-1-
On toqua à la porte.
Ma chambre à Aubespoir était vaste. Mais elle n’avait pas l’allure d’une chambre royale comme celle où je séjournais quand on rendait visite à nos cousins de Lucécie. C’était une chambre typique de la haute bourgeoisie. En réalité, c’était une chambre typique de notre ville. La vie à Aubespoir était différente de tout ce que l’on pouvait trouver dans notre royaume. Du moins, c’est ce qu’on racontait ici.
Nos maisons, aussi somptueuses soient-elles, n’étaient séparées que de quelques mètres de celles de nos voisins. Le statut social avait une importance minime dans la micro-société qu’était le chef-lieu de ce comté. Notre demeure n’avait rien d’un palais, et on n’aurait su dire où vivait le comte dans ce charmant quartier.
Ma chambre n’était pas celle d’une princesse. Par rapport à celle de ma sœur, je devais bien reconnaître que la mienne était correctement rangée et que mes centres d’intérêt n’avaient pas envahi l’espace entre ces murs.
Deryn : « Entrez. »
Assise sur mon lit, mon coussin le plus volumineux serré contre mon corps, j’étais restée ainsi quelques minutes, peut-être plus. Je fixai le vide, en silence. Les pensées qui m’accablaient en ce moment m’occupaient bien assez pour que je ne me concentre que sur elles. Je ne pris même pas la peine de me montrer accueillante. Pourtant, ces coups à ma porte avaient été particulièrement doux.
Néanmoins, une partie de moi ne voulait pas qu’on entre. Je nourrissais encore l’espoir candide que tout ça soit faux. C’était trop lourd à accepter. Mais si j’en entendais parler encore une fois, j’allais devoir me faire une raison.
Eilwen, ma plus proche amie, en plus d’être ma sœur, venait d’ouvrir la porte. Elle avait hésité à entrer. Mon aînée était déjà submergée par l’émotion. Elle venait de l’apprendre à son tour. Cette simple lettre que j’avais ouverte en rentrant à la maison, elle l’avait lue.
Eilwen : « Ryn… »
Je levais la tête. Si l’on pouvait deviner immédiatement de quoi il en retournait en scrutant son visage, la tâche était plus difficile pour le mien. Les yeux encore secs, ce n’était pas la tristesse dans mes traits, mais une morose apathie qui pouvait lui permettre de comprendre. Néanmoins, elle prit le temps entre deux sanglots de s’en assurer.
Eilwen : « Tu l’as lue…toi aussi ? »
Son état ne me laissait pas indifférente, et la mention tant redoutée de cette vérité me fit grimacer un instant.
Deryn : « Oui… Nojùcénie… »
Cela faisait deux mois. Deux mois depuis qu’une première lettre avait ébranlé notre famille. L’enlèvement de notre adorable cousine. Ne pas savoir ce qui était en train de lui arriver était terrible. Continuer notre quotidien avec cette idée en tête était tout bonnement insoutenable.
Bientôt, ce fut une deuxième lettre qui nous parvint. Notre cousin, à son tour, était porté disparu, et toutes les informations que nous avions laissaient penser qu’on ne les reverrait plus. Nous n’avions trouvé aucune trace de leurs ravisseurs. Un seul rapport mentionnait deux personnes dans une calèche, ainsi que Lucéard. Il aurait été retrouvé, et se serait une fois de plus volatilisé.
Pourtant, nous ne pouvions qu’espérer. Ils pouvaient tous deux être encore en vie. Et la prochaine lettre nous sauverait peut-être de cette attente cruelle. Elle ne vint que deux mois plus tard. Nous n’avions plus de raison d’espérer, mais si l’on m’avait demandé pendant cette période interminable si j’y croyais encore, j’aurais dit que oui. Pour moi, ils ne pouvaient qu’être vivants, tant que je n’en étais pas sûre. Tant qu’on ne m’avait pas dit le contraire, je considérais, envers et contre tout, que notre vie allait enfin reprendre comme avant. Nous ne nous voyions qu’une fois par mois au maximum, mais ce temps que l’on passait ensemble était particulièrement précieux.
Eilly avançait lentement vers moi, le regard plus brillant que jamais, lustré par ses larmes, et par la profondeur de ses sentiments.
Elle posa sa main sur la mienne, presque trop fort.
Eilwen : « Je te connais trop bien. Tu dissimules tes sentiments, tu n’inquiètes personne, et c’est toujours toi qui vient à moi pour me réconforter, mais… »
La voix nouée par le chagrin, elle parvenait difficilement à faire taire le tumulte qui sévissait en elle.
La lettre du Duc que nous reçûmes ce jour-là mit un terme à ces deux mois de calvaire. Lucéard était revenu sain et sauf, et notre oncle eut la présence d’esprit de conclure son texte sur cette nouvelle. Mon soulagement me fit comprendre à quel point, d’une certaine manière, je tenais à lui. Cependant, cette histoire de repartir à nouveau loin du palais, je ne la comprenais pas. Mais une fois la lettre reposée, je ne pouvais repenser qu’à une seule de ses lignes. Celle où il était question des funérailles de Nojùcénie.
Eilwen : « Mais… Cette fois-ci ! J’aimerais que tu saches que je suis aussi là pour toi ! Toujours ! »
Ses lèvres tremblaient, tandis qu’elle attrapait mon autre main.
Eilwen : « Je sais à quel point c’est douloureux ! Alors si tu veux me parler de ce que tu ressens… Si tu veux te reposer sur moi… »
Sans pouvoir finir sa phrase, ma chère sœur fondit en larmes, s’accrocha à moi, et sanglota contre mon ventre. Elle ne s’arrêtait plus, et je n’étais pas indifférente non plus. Sa souffrance était mienne.
Je posais ma main sur son crâne et commençais à caresser ses cheveux avec une infinie tendresse. Le sourire amer, je la contemplais avec affection.
Deryn : « Eilly… »
Même dans un tel moment, je pouvais sentir une agréable chaleur dans mon cœur. Après avoir lu cette lettre, sa première réaction avait été d’aller me voir pour me consoler, alors qu’elle était incapable de contenir ses propres émotions, elle avait d’abord pensé aux miennes.
Deryn : « Tu es la meilleure sœur dont je puisse rêver. Je suis touchée que tu sois venue me voir. Mais, tu sais, quand tu exprimes ces sentiments que je garde au fond de moi, ça me fait énormément de bien. À chaque fois. »
Eilly se hissa le long de mon corps pour finalement enrouler ses bras autour de mon cou, et continua de sangloter contre mon épaule. Poussant tout son poids contre moi, elle finit par me faire basculer en arrière, ce qui réussit à m’amuser.
Eilwen : « C’est pas juste… C’est encore toi qui me réconforte. »
Je mis à mon tour mes bras autour de sa taille, et la serra aussi fort que je ne le pus. J’étais apaisée.
-2-
Le menton sur les genoux, je n’avais plus que mes jambes à étreindre dans cette bien trop vaste chambre du palais de Lucécie. Ce souvenir m’était revenu alors que je peinais à trouver le sommeil.
Mais aujourd’hui, tu n’es pas là pour me consoler, Eilly…
Les chambres de mes deux cousins étaient vides, la chambre qu’utilisait ma sœur l’était aussi. S’il n’y avait eu qu’un seul d’entre eux, nous aurions pu rester ensemble. Je n’aurai pas eu à être seule.
Je ne savais pas quoi dire à mes parents, à mes grands-parents, à mon oncle. Je ne pouvais deviner ce qui était arrivé à Eilly. Je sentais juste que c’était grave, et qu’on avait hélas toutes nos raisons de nous inquiéter. Demain, j’allais encore devoir faire face à une terrible vérité.
Ma nuit fut un prolongement de ce cauchemar qu’était devenu ma réalité. Cette sensation terrible que j’avais ressenti pendant l’attaque de cette femme, tout le monde avait dû la ressentir. Je n’avais rien pu faire pour empêcher ça.
Le petit-déjeuner fut rapide et silencieux. Nous n’avions tous qu’une hâte. Les carrosses partirent alors que la grande cité aurait dû être à nouveau baignée de la lumière du jour. Mais de sombres nuages s’étaient accumulés pendant la nuit.
Avant que la porte d’entrée des Ystyr ne s’ouvre, je n’avais pas pu quitter du regard l’intersection où le drame était survenu.
Lloyd : « Bonjour. Entrez. »
Le docteur se fit accueillant. Les poches sous ses yeux contredisait pourtant ce sourire dont il nous gratifia.
Nous fûmes invités à nous rendre dans le salon. Les deux étranges personnages de la dernière fois n’étaient plus là. Il faisait encore froid.
Plutôt que de pénétrer comme le reste de la famille dans cette pièce, j’attirai l’attention du médecin.
Deryn : « Puis-je aller la voir, s’il vous plaît ? »
Quand Eilly n’était pas à mes côtés, je pouvais me montrer assez timide. L’homme en face de moi semblait considérer la question, et finit par hocher la tête avec quelques réserves.
Je le remerciai, et feins de ne pas me presser pour entrer dans la salle de soin. Il était mal vu de la part de la noblesse de se montrer impatient, et les miens décidèrent d’attendre le diagnostic du docteur dans le petit salon.
Je passais le premier rideau que m’avait indiqué le père d’Ellébore. Eilly était là. Elle dormait paisiblement. Son teint n’avait rien d’inquiétant. Je ne pourrais décrire à quel point je fus soulagée de la voir ainsi. Je pris un tabouret et m’assis le plus près d’elle.
J’étais toujours amère. Elle ne devait pas aller bien. Pas après ce qui lui était arrivé. Et pourtant… La voir dormir insouciamment m’aidait à relativiser. Je n’avais pas perdu ma grande sœur.
J’attrapai discrètement sa main, et sa chaleur me parvint. Je ne pouvais que décrocher ce sourire en coin qui me caractérisait.
Ses yeux finirent par s’ouvrir, bien moins lumineux qu’à leur habitude. Elle se redressait lentement après m’avoir aperçue.
Deryn : « Eilly… »
Sans manifester une émotion particulière, elle regardait à droite, puis à gauche. Elle semblait perdue.
Deryn : « Comment tu te sens ? »
Je m’attendais à ce qu’elle réponde à mes inquiétudes avant même que je ne le lui demande, mais cela ne lui était manifestement pas venu à l’esprit.
Eilwen : « Je vais bien. »
Elle n’était pas très expressive ce matin, c’était le moins qu’on puisse dire.
Deryn : « Tu es sûre ? Tu n’as mal nulle part ? »
Elle me regardait fixement, comme si mon insistance était troublante. Elle finit par faire non de la tête.
Je pouvais enfin souffler.
Deryn : « Tu m’as fait une de ses peurs, Eilly. Mais c’était tout toi de protéger Père sans la moindre hésitation. À l’avenir, essaye d’être moins casse-cou, d’accord ? »
Cette petite partie de moi qui tenait bêtement à ce que l’incident d’hier n’ait pas de conséquence ne faisait que gagner en légitimité. Je puisais chez ma sœur de quoi me dire qu’elle ne subirait aucune séquelle.
Mais Eilly regardait dans l’autre direction, peut-être vers Lucéard. Avait-elle totalement décroché de notre conversation ? Ce n’était pas comme si j’avais palabré sans m’arrêter.
Deryn : « Tu… Tu dois être mal réveillée. Ce serait peut-être mieux que je te laisse te préparer, on t’a apporté des vêtements de rechange. Tout le monde a hâte de te voir. Ils se sont tous fait un sang d’encre. »
Eilwen : « On pourra rentrer après ? »
Eilly… ?
Elle se montrait insensible à ce que je venais de lui dire. Je pouvais toujours mettre ça sur le compte de la fatigue, mais c’était si loin de la réaction à laquelle je m’attendais que je ne pouvais qu’être perplexe.
Deryn : « Oui, je pense… Je ne sais pas trop… »
Quelque chose me chiffonnait.
Deryn : « Tu te souviens de tout ce qu’il s’est passé hier ? Le docteur Ystyr t’a raconté ce qui s’est passé après ? »
Eilwen : « Raconter quoi ? »
Je lui montrais un sourire crispé.
Deryn : « Tu n’as pas l’air de t’intéresser beaucoup à ce qu’il s’est passé hier. Tu n’as pas envie d’en parler pour l’instant ? »
Eilwen : « Je veux rentrer. »
Sans mettre de sentiment sur ce souhait, elle ignora tout simplement la question.
Deryn : « Je vais demander au Docteur Ystyr alors. Pour l’instant reste ici, et n’hésite pas à te recoucher, tu as sûrement encore besoin de repos. »
Je me levais et lui fis un signe de main pour lui dire que je ne tarderai pas à revenir.
À peine le rideau passé, tous mes efforts pour avoir l’air naturel prirent fin.
Je quittais la pièce à pas lents avant de retrouver les autres.
Tous les Nefolwyrth, ainsi que le Duc, étaient assis autour de tasses de thé.
Je sentis leur agitation en m’apercevant.
Irmy : « Deryn, tu as pu lui parler ? »
Le Docteur avait déjà dû leur dire qu’elle allait bien. Que d’un point de vue médical, elle allait bien. Il avait dû lui parler hier. Mais s’en était-il rendu compte ? Était-ce moi qui me faisais des idées ?
Je souris à ma mère et à tous les autres, à défaut de grimacer.
Deryn : « Elle est réveillée. Mais elle n’a pas encore les yeux en face des trous, je pense. Elle m’a dit qu’elle ne sentait aucune douleur. »
Un vent de soulagement soufflait dans la pièce. Père et Mère semblaient rassurés pour leur fille.
Je me tournais ensuite vers le docteur qui hésitait à fuir mon regard.
Deryn : « Docteur Ystyr, vous n’avez rien remarqué en lui parlant ? Se pourrait-il qu’elle ne se comporte pas normalement ? »
Même avant que je ne lui fasse part de ce que j’avais ressenti, il avait vu dans mes yeux que j’avais compris. Ce fut à ce moment-là qu’Ellébore ouvrit la porte. Elle avait entendu la fin de la question, et son visage se chargeait de douleur. Son père lui fit un signe de main, comme pour la sommer de le laisser parler.
Lloyd : « Comme je viens de le dire à ta famille, elle semble en parfaite santé. Néanmoins, elle pourrait être encore… Troublée. Je pense que vous devriez aller lui parler par deux au maximum pour ne pas trop la fatiguer. »
Deryn : « Je vois… »
Je ne voyais rien du tout. Pourquoi se montrait-il aussi évasif ?
Chaque battement de mon cœur me paraissait plus douloureux que le précédent.
-3-
Quand le dernier patient fut parti, nous étions à nouveau tous réunis dans le salon. Nous avions tous eu l’occasion de lui parler, et de la laisser se reposer. Eilly s’était montrée très insistante pour partir, mais ce ne fut qu’une raison parmi tant d’autres pour lesquels chacun de nos visages étaient graves.
Le docteur profita du fait que nous étions tous rassemblés pour s’adresser encore à nous. Je n’étais pas la seule à m’en douter. Il avait quelque chose à nous dire depuis le début. Quelque chose qu’il redoutait de nous expliquer autant que nous redoutions de l’entendre.
Lloyd : « Je pense qu’Eilwen peut rentrer au Palais dès ce soir. Elle y sera plus à l’aise, et récupérera mieux là-bas. Néanmoins, au moindre problème, n’hésitez pas à m’envoyer un petit-duc, quelle que soit l’heure. »
Le peuple n’avait que rarement la possibilité de recourir aux oiseaux messagers, mais je supposais qu’un médecin devait pouvoir être contacté le plus rapidement possible.
L’état de Mère m’inquiétait aussi. Elle semblait déjà à bout. Mon père quant à lui, tentait de conserver son calme.
Gobeithio : « Merci, docteur… Mais… À quoi devons-nous nous attendre ? »
Le visage du médecin se décomposait lentement. Jusqu’à ce qu’il se fasse une raison. Il nous regarda droit dans les yeux, les uns après les autres.
Lloyd : « Votre fille montre des symptômes qu’on pourrait associer à des troubles d’un ordre psychologique. Ce qui veut dire qu’elle n’a à proprement parler aucune maladie au sens où vous l’entendez, ni aucun traumatisme physique. Il y a quelques conditions médicales que l’on pourrait associer à son état, mais il est trop tôt pour se prononcer. »
Le ton qui accompagnait ses mots ne faisait que nourrir notre angoisse. Mon corps se raidissait à mesure qu’il parlait.
Lloyd : « Il se peut qu’elle montre des difficultés à se concentrer, à communiquer, ainsi qu’à se souvenir de certaines choses. »
Rhys : « … »
Lloyd : « Elle pourrait avoir tendance à s’isoler, à ne plus montrer d’intérêts pour ses activités habituelles, à avoir des pertes d’énergie soudaines. »
Mabyn : « … »
Lloyd : « Elle risque aussi de se détacher de la réalité, et parfois avoir un comportement que l’on pourrait trouver illogique. »
Gobeithio : « … »
Lloyd : « Elle risque de faire des caprices, et des demandes irraisonnables, même si ce n’était pas vraiment dans sa personnalité. Elle pourrait aussi être sujette à de violentes sautes d’humeur. »
Illiam : « … »
Lloyd : « Elle pourra avoir tendance à nier certaines choses déplaisantes, y compris son état, ce pourquoi je vous inviterai à éviter d’aborder ce sujet avec elle. »
Deryn : « … »
Lloyd : « Ses capacités cognitives, et certains mécanismes sociaux d’Eilwen pourraient être défaillants. En d’autres termes, elle n’aurait plus ce que l’on pourrait considérer comme du bon sens. »
Ellébore : « … »
Lloyd : « Sa situation peut évoluer, aussi bien que se dégrader… Elle pourrait développer certaines habitudes, et se retrouver prisonnière de ce qu’on appelle des comportements obsessionnels compulsifs… Aussi, il y a un certain risque qu’elle- »
Irmy : « Assez… »
Le docteur n’avait de toute façon plus le cœur à continuer. Mère s’était levée, au bord des larmes.
Irmy : « Assez… ! »
Elle n’était pas prête à entendre un mot de plus. Plus personne ici ne le pouvait. Ellébore baissait la tête, incapable de faire face à cette scène tragique. Son père tremblait comme une feuille, il portait toute la responsabilité de ce qu’il nous avait annoncé.
Et moi, qu’est-ce que j’en pensais ?
C’était bien la conclusion que j’attendais après avoir parlé plusieurs fois avec Eilly. Mais maintenant que je le savais, j’étais encore plus terrifiée.
-4-
L’atmosphère fut pesante tout le reste de la soirée. Après le dîner au Palais, je me décidais à rejoindre ma sœur dans sa chambre, comme à mon habitude…
Deryn : « Eilly, je peux entrer ? »
On entendait dehors la pluie battre sans répit contre le balcon.
Eilwen : « Oui, bien sûr. »
Je m’assis à côté d’elle sur son lit, et soupira, avant de lui sourire.
Deryn : « Quelle ambiance ce soir… »
En m’adressant à elle comme je le faisais d’habitude, je tentais de rationaliser. Je cherchais en vérité à me rassurer moi-même.
Eilwen : « Tu l’as dit… Qu’est-ce qui leur prend à tous ? »
La voir répondre ainsi me levait un poids des épaules. Une bonne partie de ce qu’elle disait n’était pas choquant, voire parfois habituel. C’était un peu l’évidence même. Je ne cernais toujours pas la nature de sa condition. Je n’aurai pas su dire si elle en souffrait ou non. Après tout, y avait-il pire mal qu’une condition dont on n’a même pas conscience ?
Deryn : « Ils s’inquiètent pour toi. Et pour Lucéard aussi. Vous vous êtes mis en grand danger. »
Ma sœur avait réagi au mot danger comme si la simple mention de ce concept faisait émerger chez elle un sentiment d’anxiété.
Eilwen : « … »
Deryn : « Ne fais pas cette tête, je ne te réprimande pas. Sans toi, qui sait ce qu’il serait arrivé à Père ? »
Je fus la plus étonnée parce que je venais de dire. Cela m’était totalement sorti de la tête. Il n’aurait pas survécu si elle n’était pas intervenue. Il n’y avait aucun doute à ce sujet.
Eilwen : « Tu crois qu’il m’en veut ? »
Je la fixais, presque incrédule qu’elle puisse penser ainsi.
Deryn : « Non… Bien sûr que non, Eilly. Tout le contraire. Il doit être très fier de toi ! Et reconnaissant ! Tout comme moi ! »
Eilwen : « Hm. »
Cette réponse annonçait les suivantes. Sans que je ne comprenne pourquoi, Eilly semblait soudain réticente à la discussion. Son moral était en chute libre. Il n’y avait pourtant aucune raison.
Deryn : « Qu’est-ce qu’il y a, Eilly ? On dirait que quelque chose te tracasse ? »
Elle pouvait en dire autant de moi. La voir sans son énergie habituelle était un coup dur.
Eilwen : « Rien. »
Ma tentative de la rassurer s’était soldée par un rejet. Comment pouvais-je ne pas me sentir impuissante après ça ? Je la sentais à présent s’éloigner, et l’amère conviction que je ne pouvais pas l’arrêter me tétanisais. Je n’étais plus capable de la comprendre.
Deryn : « Demain, on pourrait faire quelque chose tous ensemble pour se changer les idées ! »
Ce sourire, douloureux à maintenir, ne l’intéressait pas.
Eilwen : « Hm. »
Elle était partie là où je ne pouvais plus la suivre. Après quelques autres tentatives infructueuses, je finis par lui souhaiter une bonne nuit, avant de rentrer dans ma chambre.
Elle avait fini par se murer dans le silence, et chacune de mes interventions me parut contre-productive. Je m’étais sentie complètement désemparée.
Je me mis sur mon lit, le cœur serré par la frustration.
Je frappai le matelas un coup. Puis je m’étendais de tout mon long sur lui avant de le marteler de plus bel.
Non… Ça ne va pas !
Que mes émotions débordent au point d’en devenir violente, c’était certainement une première pour moi. Mais l’étrangeté de mon propre comportement ne m’intéressait pas.
Ce qui n’allait pas, c’était Eilly. Je n’avais pas eu l’impression de parler avec elle. Encore une fois. Il y avait certaines choses qui lui ressemblaient, mais ça n’était pas elle.
Pourquoi… ? Pourquoi.. ?!
Je frappais encore du poing, le visage enfoncé dans le tissu.
Je finis malgré tout par m’endormir.
-5-
Le lendemain matin, les adultes s’adressaient à elle comme si de rien n’était. Que pouvaient-ils faire de plus après tout ? Ses réponses étaient de plus en plus évasives, et pouvaient parfois même être carrément bizarres.
Dans le grand corridor à la sortie de la salle de réception, je rattrapais ma sœur qui ne s’était pas sentie obligée de rester plus longtemps que nécessaire à table avec nous tous.
Deryn : « Eilly ? Quelque chose ne va pas ? »
Je retentais de rester naturelle.
Même s’il ne fallait pas longtemps pour que ma bonne volonté ne se fasse broyer sous le poids de l’impuissance, après quelques minutes, j’avais à nouveau le cœur de venir à sa rencontre, et d’espérer changer les choses. Mais qu’attendais-je au fond ? Qu’est-ce qui pouvait changer ? Si j’avais dû remarquer une évolution depuis notre première discussion, j’aurais dit que son état empirait. Comme si quelque chose continuait de s’empiler dans son esprit, le rendant de plus en plus bancal.
Eilwen : « Je veux sortir. »
…
Deryn : « Tu n’es pas sérieuse… ? Il pleut des cordes, enfin… »
Son regard, presque inexpressif, était rivé sur moi, comme si c’était mon attitude qui était curieuse.
Eilwen : « … »
Elle se dirigeait malgré tout vers le hall d’entrée.
Je la retins d’un bras.
Deryn : « Et… Et si nous jouions à Bestiaires ? Pour l’instant, nous n’avons qu’à nous affronter en duel, puis on pourra faire une partie tous ensemble tout à l’heure ! »
Je n’avais plus très bonne mine, mais en me montrant le plus enthousiaste que je pus, j’espérais attiser son envie. C’était exactement comme tenter de persuader un enfant.
Eilwen : « Non. »
Sans forcer, elle se libéra de mon étreinte.
“Non” quoi ?
Sans prendre la peine d’argumenter, elle rejeta en bloc ma proposition. J’étais au courant. Je savais que cela pouvait arriver. Je savais que ça allait arriver. Je n’osais même pas plaisanter sur le fait que ça ne lui ressemblait pas. Les jeux, c’était vraiment son truc. Si on ne pouvait pas obtenir d’elle une réaction en proposant une journée entière de jeu, que pouvait-on encore espérer ?
Elle ne faisait plus grand chose d’ailleurs. Si elle prenait un livre, c’était pour le poser aussitôt. Je m’attendais à ce qu’elle développe un nouveau centre d’intérêt pour remédier à cette oisiveté. Mais qu’en serait-il ?
Sans m’en rendre compte, le regard que j’avais toujours eu sur elle commençait à changer.
Bien évidemment, on ne joua pas ce jour-là. Personne n’avait la tête à ça, de toute façon. Toutes les interactions que j’eus avec elle le reste de la journée eurent la même conclusion. Je ne pouvais plus l’atteindre. Je ne la reconnaissais plus, à tel point que je me dénaturais moi-même à son contact.
Après le dîner, je rentrais directement dans ma chambre. Dire que ça ne m’arrivait pas souvent aurait été un euphémisme.
Je venais de le réaliser. J’en étais venu à avoir peur de ma sœur. Peur de ses réactions. Peur que passer du temps avec elle ne me brise le cœur.
Une voix étouffée m’échappa quand mon poing heurta l’oreiller pour la première fois de la soirée.
Comme tous les soirs, j’aurai dû aller la voir… C’est pourtant bien ma sœur … Pourquoi je lui fais ça ?!
Je frappais et frappais encore. Les larmes n’avaient toujours pas coulé une seule fois. Je n’extériorisai que ma frustration, et jamais cette tristesse qui m’accablait. Je ne pouvais pourtant pas aller plus mal, mais je ne pleurais toujours pas.
Tout mon corps tremblait encore de fureur avant que je ne m’endorme. Dans mes rêves, elle était toujours la même. Toujours ma précieuse grande sœur. Le monde des songes ignorait encore tout de la tragédie qui nous avait frappé.
Je me réveillais, toujours cramponnée à ce coussin. Je revenais à la réalité alors que mes rêves étaient encore vivaces dans mon esprit. Cette dualité s’exprimait en moi par des sentiments complexes. J’avais la force d’essayer une fois de plus, mais la peur de me briser davantage si j’essuyais un nouvel échec.
Dans mon cœur aussi, quelque chose s’était entassé, et ce poids pouvait me faire basculer à tout moment.
Après le petit-déjeuner, je la suivis dehors. Elle s’assit sur un banc mouillé, et regardait les nuages sombres au-dessus de nos têtes.
Eilwen : « Nous devrions rendre visite à Lucéard, il s’est peut-être réveillé. »
Je m’assis à côté d’elle, et fit abstraction de la sensation désagréable qui allait avec.
Deryn : « Oui, c’est une bonne idée. Ce serait bien de pouvoir être là à son réveil. Cela va bientôt faire une semaine, après tout… »
Eilwen hochait la tête, pensive.
Eilwen : « J’aimerai rentrer à la maison. »
Elle, qui à chaque séjour était déçue de constater qu’il touchait à sa fin, venait d’émettre une curieuse requête.
Notre famille ne savait plus où elle en était. Dans l’état actuel des choses, il était difficile de se projeter dans l’avenir. Personne n’était prêt à revenir à notre routine habituelle, cela reviendrait à reconnaître que plus rien ne serait comme avant.
Deryn : « C-c’est rare que tu veuilles rentrer. Pour une fois, nous avons une raison en or de prolonger le séjour. »
Ce rire jaune ne m’était pas familier. Elle ne semblait cependant pas y faire attention.
Eilwen : « Je ne me sens pas bien ici, je veux rentrer. »
Mon ton devint subitement amer, voire cassant.
Deryn : « Ce ne sera pas mieux là-bas. »
Eilwen : « Si. »
D’un air capricieux, elle me contredit sans hésiter.
Eilwen : « Il n’y a pas de raison. »
Deryn : « … »
Je serrai les poings.
Eilwen : « Qu’est-ce qu’il y a ? »
Totalement inconsciente de ce qu’elle nous faisait endurer, elle me fixait de ses grands yeux éteints.
Deryn : « Rien du tout. »
Cette voix agacée aurait dû la surprendre plus que ça. Jamais je ne m’étais adressée à elle comme ça.
Eilwen : « Réponds, enfin… »
Tu es gonflée de me dire ça, après m’avoir tant ignorée cette semaine.
Deryn : « Laisse tomber. »
Je serrai les dents. Pendant tout ce silence, elle me regardait comme si c’était moi qui avait l’air bizarre. Elle commençait à approcher son bras de moi.
Eilwen : « Mais dis-m- »
Dans un claquement, je rejetais sa main du revers de la mienne avant de me lever. J’étais hors de moi. Je laissais finalement exploser tout ce que j’avais sur le cœur. Je ne le contrôlais plus.
Deryn : « Tu ne vois pas que si tout va mal, c’est parce que tu te comportes comme ça ?! Est-ce que tu peux au moins comprendre qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez toi ?! »
Je lui avais hurlé dessus, de manière bien plus violente que ce dont je me pensais capable. Eilwen se tenait encore la main, surprise de la douleur, mais levait ses yeux vers moi, les pupilles tremblantes, elle était terrorisée.
La colère était montée jusqu’à mes joues rougissantes. Mais en voyant l’expression sur le visage de ma sœur, je me rendis compte.
Je reculais de quelques pas, à mon tour effrayée par ce que je venais de faire. C’était inhumain.
Je partis en courant, laissant derrière moi mon aînée, seule et confuse.
Je m’étais enfermée dans ma chambre, et tordais les draps dans mes deux poings, le visage enfoncé dans un oreiller. J’enrageai jusqu’à taper nerveusement des pieds sur le matelas.
Pourquoi je lui ai dis ça…?! Comment j’ai pu dire une chose pareille à Eilly…?!
J’en venais à me détester, à me répugner au plus haut point.
Mon cœur était si lourd que chaque battement en devenait un calvaire.
Le constat le plus effroyable était que tout cela allait continuer. Même si je devais me haïr à chaque fois, rien ne pouvait m’empêcher de recommencer. Si ça n’allait qu’en empirant, je n’aurais plus jamais la patience dont j’aurais dû faire preuve à son égard.
Elle avait besoin de plus d’amour qu’elle n’en avait jamais reçu, et ce fut à ce moment-là que je n’avais plus la force de lui en donner. Son mal était le plus cruel d’entre tous, car il la poussait à s’éloigner de nous, et nous à nous éloigner d’elle, sans qu’elle ne puisse souhaiter être aidée, comme une plaie qu’on entretient pour qu’elle reste indéfiniment ouverte.
Je commençais enfin à comprendre que le mal insidieux qui l’avait frappée…m’avait frappée aussi.
Emportée dans ma propre tourmente, prête à perdre espoir, la dernière enfant Nefolwyrth épargnée cédait lentement ce qu’elle était, à son tour.
-6-
Je ne savais pas combien de temps était passé, mais l’on vint toquer à ma porte.
Je ne faisais déjà plus aucun bruit depuis quelques minutes. Avec un peu de chance, la personne de l’autre côté conclurait que je n’étais plus là.
La porte s’ouvrit malgré tout.
Eilly la refermait derrière elle, et me regardait. Quand elle vit le visage grave qui était le mien, je reconnus dans le mouvement de ses sourcils le sentiment qui l’envahit. Elle était morte d’inquiétude.
Je me redressais sur le bord de mon lit, ne sachant pas comment réagir.
Eilwen : « Ryn… Dis-moi ce qui ne va pas… »
Je détournai le regard de la personne la plus chère à mon cœur.
Deryn : « Rien… »
Malgré tout ce que je m’étais dit, je lui parlais froidement à nouveau, comme si mes sentiments me dépassaient.
Je la laissais s’approcher.
Eilwen : « Dis-moi, je t’en prie… »
Ses réactions étaient plus vives que précédemment. Son regard était toujours terne, mais humide à présent.
Deryn : « … »
Quelque chose me retenait. Je ne parvenais pas à lui répondre. J’en avais tout sauf envie. C’était même devenu de l’aversion.
Ses bras s’enroulèrent autour de moi, et à ma grande surprise, elle me serra contre elle. Elle m’enlaça avec une telle ferveur que je ne parvenais même plus à penser. Sa voix s’adoucit.
Eilwen : « Tu n’as pas oublié ? Je t’avais dit que je serai toujours là quand tu es triste… »
Elle peinait à parler, la voix étouffée par un sanglot.
Eilwen : « Alors… S’il te plaît… Dis-moi… »
Elle venait de déclencher quelque chose au plus profond de moi.
Deryn : « Eilly… »
Ma vision devint trouble.
Eilwen : « Je ne peux pas rester sans rien faire alors que ma petite sœur souffre autant. Ryn. Tu sais que quoi qu’il arrive, je serai toujours à tes côtés. Je t’aimerai toujours du plus profond de mon cœur ! »
Ces mots remplis d’affection, cette tendresse, c’était bien Eilly. C’était bien ma sœur.
Je la serrai à mon tour, en gémissant.
Deryn : « Je… »
Une fois que les larmes coulèrent, je ne pouvais plus les arrêter.
Deryn : « Je suis désolée… ! Je suis désolée… ! Pardonne-moi, Eilly… ! J’ai été la pire sœur au monde… ! »
Je m’épanchais sur son épaule. Ce gros chagrin n’était pas près de prendre fin. Elle me caressait les cheveux, délicatement, sans dire un mot.
J’avais le cœur brisé. Tout ça était bien trop dur pour moi. Après tout ce qu’elle avait enduré, j’avais dû moi aussi la blesser terriblement.
Mais Eilly, elle, ne s’était pas énervée une seule fois, elle n’avait jamais désobéi aux parents, elle ne nous avait pas mis dans l’embarras. Bien des comportements dont on avait été prévenu ne s’étaient pas produits.
Eilly avait fait de son mieux pour être douce avec nous, pour ne pas nous faire davantage de peine. Elle devait avoir si peur, et ne comprenait certainement pas ce qui lui arrivait.
Ma grande sœur était toujours là. C’était bel et bien elle. Ses sentiments n’avaient pas changé. Maintenant qu’elle m’enveloppait de son amour, tout me paraissait évident. Je devais être là pour elle, moi aussi. Je ne devais jamais plus l’abandonner.
Mon étreinte se resserra, je peinais toujours à parler.
Deryn : « Je te chéris plus que tout au monde, et ça ne changera jamais Eilly. Jamais ! »
Je n’avais jamais été comme ça avant. Je pleurais à chaudes larmes sans pouvoir m’arrêter, et c’était elle qui me réconfortait.
Eilwen : « Ryn… »
L’espace d’un instant, je pus voir son plus grand sourire. Lui non plus n’avait pas disparu.
Ma sœur semblait en paix. Et ce moment, pour moi aussi, resta l’un de mes plus précieux.
La morosité incessante de ces derniers repas prit fin. Il avait fait place à la stupéfaction. Notre famille nous regardait discuter toutes les deux comme si rien ne s’était passé. Et la douceur avec laquelle je m’adressais à Eilly finit par les soulager. C’était comme si rien ne s’était jamais passé.
Leur amertume ne trouvait pas de trêve pour autant, et la mienne non plus, bien entendu. Mais l’espoir venait de renaître de ses cendres. Et cette chaleur qui brûlait à ce moment dans mon cœur n’était plus prête à s’éteindre.
-7-
-Ellébore-
Lloyd : « Ellébore ? »
Mon père vint me rendre visite dans ma chambre. Les Nefolwyrth venaient de repartir après la terrible nouvelle. Pour me changer les idées, j’étais en train de consulter mes notes concernant toute cette affaire. Mais ce fut vain. Je ne pouvais qu’y repenser.
Ellébore : « Oui ? »
Je jugeais à l’expression complexe de mon père que lui aussi ne parvenait pas à passer à autre chose.
Lloyd : « Je n’ai finalement pas été à la hauteur quand je leur ai annoncé… Il y avait de bien meilleurs moyens de les mettre en garde. Je n’ai fait que leur faire peur, et ça risque de causer du tort à la pauvre petite Eilwen. »
Je clignais des yeux, étonnée de le voir ainsi. Bien que cela me fit de la peine, je lui répondis par un grand sourire.
Ellébore : « Non, tu as été génial, papa ! Mon flair de détective me dit que tu as passé beaucoup de temps à réfléchir à la condition d’Eilwen et à ce que tu allais dire à sa famille. Tu t’investis toujours autant ! »
Il avait l’air toujours aussi solennel, mais ce que je lui avais dit ne le laissait pas indifférent pour autant.
Lloyd : « Ce genre de condition, tu sais, la médecine ne peut pas y faire grand chose. Il n’y a pas de traitement envisageable à notre époque, et je n’ai jamais entendu parler d’un produit qui pouvait guérir ce genre de choses. C’est véritablement quelque chose avec lequel on vit, mais… »
Comme si une fureur de vaincre l’animait, ses traits se durcirent.
Lloyd : « …On trouvera bien un moyen ! »
J’écarquillai les yeux en entendant ces mots. Je n’attendais que de l’entendre de sa bouche pour reprendre foi.
Lloyd : « Il n’y a pas de traitement standard, c’est certain, car chaque personne est différente, mais avec une famille qui l’aime et qui reste auprès d’elle à travers cette épreuve, elle pourra trouver la force de s’en sortir, j’en suis certain. Et nous aussi, nous pouvons sûrement l’aider ! »
Ellébore : « Papa… »
Sa rigueur professionnelle n’était pas au rendez-vous, mais ses mots surent faire renaître l’espoir.
Ellébore: « Tu as raison ! Nous n’abandonnerons pas ! »
Et c’est guidée par cette lueur que je trouvais la force d’aller de l’avant moi aussi. J’étais déterminée à déjouer la fatalité qui frappait cette famille, malheur après malheur. J’étais prête à repartir.