Néo-Life
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Marlon se retrouva projeté dans le passé, des années en arrière, de retour sur Terre, et ce fut comme s’il revivait le flashback, immergé dedans aussi bien sensoriellement qu’émotionnellement.

C’était un souvenir de ses onze ans, et une journée qui avait marqué sa vie ainsi que celui qu’il était devenu.

Il ouvrit les yeux et regarda autour de lui, émerveillé comme l’enfant qu’il était par ce décor incroyable qui l’entourait.

C’était le jour de la sortie scolaire, telle qu’il y en avait tous les mois, pour éduquer les enfants de la Terre sur leur passé, la société dans laquelle ils vivaient tout ce qui allait avec.

Aujourd’hui était une visite dédiée au passé, et il se trouvaient avec sa classe et la maîtresse androïde au Musée du Souvenir, celui qui rassemblait toutes les grandes découvertes de l’homme, ses grandes évolutions.

La visite commençait à l’ère du Jurassique et continuait jusqu’aux Guerres de l’IA. Il le savait car il avait lu le panneau à l’entrée du musée, et il se sentait jubiler intérieurement.
Ils n’étaient encore qu’à l’antichambre menant au musée, et Maîtresse Dena transmettait au garde robotique du musée toutes les informations et autorisations digitales nécessaires pour pouvoir effectuer la visite.

Les rayons bleus jaillissant des orbites oculaires du robot Dh-29 pouvaient être intimidantes, tellement ils étaient focalisés et faisaient penser à un rayon laser, mais Marlon les adorait. Il lisait tous les jours les derniers comics du héros Zanbrador, et son assistant était un Dh-29 ! Une merveille de technologie, équipée de toutes les dernières technologies défensives comme le bouclier à résonnance ou encore les pistolets incapacitants à ondes subsoniques.

Les yeux de l’enfant brillaient alors qu’il fixait sans cacher un sourire innocent ce qu’il considérait comme un héros des temps modernes.

Il fut presque triste quand ils franchirent le corridor sur un signe de leur institutrice pour pénétrer dans le hall d’entrée du musée, mais ce sentiment fut vite oublié alors que devant eux s’étalait une pléthore de stands et d’objets tous plus incroyables les uns que les autres.

Les murs du hall étaient faits d’un alliage métallique terne mais semblant pulser d’une vie intérieure, et le plafond était parsemé de sphères volantes qui illuminaient les différents spots d’intérêts avec une lumière blanche et jaune, des diodes vertes s’illuminant sur le sol au fil de leur avancée pour signaler à tous les visiteurs le sens de la visite.

Il y avait quelques autres visiteurs, tous semblant être absorbés par les différents objets présentés, mais l’espace était si grand que l’on aurait presque dit qu’il était désert.

Diverses exclamations s’élevèrent des bouches des enfants dont tous les yeux brillaient d’émerveillement. Dena, l’androïde au formes maternelles et au regard bienveillant, même si ce n’était qu’un savant assemblage de diodes luminescentes et de contraste dynamique géré par une puce de calcul incroyablement performante, leur distribua chacun une petite boule blanche qu’ils insérèrent dans leur oreille, connaissant déjà tous parfaitement les interfaces d’échange.

Cela permettait d’interagir en groupe avec divers éléments et elles étaient utilisées largement dans les cours de l’école de Marlon, tous dispensés par des IA immatérielles, maitresse Dena n’étant avec eux que lorsqu’il fallait sortir de l’enceinte du groupement d’édifices qui composaient l’école.

Ils s’émerveillèrent pendant une heure, découvrant avec étonnement les débuts de l’homme avec les outils à l’âge de pierre, puis son évolution au fil des siècles jusqu’à atteindre la Renaissance, puis la révolution industrielle. La voix douce dans leur oreille leur expliquait les diverses avancées technologiques, sociales, et politiques alors que l’androïde tenait chacun d’entre eux sous surveillance, s’assurant que personne ne sortait des rangs et les sermonnant le cas contraire.

Ils arrivèrent ensuite devant une fresque gigantesque, présentant des visages émaciés, en pleurs, et d’autres au regard vide, et une impression de malaise s’empara des enfants. Ils sentaient la tristesse de cette œuvre et tous étaient silencieux alors que la voix expliquait l’œuvre qui leur faisait face.

« Cette fresque représente la Famine Décennale, qui commença en l’an 2025. Le changement climatique dû aux émissions de CO2 dans l’atmosphère entraina des bouleversements dans toutes les régions du monde, et ces bouleversements entrainèrent une rupture de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Seuls quelques pays riches échappèrent à la catastrophe, mais plus de deux milliards de personnes moururent de faim ou à cause des émeutes lors de cette décennie. Ce fut une grande tragédie pour toute l’humanité, et il fallut attendre pendant dix ans pour que soit mis en place un nouveau gouvernement mondial prenant en compte uniquement les intérêts de l’humain avant ceux de l’avarice. Lors de cette période, les plus vils instincts de l’humanité firent surface, et nombres de gens survécurent en dévorant leurs familles, ou bien en se prostituant. »

La voix fit une pause, comme pour marquer l’importance de ces faits, et une simple phrase jaillit du groupe, pleine de mépris et de méchanceté.

« Comme la mère de Marlon. On sait tous que c’est une pute ! »

Les regards se tournèrent vers l’intéressé, et il se figea, choqué, alors que des rires moqueurs émergeaient du groupe d’enfants qui ne pouvaient s’empêcher de pointer du doigt le pauvre garçon qui n’eut qu’une seule envie : se rouler en boule dans un coin et ne plus bouger.

« Allons, allons, silence, la visite n’est pas terminée, jeunes gens. »

Marlon se sentit honteux, le rouge lui monta au visage, et des larmes se mirent à couler le long de ses joues alors qu’il regardait celui qui avait lancé cette phrase si insultante. Varnyr, un fils de militaire, cherchant toujours à blesser, à dominer par la moquerie.

« Quoi, tu as quelque chose à redire ? Ton père n’était qu’un de ses clients, j’en suis sûr. Quelques billets, et POUF, te voilà, hahaha. »

Marlon se mit à sangloter, quelque chose se brisant dans son cœur. Pourquoi Varnyr était-il méchant ? Pourquoi insultait-il sa mère aussi violemment, sans que Marlon n’ait rien fait pour provoquer sa colère ?

Le rire des enfants gagna en volume alors qu’ils assistaient tous à la réussite de la provocation de Varnyr, et d’autres moqueries fusèrent rapidement parmi le groupe, augmentant la honte et la tristesse qui dansaient maintenant à pieds joints sur le cœur du petit garçon.

Il s’enfuit en courant, partant vers l’entrée du musée, l’androïde le rattrapant rapidement et le ramenant vers le groupe sans intervenir nullement dans ce qui se passait, totalement dénuée d’émotions réelles et de compréhension, et les alentours du souvenir se brouillèrent, devenant des nuages de souvenirs éclatés qui se baladèrent devant un Marlon adulte à qui toute la douleur de ce jour venait d’être rappelée.

C’était ce jour. Le moment où il avait perdu l’innocence sacrée de l’enfance, celle qui vous fait voir le monde entier en rose et vous cache la méchanceté des autres pour vous préserver. Ce jour-là, il avait compris que certaines personnes étaient simplement méchantes, qu’elles s’en prendraient toujours à lui sans aucune raison particulière, juste pour le plaisir de blesser. Que la Terre était un cloaque de méchanceté et que personne ne viendrait l’aider. Il fallait qu’il survive seul.

Alors qu’il se repassait la scène dans son esprit, voulant rattraper ce sentiment de pureté qu’il n’avait plus rencontré depuis si longtemps, les nuages d’images et de souvenirs autour de lui se condensèrent à nouveau, et avant qu’il ne puisse rattraper cette impression qui lui glissait entre les doigts, il fut projeté de nouveau dans un endroit familier, à une époque presque tout aussi lointaine.

Cette fois-ci Marlon se retrouva au lycée, et il avait seize ans. Cela faisait maintenant trois ans qu’il avait souffert d’un arrêt cardiaque qui avait failli lui coûter la vie, et avait laissé des séquelles visibles. Sauvé de justesse par les machines de l’école, son cerveau avait cessé d’être irrigué pendant plusieurs minutes, et il avait perdu une partie de sa motricité, boitant fortement et ayant des difficultés à s’exprimer normalement.

Il subissait régulièrement des moqueries sur son physique, mais il s’y était habitué. Depuis ce jour au musée, il s’était construit une carapace épaisse qui lui permettait de ne pas être trop affecté par les quolibets de ses camarades. Il se plongeait souvent dans la lecture, et il faisait partie des meilleurs élèves de sa promotion, totalement investi dans ses études qui étaient pour lui une échappatoire efficace.

Ce jour-là, il pleuvait à torrents, et ils étaient plongés dans un cours d’arithmétique avancée. A l’aise avec les fonctions, les équations à plusieurs inconnues et les différentes matrices de calculs présentées dans les cours, Marlon expliquait devant la classe comment résoudre les difficultés d’un calcul quantique grâce à quelques astuces que lui avait donné le professeur, quelques jours auparavant lors d’une session supplémentaire.

Seuls quelques-uns semblaient vraiment intéressés par ce qu’il disait, quand d’autres paraissaient s’ennuyer fermes, totalement désintéressés par ce qu’expliquait le jeune homme avec une passion fervente. C’était l’un des rares moments où il se sentait épanoui, quand il pouvait échanger sur ses cours.

Il aimait beaucoup être en compagnie de sa mère également, mais en dehors de leur appartement. Le passage de tous ces gens et…ce qu’il s’y passait, rendait Marlon triste, et lui donner envie de s’enfuir en courant, comme il l’avait fait depuis ce jour au Musée du Souvenir.

Devant lui, Varnyr, son tortionnaire détesté, le regardait avec dédain, et une pointe de colère également, alors que le professeur félicitait Marlon depuis les murs en nanites d’où son avatar était projeté.

La journée fut un moment de pur bonheur pour le jeune garçon, car le trimestre se terminait, et les comptes rendus des enseignants à son égard étaient tous unanimes : Marlon était un enfant très intelligent, et il s’investissait avec ardeur dans les cours, malgré ses problèmes de santé.

Lorsque la fin des cours sonna dans l’école, il sortit du bâtiment principal avec un grand sourire sur les lèvres, tenant fermement sous son bras son Quanticium, un ordinateur portable quantique bon marché, fourni par l’école, impatient de montrer à sa mère les appréciations de ses enseignants et les diverses remarques publiées sur le Réseau à son intention. Il aurait forcément beaucoup de choix sur ses futures universités s’il continuait comme cela, et peut-être même qu’il arriverait à aider sa mère !

Il pourrait régler sa dette, faire en sorte qu’elle n’ait plus à faire ce qu’elle faisait pour les faire vivre. Il savait qu’elle n’avait pas le choix, et il ne lui en voulait pas. Surtout qu’il savait qu’elle réempruntait toujours plus d’argent qu’elle n’en remboursait pour lui acheter des vêtements propres, et quelques objets lui permettant d’avoir un certain confort, comme une console portable.

Mais il ne pouvait s’empêcher d’éprouver une honte cuisante quand il y pensait, ou quand il se retrouvait confronté à un client hagard qui sortait de sa chambre, un sourire crasseux sur les lèvres, posant une liasse de billets sur la commode près de la porte d’entrée.

Il secoua la tête et chassa ces pensées négatives. Il allait réussir, malgré ses problèmes de santé. Il décrocherait une formation haut-de-gamme dans une entreprise cotée du Consortium, et bientôt il gagnerait des fortunes ! Il y croyait dur comme fer, et cela faisait des années qu’il s’était donné cet objectif. Précisément quand il était revenu du Musée du Souvenir, jurant qu’il ne se laisserait plus rabattre comme il l’avait fait.

Abrité par son parapluie, il se dirigea lentement vers l’arrêt de bus qu’il prenait tous les jours pour rentrer chez lui, joyaux malgré l’eau qui commençait à imbiber ses chaussures et traverser ses chaussettes.

Il ignora les dizaines de sans-abri faméliques sur le bord du chemin, bien trop conscient qu’il pourrait facilement se retrouver à leur place, et leurs plaintes moururent sous le bruit de l’eau qui s’abattait du ciel.

Heureusement qu’il ne pleuvait pas tous les jours. L’acidité des pluies causerait des soucis de santé à toute la population si cela arrivait trop souvent, mais c’était la première fois en trois mois que l’eau tombait du ciel.

Il traversa la route, attendant que le feu soit rouge pour ne pas se faire écraser par les centaines de voitures magnétiques lévitant à un mètre du sol et circulant sur dix voies parallèles, la plupart d’entre elles conduites par des intelligences semi-artificielles.

Il referma son parapluie en appuyant sur le bouton de séchage et de pliage et il s’assit en soupirant, ignorant les douleurs diverses qui s’élevaient de ses muscles et de ses nerfs mis à mal. L’opération qui avait remis en état à peu près fonctionnel son cœur avait eu des conséquences, et il ne pouvait plus effectuer d’efforts prolongés sans souffrir le martyr.

« Alors, petite merde, on se la pète devant les profs ? »

Marlon ferma les yeux et soupira en entendant la voix familière. Varnyr …

Il décida de tenter l’ignorance, comme s’il n’avait pas entendu sa provocation, mais cela ne fit qu’enrager encore plus le tortionnaire qui se pencha en avant en mettant une gifle à Marlon, suffisamment fort pour qu’il sente une douleur diffuse s’élever de l’intérieur de la joue frappée.

« Fous-moi la paix, Varnyr, je n’ai aucune envie de me battre avec toi. »

« Te battre ? Encore faudrait-il que tu puisses lever la main comme un homme normal, espèce de déchet. Enfant de putain, et monstre difforme. Décidément tu les cumules. Et ne crois pas qu’avoir des résultats t’aidera à t’en sortir. Les monstres finissent à l’abattoir. »

« Et les débiles finissent à curer les égouts. Vu tes résultats, tu devrais être heureux que ton père soit militaire, sinon tu serais déjà en train de nettoyer ma merde. »

Marlon s’en voulut dès que la phrase sortit de sa bouche, mais il était trop tard. Une rage intense déforma le visage de Varnyr et il frappa Marlon, bien plus férocement cette fois, le projetant au sol alors que du sang coulait de sa bouche une dent gisant à quelques centimètres de son visage et une douleur déchirante s’élevant de son crâne.

« Tu te crois malin, petit enculé ?! Je vais te confier un secret, tiens, ça te fera plaisir. Tu te rappelles quand j’étais absent, il y a quelques jours ? Et bien en fait je suis allé chez toi, et j’ai payé ta mère pour qu’elle me suce. Elle est douée, rien à dire. Et ce petit tatouage de papillon dans le cou quand elle faisait des va et vient, c’était juste… »

Varnyr ne finit pas sa phrase, car Marlon avait utilisé le peu de force qu’il possédait pour frapper le jeune homme dans les testicules, et Varnyr tomba à genoux, la bouche béante ouverte sur un cri silencieux.

La carapace de Marlon avait cédé lorsqu’il avait entendu la confession de Varnyr. Car il l’avait vraiment fait. Sa mère avait bel et bien un tatouage de cette forme dans le cou, et il n’aurait pas pu le savoir sans l’avoir vu. Les larmes qui coulèrent du visage de Marlon jurèrent avec la grimace de colère qui défigurait le jeune homme, et la douleur que provoqua le coup qu’il avait donné en forçant sur tous ses muscles ne le fit même pas tressaillir, alors qu’un cri aigu sortait de sa gorge et qu’il se jetait sur Varnyr, mordant son épaule aussi fort qu’il le pouvait, arrachant la chair de son corps alors qu’il tombait au sol, épuisé par l’effort qu’il venait de fournir.

C’était fini. Il ne laisserait plus personne l’humilier. Ni lui ni sa mère. Ils en paieraient le prix, même s’il devait en crever. La rage venait de naître dans son cœur, et elle prit racine dans les tréfonds de son âme, changeant sa détermination avec force et violence.

Varnyr n’en resta pas là, et la douleur refluant, il se jeta sur Marlon, le rouant de coups jusqu’à ce qu’il soit presque mort. Mais il fut effrayé, car jusqu’au bout, jusqu’à ce que son bouc émissaire ne perde conscience, il ne le quitta pas du regard, les yeux emplis d’une promesse de vengeance et ne montrant aucune faiblesse dans leur résolution.

Les alentours de Marlon se brouillèrent de nouveau, et il se retrouva dans cet espace intérieur nuageux où sa vie entière défilait devant son regard. Des images, des passages, des flashs, tous ses souvenirs étaient exposés devant lui, et il sentit la colère brûler dans son cœur, sa raison bouleversée par ce moment de sa vie qu’il avait depuis longtemps relégué à l’arrière de son esprit mais qui venait d’être ravivé tel un brasier brûlant en lui.

Il savoura cette colère, celle qui l’accompagnait depuis si longtemps qu’il en avait oublié la cause, la naissance de cette émotion qui avait donné un moteur à sa vie, lui permettant de se défendre, de se battre bec et ongles même lorsque la faiblesse était sa compagne de tous les jours. Elle lui avait permis de ne jamais renoncer, de ne jamais reculer devant l’adversité, lui tenant compagnie dans les moments les plus difficiles de son existence.

Marlon sentit que son esprit se déformait et s’étirait dans tous les sens sous la pression émotionnelle qu’il ressentait, devant la réalisation de ses failles et de ce qu’elles avaient pu lui apporter.

Ses faiblesses avaient toujours donné naissance à la plus grande des forces.

Il comprit que cette épiphanie n’était pas terminée alors que ses alentours se brouillèrent de nouveau et que sa conscience se retrouva projetée dans une nouvelle vision, bien plus récente celle-ci.

Il était dans l’appartement où ils vivaient, et il se concentrait sur la console de jeu portable entre ses mains alors que sa mère se disputait avec l’un des mafieux qui montait la garde quasiment tout le temps devant chez eux.

Une tête de malfrat, parsemée de nombreuses balafres, des dents en or, et une stature musclée par de nombreuses heures passées en salle de musculation et de nombreuses injections de stéroïdes, penchée vers elle, un sourire mauvais aux lèvres alors que ses mains se baladaient sans vergogne sur la cuisse de Lydia.

« Ecoute moi bien, tu ne partiras jamais. Ta dette n’est pas réglée et les intérêts ne font que grimper. C’est comme cela que ça fonctionne, petite traînée et tu le sais bien. Dans quelques années, tu seras flasque et épuisée, et tu ne vaudras plus rien, alors estimes toi heureuse de pouvoir encore faire bander tous ces blaireaux. »

La caresse se fit plus insistante, et Marlon se mordit la lèvre pour ne rien dire, son regard se levant de temps à autre de l’écran pour jeter un regard discret à celui qui parlait à sa mère.

Elle lui avait toujours imposé une règle d’or : ne jamais se mêler des affaires qu’elle menait avec ces hommes, peu importe ce qu’il pouvait se passer. Il avait déjà pris une baffe quand il avait essayé quelques années auparavant, et le regard de sa mère ce jour-là l’avait persuadé de ne jamais recommencer.

Le malfrat appuya plus fermement sur la cuisse de Lydia, et un petit cri de douleur s’échappa de ses lèvres, ce qui eut l’air d’exciter encore plus l’homme.

« Que dirais-tu de passer un petit moment avec moi ? Après tout je te protège depuis tout ce temps, et le Boss ne m’a jamais laissé te goûter. Hmmmmm, j’imagine déjà la scène, et je dois te dire que ça me rends dingue…allez, laisse-toi faire, petite pute… »

« Non…Marlon…mon fils est là, et vous n’êtes pas un client, vous ne pouvez… »

Une gifle frappa la joue de Lydia et elle fut interrompu au milieu de sa phrase, la violence du coup suffisante pour faire volée une petite gerbe de sang sur le mur.

« FERME TA GUEULE ! TU ES UN OBJET, UN PUTAIN D’OBJET ! »

Il attrapa Lydia par les cheveux et la traina dans la chambre alors qu’elle se retenait de crier pour ne pas affoler son fils, et quelques minutes après seuls des sanglots parvenaient jusqu’aux oreilles de Marlon, entrecoupés de gémissements de douleur alors que des éclats de rire malsain ponctuaient des coups réguliers dans le mur, que le jeune homme identifiait sans aucun souci comme étant le lit cognant dans la paroi de la chambre.

Intérieurement il était dévasté, et il sentait quelque chose de nouveau en lui. Un détachement croissant, entremêlé d’une colère qui faisait pâlir ce qu’il éprouvait en temps normal, même depuis ce jour où Varnyr l’avait tabassé et laissé pour mort sur le béton, près de l’arrêt de bus.

Un quart d’heure plus tard, les pensées du jeune homme étaient un chaos turbulent de fantasmes de violence et de rage incontrôlée. Ses mains tremblaient de plus en plus fort alors que les cris de sa mère étaient montés en puissance sur la fin de ce qu’il savait être un viol.

Il se détestait, incapable d’agir alors que la personne à laquelle il tenait le plus au monde était en train de subir quelque chose d’ignoble, une infamie qui témoignait de l’abjecte horreur dont était capable l’espèce humaine.

L’homme ressortit de la chambre, le pantalon à moitié baissé et un sourire satisfait sur le visage, jetant un regard provocateur à l’adolescent qui le regardait avec dégoût et colère.

« Hé ben, gamin, tu ne savais pas que ta mère était une pute peut-être ? Rassure-toi, je l’ai pas trop abîmée, hahaha. »

Lydia sortit de la chambre, et lorsque Marlon la vit, quelque chose se brisa en lui. Un barrage s’écroula et toutes les émotions qu’il gardait soigneusement sous contrôle depuis des années lui échappèrent, frappèrent les murs de sa psyché comme un ouragan balayant tout sur son passage, sans distinction aucune.

Le violeur se retourna et empoigna une nouvelle fois les cheveux de Lydia avant de l’embrasser à pleine bouche, se reculant d’un coup alors que la mère de Marlon mordait à pleine dents les lèvres de son violeur, lui arrachant un hurlement de douleur alors que du sang jaillissait de la plaie.

« ESPECE DE SALO… »

Le cri de l’homme s’interrompit dans un gargouillement alors que ses yeux s’agrandirent sous l’effet de l’étonnement, et il se retourna en portant la main à son coup, duquel dépassait le manche d’un couteau de cuisine, des jets de sang volant dans l’air et imbibant le tapis synthétique posé au sol.

Lydia, les yeux écarquillés, regardait son fils avec horreur alors que le mafieux s’écroulait au sol dans un gargouillis sanguinolent, dernière tentative de communication de cet être qui n’avait pas changé la surface de la Terre lors de sa brève existence.

Le jeune homme retira le couteau de sa nuque et se pencha sur le corps, plantant une nouvelle fois celui qui venait de violer sa mère.

Un coup dans le cœur.

Pourquoi ? Pourquoi étaient-ils tous mauvais ? Pourquoi voulaient-ils se repaître de la douleur et de la faiblesse des autres ?

Un nouveau coup dans la gorge.

Ils voulaient tout lui enlever. Sa joie, son innocence, sa mère, tout ce à quoi il tenait…

Le couteau replongea encore dans le cadavre, cette fois-ci dans le visage du tortionnaire qui s’arrêta net de bouger alors que la lame s’enfonçait dans sa bouche entrouverte et sectionnait sa moelle épinière en traversant son crâne.

Un cri primal sortit de la gorge de Marlon, et pendant de longues secondes il continua à planter encore et encore la lame recouverte de sang qui commençait à glisser entre ses doigts tellement elle en était devenu poisseuse.

Toutes les émotions retenues prisonnières s’exprimaient dans cette explosion de violence et de rage, dans chaque plongeon qu’il effectuait avec son arme, et ce fut sa mère qui finit par attraper son bras pour le stopper.

« Il est mort, Marlon, arrête-toi, il est mort ! »

Marlon, lui, bouillait de rage, et il ne regretta pas un seul instant le geste qu’il venait de faire, même lorsqu’il se rendit compte que le cadavre était presque déchiqueté par les dizaines de coups infligés. Il avait enfin compris. Peu importe les faiblesses, peu importe la force de l’ennemi, il ne fallait jamais renoncer. Tous les moyens étaient bons pour sauver ce qui était cher à son cœur, et jamais il ne changerait d’avis.

Il tuerait des centaines, des milliers de gens, si cela pouvait empêcher à sa mère de se taper un seul connard supplémentaire, si elle devait verser ne serait-ce qu’une larme de plus. Ils avaient suffisamment souffert. Ce monde les avait rabaissés plus bas que terre, il allait maintenant rendre coup pour coup, et tant pis pour les conséquences.

Lydia vit la détermination sans faille dans le regard de Marlon, et la phrase qu’elle s’apprêtait à dire mourut avant de naître. Elle sembla réfléchir et hocha la tête à l’intention de son fils.

« Merci, mon ange…il faut qu’on se sauve, maintenant. Lave-toi, prends un sac, et le minimum d’affaires, on part dans cinq minutes… »

Marlon posa son regard sur le cadavre allongé sur le sol, et il ressentit qu’un relent de dégoût envers celui qui avait maltraité sa mère. Il fit ce qu’elle demandait, et quelques minutes à peine plus tard, ils sortaient de l’appartement, claquant la porte derrière eux pour ne plus jamais revenir.

Tout se brouilla de nouveau, et le runiste se retrouva de nouveau dans la cour du terrain d’entraînement où il s’était laissé emporter par les visions.

Son cœur était clair, et sa détermination renouvelée. Il avait revu les passages clés de son existence, ceux qui avaient faits ce qu’il était, et lui avait permis d’arriver jusque-là, quand tant d’autres auraient baissés les bras et se seraient laissé abattre, comme il avait été sur le point de le faire.

Mais retrouver tous ces souvenirs avait stabilisé son être. Il ne se laisserait jamais pousser à la renonciation. Que ce soient des fous, des rois ou des empires, ils n’arriveront jamais à le faire abandonner. Il mourra, certainement, mais il se battra jusqu’au bout, et il ne laisserait personne le salir et salir ceux envers qui il éprouve de l’affection. Si on le frappait, il frapperait plus fort. Si la force ne suffisait pas, alors il recourrait à la ruse. Et si la ruse n’était toujours pas suffisante, alors toutes les bassesses du monde seraient utilisées.

Rien ne l’empêcherait d’accomplir son objectif. C’est comme si pendant tout ce temps il avait retenue sa respiration et que seulement maintenant il se rendait compte qu’il pouvait respirer de nouveau à l’air libre. Il n’avait rien à se reprocher, rien à regretter. Il n’avait qu’un devoir, celui d’avancer, encore et toujours.

Il se tint droit alors que l’enseignant et la plupart des élèves revenaient de leur pause repas, et dans son regard brûlait un feu qui avait été couvé depuis trop de jours. Maintenant, les braises avaient été rallumées, et l’incendie était prêt à se propager à travers toute la cité de Forgeciel.

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