Nefolwyrth
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Chapitre 60 – Blodynhaul
Chapitre 59 – Brisé à Jamais Menu Chapitre 61 – Ce jour-ci

-1-

Léonce

Un rugissement démoniaque fit frissonner toute la montagne. Des roches se détachaient du plafond de pierre et s’écrasaient ça et là dans l’immense pièce qui servait de hall à la base de Musmak.

Léonce : « C’est quoi ce truc… ? »

J’étais resté paralysé par cette vision de l’enfer.

Les torches accrochées aux colonnes étaient trop basses pour éclairer autre chose que ses pattes velues. D’ici, je n’imaginais pas que ce que j’identifiais être des poils était en réalité des doigts.

Au sommet de ces longs piliers de chair, le corps boursouflé de Mandresy se fondait dans les ténèbres.

Seule la lueur de son regard atteignait Baldus et Frem, qui n’osaient pas non plus bouger.

Lothaire : « Alors c’est ça… La chose que Mandresy avait en lui… »

Lothaire tomba sur un genou, la respiration saccadée. Il effleurait de sa main valide son abdomen blessé.

Léonce : « Tu devrais te mettre à l’abri. »

Je passais à côté de lui, empoignant mon hachoir d’une main.

Lothaire : « Tu n’as pas l’air d’avoir conscience de sa puissance. Sans pouvoir de combattant, tu ne pourras lui infliger aucun dommage. Tu ne pourras qu’atteindre le bas de ses pattes, et je doute que ton arme puisse les trancher. »

Il avait beau dire ça, quelque chose résonnait en lui en me voyant avancer. Les larmes coulaient toujours.

Léonce : « C’est pas comme si j’avais le choix. Même si je réussis à le contourner pour aller à la poursuite de Lucéard, ressortir par ici sera compliqué, et je sais pas si y a d’autres issues. »

Lothaire : « Il y en a, mais là n’est pas la question. Si tu veux porter secours à tes alliés, il va falloir faire des merveilles avec ce gros hachoir. »

Léonce : « C’est mon plan, ouais. »

La confiance que j’affichais semblait le soulager.

Lothaire : « Crois-moi, une simple lame de métal ne viendra jamais à bout d’un tel adversaire. »

Il est de mon côté ou quoi ?

Léonce : « Ouvre grand les yeux alors, parce qu’il y a du miracle dans l’air. »

Lothaire : « J’ai bien peur que tu n’aies pas compris ce que je voulais dire… »

Soupira-t-il en me regardant m’éloigner.

Une patte de la bête se souleva, puis s’abattit là où Baldus se tenait il y a un instant de ça. Le bandit savait qu’il suffisait d’une seule esquive échouée pour que tout prenne fin.

Il ressentit néanmoins une nouvelle présence non loin et se tourna hâtivement vers moi.

Baldus : « Tu devrais pas rester là, gamin ! Surtout si t’es phobique des araignées ! File chercher ton pote si tu te sens encore de te battre. »

Léonce : « …Je sens qu’il vaudrait mieux y aller tous ensemble après s’être débarrassé de ce truc ! »

Baldus : « Tu sens, hein… ? »

Baldus n’avait pas envie de se soucier d’un enfant pendant ce combat, et grimaçait.

Baldus : « Je sais pas si t’as été attentif à ce qui se passait de ce côté, mais même ses bras maigrichons auraient pu te perforer au contact, alors maintenant que ses pattes sont plus larges que tes épaules, imagine bien qu’une pichenette et tu finis en purée ! »

Léonce : « Ça vaut pour vous aussi, non ? »

Frem évitait les pattes qui cherchaient à l’aplatir. Il n’avait même pas l’occasion d’espérer contre-attaquer.

Nÿzel quant à lui, s’était éloigné pour se rhabiller.

Baldus : « On est peut-être quasi aussi fragiles que toi, mais nous, on a de quoi le tuer. Qu’est-ce que tu comptes faire avec ce machin flippant qui fait ta taille ? Ta grosse épée est même pas enchantée, si ? »

Léonce : « Je trouverai bien un moyen ! »

???: « Bal…. Duuuus… ! »

Cette créature semblait s’intéresser principalement à Baldus, comme si elle était dictée par son instinct. Son comportement était des plus chaotiques. Ce n’était plus un humain qui menait ce combat, mais une bête.

Après une énième esquive, Baldus soupira.

Baldus : « Bah, fais ce que tu veux, m’en fous ! Juste, nous gène pas ! »

Le guerrier sortait d’un combat déjà éprouvant, et devait rester en mouvement pour survivre.

Pourtant, dès que l’occasion se présenta, Baldus lacéra une des pattes qu’il venait d’éviter. Une lumière violette se fit la trace que laissa la lame derrière elle.

L’entaille gravée dans la chair de la bête était profonde d’une trentaine de centimètres, ce qui n’avait pas de quoi inquiéter le démon. Baldus en était néanmoins satisfait.

Baldus : « Forcément, c’est moins solide que tout à l’heure ! »

En toute logique, la densité de la chair n’avait pu que diminuer après cette croissance soudaine.

Frem : « Aaaah ! »

D’un coup de masse bien placé, Frem réussit à faire se soulever une des massives pattes de l’arachnide. Néanmoins, il ne pouvait évidemment pas la déséquilibrer ainsi.

Frem : « Ça finira jamais ou quoi ?! »

Je pris une grande inspiration avant de m’exposer aux attaques imprévisibles de la bête.

Léonce : « Yah ! »

Je brandissais mon arme, sans parvenir à atteindre ses pattes, constamment en mouvement.

Cette chose pouvait porter son attention sur plusieurs cibles simultanément. Elle gardait cependant au moins deux de ses pattes au sol de chaque côté.

Il faut que je guette une occasion de frapper ! On dirait qu’elle ne se soucie pratiquement pas de moi.

La vitesse de ses membres maudits accaparait toute mon attention. La menace qui planait au-dessus de moi m’empêchait de me concentrer totalement sur une éventuelle technique.

J’apercevais parfois un œil luisant dans l’obscurité.

Pendant que mes deux alliés s’acharnaient à frapper ses pattes, je remarquais quelque chose.

Si on passe sous cette chose, elle peut nous atteindre avec n’importe laquelle de ses pattes. De ce point de vue là, ce serait l’endroit le plus dangereux où rester.

Frem et Baldus essayaient de se battre du même côté de la bête pour l’empêcher de bien se placer par rapport à eux. Je m’avançais, évitant une des pattes, pour me retrouver directement sous l’amas de chair gonflé où se trouvait la tête.

Et pourtant, garder ses distances avec ce monstre lui permet d’avoir une meilleure perception du champ de bataille. Il peut s’adapter facilement à nos actions sans trop s’exposer. En étant juste en dessous de lui, le mouvement qu’il réalise est plus lent et moins précis.

Après avoir couru vainement entre ses membres pendant quelques minutes, je confirmais qu’elle n’étendait jamais trop ses pattes pour attaquer et préférer se déplacer pour atteindre ses ennemis éloignés, mais frapper trop près de son corps ne lui permettait pas d’avoir un bon appui au sol.

Je commence à y voir plus clair ! C’est maintenant !

Dans un geste grossier, le démon abattit une des ses pattes à côté de moi.

Léonce : « Aaah ! »

Je forçais sur mon corps pour trancher sa patte. Ma lame se planta à peine dans sa chair.

Alors qu’elle la relevait, je faillis me faire emporter dans les airs, mais réussis à déloger mon arme. Même si cette chair était dure comme la pierre, elle avait quelque chose de visqueux et collant qui avait retenu ma lame.

La bête se replaça pour nous avoir tous à bonne distance.

Léonce : « …Pas bon, ça. »

Baldus : « Mais c’était pas trop bête, gamin ! »

Baldus m’avait observé du coin de l’œil, et était parvenu à deviner ce que j’avais en tête.

Baldus : « Bon, ok, t’as gagné ! Toi et moi, on l’attaque de dessous, et pendant ce temps-là, Frem, toi tu en profites pour attaquer par les airs ! »

J’étais étrangement assez fier d’être incorporé à son plan.

Frem : « Oh mais ouais ! Il pourra rien avec ses pattes si j’attaque son corps depuis le plafond ! »

Frem avait compris l’idée. Il était le seul à pouvoir atteindre l’évident point faible de ce monstre.

Baldus : « Allez, on se ramollit pas ! On va pas y passer la nuit ! »

Baldus et moi esquivions les attaques, tandis que nous nous imposions sous lui.

L’arachnide était contrainte de bouger selon nous. Elle était assez vive pour rester à bonne distance de nous, malgré nos mouvements incessants.

Baldus : « T’esquives bien pour un type normal ! »

Léonce : « Première fois qu’on me qualifie de type normal ! »

Sans qu’elle ne le réalise, la bête s’était retrouvée dans l’angle de la pièce.

Baldus : « Allez, on attire son attention, maintenant ! »

Le bandit fit luire sa lame, et trancha en diagonale une patte. Un épais amas de chair tomba au sol.

Je tentais d’en faire autant, mais mon hachoir ne fit que rebondir.

Léonce : « Tch ! »

Frem s’était projeté dans les airs dans l’angle mort de son adversaire. Il brandit sa masse de nouveau pour se retrouver au-dessus de son corps gonflé. Il imitait grossièrement le style de Nÿzel, qui l’observait avec attention. Le bandit se recoiffait d’une main, guettant l’occasion de se rendre utile, même s’il ne se pensait pas capable de réaliser plus de deux impulsions.

Frem : « Même si ça me fout la gerbe, je referais cette attaque autant de fois qu’il le faudra pour en finir pour de bon ! »

Arachnide : « Euuuuaaaahhh !!! »

Avant même qu’il n’entre en rotation, l’araignée démoniaque bondit, emportant Frem avec elle jusqu’au plafond.

Baldus : « Merde ! Gamin, fais gaffe ! »

Frem réussit à se dégager de la patte qui l’entraînait avant de se retrouver écrasé contre la pierre. Le choc avec le plafond engendra un éboulement.

Le monstre retomba au sol de tout son poids, perçant huit trous dans le sol, au milieu du fracas des rochers qui l’avait accompagné dans sa chute.

Le séisme engendré me fit basculer dans un de ces nouveaux cratères.

J’avais pu éviter tout contact direct avec la bête, mais la puissance de cet atterrissage avait suffit à me couper le souffle.

Baldus aussi s’était retrouvé au sol. La fatigue commençait à se faire sentir.

Et Frem était en bien plus piteux état que nous. Il ne parvenait plus à se relever. Ce style aérien et tournoyant était éprouvant pour tout son corps, et en plus d’en avoir abusé, le dernier choc l’avait bien amoché.

Baldus : « …Merde… C’est encore pire d’attaquer de haut… ! »

L’arachnide dérapait sur le sol, pivotait, bondissait sur elle-même dans le dessein de nous broyer sous ses pattes. Ce démon aurait pu affronter une armée entière avec de bonnes chances de victoire.

-2-

Frem : « …Je peux… Encore… Me battre… ! »

Rampant au sol, Frem attrapa le manche de son marteau.

Cette arme légendaire pesait dans les trois cents kilos, mais entre ses mains, pas plus de cinq.

Il s’y appuya de tout son poids pour se relever.

Frem : « …C’est moi qui causerai ta perte ! »

Il élança ensuite la masse, et se projeta sur son adversaire, qui répondit d’un coup de patte.

Frem : « Crève !! »

La masse heurta la patte, et ne put que la ralentir. La puissance du démon balaya Frem qui ricocha sur plusieurs mètres, jusqu’à s’immobiliser, hors-combat.

Baldus : « Raah ! »

Nous ne pouvions rien face à ce monstre. Le combat était si inégal, nous n’étions jamais loin de mourir. Il aurait suffit d’une seconde pour que cette lutte prenne fin de la pire des façons.

Léonce : « Eh ? Baldus ? Pourquoi tu continues ce combat insensé ? Pourquoi aller si loin pour Lucéard et le gars au bras électrique ? »

Ce groupe m’intriguait en ce qu’il faisait beaucoup de zèle pour ce qui n’était qu’un de leurs anciens ennemis.

Baldus : « Je me suis engagé à pas laisser le prince clamser, et je vais certainement pas laisser Ceirios avec ce taré de Musmak ! Mais j’ai aussi une affaire personnelle à régler là, et je partirais pas d’ici tant que cette chose aura pas crevé ! »

Personne n’était plus vif que Baldus pour les coups et les esquives. Mais même s’il avait entaillé plusieurs fois chacune des pattes, cela n’était pas prêt de faire la différence.

Baldus : « Je veux pas nous porter la poisse, mais au moins il se régénère plus ! »

Arachnide : « Bal… Duuus… »

La créature bondit encore, juste assez haut pour pouvoir ramener ses pattes vers un même point, faisant glisser leurs extrémités le long des dalles brisées.

Baldus se retrouvait au milieu de l’attaque simultanée de ces huit membres.

Baldus : « Oh, fais chier ! »

L’étau se resserra en un instant, il allait se faire broyer.

Mais le bandit bondit plus haut qu’un humain ne le pourrait. C’était d’autant plus impressionnant considérant la carrure peu athlétique de Baldus.

Les pattes venaient de se heurter entre elles, avant de se séparer de nouveau pour que l’arachnide puisse atterrir.

Mais Baldus avait vu plus loin qu’une simple esquive, et pointait sa lame au-dessus de lui. Le corps redescendait, tandis que lui montait encore.

Baldus : « T’es encore là, Mandresy ?! »

Il s’approchait de son visage, mais son élan ralentissait.

???: « …Bal… Dus… »

La lame n’était pas montée assez haut pour atteindre les yeux qui fixaient Baldus.

Celui-ci retombait longuement, après avoir aperçu ce qui se cachait dans les yeux de Mandresy.

Il avait tenté d’étendre sa main vers lui, avant de chuter.

Baldus : « … »

Une patte le faucha, et le projeta au sol.

Mon cœur se serra. Je n’avais rien pu faire. Mes rêveries prenaient fin dès cet instant. Je n’avais plus rien à raconter d’autre qu’une lente défaite.

Je l’entendis râler, le coude posé sur la terre.

Léonce : « Baldus ! »

Il avait survécu. Il fallait croire qu’il n’avait pas été touché de plein fouet.

Même si j’étais son dernier adversaire debout, le monstre n’avait d’yeux que pour Baldus, et se contenta de frapper sur une pierre à l’aide d’une de ses pattes pour l’envoyer sur moi.

Léonce : « ! »

Par réflexe, je mis mon hachoir entre le projectile et moi, mais fus bien évidemment repoussé par le coup, et chus à terre, sonné.

Elle avait levé une autre de ses pattes vers le bandit couché au sol.

Nÿzel regardait dans notre direction. Son allié était trop loin pour qu’il puisse se tenter à quoi que ce soit.

Nÿzel : « Baldus ! »

Je me relevais bien trop lentement.

Baldus se tenait sur un genou, et levait sa dague, exténué.

Baldus : « Viens là… Je t’attends ! »

Le membre de chair maudite plongea droit sur Baldus dans un cri monstrueux.

Je tendais la main vers lui, comme par désespoir.

Léonce : « Non !! »

Baldus fit face à cette attaque qu’il ne pouvait plus que contrer de front. Un sourire résigné se lisait sur ses lèvres. Il laissait glisser son bras libre le long de sa taille.

Un flash surprit les personnes présentes. Un coup de tonnerre assourdissant m’interrompit dans ma course.

La patte s’était faite tranchée nette à une hauteur de cinq mètres, et le cylindre de chair maudite s’écrasa quelques mètres plus loin.

Devant Baldus, un garçon se tenait debout, son épée noire était traversée par de puissantes étincelles.

Ce visage familier se tourna vers lui.

Ceirios : « On dirait que j’arrive encore au meilleur moment ! »

Baldus restait sans voix. Il venait d’être sauvé par celui qu’il était venu secourir.

…J’y crois pas… Ce type m’épate à chaque fois qu’il fait irruption. Il est super balèze !

La bête hurla de douleur, tout en prenant ses distances.

Baldus : « M-me dit pas que Lucéard a réussi à te libérer ?! »

Ceirios : « Hein ? Nan ! Je dois ma vie à quelqu’un d’autre, je pense… »

Le rouquin à la chevelure volumineuse semblait pensif. Quand il revint à la réalité, la détermination dans son regard n’en était que plus forte.

Ceirios : « Quoi qu’il en soit, merci Baldus ! Grâce à tes petits dards, j’ai bien dormi ! Et je pète la forme ! »

Baldus : « Ha, Fais pas trop le malin ! Ce qu’on affronte là, c’est un gros morceau ! Le prends pas à la légère ! »

Malgré ses dires, voir son ami aussi confiant galvanisa Baldus.

Ceirios : « T’es sûr que t’es en état, toi ? »

Baldus : « Faut ce qui faut, nan ? Maintenant que t’es là, faut le finir, et après, on part à la poursuite du prince. »

Ceirios comprit rapidement ce qui s’était passé pendant son sommeil. Son sourire retomba bien vite en apercevant son adversaire revenir à la charge.

Ceirios : « …C’est Mandresy, pas vrai ? »

Baldus se redressa. La créature leva une de ses pattes vers Ceirios.

Baldus : « Ouais… …Mais nan. »

Ceirios évita l’attaque qui lui était destinée, l’ai résolu.

Ceirios : « Que ce soit lui ou un autre, je ne perdrais plus jamais contre les types de cette organisation de toute façon ! »

Frem : « Moi non plus… ! »

Le corps lourd, Frem se joint à nous pour faire face à la bête. Toutes nos armes étaient pointées vers la créature démoniaque.

Baldus : « L’échauffement est fini les gars ! »

-3-

Le combat se poursuivait sous l’arachnide, mais nous n’en voyions toujours pas le bout. Son membre amputé nous facilitait cependant la tâche.

Frem : « Pourquoi tu refais pas ton attaque qui lui a arraché la patte ? »

Ceirios : « Il bouge trop pour que je puisse la tenter. Quand il a attaqué Baldus, il l’a étirée à fond. La patte était assez basse pour que je puisse me lancer. Mais le truc c’est que je peux pas lancer cette technique à volonté, donc vaudrait mieux pas que je la lance dans le vide ! »

Baldus : « Dans ce cas, voilà ce qu’on va faire le rouquin : je fais l’appât, vu que de toute façon il s’intéresse surtout à moi, et toi, tu essayes de profiter d’une occasion pour lui trancher une autre patte ! »

Entre deux esquives, il haussa la voix pour Frem et moi.

Baldus : « Vous avez entendu, vous deux ?! Le plan c’est de lui arracher toutes les pattes d’un même côté ! Il suffit de réussir ta technique trois fois pour que ce truc soit à notre merci ! Tu t’en sens capable ? »

C’est pas bête du tout ! Ça peut carrément le faire !

Ceirios : « Oh, j’ai compris ! C’est réfléchir autant qui te fait perdre tes cheveux ! »

Baldus : « C’est marrant, ça ! D’ailleurs, ça explique la densité de ta tignasse de crétin ! »

De mon côté, je n’avais qu’à me concentrer sur mes simples attaques. Les rares coups que je réussissais ne l’entaillaient qu’à peine. L’insatisfaction grandissait en moi.

C’est tout ce que je peux faire… ?

Je repensais aux excellentes performances de mes alliés, comme de mes ennemis. Je me sentais comme un simple guerrier qui ne se distinguait pas sur le champ de bataille.

Frem frappait comme un sourd sans se soucier du résultat.

Ceirios : « Eh, Baldus, éloigne-toi plus ! Même un peu plus loin que tout à l’heure, si tu peux ! »

Baldus : « Pourquoi ? »

Ceirios : « Je peux bondir pendant cette technique, mais s’il étend entièrement sa patte, je pourrais peut-être même la trancher au-dessus de l’articulation ! »

Baldus esquiva une attaque, et observa les membres de chair maudite.

Baldus: En effet, ça pourrait vraiment faire la différence. On pourrait tous être à portée de sa tête, s’il réussit ce coup-là.

Baldus : « On fait ça ! »

Ceirios : « Parfait ! Je peux largement faire cette technique trois fois ! Mais autant faire le maximum de dégâts ! »

La bête se concentrait sur Baldus, et Frem et moi devions courir pour rester sous la bête tandis que notre allié contournait la chose.

Mon arme était de plus en plus lourde à brandir, et me déplacer autant me vidait rapidement de mon énergie. Depuis mon affrontement contre les zombies de mer, je me sentais plus endurant, mais ce combat aussi s’éternisait, et mes limites se rapprochaient.

Entre deux attaques, je me retrouvais dans le somptueux jardin.

Arachnide : « Baaaal… Duuuuus… »

Baldus : « C’est moi que tu cherches ?! Allez, viens me piétiner ! »

Au signal, Ceirios se mit à courir. Son bras, comme son épée, s’illumina. Grâce à un phénomène que je n’aurais pu expliquer, il se mit à accélérer, porté par la foudre.

Baldus esquiva une attaque puis bondit en arrière. Il savait qu’il se mettait dos au mur. Mais il savait aussi que la créature déciderait d’étendre sa patte pour profiter de cette opportunité.

Baldus : « C’est ça ! »

Ceirios bondit, faisant danser des étincelles sous ses pieds.

Ceirios : « FOUDRO-SLASH ! »

Avec un timing précis, il brandit son arme, et comme s’il était devenu l’éclair, traversa en ligne droite la patte, et la coupa net.

Arachnide : « AAAAAaaaaaaAAAAAAAAAHH !! »

Le fracas de ce membre heurtant le sol nous inspira à tous un cri de guerre.

Baldus : « Et de deux ! »

Comme prévu, la coupure était assez haute pour rendre cette patte totalement inutilisable.

Baldus s’enfuit de nouveau, mais le démon bondit en pivotant, frappant du côté où elle avait encore ses quatre pattes.

Ceirios : « Zut ! Il a compris ! »

Baldus : « Je sais pas si cette chose comprend quoi que ce soit, mais c’est logique qu’elle choisisse d’attaquer comme ça ! »

Le bandit avait évité les attaques consécutives qui le ciblaient. Avoir de nouveau l’espoir de le vaincre le poussait à dépasser ses limites. Il nous fallait tenir encore quelques minutes, et nous pouvions gagner.

Ceirios : « Bon, c’est pas bien grave ! On arrivera bien à se créer une occasion ! »

Les mouvements de la bête étaient de plus en plus violents. Elle ressentait enfin la menace que nous représentions, notamment celle de Ceirios.

-4-

Je haletais. Malgré mes efforts, je n’apportais rien à mes alliés pendant ce combat.

Je ne peux pas faire plus… Sans cette histoire d’éveil, je peux tout juste affronter des humains normaux et deux ou trois monstres. Tous les autres ont quelque chose de spécial qui leur permet de tenir tête à cette abomination.

Je n’avais plus à esquiver grand-chose. L’arachnide se désintéressait progressivement de moi, ce qui me permettait d’observer les autres.

Frem n’était pas éveillé a priori, mais son arme l’habilitait à réaliser des attaques destructrices. La force contondante de sa masse avait tordu plusieurs des pattes de la bête. Mieux encore, il jetait parfois des regards à la pierre de son arme, comme si celle-ci le prévenait des dangers imminents.

Baldus, lui, avait atteint l’implétion selon Lothaire. Ses mouvements étaient agiles, et ses coups dévastateurs. Quand il brandissait sa dague, je pouvais voir dans ses yeux et sur tout son corps se propager la certitude qu’il allait percer la robuste chair de notre ennemi.

Enfin, Ceirios, qu’il ait éveillé quelque chose ou non, semblait détenir de grands pouvoirs dans son bras noir, et son épée répondait à cette puissance, comme si elles étaient en parfaite harmonie. Le lien mystique avec ce métal sombre lui permettait de dépasser les limites du métal.

…Leurs armes…

Je fixais mon hachoir longuement.

Baldus : « Maintenant ! »

Baldus était dos au mur, en proie aux quatre pattes gauches de notre ennemi, qui se heurtaient à la paroi les unes après les autres.

De l’autre côté, Ceirios prit son élan, en direction de Frem.

Frem : « Le rate pas ! »

L’écuyer bondit sur le marteau posé au sol, que Frem brandit au-dessus de sa tête pour le projeter.

Frem : « Finis-le ! »

Ceirios : « FOUDRO-SLASH ! »

Prise de court, la créature vit une de ses pattes se faire trancher sans avoir pu réagir.

Baldus : « Plus qu’une ! »

Baldus en profita pour lacérer un autre de ses membres par pure provocation.

Arachnide : « AaaaaaaaaaaaaAAAAAAAAAAAAHHHHHHHH !! »

La créature paniquait. Elle tenait difficilement sur cette seule patte, et sa mobilité se retrouvait extrêmement affaiblie.

Elle ne pouvait plus que pivoter sur celle-ci, et dut bouger plus rapidement que jamais pour ne pas se laisser déborder.

Faisant glisser un de ses membres de chair maudite le long du sol, elle creusa une tranchée, et projeta toutes sortes de débris qui firent basculer Baldus.

Baldus : « Merde, elle m’a pas raté ! »

Le corps du doyen de l’équipe ne répondait presque plus. Il avait donné plus que ce qu’il ne pouvait.

L’arachnide leva deux de ses pattes prête à frapper.

Baldus déglutit, peinant à se relever.

Ceirios : « N’aie crainte, ton preux chevalier est là ! »

Le jeune homme s’interposa, Au bout de sa paume noire tendue, l’épée tournait sur elle-même, produisant un intense champ magnétique.

Baldus : « Un mur… d’électricité… ! »

Arachnide : « Bal… Duuus… !! »

La puissance démoniaque de cette aberration étaient encore au-delà de ce que nous redoutions, et perça sans effort la technique de défense de Ceirios.

Ceirios : « C’est pas vrai !! »

Mes deux alliés furent expédiés au loin par la force de l’attaque.

Nÿzel : « Oh, pas maintenant ! »

Mes deux alliés n’étaient pas morts, malgré la violence du coup, mais il n’y avait pas de quoi se réjouir. Il avait suffit de quelques secondes pour les mettre pratiquement hors-combat.

Les pattes de la bête se relevaient dans la précipitation. Elle voulait les achever au plus vite.

Ceirios : « Quel foutoir… ! »

Ceirios parvenait difficilement à se relever, et constatait que son allié était toujours immobile.

Baldus : « T’inquiète donc pas… ! »

Baldus se contenta de poser son coude au sol, relevant un visage serein vers la créature qui comptait l’abattre.

Baldus : « J’ai encore mon arme secrète… ! »

Ceirios : « Qu’est-ce que c’est… ? »

Baldus révélait son sourire victorieux à l’arachnide.

Baldus : « …Ce fou furieux de Frem ! »

Frem : « Uwaaaaaaaaaaaaahhh !! »

Masse : !!!

Le bandit à la masse frappa avec plus de hargne que jamais contre la dernière patte droite du monstre.

Frem : « Crèèèève !! »

La violence de l’impact souleva ce membre, déséquilibrant la bête, qui s’écrasa au sol, éjectant Frem dans sa chute.

Frem : « Meeeeerde !! »

Baldus : « C’est gagné… ! Plus que le clou du spectacle… »

Le corps boursouflé de Mandresy était au sol, face à une dalle surélevée issue d’une de ses attaques destructrices.

Dans les yeux globuleux du sbire de Musmak se reflétait une silhouette qui se rapprochait dangereusement.

L’été touchait à sa fin dans ce rêve éveillé.

Miléna : « Alors ? Comment as-tu réussi à venir à bout d’une telle créature ? »

Les grands yeux impatients de Miléna se rapprochaient de moi. Elle avait avancé le haut de son corps, prête à se lever du banc à tout moment.

Mes pas résonnaient sur le sol froid de cette pièce faiblement éclairée.

La brise m’apportait les senteurs florales de mon enfance.

Léonce : « J’ai compris quelque chose pendant ce combat… »

Le regard de mon amie était resplendissant, tout comme son sourire. Malgré l’inquiétude que cette histoire lui inspirait, me voir gesticuler fièrement en racontant mon épopée lui donnait l’impression de vivre une aventure, loin de cette prison dorée qui la retenait.

Léonce : « J’ai compris ce que Lothaire voulait dire quand il parlait de ne pas pouvoir vaincre avec une simple lame. »

Le visage de Mandresy, animé par le démon, laissait apercevoir la terreur qui s’insinuait dans ses yeux.

Loin de ce jardin illusoire, je serrai ma lame entre mes mains, et la levai à la vue de mon adversaire dont je ne cessais de me rapprocher.

Baldus : « Vas-y, gamin ! »

Ceirios : « Finis-le ! »

Ce cadeau de la famille Vespère était la dernière œuvre d’un maître-forgeron de la ville.

Talwin : « Enchantée ? Elle n’a pas besoin d’être enchantée ! »

Dans la grande salle de réception où j’avais déballé de cadeau massif, je m’apercevais dans le reflet de la lame.

Léonce : « C’est un hachoir normal, alors ? On dirait pas. »

Talwin : « Bien sûr qu’il n’est pas normal, amateur ! C’est l’ultime création d’une légende vivante ! Il lui a insufflé tout ce qu’il avait en lui ! Est-ce que ce ne serait pas ça un véritable enchantement, après tout ? »

Efflam : « Ouais, enfin, personne n’en a voulu, parce que ce genre d’arme est considéré comme trop encombrant pour être une bonne épée… »

Talwin : « Elle n’a juste pas trouvé celui qu’il lui faut. Enfin, jusqu’à aujourd’hui. Pas vrai, Léonce ? »

Léonce : « C’est vrai que je l’aime bien ! »

Je fixai l’arme avec engouement.

Talwin : « Après, bien sûr, si tu veux vraiment que ton arme devienne le réceptacle d’une force d’un autre monde… Il n’y a qu’une chose à faire… »

L’aîné des Vespère prit une pose dramatique.

Talwin : « Si donner des noms aux attaques leur confère une puissance toute autre, alors imagine donner un nom à une arme ! C’est pas trop la classe ?! »

Efflam : « Ouais ! C’est vrai ça ! »

Talwin : « Et puis, en lui donnant un nom, tu lui offres une âme, et tu crées ainsi un lien indéfectible entre elle et toi ! Toutes les armes ne demandent qu’à être nommées ! »

Léonce : « Ah… Pourquoi pas ? J’y réfléchirai ! »

Arachnide : « UaaaaaaAAAAAAHH ! »

Des bras naquirent du corps gisant de la bête qui comprit qu’elle n’aurait pas le temps de se relever. C’était des bras humains, certes, mais bien trop longs et surtout, bien trop articulés. Ces membres terrifiants me prirent pour cible.

Léonce : « Tu ne m’arrêteras pas avec ça ! Aaah !! »

D’un coup brutal, je tranchai le premier à m’avoir atteint.

Baldus : « …Oh ! »

Baldus montrait encore des réticences à me laisser un rôle aussi crucial pour ce dernier acte, mais ma force à l’instant le surprit agréablement.

Dans mes yeux se reflétaient les couleurs de ce jardin lointain.

Miléna : « Un nom ? Tu es devenu plus fort en donnant un nom à ton arme ? Je dois dire que je ne m’attendais pas à ce dénouement ! »

Cette idée la fit rire, mais elle n’en était pas moins fascinée.

Léonce : « Bah, c’est peut-être pas tant de lui avoir donné un nom qui a fait la différence, au fond. »

Je m’imprégnais du parfum et de la douce chaleur de ce refuge de mon esprit, ainsi que du souvenir nostalgique de son rire.

Je resserrai ma poigne autour du hachoir.

Léonce : « Tu sais, j’ai jamais eu de vraie arme à moi. J’ai toujours utilisé ce que j’avais sous la main. Mais ce genre de lame, j’aime bien ! Et celle-ci, j’ai l’impression qu’elle sera à mes côtés à chacun de mes combats. Je ne la vois pas comme un simple outil pour me défendre. Et puis, c’est aussi un cadeau qui me rappelle sans cesse pour quoi je me bats. »

Miléna : « Toi et moi, on ne peut vraiment pas s’empêcher de s’attacher aux objets inanimés, décidément. »

Léonce : « Oui, bon, je sais ! Enfin, bref ! Quand il est tombé au sol, il a fait apparaître des bras super longs pour se protéger en dernier recours. Et pour la première fois… »

J’en tranchai un autre, puis un autre. La créature sentait la menace approcher.

Léonce : « AAAAAHH !! »

Miléna : « Dis, Léonce… »

La demoiselle sur le banc me fixait avec curiosité. La paix de cette vision était aux antipodes de la scène infernale sous mes yeux.

Miléna : « Je vois bien que tu veux faire durer le suspens, mais comment l’as-tu appelée ? »

Je restais immobile, et regardais au loin, derrière ma plus proche amie. Les fleurs s’agitaient gracieusement, tournées vers le soleil rougeoyant.

Léonce : « Je l’ai appelée… »

Je gravissais la dalle surélevée qui se fit mon tremplin.

Je tranchais le dernier de ses bras, et bondis dans un cri triomphal. La lame du hachoir se dressa au-dessus de moi.

La créature me toisait prise d’une terreur panique.

Léonce : « Blodynhaul !! »

Le coup s’abattit.

Par désespoir, l’araignée poussa sur ses pattes au sol, pour se décaler ne serait-ce que d’un mètre, mais la lame trancha profondément son corps maudit.

Arachnide : « AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHH !!! »

Ce hurlement à la mort révéla la dentition cauchemardesque de la bête et la puissance de sa voix suffit à me repousser.

Ceirios : « Eh, joli coup ! »

Je me reprenais sur mes appuis, transporté par cette sensation qui faisait bouillir mon sang.

Je voyais mon sourire dans le reflet de ma lame, identique à ce jour-là.

Ce n’est que le début de notre histoire, Blodynhaul !

Lothaire, adossé à un pilier, n’avait rien manqué de cette scène. Les larmes coulaient abondamment.

Mandresy releva la tête pour apercevoir Baldus. Celui-ci avait trouvé la force de tenir debout, pour être sûr d’être celui qui mettra un terme à ce combat.

Baldus : « …Cette fois-ci fais de beaux rêves, espèce d’enfoiré ! »

La dague de Baldus s’illumina. Le visage de Mandresy se contorsionna de douleur.

???: « …Bal… Dus… »

Alors qu’il venait de faire un pas en avant, le corps du guerrier s’immobilisa un instant, après avoir entendu son nom.

Nÿzel : « Bouge de là, Baldus ! »

Un son devenu familier alerta le chef du groupe.

Baldus : « …Non ! »

Il n’eut pas le temps d’éviter pleinement la colonne de chair maudite qui venait de heurter le sol.

Baldus s’écrasa au sol à côté de moi, mais mon regard ne se détachait pas de ce que je venais d’apercevoir. Tous les spectateurs constatèrent avec horreur la même chose que moi.

De nouvelles pattes géantes venaient de pousser sur le corps de Mandresy. Il en avait désormais six de chaque côté, et celles blessées se régénéraient. Je contemplais impuissant la plaie que je venais de lui infliger se refermer lentement. Tout ce que nous avions entrepris n’avait servi à rien.

Le visage difforme de Mandresy se dressait de nouveau au-dessus de Baldus.

Ceirios : « …C’est… »

…Un cauchemar sans fin.

Frem : « … ! »

Nous étions tous à bout de forces, face à un adversaire entièrement soigné.

Léonce : « … »

Je levais la tête vers cette chose. Je ne pouvais plus que me dire qu’elle était immortelle, et invincible.

Et pourtant…

Je soulevai Blodynhaul, une fois de plus.

-5-

Le son du métal attira le regard de Baldus, dont tout le corps était encore paralysé par le choc.

Léonce : « Bon… Eh ben, c’est reparti ! »

J’accourais vers le monstre, observé par Ceirios, qui sourit en coin.

Ceirios : « Décidément, que des cinglés ici ! »

Le bras du garçon étincelait, sa fureur de lutter était loin de s’être calmée.

Ceirios : « Léonce, c’est ça ? »

La bête qui s’apprêtait à attaquer notre chef sans défense se tourna vers l’origine de toute cette lumière bleuâtre.

Ceirios : « Éloigne-toi, s’il te plaît. »

En un instant, la foudre se déchaîna autour de lui en une multitude d’étincelles.

Face à toute cette puissance, je ne pouvais que me résigner à m’écarter.

Le jeune homme laissa tomber son épée au sol, il n’avait plus besoin que de son poing.

Toute l’énergie contenue dans ce gantelet de métal le faisait trembler.

Léonce : « C’est quoi ce truc… ? »

Ceirios : « Mon attaque ultime. »

Comme si l’étrange matériau entrait en fusion, une vapeur en émanait.

La bête se tournait franchement vers Ceirios, et lui hurla dessus comme pour le menacer.

Ceirios : « J’aurais préféré l’utiliser en étant sûr de vaincre, mais je ne serais pas arrivé à temps pour sauver Baldus. »

Tout autour de lui, le flot d’électricité s’intensifiait. La foudre gravait dans la roche des traces brûlantes.

Ceirios : « Mais bon, si on peut en finir en un coup, ça vous permettra de rejoindre Lucéard le plus tôt possible. C’est le pari ! Et puis, quand j’y pense, contre les ennemis qui se régénèrent, rien de tel que les désintégrer en une seule attaque ! »

Arachnide : GuuuuaaaaaaAAAAAAHHHHH !! »

Ceirios : « Léonce, s’il survit à ça, tu devras pas laisser l’occasion passer de le finir, compris ? »

Je hochais la tête fermement.

Léonce : « Je suis prêt ! »

Ceirios souriait face au visage de Mandresy. La bête accourait vers lui dans la panique.

Ceirios : « Mon gros, c’est le moment de se dire adieu. Que le meilleur gagne ! »

À la vitesse de l’éclair, Ceirios fusa sur son adversaire, escorté par d’immenses trombes de foudre qui détruisirent tout sur leur passage.

Au dernier moment, il bondit, porté par un élan surhumain. Son point était tendu en arrière, et vibrait intensément.

L’araignée maudite se cacha derrière autant de pattes qu’elle ne le put, et en fit apparaître d’autres.

Ceirios : « Ça ne te servira à rien contre moi ! Catastrofoudre !!! »

Dans un coup de tonnerre assourdissant, un flash souleva la terre tout autour de la bête.

J’avais fermé les yeux au bon moment, et pus les rouvrir après ce spectacle éblouissant.

La créature était fumante. Elle ne tenait plus que sur quatre pattes carbonisées. Son corps avait été lourdement perforé par l’impact. Son abdomen finit par rompre, et les pattes tombèrent chacune de leurs côtés.

Tous les spectateurs restaient sans voix d’avoir pu observer une technique aussi dévastatrice.

Ceirios était debout, derrière ce qui restait de la bête, dans un cratère qu’il avait formé en atterrissant. En une seule attaque, il avait fait plus que nous tous réunis durant tout ce combat.

Une puissance aussi démesurée était pratiquement inutile pour un chevalier. Ce coup qu’il gardait de côté, d’aucuns l’aurait qualifié de démonicide.

Léonce : « Woh… »

Le garçon s’inspecta, avec fierté.

Ceirios : « J’ai même pas l’impression que je vais tomber dans les pommes. »

Le garçon avait constaté que son corps était prêt à continuer le combat.

Ceirios : « Soit je suis plus fort, soit j’ai compris comment m’économiser un peu pour cette attaque. …Non, plutôt les deux, en fait ! »

Il se tourna enfin pour voir l’étendue des dégâts qu’il avait causés.

Ceirios : « Ma foi, c’est pas mal ! »

Léonce : « Mais c’est pas fini ! »

Interpellai-je mon nouvel allié, avec horreur.

À quelques mètres des pierres encore fumantes, la tête de Mandresy gisait au sol, au bout d’un long membre à moitié calciné.

Léonce : « Il a fait pousser un bras au niveau de son cou pour pouvoir mettre sa tête à l’abri de ton attaque ! »

Ceirios : « C’est bas, ça ! »

Le démon avait profité de sa protection pour faire évacuer son point faible hors de portée de Ceirios, à l’insu de ce dernier.

Je me ruai vers lui. Malgré ce prodigieux stratagème, ce n’était rien de plus que la tactique du désespoir. Il était plus exposé que jamais.

Ceirios : « Ne le laisse pas se régénérer ! »

Après avoir utilisé tant d’énergie, Ceirios ne pouvait imaginer lutter contre cette créature au sommet de sa forme.

Léonce : « Aaaaah !! »

Je brandissais Blodynhaul au-dessus de la tête de Mandresy, qui me fixait d’un air moqueur.

Un bras sortit de sa bouche et m’agrippa la jambe. Ce membre continua de s’étirer et de s’épaissir. Il me souleva dans les airs.

Je regardais impuissant huit nouvelles pattes sortir de la boule de chair qui gonflait contre son crâne.

Une bouche immonde aux crocs acérés s’ouvrit au sommet de son abdomen.

La bête me tenait au bout des ses griffes, quelques mètres au-dessus de ce nouvel orifice. Puis me lâcha.

Léonce : « Tu me facilites juste la tâche ! »

Je me préparais à frapper en chutant. Mais la bouche s’élargissait, me laissant entrevoir les enfers qu’elle dissimulait.

Au dernier instant, je ne voyais plus comment mon hachoir pouvait m’empêcher de me faire gober.

Frem : « Bouge !! »

La masse frappa le corps de la bête, qui s’écarta de la trajectoire de ma chute.

Léonce : « Merci ! »

Criai-je en tombant.

Attends, une seconde… Comment je vais survivre à un tel atterrissage, moi ?

Je regardais le sol se rapprocher. L’épée noire tournoyait en dessous de moi.

Une drôle de sensation hérissa mes cheveux. Mon hachoir semblait soudain résister à la chute, et en m’y cramponnant, je ralentis jusqu’à pratiquement léviter.

Léonce : « C’est trop bien, ça ! »

Ceirios me fit rejoindre la terre ferme en douceur.

Ceirios : « Bon, on dirait que la situation est de pire en pire… »

En effet, Baldus restait vautré au sol, Frem haletait, le regard vitreux et le front couvert de sang. Nÿzel tenait à peine debout.

Ceirios : « Si l’un d’entre vous à une attaque-suicide de dernière minute, il serait temps de la lancer ! »

Je fixais mon hachoir, frustré.

J’ai même pas de technique normale…

Frem : « Pourquoi tu lui sors pas le coup du ciel qui se couvre ? Tu sais, le truc que t’as pas réussi à faire ce matin ! »

Ceirios : « T’es pas très malin, mon pauvre. C’est le genre d’attaque que je peux difficilement faire sans avoir le ciel directement au-dessus de moi. Et puis, je serais vulnérable pendant trop longtemps avec celle-là. »

Léonce : « Pourquoi on irait pas dehors alors ? Il suffit de nous créer l’occasion ! »

Ceirios : « Ça aurait pu marcher, j’dis pas. Mais j’ai juste plus assez d’énergie pour une technique de ce calibre. »

La bête se désintéressait de nous, et se tourna vers l’endroit où elle avait laissé Baldus. Mais celui-ci n’était plus là.

Le leader du groupe était couché derrière un pilier, en compagnie de Nÿzel.

Nÿzel : « Ne bouge pas d’ici, et ne fais pas un bruit. S’il te trouve, je ne pourrais plus rien pour toi. »

Baldus était ronchon. Le leader du groupe était épuisé, et bien amoché.

D’un œil, il observait la bête quand elle avait le dos tourné. Nous étions trois à faire encore face à cette créature.

-6-

Ceirios : « Frem, tu ferais mieux d’aller te reposer, non ? Ça se voit que t’es à bout de force, tu dis que des conneries. »

Ceirios tranchait ses pattes quand il en avait l’occasion. Il pouvait projeter des lames d’électricité en brandissant son épée.

Frem : « Ferme-la ! J’ai pas besoin d’un deuxième Baldus pour me parler comme ça ! Je suis en super forme ! Et je le serais jusqu’à ce que je le batte ! »

Frem se projetait avec son arme, quitte à ce que cette stratégie le rende vulnérable.

De mon côté, je restais légèrement à l’écart.

Mes coups n’avaient toujours pas la force de faire quel dommage que ce soit, et lui courir dans les pattes ne mènerait à rien de plus qu’à me fatiguer. Il me fallait atteindre son corps.

Léonce : « Dis, Ceirios, pourquoi tu n’utilises pas ton pouvoir de lévitation contre lui ? »

Ceirios : « C’est pratique contre des humains qui ne savent se battre qu’au corps-à-corps, mais je me déplace beaucoup trop lentement en l’air pour espérer approcher un monstre comme ça. »

Je bondissais en arrière pour éviter un coup de patte. Un de mes pieds atterrit contre une pierre, me faisant perdre mon équilibre. Je me retrouvais au sol, couvert de ridicule.

Zut, ça c’est la honte ! Je le raconterai pas !

Ce n’était qu’une chute anodine, mais je me rendis compte en me relevant que cet effort était pénible pour tout mon corps. Mes muscles me brûlaient.

Moi aussi, je fatigue. Mais il faut dire qu’il commence à faire trop sombre pour y voir quoi que ce soit. Beaucoup de torches ont été détruites pendant le combat, surtout dans cette zone, et le terrain est si accidenté qu’on aurait plus que jamais besoin d’elles.

Les ténèbres étaient en effet de plus en plus denses. Et ce n’était pas dû qu’à la rareté des flammes : de cette bête émanait quelque chose de nauséabond. Des miasmes sombres qui se répandaient de ses bouches maudites.

Léonce : « … ! »

Frem aussi venait de trébucher.

Frem : « Putain de cailloux ! »

Sur ce qui aurait été de fameux derniers mots, la bête abattit une de ses pattes sur Frem.

En un éclair, celle-ci fut arrachée. Le flash avait révélé le visage effroyable de Mandresy pendant un instant.

Ceirios : « Bon, j’ai compris, c’est l’heure des attaques expérimentales de dernière minute ! »

Le garçon à l’épaisse tignasse rousse pointa la lame de son épée vers la tête de son adversaire, puis tira le manche derrière son épaule.

Ceirios : « Euh, voyons voir… »

L’électricité affluait dans le métal.

Ceirios : « …Foudro-foudre ! »

Sur cette incantation, il lança son épée qui partit en un éclair à travers l’abdomen du monstre qui s’écria de douleur.

Frem : « Mais c’est que ça a marché en plus ?! »

Léonce : « Je suis quasiment sûr d’avoir déjà vu cette attaque ce matin. »

Ceirios : « Oui, j’ai dû lancer mon épée pour sauver Ellébore à temps ce matin, mais c’était pas vraiment une technique. »

Frem : « Et bah ça le devient pas parce que tu cries un nom naze avant de le faire ! »

Ceirios : « On dirait que je me suis attiré son hostilité malgré tout… »

Il semblait perplexe.

Ceirios : « Par contre, je l’ai envoyée super loin… Cette technique vaut le coup que si je suis au-dessus de mon adversaire… »

Le garçon bondit en arrière juste avant qu’un nouveau trou ne soit percé dans le sol.

Ceirios : « Rah, on y voit de moins en moins bien, ici ! »

L’écuyer haletait, mais était toujours incapable de garder ses pensées dans sa tête.

Ceirios : « Je me sens vidé après le catastrofoudre, comme je m’y attendais… Il faut pas que je me rate la prochaine fois… »

Si je perdais de vue Frem régulièrement, grâce au bras de Ceirios, je pouvais le voir accourir sous la bête, évitant toutes les pattes qui le ciblaient.

Ceirios : « Trop lent ! »

Ceirios venait de retrouver son épée plantée dans le sol, mais avant qu’il puisse s’en approcher, un membre de chair maudite tenta de le faucher.

Notre précieux allié tendit sa main noire devant lui, et l’épée fut attirée jusque dans sa poigne.

Ceirios : « Foudro-slash ! »

Au dernier moment, il trancha la patte en longueur.

Arachnide : « HuuuuuuuuuuuuuuuAAAAAAAAAAAAAHHHHHHH !!! »

Ceirios retomba au sol sous la bête, et se fiant à son cri, souleva une fois de plus son arme.

L’électricité du bras semblait faire bleuir l’épée, tandis qu’il basculait son corps en arrière.

Ceirios : « C’est le coup de grâce ! FOUDRO-FOUDRE ! »

Pariant tout sur cette technique, il usa le reste de sa force pour propulser l’épée dans un coup de tonnerre qui illumina la pièce.

La lame noire se planta dans le plafond de pierre.

Un trou béant s’était ouvert dans l’abdomen du démon. Sa bouche gigantesque se referma tandis que son corps se régénérait.

Ceirios : « Oh, quel mauvais ! J’ai raté la tête ! »

Léonce : « Attention ! »

Avant qu’il n’ait pu sentir la menace arriver, une patte de chair maudite plongea sur lui.

Ceirios : « FOUDRO-POIN- »

Au dernier instant, il se décida à contre-attaquer, mais son énergie lui fit défaut, et l’apprenti chevalier fut expédié au loin.

Son poing encore électrisé, le jeune homme gisait au sol.

Ceirios : « Aaah… Je l’ai senti passé… »

Il relevait la tête pour apercevoir la silhouette cauchemardesque se précipiter sur lui.

Ceirios : « Oh oh… »

Il faut que je lui vienne en aide !

Je n’étais pas intervenu à temps quand lui avait réussi à sauver Baldus d’un coup fatal, et encore une fois, je n’étais pas assez rapide. J’avais hésité à me lancer face à un danger qui pouvait aussi bien nous tuer tous les deux. Et maintenant, je ne pouvais que courir pour assister aux premières loges aux conséquences d’avoir douté.

Ceirios réalisait qu’il était à bout de force. Sa dernière attaque était déjà plus que ce que son corps pouvait endurer.

Même si j’accourais, c’était en vain, et pourtant, je ne m’arrêtai pas.

Frem : « Raah ! »

D’un coup de masse désespéré, Frem dévia de justesse le bélier de chair qui aurait dû tuer Ceirios.

Mais il était aisé pour notre adversaire d’envoyer une autre patte aussitôt.

Je ne le laisserai pas mourir !

Nÿzel assistait impuissant à cette scène si proche du pilier derrière lequel il se cachait. Il avait tout donné pour faire fuir Baldus, qu’il entendit se relever.

Nÿzel : « Eh, reste là, toi ! Qu’est-ce que- »

En se tournant vers son allié, il aperçut ce que Baldus tenait entre ses doigts.

Nÿzel : « Je pensais que tu n’en avais plus… »

Baldus : « Ce sont pas les antidotes qui m’ont empoisonnées… Ces dards là sont, disons… Pour les grandes occasions. »

Le bandit à la calvitie se planta un dard dans le bras. Ses pupilles se dilatèrent instantanément.

Ceirios : « Je mourrais pas ici ! »

Le jeune homme se relevait lentement. Il n’avait plus que son poing pour lutter.

Mais le coup de grâce qui l’attendait était déjà imminent.

Non !

Je n’étais qu’à une poignée de mètres, et tendis la main en vain, une fois de plus.

Baldus : « HAHAHAHAHA ! »

Dans une lueur violette, le membre de la bête venait d’être tranché, et ce cylindre de chair noir s’écrasa à côté de Ceirios, ébahi.

La bête s’immobilisa, tout comme moi. Tous fixaient le bandit blessé. Quelque chose avait changé en lui.

Baldus : « On est quittes, le rouquin ! »

Ceirios s’étonna de comprendre ce qui venait de se passer.

Ceirios : « Quittes ?! Je t’ai toujours plus sauvé les miches que l’inverse ! »

Frem : « Baldus, mais qu’est-ce que tu fous ?! T’étais pas sur ton lit de mort ?! »

Plutôt qu’être mort, il paraissait plus en forme que jamais.

Baldus : « J’ai enfin une bonne opportunité de faire avancer la science avec une petite expérimentation ! Voyons à quel point mes performances s’améliorent ! »

Il évita aisément le prochain coup.

Baldus : « Toi, va te reposer, poil de carotte ! »

Après une autre esquive, il passa à côté de Ceirios et lui murmura quelque chose avant de foncer sur notre ennemi.

Ceirios hocha la tête tardivement, sans que son interlocuteur ne puisse voir sa réponse.

Baldus s’était tourné vers le démon, un sourire large et dérangeant aux lèvres sous ses yeux intoxiqués.

-7-

???: « Baaaal… Duuuus… ! »

Baldus, d’habitude indolent, voire fainéant, semblait soudain déborder d’énergie et d’enthousiasme.

Baldus : « Yahou ! »

Il bondit pour éviter la prochaine attaque qui le ciblait, et continua sa course comme un dément, le long de la patte de la bête.

Léonce : « Qu’est-ce qu’il fait ?! »

Il lacérait de part en part ce membre maudit, tout en se rapprochant du corps du monstre.

Baldus : « Ha ha ha ha ha ha ! »

Son rire gras était plus agréable à nos oreilles que jamais. Il nous donnait un renouveau d’espoir.

Frem : « Je vais pas rester sans rien foutre pendant que ce sale drogué s’amuse ! »

Frem souleva sa masse, et s’éjecta en l’air.

La bête secoua sa patte, mais il était déjà trop tard. Baldus avait bondit, puis rebondit sur le dos de Frem, et tombait droit sur l’abdomen du monstre.

Frem : « Enfoiré !! »

Il ne fallut qu’un instant pour que Baldus ne tranche deux de ses pattes à leur base, puis éventre le monstre.

Arachnide : « BAAAAAAAAAALDUUUUUUUUUUS !!! »

Le torse de la bête explosa en une éruption de miasmes. Baldus sut se réceptionner au sol quelques mètres plus bas.

Baldus : « Wouh ! Je pète la forme ! »

Il releva les yeux vers le monstre, mais ne l’apercevait plus, tant les ténèbres étaient denses.

Baldus : « Bon, la science a ses limites ! »

Léonce : « C’est quoi ce pouvoir, encore ? On peut plus du tout se battre, là ! »

Nous étions tous plongés dans le noir. Apercevoir nos propres mains était désormais impossible.

Frem : « Où t’es Baldus ?! Tu vas m’le payer, enfoiré !! »

Frem s’étonna de voir son binôme à quelques mètres de lui. Baldus était tout aussi étonné.

Frem : « Oh. »

Je les apercevais aussi tous deux. Il faisait soudain aussi clair qu’en plein jour.

Il nous suffisait de nous regarder les uns les autres pour comprendre ce qui s’était passé. Chacun de nous avait un œil géant sur le visage.

Baldus : « Merci du coup de main, mamie ! Enfin du coup d’œil ! Ha ha ha ! »

La grand-mère à l’entrée de la pièce concentrait ses pouvoirs pour que nous puissions voir à travers l’épaisse purée de pois que diffusait notre adversaire.

Léonce : « C’est super pratique ce sort ! »

Baldus : « Bon, je le sens bien, là ! On envoie tout ce qui nous reste, les gars ! Et on gagne !! »

Frem : « Ouais !! »

Léonce : « C’est parti ! »

On chargeait tous les trois sur notre adversaire. Même si j’étais le plus faible du groupe, je me sentais porté par un sentiment qui nous unissait. Nous étions déterminés à conclure ce combat maintenant.

Je tranchai une de ses pattes plus profondément que jamais.

Baldus était hilare. Il se déplaçait avec tant d’aisance qu’il avait le loisir de narguer le monstre.

Baldus : L’effet va sûrement se dissiper très vite, et comme tous les produits du genre, il sera probablement moins efficace à mesure que mon corps s’y habitue. Mais c’est pas grave. Je redeviendrais jamais la loque que j’ai été à cause de mes antidotes. Alors si c’est la seule fois que je l’utilise, j’en tirerais le meilleur !

La bête se débattait, assaillie de toute part.

Après avoir tenté d’écraser Frem, elle vit une silhouette familière agrippée au haut de sa patte.

Baldus : « Coucou ! »

L’air niais, Baldus se releva et bondit sur une autre patte, prêt à atteindre le torse une fois de plus.

Léonce : « Aaaaah !! »

Je tranchai si fort la chair de son principal appui que le démon en perdit l’équilibre.

Frem : « EH !! MANDRESY !! »

Le cri tonitruant de Frem attira la créature paniquée.

Frem : « VA MANGER TES MEMBRES !! »

Le jeune homme donna un brutal coup de marteau sur un des nombreux cylindres de chair qui jonchaient le sol.

Le lourd projectile s’écrasa sur le visage du monstre qui bascula légèrement en arrière.

Baldus : « Je suis là~ ! »

Même s’il ne l’avait pas précisé, l’arachnide avait ressenti le poids de Baldus sur son dos, et bondit par réflexe jusqu’à s’écraser toute entière au plafond dans un vacarme assourdissant.

De lourdes roches tombèrent de toutes parts avec le monstre qui s’était lui-même blessé dans cette action désespérée.

Baldus : « Raté ! »

Baldus avait planté sa dague dans son abdomen, et s’était accroché à l’aide de ses jambes sous une des pattes du monstre, à l’abri de l’impact et des débris de pierre.

Quand la créature atterrit dans une explosion de poussière, Baldus se retrouvait de nouveau sur son dos.

Baldus : « Ha ha ha ha ha ! »

Le corps de la bête se faisait dilacérer. Une traînée violette suivait le bandit qui s’agitait dans tous les sens. Il arrachait ses membres plus vite qu’ils ne repoussaient.

Arachnide : « BAAAAAALLL… DUUUUUUUS !!! »

Baldus : « T’as eu pleins d’occasions de m’implorer ! Maintenant c’est trop tard ! »

La bête reçut un autre de ses membres sectionné en pleine tête. Elle ne tenait plus que sur deux pattes, et fut largement déséquilibrée.

Baldus : « Je t’avais pourtant prévenu… »

Une dense fumée violette émanait soudain de la dague soporifique.

Baldus : « Adieu. »

En un éclair couleur lavande, Baldus se retrouva au sol, quelques mètres en dessous de la tête de Mandresy.

L’homme restait accroupi, l’air grave. Le temps semblait s’être arrêté.

Léonce : « Il l’a… »

Il lui avait tranché le cou.

Léonce : « !! »

En entendant ma stupéfaction, Baldus releva la tête.

Le crâne de Mandresy pendait encore à un bout de chair. Des fibres maudites se raccordaient les unes aux autres, tandis que de petits bras sortaient de son torse pour agripper sa tête avant qu’elle ne tombe.

Baldus : « Oh, merde ! S’il survit à cause de ça, les boules ! »

Frem : « MAIS TU VAS FINIR PAR CREVER, OUAIS ?! »

Frem expédia encore une patte droit vers le monstre qui bondit sur ses deux pattes pour l’éviter.

Le cou avait tenu bon et se raccrocha au corps. Celui-ci se gonfla soudainement, et une dizaine de nouvelles pattes en jaillirent. Celles-ci étaient parcourues de petits os, qui lui donnaient un aspect velu. Tout son corps était plus robuste que jamais.

Baldus : « Mais quel foutoir ! Il a encore l’énergie de sortir un tel truc ! »

Frem : « Ça recommence ! S’il est aussi costaud que Mandresy avant qu’il se transforme en monstre, ça craint ! »

Baldus : « Ouais ! Mais rappelle-toi, c’était son dernier rempart ! Il ne pourra probablement plus régénérer un tel corps ! »

Arachnide : « WUUUUUUUUUUUUUUUUUAAAAHHHHH !!! »

Alors que la bête s’apprêtait à se ruer sur notre groupe, une onde traversa chacun d’entre nous. Cette lumière avait balayé les ténèbres de la pièce, et calciné la chair maudite de la bête qui hurlait de douleur. Les quelques torches de la pièce brûlaient plus fort que jamais. Certaines s’étaient même rallumées.

Cet étrange phénomène, nous l’avions tous ressenti. Il n’en restait déjà plus qu’une chaleur apaisante.

Léonce : « C’était quoi, ça… ? »

L’œil sur nos fronts disparus. Nous y voyions tout aussi bien sans. Les miasmes s’étaient comme consumés.

On put tous apercevoir le monstre clairement. Son corps se fendillait, comme s’il s’était asséché.

Frem : « J’comprends plus rien moi ! »

Baldus : « ! »

Le monstre se déchaîna soudainement. Il ne cessait de hurler à la mort. Il était incontrôlable, comme un gibier en cage.

L’immense pièce lui paraissait soudain étroite, et la créature bondissait dans tous les sens, ravageant tout autour d’elle, sans se soucier de son propre corps.

Baldus : « Tout le monde, mettez- vous à l’abri ! »

Nous n’étions plus des adversaires pour elle, mais rien de plus que des fourmis qu’elle pouvait écraser sans même s’en apercevoir.

Elle avait renversé la grande pile de tonneaux à l’entrée. Les fûts roulaient partout entre les colonnes restantes, et se faisaient piétiner par la bête en furie.

Un liquide épais en coulait lentement. Le contenant d’un des fûts brisés atteint une des torches au sol.

Dans l’instant d’après, un torrent de flammes s’éleva.

Des explosions incandescentes se firent sentir tout autour de nous. Le souffle chaud parvint jusqu’à notre peau couverte de sueur.

Il n’y avait jamais eu autant de lumière dans cette pièce, mais, ironiquement, cet endroit était plus que jamais une vision de l’enfer.

Au milieu des flammes qu’elle avait propagées dans tout le temple, le monstre hurlait, tandis que ses pattes se consumaient.

Les yeux emplis de larmes, Lothaire ne pouvait rien faire d’autre que d’observer ce spectacle effroyable.

-8-

Frem : « Gaah ! »

Frôlé par un membre de l’arachnide, Frem s’était retrouvé au sol, paralysé par la douleur. Il n’y avait plus d’endroit où fuir, ni se cacher.

Nÿzel serrait dents et poings. Ses compagnons n’avaient plus la moindre chance de vaincre. Le démon était déchaîné.

Laukai : « Tu aurais dû m’achever quand tu en avais l’occasion. »

L’assassin semi-humain était derrière le bandit. L’homme au visage félin révéla son katana au dernier instant.

Nÿzel para le coup habilement.

Laukai : « C-comment… ? »

Nÿzel : « Tu empestes le sang, Laukai ! »

En se retournant, la mâchoire de Nÿzel se décrocha.

Nÿzel : « Alors c’est ça ton visage ?! Tu es un semi-humain ? »

Laukai : « Moque-toi si ça te chante. Tu ne vivras pas assez longtemps pour le dire à qui que ce soit ! »

Nÿzel dut répondre au sabre avec ses deux étripes-chats. Son adversaire était bien plus lent et faible que tout à l’heure, mais sans pouvoir recourir à sa magie, Nÿzel n’était pas dans son élément.

Nÿzel : « Tu aurais dû rester contre ton mur ! On a vraiment pas besoin d’ennuis supplémentaires là tout de suite ! »

De mon côté, je tentais de survivre aux éboulements successifs et aux soudaines explosions des réserves d’huiles et d’alcools, espérant ne pas me retrouver sur la trajectoire de la bête folle qui ravageait la pièce.

Frem était immobile, couché au sol dans une position peu confortable, et je n’avais plus aucune idée d’où était Ceirios. Seul Baldus essayait d’attaquer notre ennemi quand il en avait l’occasion. C’était une débâcle.

Je me sentais dépassé par la situation, totalement inutile.

Nÿzel recula jusqu’au centre de la pièce. Son adversaire ne voulait rien lâcher, malgré la douleur qui engourdissait son corps.

Laukai : « Je ne serai jamais défait par un si piètre adversaire ! »

Nÿzel : « Tu es déjà vaincu ! »

Leurs lames se croisèrent dans le fracas du métal.

Mon regard se dirigea vers l’étrange homme-chat, que j’identifiai aussitôt.

La bête se retourna soudain, proche de l’entrée, pour apercevoir, à l’autre bout de ce temple, Baldus. Ce regain de lucidité lui inspira un nouvel hurlement.

Je réalisais aussitôt ce qui allait se passer : Nÿzel et Laukai étaient au beau milieu de son chemin.

Mon sang ne fit qu’un tour. Je le sentais s’embraser dans tout mon corps, et mes jambes se mirent en action, presque malgré moi, tandis que le démon se ruait sur Baldus, détruisant à la force de ses pattes la moindre pierre sur son passage.

Nÿzel : « Bonne chance ! »

Nÿzel utilisa son impulsion, quitte à subir la paralysie magique. C’était sa seule chance de réchapper à ce qui arrivait.

Baldus : « Gamin ! Mais qu’est-ce que tu fous ?! »

Baldus m’avait vu m’élancer vers le centre de la pièce. J’allais encore être trop lent. Je n’arriverais pas à temps.

Laukai se retournait, impuissant, vers son ancien complice. Le sang coulait le long de ses pattes quasi-félines. La douleur avait fini par le faire tomber à genoux.

Léonce : « Aaaah ! »

J’accélérai encore, presque en transe.

Baldus : « T’es taré ?! N’y vas pas ! »

Les feuilles d’érables agitées par le vent projetaient leur ombre sur ce banc au cœur du jardin.

Miléna : « C’était une sacrée aventure ! Vous avez pu vous protéger les uns les autres, et tout est bien qui finit bien ! »

Léonce : « Ouais, c’est sûr ! On a eu plein d’occasions de mourir, mais tout le monde s’en est sorti ! »

La mine de la demoiselle s’assombrit légèrement. Elle fixait ses jambes quelques instants.

Miléna : « Oui… Enfin, que ce soit ce pauvre homme possédé par le démon ou l’assassin, eux n’ont pas survécu… Je sais bien que vous n’aurez rien pu faire de plus, et que d’une certaine façon, leurs choix de vie ont précipité une fin aussi triste, mais… Je ne peux pas m’empêcher d’avoir de la peine pour eux… »

Léonce : « Miléna… »

Je pris une grande inspiration.

Baldus : « Tu vas te faire tuer ! Arrête-toi !! »

Non, Miléna. Ça ne peut pas se finir comme ça.

Dans ce jardin aux mille parfums, je lançais un sourire triomphal à mon amie.

Ce n’est pas comme ça que doit se finir l’histoire que je veux te raconter. Ce n’est pas comme ça que je veux qu’elle se finisse.

Je courais sans la moindre hésitation, malgré les cris de Nÿzel qui se mêlèrent à ceux de Baldus.

Nÿzel : « Léonce, non ! »

Laukai sentit une larme couler, lui qui pensait son cœur endurci.

Laukai : « …Quel était ce souvenir à l’instant… ? Ce n’était pas le mien… »

Face à une mort certaine, il ne pouvait plus que regarder face à lui la créature de l’enfer raser tout sur son chemin.

Je dérapais sur mes jambes, et me retrouvai devant lui, quelques secondes avant l’impact.

Le monstre lança sa patte en avant, comme si elle portait le poids de tout son corps. Ce bélier de chair maudite arrachait tout dans son sillage, annonçant dans un tumulte brutal la promesse de nous tuer tous deux, sans que rien ne puisse l’arrêter, ni même le ralentir.

Mon sang bouillonnait.

Léonce : « Aaaaaaaaaaaaahhh !!! »

Je plantais mon hachoir fermement dans la terre retournée à mes pieds, bien droit.

Je plaquais mon épaule contre ma lame de toutes mes forces. Lothaire reconnut cette position immédiatement, et en frissonna.

Baldus : « Nooon !! »

Laukai : « …Pourquoi… ? »

Arachnide : HUUUUAAAAAAHHHH !!! »

La patte se heurta au mur infranchissable qu’était devenu Blodynhaul.

L’impact déchira tout autour de nous. Poussant sur mes jambes, je sentais une énergie d’un autre monde brûler à travers moi, jusque dans mon arme.

La mâchoire de Baldus se décrocha.

Baldus : « Il l’a… ! Il l’a… ! »

Léonce : « AAAAAAHHH !!! »

Je repoussais la puissance démoniaque de son estocade à la force centuplée de mon corps. Ce corps qui brûlait d’un feu qui m’avait choisi pour la première fois.

Les larmes sur les joues de Lothaire s’arrêtèrent de couler.

Dans ses yeux sans brume se reflétait la scène héroïque à laquelle il assistait.

Lothaire : « …Je me souviens… Je me souviens de tout… ! »

Le souffle qui repoussait les flammes autour de nous n’atteignait pas Laukai, qui restait immobile, paralysé par de nouveaux sentiments.

La chair desséchée de la patte de l’arachnide se fissurait davantage au contact de ce bouclier qui refusait de céder.

L’énergie prodigieuse qui aurait dû nous faucher en une fraction de seconde semblait s’accumuler contre le hachoir jusqu’à ce qu’il n’atteigne sa limite.

La patte se brisa, libérant toute la puissance du démon, qui se retourna contre elle. Projetée par cette tempête de lumière, l’araignée s’écrasa sur son dos dans un fracas assourdissant.

Le souffle atteint chacun d’entre nous, subjugués par ce qui venait de se passer.

Laukai : « …Pourquoi… ? »

Laukai tentait de se relever, hébété.

Je me retournais vers lui, le visage serein, mais le regard toujours brûlant de détermination.

Léonce : « Je ne laisserai personne mourir. »

Laukai resta coi, mais apportait malgré tout sa main tremblante jusqu’à son fourreau, avant de s’évanouir.

Il tomba contre Nÿzel, révélant le dard planté dans son cou.

Nÿzel : « Moi aussi, j’en garde au-cas-où. »

Il souleva son adversaire contre lui, et commença à s’éloigner.

Nÿzel : « Ça ne m’enchante pas, mais je vais essayer de lui faire les premiers soins. Je ne peux tout bonnement pas laisser ce glorieux sauvetage être vain. Bien joué, Léonce ! »

Baldus : « Ouais, pas mal du tout ! M’enfin, vous bavasserez plus tard ! C’est le moment de l’achever ! »

Notre leader passa à côté de nous, fonçant droit vers le démon qui tentait de se relever.

Je retirais mon hachoir du sol, prêt à le rejoindre.

Mais la bête se fit basculer sur un côté, retrouva appui sur ses pattes, et hurla.

D’un mouvement chaotique, elle éjecta Baldus avant même qu’il ne puisse tenter quoi que ce soit.

Le monstre choisit de diriger sa fureur sur moi.

Léonce : « Oh oh ! On dirait qu’il me considère enfin comme un adversaire digne de ce nom ! »

Je me remis en garde.

Il frappa de ses pattes les unes après les autres. Les esquiver m’était toujours plus difficile. Même si j’avais sans l’ombre d’un doute atteint l’implétion, mon corps était à bout de force.

Arachnide : « Aaah… ! Aaaah… !! Aaaaah… !! »

Baldus se redressa difficilement. Il sentait le sang couler sur son crâne.

Il savait que nous n’étions plus que deux pour venir à bout de cette chose. Mais il savait aussi que je n’étais plus en état de combattre, tout comme ce qu’il s’était injecté allait rapidement perdre ses effets.

Baldus : « Gamin, trouve un endroit où te planquer, et laisse-moi le finir ! »

Léonce : « Je peux pas, il s’acharne sur moi ! »

Baldus : « Rah, quel calvaire ! »

Baldus se lança à ma rescousse.

Arachnide : « Huuhuhuuu… ! »

Les petits os noirs qui dépassaient de sa chair semblaient soudain s’étirer.

Léonce : « Quoi encore ?! »

De petits orbes lumineux se mirent à briller au bout de chacune de ces milliers de phalanges.

Baldus paniqua en reconnaissant ce sort.

Baldus : « Il utilise la magie de Mandresy ! Vite, cache-toi ! »

Avant même qu’on ne puisse s’éloigner, la bête lança ses sphères de mana dans toutes les directions.

Des explosions ravagèrent tout ce qui restait de ce champ de bataille.

La poussière s’élevait au milieu des flammes mourantes.

-9-

Je rouvrais les yeux au milieu du chaos.

Je ne savais même plus où j’étais. Je me relevais, repoussant les débris de dalles autour de moi.

Léonce : « …C-c’est fini… ? »

Ce défilé pyrotechnique m’avait semblé durer une bonne minute. Il ne s’agissait pourtant que de quelques dizaines de secondes.

Je sentais une faiblesse dans ma jambe, et du sang le long de mon bras. Une soudaine douleur me paralysa.

Léonce : « Je crois… Je crois que je me suis cassé un truc… Ou deux… ! »

Je cherchais des yeux Baldus et les autres. On n’entendait plus un son.

Léonce : « Vous êtes encore en vie… ? »

Le sol trembla, juste derrière moi.

La bête était là, et d’un mouvement impitoyable, une de ses pattes jaillit de la pénombre.

Léonce : « Non ! »

En un claquement métallique, je vis ma lame s’envoler au loin, puis se planter dans la terre.

Grâce à ce réflexe, j’avais pu survivre au coup, qui m’avait juste fait retomber au sol.

Je fixais mes mains tremblantes, couvertes de mon propre sang. J’avais été désarmé.

J’étais à bout de souffle. Je n’avais jamais accumulé tant de blessures, tant de douleurs, tant de fatigue, et ce sur tous les plans. Mon corps était prêt à lâcher.

Malgré l’urgence du moment, il se refusait à bouger. J’avais épuisé toute mon adrénaline.

La patte du démon se releva. Je m’aperçus que celle-ci avait été brisée en son bout pendant ce combat, ce qui donnait l’impression de faire face à une griffe immense.

La lame de chair maudite pointait droit sur moi.

Léonce : « …J’ai pas encore dit… Mon dernier mot… ! »

Je poussais sur mes bras et mes jambes, en vain.

J’entendis une roche bouger, bien trop loin de moi.

Baldus venait de se dégager des décombres, et reprenait peu à peu ses esprits, jusqu’à m’apercevoir.

Baldus : « Gamin… ! »

Je me tournais vers lui, constatant que personne ne viendrait à mon secours.

Baldus : « …Non… ! »

J’ai tout fait pour que personne ne meurt…

Je me tournais vers le visage de Mandresy. Il était méconnaissable. Tout ce combat l’avait défiguré, et les pouvoirs démoniaques qui avaient pris le dessus sur lui n’avaient pas su reconstruire son visage.

Miléna… Je n’ai pas pu me racheter, finalement… J’ai été dans l’erreur pendant trop longtemps…

Je posais un pied au sol, les genoux vacillants, et le sourire amer.

Mais si tu entends quand même l’histoire de ce combat…

Je me hissais face à la créature avec une fureur qui me transcendait.

…Je veux que tu saches que je suis resté debout jusqu’au bout.

Arachnide : « GYAAAAAAAAAAAH !!! »

Je revoyais le banc une dernière fois. Les souvenirs se bousculaient dans ma tête, jusqu’à ce que je ne voie plus que son doux sourire.

Une grimace se dessinait sur mes traits..

La patte acérée fonça droit sur moi.

Léonce : « … ! »

Un jet de sang éclaboussa mon visage, mu par l’incompréhension.

La lame de chair s’était arrêtée à quelques centimètres de moi.

Elle avait empalé Lothaire en plein cœur.

L’homme s’était cramponné de ses deux bras, malgré la douleur. Il n’avait pas laissé le monstre m’achever.

Lothaire : « …Grâce à toi… J’ai pu enfin me souvenir… Du secret de ma force… »

J’étais atterré. Il venait de sacrifier sa vie… Pour la mienne.

Léonce : « …Lothaire… ! »

Du sang coulait de ses lèvres, mais dans ses yeux, il n’y avait plus que des flammes rayonnantes.

Lothaire : « Ma vraie force s’est toujours révélée quand je protégeais les autres. »

Baldus assistait à cette scène, abasourdi.

Lothaire : « Toi aussi, tu l’as en toi : la force pour devenir un véritable héros. »

Il était métamorphosé. Le type un peu balourd et pataud que j’avais rencontré ce matin n’était qu’une façade. Sa vraie nature illuminait les ténèbres de cette nuit sanglante.

Lothaire : « J’ai tout perdu à cause de Musmak… »

Son bras que je pensais brisé resserrait son emprise autour de la patte de cette créature. Mandresy fixait avec terreur son ancien allié. Dans ce qu’il restait de sa conscience, il se souvint qu’il n’avait jamais pu vaincre Lothaire.

Lothaire : « Mais je ferai en sorte que toi et tes amis, vous réussissiez ce que j’ai entrepris. Que votre combat mène au bonheur de chacun ! »

Il forçait sur tout son corps dans un ultime effort. Je ne savais pas quoi lui dire, mes lèvres tremblaient.

Lothaire : « Décale-toi un petit peu, Léonce. »

Cette douceur dans sa voix m’apaisa, et me fit monter les larmes aux yeux. Je m’écartais.

Lothaire : « Quant à toi, Mandresy, tu vas enfin être grondé pour tout ce que tu as fait… »

Il serra fermement tout son corps autour du membre du démon.

Lothaire : « …Et ce sera la dernière bonne action de Casque-joie !! »

Il tira la patte si violemment qu’elle se souleva au-dessus de sa tête, entraînant toute l’araignée géante dans les airs, avant de la faire s’écraser derrière lui.

Baldus : « …Quelle force… ! »

Baldus et moi étions soufflés par les véritables capacités de Lothaire. L’araignée était sur le dos, inerte.

Lothaire : « Personne n’avait réussi à reproduire ma technique du rempart héroïque… Jusqu’à aujourd’hui… »

L’homme me dévisageait, son regard débordait de tendresse.

Lothaire : « Je suis heureux que quelqu’un hérite de ce pouvoir. Et je le suis d’autant plus que c’est toi, Léonce. »

Léonce : « …Pourquoi t’as fait ça… ? »

Lothaire : « Je me le demande… Il y a encore quelques minutes, j’étais persuadé d’être le serviteur de Musmak. Mais je ne me l’explique pas. Je compte sur toi pour obtenir la réponse à ma place. »

Il s’étouffa avec son propre sang. Quiconque serait mort sur le coup, mais lui se tenait le dos bien droit, jusqu’au bout.

Lothaire : « …Mais si tu te demandes pourquoi je t’ai sauvé, dans ce cas la réponse est évidente. Et je suis sûr que tu la connais déjà. Après tout, tu es un peu comme moi, je pense. »

Léonce : « … »

Je ne savais pas quoi lui dire. Un simple merci aurait été vide de sens. Aucun mot n’aurait su exprimer toute la gratitude que je ressentais à cet instant. Mais il n’attendait rien de moi, et me montrait un sourire rassurant.

Lothaire : « Au risque de te paraître égoïste, je te laisse la suite, mon jeune ami. »

Léonce : « Lothaire… »

Les yeux humides, je lui répondis enfin, la gorge serrée.

Lothaire : « Tu n’as pas à pleurer… Même si je suis gonflé de te dire ça après avoir larmoyé face à toutes ces horreurs auxquelles j’ai assisté. Mais toi, il te reste encore une chose à faire : tu dois sauver ton ami. Et si je peux me permettre une dernière requête, j’aimerais que tu mettes un terme aux atrocités de cette organisation… J’aurais aimé le faire moi-même, crois-moi. Mais si c’est toi… Si c’est toi… Je suis sûr que tu y parviendras… »

Malgré la douceur de son expression, Lothaire luttait férocement. Son sang coulait abondamment le long de la patte. Il faiblissait à chaque instant.

Léonce : « …Je ne sais pas si je suis taillé comme toi. J’ai déjà été du mauvais côté, de mon plein gré… Par rapport à un héros local, je ne suis pas une référence en matière de justice… »

Lothaire : « De justice… ? »

Ma remarque semblait l’amuser, tout comme le fait que je connaisse son identité.

Lothaire : « Mes disciples et beaucoup de ceux qui m’ont dit s’être inspirés de moi sont de fervents justiciers. C’est leur boussole pour agir. Mais ça n’est pas mon cas… »

Je haussais les sourcils.

Lothaire : « Tout comme toi, je le sais, ce qui me donne la force de lutter n’est pas la justice, malgré ce que tout le monde croit… »

Il me lançait un dernier regard.

Lothaire : « …Notre pouvoir à nous… …C’est l’Amour. »

Léonce : « … ! »

Une larme coula le long de ma joue. La fureur me revint soudain.

Léonce : « Lothaire, je te le promets… ! Cette organisation- »

La patte souleva le corps de Lothaire avant que je n’aie pu prêter serment. Le monstre se redressa, agita ce membre ensanglanté, et broya le héros de Faillegard contre le sol..

Léonce : « LOTHAIIIIIRE !!! »

Arachnide : « AAAAAAAAaaaaaaaAAAAAAAAAAHHHHHHHHHH !!!!! »

Elle était encore en vie.

Ne me laissant pas impressionner par l’horreur à laquelle je venais d’assister, m’interdisant de me laisser déborder par mes sentiments, j’accourus vers Blodynhaul, que je soulevais au-dessus de mes épaules. Ce poids entre mes mains sanguinolantes était plus terrible que jamais mais la rage brûlait en moi l’était aussi.

La bête poussait des cris d’agonie, puis se rua sur moi dès qu’elle m’aperçut.

Je lui fis face, plus prêt que jamais à en finir. Je me refusais à me blâmer pour ce qui était arrivé à Lothaire, et mon cœur ne criait pas vengeance.

J’avais échoué. Je n’avais pas pu sauver tout le monde, mais à ce moment-là, tout ce qui comptait était de finir ce qu’il avait commencé.

Après avoir croisé mon regard furibond, la bête attaqua de toutes ses pattes avants.

Léonce : « Ramène-toi ! »

-10-

Je répondais à m’en briser les poignets, sans pourtant contre-attaquer de front. Malgré tout, je reculais à chacune de ses attaques.

Je tenais bon malgré la violence de ses assauts.

Baldus : « Tiens, le coup encore un instant ! »

Baldus m’observait perdre du terrain face au monstre déchaîné.

Un laser parcourut toute la salle, et perfora le torse de la bête, manquant de peu sa tête.

Arachnide : « AaaaaAAAAAaaaaAAAAHHHH !!! »

Mamie était à l’entrée du temple, et semblait partager ma fureur.

Mamie : « Finissez-le !!! »

Les deux gaillards avec elles se lancèrent à la poursuite de la bête, hurlant leurs tripes.

Baldus : « Parfait… ! »

Baldus était juste derrière moi, un sourire carnassier se redressait sur ses lèvres.

Je bondissais en arrière pour éviter le prochain coup.

Je te vaincrai ! Sois-en sûr ! Même si je ne vois pas d’issue, je ne cèderai plus jamais !!

Baldus : « Ceirios ! Maintenant !! »

Léonce : « Hein ?! »

Ceirios : « C’est parti ! »

Cette voix était juste devant moi, mais je ne le voyais pas.

Je remarquai alors le trou juste en dessous de l’araignée géante.

C’était ce trou que Frem avait creusé en frappant Mandresy jusque sous terre. Et au fond de celui-ci, Ceirios s’était caché.

Il levait son bras métallique, qui s’illuminait d’un bleu électrique.

L’épée noire au plafond juste au-dessus de lui se mit à réagir, et fut inexorablement attirée droit sur Ceirios.

La lame se planta dans le dos de la bête, et la force magnétique phénoménale la plaqua au sol.

Arachnide : « YAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHH !!! »

Léonce : « Mais c’est du génie ! »

Baldus : « C’est tout moi, ça ! »

Ceirios : « Allez-y !! Gâchez pas tout, les gars, et cette fois-ci, donnez lui le coup de grâce !! »

Léonce et Baldus : « Ouais !! »

Baldus et moi accourions vers le visage défiguré de Mandresy. Le seul œil qui fonctionnait encore tremblait de terreur.

Il criait et se débattait, mais Ceirios ne lâchait rien.

???: « BAAAALLLDUUUUUUUUS !!! »

De petits bras sortirent de son corps par dizaines. Ceux en avant nous prirent pour cible. Ceux sous son abdomen pénétrèrent dans le trou où se terrait Ceirios.

Baldus : « Aaah !! »

Baldus tranchait à travers ses bras, et sa dague s’illuminait à chaque mouvement.

Léonce : « Aaaaaah !!! »

Sans ralentir, on pourfendait chacun de ses membres restants.

Les bras poussaient désormais de ses pattes, nous étions assaillis de toute part : c’était le sprint final.

Je tournais sur moi-même, déchirant tous les membres autour de nous.

La lame violette de Baldus dansait, emportant dans sa trajectoire luisante tous les espoirs de notre adversaire.

Ceirios : « Dépêchez-vous !!! »

Le bras de Ceirios produisait une quantité d’électricité éblouissante qui repoussait la chair maudite tant bien que mal.

Mandresy voyait les deux guerriers enragés se rapprocher inexorablement. Plus rien ne pouvait nous ralentir. Il avait joué toutes ses cartes.

La créature poussa sur ses pattes, épuisant ses dernières forces. L’attraction magnétique sur l’épée le bloquait au sol.

Arachnide : « AAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHH !! »

Ce hurlement démoniaque fit trembler toute la pièce.

Ses membres géants se fissuraient de toutes parts tandis qu’ils tentait de se hisser.

L’électricité faiblissait autour de Ceirios.

Ceirios : « Non… ! Non non non non !! »

Baldus : « Tiens bon, le roux ! »

Le torse du monstre se soulevait, notre écuyer n’avait plus d’énergie.

Le visage de Mandresy s’élevait de nouveau, alors qu’on parvenait enfin à l’apercevoir derrière les bras maudits.

???: « Hihi… Hihi… Hihi… ! »

Une moitié de sourire brisée nous narguait, sans même ralentir notre lutte. Un hurlement venu du ciel le fit immédiatement déchanter.

Frem : « Je t’avais prévenu !! C’est moi qui causerai ta perte, Mandresy ! »

Frem se tenait au-dessus de notre ennemi, à moitié conscient, mais entièrement furieux. Il chutait droit sur l’épée en tournant sur lui-même.

Frem : « Crève !!! »

Il abattit le marteau géant sur le pommeau de l’arme noire. La violence du choc enfonça l’araignée toute entière dans le sol. Toutes ses pattes explosèrent.

DuxBrak : « Double tempête de muscles ! »

Les bras maudits se firent arrachés en un instant.

Tous les combattants étaient réunis. Chacun avait insufflé de sa fureur de vaincre à l’atmosphère bouillonnante qui nous poussait encore plus loin. Je la ressentais en moi. Nous étions tous unis. Je me sentais invincible, inarrêtable. Je sentais mon sang prendre feu jusqu’à envelopper Blodynhaul de cette énergie ardente.

Léonce : « AAAAAAAHHH !!! »

D’un mouvement impitoyable, je tranchais les dernières défenses de Mandresy.

Je me trouvais à son niveau, et bondis plus haut que jamais, le hachoir pointant vers le plafond.

Cette vision réussit même à faire paniquer le démon, qui me fixait à travers l’œil sec de Mandresy. Mais le voir dans une posture aussi pathétique me fit hésiter à un instant pourtant décisif.

Je vais le tuer… Je vais tuer un homme…

Une dague para mon coup de hachoir. Je fus repoussé par la force de cette attaque.

Léonce : « B-baldus ?! »

Il me fixait le plus sérieusement du monde, sans un mot, puis dans l’instant d’après, se tourna vers Mandresy, résolu.

La lumière qui émanait de sa dague se changeait en une dense fumée violette.

Baldus : « C’est à moi de mettre un terme à sa folie. »

Yeux dans les yeux, Baldus montra à Mandresy qu’il avait su se forger la volonté d’en finir sans flancher.

Baldus : « C’est fini, Mandresy. Tu es libre. »

Le son strident de la dague résonna dans les ruines.

La tête de Mandresy tomba, dans une dernière expression d’incompréhension.

En une tranche phénoménale, il était venu à bout de la chair la plus dense que pouvait produire ce démon.

Ce qui restait de son corps se faisait lentement consumer par les flammes.

Ce combat avait enfin trouvé sa conclusion.

Derrière moi se trouvait toute notre équipe, à l’exception de Ceirios, toujours coincé sous terre, et de Baldus, qui nous faisait dos.

Je ne m’expliquais toujours pas les raisons qui l’avait poussé à m’interrompre, mais je commençais à en avoir une idée.

Mandresy : « Bal… Dus… »

Il ne restait que sa tête, et un bout de son épaule d’origine.

Mandresy : « …Je ne sens plus mon corps… »

Une peur confuse se lisait dans la dernière expression de son visage.

Mandresy : « C’est bizarre… Je n’arrive plus à bouger… Et j’ai froid… »

Il n’avait plus conscience de son état, et pourtant, d’une certaine façon, il était lucide quant à ce qui l’attendait.

Mandresy : « …Je voulais seulement… M’amuser… Baldus… »

Mandresy : « …Je pouvais enfin vivre la vie que je voulais… J’aurais aimé que ça continue, encore… »

Baldus : « … »

Baldus restait solennel, mais sa respiration se fit plus forte.

Mandresy : « J’ai si froid… Baldus… S’il te plaît… Tu pourrais aller me chercher… »

Baldus ôta sa veste, et la posa sur ce qui restait de Mandresy.

Mandresy : « Aah… Oui… C’est ça… Merci… »

Baldus : « Essaye de dormir, maintenant… »

La tête à ses pieds semblait apaisée.

Mandresy : « Oui… J’ai juste besoin… D’une bonne nuit… de sommeil… »

Un de ses yeux se fermait lentement.

Mandresy : « …Et demain… Tout ira mieux… »

Le silence revint.

Tous les alliés de Baldus se recueillaient, le cœur lourd. D’une certaine façon, j’avais compris ce qu’il se passait.

N’osant pas lui dire quoi que ce soit, je partis de mon côté.

Il y avait un autre cadavre dans cette pièce, enseveli sous les décombres de l’assaut final.

J’espère que tu l’as entendu… Et même si ça n’est pas le cas, je tiendrais ma promesse.

Je m’agenouillai devant lui. Il aurait été difficile de le regarder dans l’état où il était, mais seul son bras dépassait des décombres.

Je mettrais fin aux agissements de cette organisation, j’en fais le serment !

Alors que je gravais cet engagement en moi, je remarquai quelque chose.

Léonce : « … ! »

Il tient quelque chose.

Dans le poing qu’il avait maintenu serré jusqu’au bout, il y avait une bague. Elle était souillée par le sang, mais la pierre précieuse de cet étrange joyau y luisait malgré tout.

Il n’y avait pas à réfléchir. La raison pour laquelle il l’avait ôté et gardé dans sa poigne jusqu’au bout était limpide.

J’attrapais le bijou, bien trop gros pour mes doigts, mais entre mes mains, il se contracta. Je pouvais aisément le passer à mon annulaire.

Léonce : « …J’en ferai bon usage. »

Je me relevais précipitamment, malgré la douleur.

Mon bras droit était engourdi, je traînais une jambe, et chaque mouvement me faisait souffrir un enfer.

Continuer d’avancer était une lutte de chaque instant, et pourtant, je me dirigeais vers les quelques marches au bout du temple.

Ceirios : « Léonce ! »

Tout le monde se tourna vers moi après avoir entendu ce cri. L’écuyer était parvenu à sortir de son trou.

Baldus revint à la réalité en m’apercevant.

Ceirios : « Tu ne comptes pas y aller tout seul, quand même ? »

Je haussai les épaules, nonchalamment.

Léonce : « Vous pouvez m’accompagner, si vous voulez. »

Le sourire de notre leader finit par lui revenir.

Baldus : « …Le petit prince sait choisir son entourage, pas de doute là-dessus ! »

Aucun de nous n’était en état de se battre, mais dans un silence entendu, tout le monde me suivit.

Faites qu’il ne soit pas trop tard !

Après que l’équipe de sauvetage se soit aventurée dans ce sombre couloir, il ne restait dans cette pièce plus que les trois sbires de Musmak, dont le dernier survivant dormait profondément au milieu des ruines.



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