Néo-Life
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Chapitre 32 – Origines
Chapitre 31 – Runes et Mana Menu Chapitre 33- L’Orchid vénéneux

Le lendemain de sa rencontre avec Djilany, Marlon était empli d’une motivation renouvelée.

Descendant dans la salle commune de l’auberge en ayant demandé à Luna de rester dans la chambre aujourd’hui, ce qui n’avait pas eu l’air de la déranger plus que ça, il avait pris un petit déjeuner copieux composé de lard, de pommes de terre, de saucisses et d’un pain craquant qui avait des arômes de noisette.

Il prit plaisir à engouffrer chaque bouchée de nourriture, son esprit bien plus léger qu’il ne l’avait été depuis de nombreux jours, comme si sa folie n’était plus qu’un mauvais souvenir. Il savait bien entendu que ce n’était pas le cas, et il avait pris grand soin d’utiliser un sort de Soin de l’Esprit avant de quitter sa chambrée, mais cette légèreté d’esprit lui fit grand bien.

Ce soir, il avait rendez-vous avec Ivy, à l’Orchid, et même si cet évènement ne lui inspirait pas grand-chose, sa vision concentrée sur son objectif, il se dit qu’une soirée plus ‘classique’ serait une bonne chose.

« Tu peux te le permettre, gamin. Tu n’as pas chômé depuis que tu es arrivé dans cette dimension. Accorde-toi un peu de repos, tout en restant vigilant, bien sûr. »

Son plan pour la journée était tout tracé. Il allait tout d’abord s’entraîner avec Djilany, absorber chaque bribe de connaissance que ce dernier pouvait lui transmettre, puis il irait voir Jacob pour se renseigner sur le Tournoi. Enfin, il achèterait des tenues pour sa vie de tous les jours.

Non pas que son rendez-vous l’influençait. Pas le moins du monde. Définitivement pas.

Mais cela lui serait utile, sans aucun doute. Ce qui lui restait de vêtements datait de son séjour à Akranio, et tous comportaient maintenant des trous de taille variable ou des déchirures. Il était temps de réinvestir dedans.

Dans un coin de la pièce commune, un barde se produisait, un instrument ressemblant à un croisement entre une guitare et une contrebasse entre les mains, et un cercle de gens se tenaient autour de lui en réclamant des contes et des chansons dont Marlon n’avait bien sûr jamais entendu parler.

Intrigué, il fit signe à l’aubergiste qui se rapprocha de lui, l’air avenant.

« Bien le bonjour, monsieur. Merci d’avoir laissé votre tigre là-haut en passant. Que puis-je faire pour vous ? »

« Pourquoi tout le monde a l’air emballé par ce barde ? Est-il connu ou quelque chose comme ça ? »

Les yeux de l’aubergiste s’agrandirent et il jeta un regard circonspect à Marlon.

« Vous ne l’avez pas reconnu ? C’est Leon ! Un des plus grands conteurs de ce continent ! Il ne s’arrêterait jamais dans une auberge comme la mienne en temps normal, mais les autres sont pleines, alors nous y voici ! C’est un super coup pour moi, je dois bien vous l’avouer ! »

« Je veux bien vous croire ! Merci pour l’information…et pardonnez mon ignorance, je ne suis pas de la région, mais pourquoi est-il si connu ? »

« Vous devez venir de sacrément loin, dîtes donc ! Même la Forteresse d’Embria le connaît ! S’il est aussi connu, c’est grâce à ses contes, qui n’en sont pas vraiment d’ailleurs. Ce sont des reliques du passé, la manière dont les villages extérieurs se transmettent des héritages sur certains aspects de notre société. Seules les grandes cités comme Delia possèdent des archives ! N’hésitez pas à lui demander de vous conter les Origines, c’est l’une des histoires les plus connues de son répertoire. »

« Hé aubergiste ! Tu nous ressers une assiette ? On va mourir d’inanition par ici ! »

L’aubergiste s’excusa et s’éloigna pour servir la tablée qui l’interpellait avec de grands cris et des gestes éloquents, laissant Marlon observer pensivement le barde qui riait aux éclats devant un alignement de femmes désireuses de l’entendre chanter.

Après tout, il lui restait encore du temps avant de devoir aller rencontrer Djilany. Le soleil venait de se lever et ses rayons perçaient timidement à travers les deux fenêtres de l’auberge. Le jeune homme se leva et se dirigea vers Leon, qui souriait à toutes ses fans.

Seulement, en voyant Marlon arriver vers lui, il poussa comme un soupir de soulagement et repoussa légèrement une énième groupie qui voulait le serrer dans ses bras et lui demander une faveur, comme toutes les autres.

« Bien le bonjour, voyageur ! Je vois dans ton regard que tu es en quête de distraction, et cela tombe bien, c’est ma spécialité ! Qu’aimerais-tu que je te conte ? Une pièce d’argent et je t’embarque avec moi dans les méandres de notre histoire et ses mythes incroyables ! »

Le Runiste lui rendit son salut et réfléchit deux secondes à ce qu’il aimerait entendre. Après tout, depuis son arrivée, il n’avait presque rien appris du folklore local, des légendes qui parsemaient ces terres magiques. Cela fit pencher la balance et il demanda alors :

« J’aimerais entendre le mythe des Origines, s’il vous plaît. On m’a dit que c’était l’un de vos contes les plus célèbres ! »

Ce faisant, Marlon donna une pièce d’argent au barde qui s’inclina et fit une pirouette sur lui-même avant de se mettre à pincer les cordes de son instrument sur une mélodie envoutante qui changea instantanément l’ambiance de la salle commune de l’auberge. Les ondes sonores produites par son instrument produisirent progressivement un mirage qui plana dans l’air au milieu de la pièce, semblant dessiner les contours d’un rivage sauvage.

« La magie ne cessera jamais de m’étonner…nous allons avoir le droit à un beau spectacle, pas étonnant que ce type soit si connu ! »

« Oyez, oyez, mes amis ! Veuillez taire vos doutes et vos paroles en ce moment, car je vais vous conter l’origine d’Erengar, la provenance de nos vies et de nos terres ! Histoire sombre de notre passé, secrets enfouis dans les tombes de nos ancêtres…Voici le conte des Origines ! »

Toutes les voix se turent dans l’auberge, et même les clients qui ne prêtaient pas forcément attention à l’attroupement tendirent l’oreille pour écouter l’histoire des Origines. Un mythe entendu des centaines de fois, partout sur le continent, mais qui restait intangible, passionnant, surtout lorsqu’elle était contée par Léon, le barde aux mille histoires…

Marlon sentit son esprit se faire absorber par le mirage et commencer à vivre le conte comme s’il en faisait partie. Sa conscience fusionna avec les paroles chaudes et rythmées du barde ainsi qu’avec les formes évoluant au-dessus de son instrument et très vite il ne fit plus qu’un avec le récit.

**

Il y avait dix mille ans de cela, Erengar était une terre vierge que ni les Necros, les Elfes, les Nessos ou bien les humains n’avaient foulés. Les créatures centenaires étaient le sommet de la chaine alimentaire et l’écosystème du continent était simple : le plus fort dominait, le plus faible nourrissait.

Aucune ville n’existait, aucune tribu n’y résidait. Le royaume animal et monstrueux était à son apogée, et les merveilles de la nature étaient nombreuses, bien qu’inconnues.

C’est sur ces terres vierges que débarqua un homme, si vieux qu’il ne se rappelait plus de son âge, mais avec une mission qui était de la plus haute importance pour la survie de son espèce. Il devait trouver un refuge, une étincelle d’espoir.

Lui pouvait voler et explorer les cieux à la recherche d’un tel endroit, mais son peuple n’avait pas cette capacité, ni l’envie après la destruction dont ils avaient été témoins, les horreurs qu’ils avaient vécues.

Le Fléau était arrivé des dizaines d’années auparavant sur leur Terre-Mère, et personne n’y avait prêté grande attention au début, aveuglés par leur individualité, leur petit confort matériel. Le temps que les hautes sphères du royaume se rendent compte de ce qu’il se passait, il était trop tard.

Trop tard pour trouver un remède où bien pour enrayer le mal qui se répandait comme une trainée de poudre.

Là où il y avait du mana, le Fléau fleurissait, se magnifiait, devenait encore plus dur à combattre et engloutissait les âmes de ceux se trouvant sur son chemin. Derrière le Fléau ne subsistaient que mort et souffrance.

En cinquante ans, il avait conquis leur Terre-Mère, transformant leur contrée autrefois luxuriante et pleine de vie en désert hanté et mortel, forçant Magnus Force-Mana, archimage du royaume de Delia, à fuir avec une vingtaine de navires plein à craquer de survivants, dirigés par ses plus fidèles acolytes.

Ceux qui avaient survécu, tout du moins.

Cela faisait des mois qu’ils naviguaient et que Magnus explorait les cieux à la recherche de terres adéquates pour établir une nouvelle patrie. Il avait évité la terre des Elfes, ne voulant provoquer la colère des Anciens qui ne le portaient pas dans son cœur.

Aussi quand il posa le pied sur Erengar, découvrant sa nature sauvage et indomptée un sentiment de joie s’empara de son cœur et le fit se sentir vivant à nouveau.

Il explora la partie Ouest de ce continent, trouvant des marécages emplis de bêtes dangereuses, non pas pour lui mais pour son peuple, aussi décida-t-il d’éviter cette zone pour débarquer. Légèrement plus au nord de ces marais, les terres étaient arides, froides et désertiques, mais ne comportaient pas de danger visible. Et lorsqu’il s’éloigna en direction du centre du continent, il trouva enfin ce qu’il cherchait.

Une zone difficile à assaillir, entourée de montagnes d’un côté, dont un volcan en sommeil, et près d’un lac gigantesque de l’autre. Les ressources naturelles ne manqueraient pas, et ils pourraient établir une ville qui deviendrait florissante avec le temps, sans aucune difficulté.

Un emplacement parfait à tout point de vue.

Six mois plus tard, les fondations de la ville avaient été jetées au sol et un nouvel espoir s’était emparé des survivants. Une partie d’entre eux avait fondé un avant-poste sur la côte ouest, ne voulant pas s’éloigner trop de la mer qu’ils avaient appris à aimer durant leur long voyage, et les subalternes de Magnus s’affairaient à voyager entre les deux villages émergeants pour s’assurer que tout allait bien.

Entre-temps, l’archimage avait continué son exploration des terres d’Erengar, excité comme un enfant.

Il avait réduit à néant les créatures qui auraient pu menacer directement l’existence humaine aux alentours de la nouvelle ville, en train de s’ériger au centre du continent.

L’administration n’avait jamais été sa tasse de thé, il préférait l’aventure et l’adrénaline, surtout maintenant qu’il avait de nouveaux lieux à explorer.

Au nord, il avait trouvé un arbre-monde en pleine croissance, abritant une espèce intelligente qu’il nomma les Aviens, les laissant en paix après avoir établi qu’ils ne seraient pas un danger pour les humains au milieu de leur désert de glace.

A l’est, de grandes prairies s’étalaient sur des dizaines de kilomètres, pouvant devenir à l’avenir le grenier de leur royaume, nourrissant les nombreuses villes que Magnus s’imaginait déjà fleurir sur Erengar.

A l’ouest, les marécages recelaient de nombreux secrets, mais il ne s’y attarda pas, sachant le biome difficilement colonisable par les humains. Peut-être quand ils auraient grandi, assurés leurs arrières.

Au sud, la seule partie qu’il n’avait pas encore exploré, il fit trois découvertes d’importance.

Tout d’abord un volcan gigantesque, semblant encore en activité, ce qui menaçait l’implantation de cités dans cette partie du continent. De sa gueule grondante et fumante s’élevait parfois de longues langues de lave qui coulaient le long de ses pentes noires, et Magnus crut même voir un dragon nageant dans le lac de lave, mais la chaleur l’empêcha d’aller vérifier.

Il aurait beaucoup aimé l’affronter, mais il n’en eut pas l’occasion.

Ensuite, près de la côte sud, non loin du volcan, les ruines de ce qui semblait avoir été une grande cité autrefois s’élevaient. Magnus, après avoir longtemps cherché parmi les ruines, ne trouva rien d’intérêt, seuls des squelettes vieux de plusieurs centaines d’années trouvés parmi les décombres enfouis sous les cendres, et décida de continuer son exploration.

La dernière fut ce qui attisa le plus son intérêt. Du ciel, il aperçut sur une presqu’île de la partie Sud du continent une formation concentrique chargée de magie latente, et il décida d’y jeter un coup d’œil.

Des centaines de runes plus complexes les unes que les autres étaient reliées autour d’un monticule de terre où rien ne poussait, et même lui qui était versé dans les arts de la magie depuis plusieurs siècles ne comprenait pas le sens ni les origines de cette magie. Il portait pourtant avec lui le savoir ancestral de son pays, maitrisant les runes comme aucun ne l’avait fait avant lui. Sa classe d’Archimage lui permettait de faire ce que nul autre ne pouvait, lui ayant ouvert des voies de réflexion novatrices plus souvent que nécessaire.

Il faut préciser que Magnus avait toujours été curieux, et que cela lui avait attiré de nombreux ennuis, à de multiples reprises au fil des siècles.

Ne pouvant résister à sa nature profonde, il passa plusieurs mois à étudier la formation magique, retournant de temps à autre vérifier le bon déroulement de la construction de la nouvelle cité.

Puis un jour, frustré de ne pas avancer dans sa compréhension, il décida d’insuffler un peu de mana dans le cercle runique, persuadé qu’aucun mal n’en sortirait, optimiste de toujours.

Aussitôt, un tremblement de terre éprouva le sol sous ses pieds et le monticule entouré par le cercle magique s’éleva, surgissant dans le ciel, comme grandissant sous l’influence de la magie.

Ce que Magnus vit le fit blanchir, et l’inquiétude prit le pas sur la curiosité.

Un portail venait d’apparaître sur la protubérance de terre et de roche qui venait d’être créée, comme ceux qu’il avait pu créer autrefois sur sa terre d’origine, mais semblant bien plus puissant, bien plus sombre, des ondes de magie ténébreuse pulsant de son cœur.

Immédiatement, il concentra toute la magie dont il était capable et tenta de contrecarrer ce qu’il venait de déclencher, sans effet. Il passa plusieurs jours à lancer des sorts de plus en plus puissants sur le portail, mais tous restèrent sans effet.

Mais son inquiétude ne faiblit pas, car il sentait une magie menaçante de l’autre côté de ce portail. Pas identique au Fléau, heureusement, mais elle semblait dangereuse, oppressante. Et ses doutes furent confirmés au bout de quelques jours. Une créature émergea des vagues magiques composant le passage, et de cette chose émanait une magie de mort, telle qu’il n’en avait jamais vu.

Il tenta de communiquer avec, mais seule la faim et la mort semblaient gouverner l’être étrange, les plantes et insectes présents à ses pieds se flétrissant alors que leur énergie vitale semblait être comme absorbée. Magnus comprit qu’il avait commis une erreur gravissime, et il devait faire son possible pour les empêcher d’arriver jusqu’à son peuple.

Il pulvérisa la créature avec une langue de flamme qui fut bien plus qu’efficace, ne laissant que des cendres derrière elle. Il soupira de soulagement en voyant que ces choses n’étaient pas immortelles ou immunisées à la magie, et il se mit à préparer un plan d’action pour protéger son peuple.

Plusieurs mois durant, il resta devant le portail, essayant diverses stratégies, exterminant les créatures qui en sortaient sporadiquement. Mais il savait qu’il ne pourrait pas toujours être là, à les exterminer, et aucun survivant excepté peut-être ses acolytes n’avait la force de se débarrasser d’eux aussi facilement que lui. Il fallait quelque chose de durable.

C’est ainsi qu’il décida de sacrifier le Sud, se dirigeant vers la passe qui séparait cette partie du continent de l’autre. Pendant deux ans, il mit en place la plus grande formation magique qu’il lui ait été donné de créer, nourrissant chaque jour les runes de sa magie, de son être, jusqu’à ce qu’enfin tout soit prêt.

Cette période fut riche en conflits, et il fut vertement critiqué pour son action de curiosité qui avait déclenché la venue de ces créatures. Une faction composée de quelques-uns de ses meilleurs membres décida de se séparer de Magnus et partit avec des milliers de gens en direction des Monts d’Argent pour créer leur idéal.

Dépité et désolé, Magnus finit par activer son œuvre, les cent cinquante kilomètres de large de la passe d’Embria tremblant avec une puissance qui monta crescendo et qui fut ressentie jusqu’à la cité encore en construction des réfugiés. Le sol s’ouvrit, laissant apparaître des murailles noires comme la nuit qui s’élevèrent à plusieurs dizaines de mètres dans les cieux.

Sur ces murailles se tenaient des gargouilles noires comme l’ébène dont les yeux se mirent à briller d’une lueur blanche avant qu’elles ne se mettent à bouger, se redressant et scrutant l’horizon de leur regard magique.

Ce fut le jour où la Forteresse d’Embria vit le jour. Elle serait le premier barrage contre les Necros, nom que Magnus avait décidé de donner aux créatures non-vivantes émergeant du portail. Ces gargouilles avaient le pouvoir de brûler les Nécros aussi efficacement que lui et cela lui avait coûté beaucoup, bien plus qu’une simple jauge de mana. Il y avait versé une partie de son âme, liant pour toujours son être à l’existence de la forteresse.

Quand il retourna au portail, il vit que de nombreux Necros en étaient sortis et avaient même commencés à établir un campement, montrant par là qu’ils étaient doués d’intelligence.

Magnus chercha cette fois ci à établir le contact, et il y parvint.

La reine des Nécros se montra à lui alors qu’il menaçait d’éradiquer le campement et tous les êtres s’y trouvant. Belle au-delà de ce qu’il aurait du être possible, elle l’invita à discuter et ils s’assirent tous deux pendant des jours autour d’une table faîte d’os et de cartilage.

Son nom ne pouvait se prononcer dans le langage humain, aussi décida-t-il de l’appeler Necrosia. Ils parvinrent à un accord. Le sud leur appartenait, mais ils ne chercheraient jamais à s’étendre au-delà de cette frontière, Magnus la prévenant de ne pas s’approcher de la passe sous peine de mourir dans d’atroces souffrances. Il veillerait personnellement à ce que leur accord soit respecté.

Une entente plus avancée avec ce peuple ne serait pas possible. Ils se nourrissaient littéralement de la vie, et Magnus ne pouvait que les surveiller, car il se doutait que Necrosia était un moindre mal comparé à ce qui pouvait se trouver de l’autre côté du portail.

Voulant sécuriser son peuple, Magnus créa dans les plaines au sud de la cité, par-delà la forêt des Milles Lieues, une brume mortelle qui rongerait tout ce qui était organique et qui s’y aventurerait, aussi les Nécros ne pourraient-ils pas contourner par la mer la forteresse d’Embria. Les Brumes de Magnus étaient nées. Il prévint aussi son peuple, ne voulant pas avoir de morts sur la conscience.

Les survivants décidèrent de nommer la cité nouvellement érigée Delia, en souvenir de leur patrie originelle, et les acolytes restants de Magnus fondèrent un ordre de chevaliers magiques, L’Ordre de l’œil Draconique, qui était censé protéger le peuple et veiller scrupuleusement à ce que les Nécros ne franchissent jamais la frontière.

Magnus, voyant son erreur jugulée, se dit qu’il était temps pour lui de repartir en exploration. Cinquante ans s’étaient écoulés depuis la découverte des Nécros, et rien ne s’était passé. Il partit alors découvrir de nouvelles terres en laissant la gestion du royaume à ses amis et acolytes de toujours.

Au fil des années, il revint à plusieurs reprises, relatant d’incroyables découvertes. Les humains rencontrèrent ainsi les peuplades naines et Nessos, établissant un réseau commercial et politique important avec chacune de ces races.

Deux autres continents furent découverts vierges de toute civilisation, et quelques navires de l’humanité maintenant florissante furent envoyés pour coloniser ces nouvelles terres.

Un siècle plus tard, Magnus contempla son œuvre et s’estima comblé. Il avait réussi à sauver son peuple, qui était maintenant plus fort que jamais, même si de nombreuses connaissances avaient été perdues en chemin. Le royaume était devenu un Empire et tous les humains qu’il connaissait étaient maintenant morts, emportés par le temps.

Seul lui subsistait, maudit par son savoir qui ne le laissait pas quitter cette existence devenue trop longue. Alors il décida de retourner dans sa patrie d’origine, pour vérifier si le Fléau était toujours présent. Il prévint l’Empereur, ainsi que les chefs de l’Ordre de l’œil Draconique, et malgré le barrage de protestation qu’il rencontra, il s’en tint à sa décision.

Il partit, s’envolant en direction de là d’où il était venu, cent cinquante ans auparavant.

Durant des années, ils attendirent son retour, mais rien ne se passa. Aucun signe, aucun message n’arriva à eux.

Les Nécros, voyant que la seule menace pouvant les détruire avait disparu, décidèrent de rompre le pacte tacite passé avec Magnus et attaquèrent la forteresse d’Embria, trois ans après sa disparition.

Les gargouilles, pour la première fois en cent ans, attaquèrent et décimèrent les troupes mortes-vivantes avec des boule de flammes violettes gigantesques qui consumèrent les chairs et ne laissèrent que cendres et désolation.

L’armée impériale s’ajouta aux gargouilles, et la Forteresse devint un lieu de croissance pour les nouvelles recrues. La guerre ne s’arrêta pas, et chaque année des troupes Nécros étaient envoyées contre les murs dont la magie ne faiblissait pas. Le plus bel ouvrage de Magnus, mais aussi le plus indéchiffrable.

Des négociations furent tentées, des trêves furent signées, mais toujours le conflit se ravivait à un moment ou à un autre.

**

« …et dix mille ans plus tard, l’Empire se bat toujours contre les Nécros, et la Forteresse d’Embria tient toujours contre vents et cadavres, brûlant les assaillants pour notre plus grande joie. »

Léon termina son conte dans un silence admiratif, et le mirage qui avait conté toute l’histoire se dissipa alors que les notes finales résonnaient sur son instrument de musique.

Marlon cligna des yeux, ayant l’impression de s’éveiller d’un rêve, ayant ressenti toute l’excitation et les émotions que transmettaient l’histoire millénaire de Léon, chaque paysage défilait encore devant ses yeux brillant d’émotion.

Tous applaudirent alors dans la pièce, et Marlon fit de même, profondément émerveillé par ce qu’il venait d’apprendre. C’est donc comme cela qu’était née la civilisation sur Erengar ?

Il remercia sincèrement le barde et ne put s’empêcher de lui demander :

« Etes-vous sûr que cette histoire est vraie ? »

Léon éclata de rire et secoua la tête devant la naïveté de Marlon.

« Comment être sûr qu’un conte vieux de dix mille ans est vrai ? Non, je n’en suis pas sûr. J’ai trouvé des archives à l’île Onirique qui relatent les faits de cette manière, mais qui nous dit qu’ils sont véridiques ? Personne ne veut aller vérifier auprès des Nécros, pas avec la Forteresse qui est assiégée deux fois l’an, et c’est une région que je préfère éviter tant que possible. »

« Et cette Forteresse tient toujours ? De vraies gargouilles attaquent toujours les Nécros ? »

Marlon avait l’impression d’être un enfant à qui l’on venait de raconter l’existence du Père Noel. En plus glauque, et sans le traineau.

Léon eut les yeux qui s’étrécirent à la question du Runiste et il baissa la voix dans sa réponse, ne voulant pas être entendu de quiconque excepté Marlon.

« Tu n’es pas d’ici, alors je vais te le dire. La Forteresse est loin d’être aussi puissante que dans les contes. De nombreuses gargouilles ont été détruites par le temps, et les pertes humaines montent d’année en année. Elle tiendra encore…cinquante, soixante ans, peut-être ? Mais rien n’est immortel, aventurier, excepté les bonnes histoires ! »

Hochant la tête pour clore son discours, il reprit son masque tout sourire et demanda à l’aubergiste une bière que Marlon lui offrit de bon cœur.

La tête emplie de pensées sur le passé, il se leva et se dirigea vers la sortie de l’auberge, partant voir Djilany qui devait lui enseigner sa maitrise des runes.

« Ce type, Magnus, devait être sacrément puissant pour réussir tout cela. Et personne ne sait ce qu’il est devenu…je me demande ce qu’est ce Fléau dont parlait le conte… »

C’est donc très pensifs que Loki et Marlon sortirent de l’auberge. Un jour, peut-être, auraient-ils des réponses. Mais ce n’était pas pour tout de suite. Dans l’immédiat, il lui fallait s’améliorer avant qu’un nouvel ennui ne lui tombe dessus.

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