventure, mais jamais non plus ils ne prendront de risques inconsidérés. Étant donné que les Diables peuvent être tués, ils ne sont pas si terrifiants. Et ils ont une énorme faiblesse : ils ne peuvent survivre sans la brume rouge. »
« Leaves a déjà réussi à tuer des Diables à l’aide de flèches d’arbalète quant à Rossignol, elle en a tué dans des circonstances très défavorables », pensait Foudre qui se réjouissait intérieurement à l’idée qu’elle aussi pourrait le faire.
– « Nous devrions d’abord en parler à Son Altesse », suggéra Leaves. « Cendres et Rossignol sont beaucoup plus expérimentées que nous pour lutter contre les Diables! »
– « Mais d’ici qu’elles arrivent, les Diables seront peut-être déjà partis. »
Foudre vérifia la cartouche du pistolet pour s’assurer qu’elle était pleine et dit : « Si nous laissons ces ennemis rôder autour de la frontière, nous risquons d’être confrontés à des dangers bien plus sérieux. »
– « Je peux rester pour les surveiller. »
– « Et s’ils sortent de votre zone de contrôle ? » insista la jeune fille. « Si vous tentez de les arrêter, vous finirez par vous exposer. À nous trois, nous nous en sortirons mieux. »
Leaves se tut, visiblement convaincue.
– « Goo, Goo! » dit Maggie, sur l’épaule de Foudre, en battant des ailes.
– « Très bien », dit la jeune fille en grattant le cou du pigeon. « Nous nous occuperons chacune d’un Diable. »
– « Qu’est-ce qu’elle a dit ? » Demanda Leaves.
Avec une grimace, Foudre répondit :
– « Elle a dit qu’elle voulait casser la tête de l’ennemi avec ses griffes et en faire de la chair à pâté pour une bonne tourte à la viande. Pour finir, elle le fera cuire au feu pour voir quel goût il a. »
– « Elle a simplement roucoulé deux fois! », corrigea la jeune femme.
– « Peut-être, mais c’est ce qu’elle voulait dire », répondit l’adolescente avec ferveur.
« Le meilleur des explorateurs non seulement est incroyablement courageux mais il a aussi la capacité de diriger toute l’équipe, d’aider les gens à se détendre lorsqu’ils sont nerveux et de les protéger lorsqu’ils sont trop détendus… Je ferai de mon mieux pour suivre vos conseils, père. »
D’un geste du poignet, Foudre referma la cartouche. Ne voulant pas laisser paraître sa nervosité, elle prit un ton calme et demanda :
– « À quelle distance de nous se trouvent-ils ? »
– « Environ trois cents mètres sur notre droite », répondit Leaves.
– « Je les aurais vu immédiatement si je n’avais pas été gênée par les bois. » Elle pensait qu’elle avait certainement l’avantage de tirer la première, le pistolet surclassant bien évidemment la Pierre Magique en raison de sa longue portée. « Vous pouvez piéger les Diables avec des lianes, n’est-ce pas, comme la dernière fois sur les Terres Barbares. »
– « Je devrais pouvoir les immobiliser un court moment. »
– « Parfait. Nous attaquerons depuis les airs », dit Foudre. « Les ennemis ne penseront pas à regarder en l’air. Pendant qu’ils seront focalisés sur les lianes, nous les anéantirons en quelques secondes. »
– « Je comprends », dit Leaves, légèrement tremblante, sans doute en raison des horribles souvenirs liés à l’époque où elle vivait au camp de l’Association de Coopération des Sorcières.
Mais Foudre n’avait pas le temps de s’en préoccuper pour le moment. Si elles tardaient trop, elle perdrait probablement tout courage. Après tout, c’était elle et Maggie qui allaient affronter les Diables. Leaves serait cachée dans les bois. Elle ne serait pas blessée, même si l’ennemi s’en prenait aux lianes. »
– « Allons-y! », dit Foudre en prenant son envol.
– « Goo, Goo! » Roucoula le Pigeon en filant derrière elle.
La forêt à leurs pieds prit aussitôt l’apparence d’une accumulation de taches blanches et vertes. La jeune fille mit les lunettes que Son Altesse lui avait offertes et se sentit immédiatement plus courageuse.
Maggie se transforma en un faucon à queue grise et, après quelques secondes de recherches, localisa les cibles. Grâce à son œil de faucon, même un lapin en train de courir dans la neige ne lui aurait pas échappé.
– « Ils sont par-là. »
Foudre prit une profonde inspiration. Elle eut une pensée pour Tonnerre et Son Altesse et secoua la tête pour avoir l’esprit clair. Les mains serrées sur la poignée du pistolet, elle dit :
– « Je m’occupe de celui de gauche et vous celui de droite. Lorsque nous serons à mi-chemin, transformez-vous à nouveau en oiseau à ailes géantes.
– « Laissez- moi faire, Goo! »
– « Allons-y! » Cria la jeune fille en plongeant. Comme le vent froid qui rugissait sur ses joues lui faisait mal aux oreilles, elle remonta un peu l’écharpe sur sa tête, se remémora la méthode de tir que Rossignol lui avait apprise et pointa son arme. La portée effective de la balle était d’environ 100 mètres, cependant il était préférable pour elle de se rapprocher le plus près possible si elle voulait être certaine de toucher sa cible. Si Leaves ne s’était pas trompée, les gants de fer des Diables étaient certainement incrustés d’une Pierre Magique d’Electricité. La portée de leur pouvoir magique étant d’environ cinq mètres, c’est-à-dire à peu près autant que celui des sorcières, la meilleure solution était de les abattre lorsqu’elles se trouveraient à une distance de sept à huit mètres.
La silhouette de leurs ennemis devint de plus en plus nette. Elles distinguaient leurs horribles coiffes et leurs masques écarlates. Soudain, l’un des Diable s’arrêta, leva les yeux et rugit dans leur direction.
« Sommes-nous exposées ? » Le cœur de Foudre sombra : « Pourquoi l’ennemi se comporte-t-il comme s’il pouvait nous voir ? » C’est alors que d’innombrables plantes grimpantes s’élevèrent autour des Diables. Elles s’entortillèrent autour de leurs jambes et continuèrent à grimper jusqu’à ce que leurs adversaires soient totalement pris au piège.
Un éclair blanc jaillit du corps de Maggie qui se transforma instantanément en un énorme monstre. Elle plongea sur eux en criant pour les impressionner.
« Tentons le tout pour le tout », pensa Foudre. Elle serra les dents et accéléra encore. Lorsqu’elle ne fut plus qu’à une cinquantaine de mètres des Diables, elle vira brusquement et se précipita telle une étoile filante vers leur dos. Si elle tirait vers le bas, elle n’atteindrait que la tête de l’adversaire tandis que si elle visait horizontalement, elle aurait une plus large zone de tir. Rossignol lui avait bien répété de toujours tirer là où le corps de l’adversaire était le plus large.
Le Diable lutta pour soulever sa main droite prisonnière des plantes. Une lumière éblouissante jaillit de son gant de fer. Presqu’au même moment, Foudre pressa la gâchette. Un énorme ײboomײ traversa le ciel au-dessus de la forêt.
Comme elle s’y attendait, la portée d’attaque de la Pierre Magique était vraiment limitée. L’arc lumineux bleu et blanc ne persista que peu de temps. À peine le coup de feu avait-il retenti qu’un brouillard sanglant jaillit du dos du Diable. La balle avait non seulement traversé son corps mais brisé le réservoir de gaz.
Cependant, Maggie n’eut pas autant de chance. L’autre Diable l’atteignit avec ses éclairs. Des étincelles jaillirent de son corps et ses cris puissants se transformèrent en cris de terreur. Elle recroquevilla ses ailes et tomba lourdement sur le Diable en soulevant de gros flocons de neige. Lorsqu’ils s’effondrèrent, Foudre sentit le sol trembler. Sans doute en raison de l’impact, la bouteille de gaz de l’adversaire se brisa et la Brume Rouge se répandit sous l’oiseau géant. À cette vue, le cœur de la jeune fille se serra d’inquiétude.
Leaves réagit immédiatement. Des dizaines de plantes grimpèrent sur le corps de Maggie et la tirèrent loin du Diable. L’oiseau géant roula deux fois dans la neige et s’immobilisa, face contre terre.
Foudre se précipita, prit l’énorme tête dans ses mains et la secoua :
– « Réveillez-vous, Maggie! Tout va bien ? »
– « Goo… je me sens engourdie », répondit Maggie en ouvrant les yeux. Son pouvoir magique étant affaibli, elle reprit sa forme humaine et demanda : « Que s’est-il passé ? »
Foudre vérifia chaque partie de son corps, et voyant qu’elle était saine et sauve, se détendit et dit :
– « Je suis heureuse que vous n’ayez rien. »
Visiblement, la Brume Rouge ne pouvait pas blesser Maggie sous sa forme de monstre volant. Par ailleurs, la surface de son corps lui permettait de mieux résister aux dommages. L’arc électrique l’avait assommée un moment, mais alors qu’elle tombait, le Diable en dessous d’elle avait joué le rôle de coussin. L’attaque était effrayante mais il y avait eu plus de peur que de mal.
– « Ils sont morts tous les deux », dit Leaves en avançant la partie supérieure de son corps hors du tronc d’arbre pour examiner les cadavres. « Qu’allons-nous en faire ? »
– « Rapportons-les », répondit Foudre. « Son Altesse saura certainement. »