Les adolescents qui souhaitaient intégrer l’institut Tiandao saisissaient la pierre noire sous la direction d’un professeur et la gardaient en main durant 3 secondes. La plupart du temps, cette pierre ne se mettait à briller que légèrement, mais on pouvait voir distinctement la différence de luminosité. Pour certains, la pierre ne changeait pas lorsqu’ils la prenaient en main.
Le nom de cette pierre était très célèbre : la Pierre Inductive.
Un livre de taoïsme, intitulé : l’origine de tous les objets du monde, parlait de tous les objets étranges. Chen Changsheng, qui avait lu tout ce qui était consigné au sujet de cette pierre, connaissait parfaitement sa spécificité et son fonctionnement. Elle renfermait une sorte d’énergie sacrée. Lorsqu’un humain touchait la pierre noire, une partie de cette énergie pénétrait le corps à la recherche de sa force réelle qu’elle attirait comme un appât, générant une induction. Celle-ci créait ainsi une réaction de la pierre. C’était un peu comme pêcher à la ligne, lorsque les plus gros poissons, au moyen de leur force, tirent et font ployer la canne : plus la personne avait l’esprit puissant et possédait de force réelle, plus la pierre devenait lumineuse.
Après de nombreuses années d’efforts, l’étude des personnes concernées avait permis d’établir un ensemble de règles : on pouvait déterminer la force d’un homme par le niveau de clarté de cette pierre. Etant donné le nombre de candidats qui se présentaient chaque année, l’institut Tiandao avait mis en place cette présélection.
Les candidats avançaient et successivement, s’emparaient de la Pierre Inductive, laquelle pouvait devenir lumineuse, ou bien demeurait sombre. Certains pouvaient ainsi se diriger vers le bâtiment, tandis que les autres se voyaient contraints de quitter l’équipe. Cette ambiance était particulièrement stressante.
Un adolescent s’empara de la pierre noire mais celle-ci ne répondit absolument pas. Le surveillant le congédia immédiatement. Désespéré, ce jeune homme se mit à pleurer, suppliant pour qu’on lui accorde une seconde chance. Sa main serrait fermement la pierre noire. Mais le personnel de l’institut Tiandao resta sourd à ses prières et le jeta dehors. Ses supplications n’eurent pour effet que de susciter les railleries de l’assistance.
L’évaluation suivit son cours. Les candidats qui parvenaient à illuminer la pierre semblaient ravis tandis que ceux qui échouaient étaient extrêmement déprimés.
De l’autre côté de la rivière, quelques anciens de l’institut Tiandao ironisaient.
Les responsables de l’évaluation devenaient de plus en plus pâles. Depuis le matin, de nombreux candidats avaient déjà passé le test de la pierre. Bien que bon nombre d’entre eux fussent parvenus à l’illuminer, prouvant qu’ils avaient réussi à régénérer leur moelle, le niveau des candidats, cette année, était bien inférieur à celui des années précédentes. Un seul candidat avait régénéré sa moelle au niveau trois, et aucun n’était parvenu à la régénérer entièrement, même les génies qui dépassaient le niveau supérieur de Zuozhaojing. Aussi, les responsables étaient-ils de très mauvaise humeur.
Le comportement des hommes était différent de celui de la race des monstres et de la race des démons. Un humain devait étudier sans répit pour être plus fort et plus sage, réfléchir pour avoir un esprit lucide. Il utilisait sa sagesse pour connaître la vérité, son esprit pour devenir puissant dans le monde. Il entraînait son corps au moyen de l’énergie existante, en commençant par la peau, les os et les muscles, pour finir par la moelle. Après les exercices, il était capable de soulever un rocher et devenait bien plus résistant aux maladies courantes. C’était là l’effet de la régénération fondamentale de la moelle.
Le corps des sujets de la race des démons était naturellement fort comme la pierre, aussi un homme n’aurait pu les affronter s’il n’avait préalablement régénéré sa moelle. C’est pourquoi le succès de cette régénération était indispensable aux soldats d’élite humains. De plus, celle-ci renforçait la vue, améliorait la mémoire et augmentait la capacité d’analyse.
Généralement, on pouvait dire qu’une fois la moelle régénérée, c’était un tout autre monde! Tous les livres, parmi les trois milles ouvrages traitant de taoïsme, en arrivaient à cette même conclusion.
Le monde des livres était aussi étendu que la mer, les nombreux caractères écrits à l’encre renfermant de précieuses connaissances. Faute de procéder à cette régénération, comment serait-il possible d’explorer le monde ? En ne comptant que sur son seul courage pour surmonter les obstacles, nous nous égarerions dès le premier pas. C’est la raison pour laquelle l’institut Tiandao avait ajouté cette étape à l’examen d’entrée. A cet égard, ils avaient tout à fait raison : si une personne n’était pas capable de réussir la régénération, comment pourrait-elle pratiquer les différentes sortes de magie, qui étaient bien plus difficiles ?
La veille, alors qu’il se trouvait chez le général Xu, Chen Changsheng avait répété par deux fois qu’il ne pratiquait pas le taoïsme. Comme il n’avait pas régénéré sa moelle, la pierre noire dans sa main ne réagirait pas, aussi se verrait-il congédié par les maîtres de l’institut Tiandao. Cependant, le jeune homme conservait son calme. Il ne semblait pas s’inquiéter de ce qui allait se passer.
Chen était très proche de la table. Il ne restait que trois personnes devant lui.
En tête de file se trouvait un adolescent plutôt mince vêtu de noir. Sans y être invité, il se dirigea vers la table et s’empara de la pierre noire. Tout le monde se sentit un peu nerveux. Probablement parce que ce jeune homme donnait l’impression d’être sûr de lui.
C’était le début du printemps, les nuages cachaient le soleil. La cour de l’institut Tiandao était calme. Tout d’un coup, les prairies à l’herbe rase qui confinaient à la rivière s’illuminèrent. Les pousses d’herbe verte devinrent semblables à du jade vert et les gouttes de rosée à des perles brillantes. Sous l’effet de cette lumière soudaine, les poissons dans l’eau claire cessèrent de bouger.
Par réflexe, les gens protégèrent leurs yeux. Certains se dirent que c’était le soleil qui perçait à travers les nuages, mais très vite, ils se mirent à douter : même aux plus beaux jours du printemps, l’astre n’aurait pu être si brillant. Si cette lumière ne provenait pas du soleil, d’où venait-t-elle ?
Progressivement, la luminosité s’atténua et les yeux purent s’adapter peu à peu à l’environnement. Une à une, les personnes présentes retirèrent leurs mains. L’un des enseignants avait la bouche grande ouverte et son visage reflétait l’incrédulité. C’est alors que l’assistance s’aperçut que la lumière provenait de la paume du jeune homme en noir. La pierre inductive avait pris l’apparence d’une roche volcanique portée à très haute température : elle illuminait ses doigts et semblait brûler.
– « Le niveau supérieur de Zuozhaojing ? Il a atteint le niveau de Zuozhoujing ? », dit le professeur d’une voix tremblante.
Il regardait cet adolescent en noir comme s’il s’agissait d’un précieux morceau de jade. La maître se leva et se dirigea promptement vers lui. Il baissa la tête vers sa main et contempla avidement les rayons de lumière. Le comportement de ce maître ne choqua personne.
De toute évidence ce jeune homme avait moins de seize ans. Malgré son air innocent, il avait déjà atteint le niveau de Zuozhaojing !
Qu’est-ce que cela signifiait ? Un génie ? Magnifique!
De l’autre côté de la rivière, les anciens élèves interrompirent leurs moqueries. Ils regardaient l’adolescent dans la cabane en bambou comme s’il s’agissait d’un monstre. Le plus acerbe d’entre eux dégringola de la pierre sur laquelle il était assis. Indifférent à la douleur, il dit d’une voix tremblante :
– « C’est impossible ! Frère Guanbai lui-même n’a atteint le niveau de Zuozhaojing qu’à l’âge de seize ans ! Comment cet adolescent aurait-il pu y parvenir ? Ce gamin ? Non, c’est impossible! »
Au même moment, une voix rauque et froide se fit entendre derrière eux :
– « Si c’est possible : il s’agit de Tang trente-six. »
– « Tang trente-six ? Ainsi, c’est Tang trente-six ?? »
En entendant ce nom, l’assistance fut encore plus surprise. Quelqu’un demanda :
– « S’il est déjà classé trente-sixième de la Liste Qingyun, pourquoi a-t-il quitté Wenshui pour la capitale ? Pour le Grand Test de l’année à venir ? Avec ses capacités, il pourrait entrer sans aucun problème dans le Tombeau du Livre Sacré. »
Un autre expliqua :
– « Tang trente-six est très fier, il est peu convaincu par les capacités des sept disciples ni par celle du jeune seigneur du nord. S’il est venu ici pour le Grand Test de l’an prochain, c’est certainement pour modifier la position de son nom dans la Liste. Si c’est effectivement son objectif, il lui fallait en effet se rendre très vite à la Capitale et bien sûr, parvenir à intégrer l’institut Tiandao. »
Evoquant le nom de Tang trente-six, tout le monde se mit à spéculer sur ce petit génie en provenance de Wenshui dont ils ne cessaient de faire les éloges. Quelqu’un demanda :
– « Il n’est pas convaincu par la capacité des sept disciples, mais Monsieur Quishan ? Qu’en pense-t-il ? »
– « Je ne sais pas, mais à en juger par la luminosité de la pierre noire, je pense qu’il retient sa force. Même si pour le moment il ne parvenait pas à passer le premier niveau de Zuozhaojing, cela ne saurait tarder. »
Tout à leur conversation au sujet du jeune garçon, quelque uns d’entre eux se souvinrent de la voix rauque : ils tournèrent la tête et s’aperçurent que celle-ci appartenait au directeur adjoint, Zhuang. C’était le plus sérieux mais aussi le plus sévère des membres de l’institut Tiandao. Surprise, l’assistance salua et se dispersa, comme une nuée d’oiseaux dans le ciel.
Qu’il s’agisse d’un garçon puissant ou d’un génie surdoué, il devrait accepter d’être le centre d’attention. Les plus jeunes, qui ne le connaissaient pas, étaient encore plus étonnés. Ils regardaient son dos, une expression de profond respect sur leur visage. Chen Changsheng lui aussi était admiratif. Il n’avait pas le talent de cet adolescent et l’enviait profondément.
Le visage froid, l’adolescent vêtu de noir s’avança. Très vite, il disparut dans le bâtiment situé tout au fond de la cour. L’évaluation reprit. Un moment plus tard, ce fut le tour de Chen Changsheng. Ce dernier s’approcha de la table et regarda la pierre noire.
Elle était un peu rugueuse et sa surface était criblée de pores. Il hésita un instant, puis tendit la main et s’empara de la pierre inductive. Il la leva devant ses yeux et l’observa attentivement.
Un souffle frais et agréable émanant des petits pores pénétra par sa paume et se rependit rapidement dans son corps, parcourant ses vaisseaux pour atteindre le plus profond de son être, le Rihaifenlun, à la recherche de sa force réelle. Il était évident que ce souffle froid n’avait ni conscience, ni intention mauvaise. Chen Changsheng n’opposa aucune résistance et le laissa parcourir son corps. De toute façon, même s’il avait voulu résister, le jeune homme n’en avait pas la capacité.
Chen savait pertinemment que ses vaisseaux présentaient quelques problèmes. Il devait d’abord guérir de sa maladie, faute de quoi ce souffle ne découvrirait rien. Sans le retour de la force réelle et donc de l’induction, la pierre noire ne brillerait pas.
Sans surprise, la pierre noire resta noire, tranquillement posée dans sa paume.
Chen la reposa sur la table, regarda le surveillant et dit :
– « pas brillant. »
Aux yeux des passants, les candidats n’avaient qu’à prendre la pierre et la reposer sur la table. Mais Chen Changsheng continuait à l’observer, ce qui était un peu ridicule. Curieusement, personne ne se moqua. Chacun regardait son visage sérieux avec une impression étrange. Les jeunes gens qui n’étaient pas parvenus à éclairer la pierre noire se sentaient tous un peu honteux et désespérés de leur échec, comme précédemment ce jeune garçon qui avait si amèrement pleuré…. mais Chen Changsheng restait trop calme.
Peut-être ne comprenait-il pas ce que cela signifiait ?
Le maître fronça légèrement ses sourcils. Il aurait dû renvoyer immédiatement ce jeune homme, mais devant son silence, il demanda :
– « Vous ne pratiquez pas ? »
– « Non, je ne pratique pas »
Chen Changsheng répéta la même phrase qu’il avait déjà prononcée à deux reprises la veille chez le général Xu.
Comme le maître le regardait, impassible, Chen se dit qu’il était préférable de s’en aller de sa propre initiative.
Le jeune homme salua respectueusement et s’éloigna.
Mais au lieu de prendre le chemin de la sortie, il dirigea ses pas vers le bâtiment situé au fond de la cour.
D’abord surpris, le maître comprit ce qu’il avait l’intention de faire.
Furieux, il s’écria :
– « Arrêtez-vous ! »