— Tu veux bien arrêter de me coller ? L’avion ne va pas s’écraser, tu sais ?

— Ce n’est pas mon domaine.

— Les cieux sont le domaine de ton père.

— C’est bien ce que je dis.

Du coin de l’œil, je pouvais voir ses jambes s’agiter, son assurance s’était dissipée.

— Tu devrais plutôt garder ton énergie et trouver un autre travail pour gagner des Crédits, dis-je pour changer de sujet.

— Non, enseigner est ma vocation.

— C’est ce que tu as dit il y a trois siècles quand tu es devenue libraire.

— J’ai changé d’avis.

— En attendant, tu n’as même pas assez de Crédit pour utiliser les pouvoirs de ta Divinité.

— Je prévois d’aller me plaindre auprès de la Commission dès que je rentre. Être payé en fonction du service rendu a l’air d’être une bonne idée sur le papier mais comment est-ce que ça se fait que je gagne aussi peu ? Je rends service à la nation, non ? Non ?

— Oui, oui.

— C’est décidé, j’irai porter plainte.

— Porté plainte contre un système initialement mis en place pour toi ?

— Oui, et tu viens avec moi.

— Mais oui, mais oui.

— Promis ? Sur le Styx.

— Bien sûr. Tu sais bien, de toute façon, que Nura m’interdit de rompre des promesses.

— Merci, dit-elle à voix basse en regardant à travers le hublot, ses jambes à présent immobiles.

En descendant de l’avion, Athéna m’interrogea du regard. Le son métallique qui accompagnait chacun de mes pas, résonnait dans le couloir. Je dûs donc lui expliquer que j’avais pris un gros sac de pièces d’or finalement, au cas où.

Nous prîmes un taxi pour rejoindre le centre-ville. Trouver cette fameuse porte des Enfers fut un jeu d’enfant, même si ma boussole était quelque peu abîmée.

Une énorme pancarte se dressait devant nous : “Le phở des Enfers”.

Pourquoi est-ce que le dieu des mondes souterrains mettrait la porte de son royaume dans un restaurant asiatique ? Et si, justement, il n’était plus et si un coup d’état l’avait envoyé dans le Tartare ? Par Nura.

J’ouvris la porte d’un coup, avant de la refermer aussi vite.

— Que faisait mon oncle en tablier ?

— Je ne sais pas mais j’ai envie d’oublier cette image.

— Tu exagères, dit-elle en rouvrant la porte. Tonton !

J’étais vraiment bête de temps en temps. Je m’étais inquiété pour rien. Personne ne pouvait battre un dieu primordial dans cette ère.

— Athéna ? Et notre Héros favori, tiens.

— Je ne savais pas que tu t’étais mis à la cuisine, remarquai-je.

— Oui, j’essaye de nouvelles choses. Garder les Enfers, bien que ça paie bien, devient barbant à la longue. Puis j’ai suffisamment de Crédits pour vivre une éternité de toute manière.

— Vu comment tu dépenses ton argent, j’en doute, ajoutai-je.

— Toujours à escorter ma nièce ? Tu ne veux pas plutôt travailler pour moi ? J’ai besoin de mains dans la cuisine. Les furies travaillent trop lentement. Puis, c’est ta spécialité, non ? Je te paierai généreusement comme avant.

— Tu n’aurais pas vu ma chouette ? interrompit Athéna.

— Ta chouette ? Tu as réussi à perdre ton Symbole ?!

— Quelqu’un me l’a enlevée.

— Il faut que l’on prévienne ton père.

— Pas besoin de déranger le vieux, ma boussole m’indique que sa chouette se balade aux Enfers, dis-je en lui montrant l’endroit vers lequel l’aiguille pointait.

— D’accord. Dans ce cas, prends Thanatos avec toi. Il vous guidera. Thanatos !

Un grand homme fin à l’humeur maussade arriva au pas. Son bras plâtré et son teint pâle collaient avec sa grimace déprimée.

— Je vous donne la clé de ma porte, mais n’oubliez pas, ne mangez rien en bas, sinon je vais devoir faire attendre mes clients pour vous sortir de là. Tu as des pièces sur toi ? Et de quoi faire pour Cerbère ?

— Oui, merci Hadès.

— Mon offre tient toujours, lâcha-t-il en me lançant un regard plein de sens.