Nefolwyrth
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Chapitre 18 – Par tous les moyens
Chapitre 17 – Le fracas de leurs déterminations Menu Chapitre 19 – Une accalmie tourmentée

-1-

La future école de Lucécie était encerclée de gardes. Une prise d’otage avait lieu en ce moment même, attirant toute sorte de badauds.

Mon combat à l’intérieur venait de se terminer, mais deux nouveaux bandits me mirent dos au mur. Heureusement, mon précédent adversaire fit son grand retour, et fut tout aussi impitoyable avec eux. Face à l’arme massive qu’il brandissait, les deux voyous prirent la fuite.

Nous n’étions plus que deux dans la pièce. Sans se tourner vers moi, ce que j’espérais être mon nouvel allié prit la parole.

???: “Moi, C’est Léonce.”

Ce dénouement me réjouit.

Lucéard : « Enchanté. Alors comme ça tu t’es décidé à changer de camp ? »

Il se tourna vers moi, inquiet.

Léonce : « Ces types-là ne sont pas avec nous, je n’ai aucune idée de ce qui se passe dans ce bâtiment. Mais j’ai un mauvais pressentiment. »

Il s’approcha de moi.

Léonce : « J’ai un but qui me tient à cœur plus que tout, et je ne reculerai devant rien pour y arriver… Quitte à devoir accepter ton aide. »

Il était toujours aussi amer, mais indubitablement résolu à aller jusqu’au bout. Il valait mieux avoir une telle force de la nature de son côté.

Lucéard : « Drôle de façon de présenter les choses, mais bon. Allons rejoindre les autres. »

Avant même que nous nous mettions en marche, il me mit en garde.

Léonce : « Ils ont l’air d’être nombreux. Mais écoute bien, une fois que nous serons dans la salle où sont retenus les otages, ne m’appelle surtout pas Léonce. »

Après cette requête énigmatique, il couvrit son visage d’un bandana. Je croisai les bras puis laissai basculer ma tête d’un côté, perplexe.

Devant le bureau du directeur se trouvaient deux gardes. Tout laissait présager qu’il ne s’agissait pas des preneurs d’otages.

D’autres bandits auraient récupéré la rançon et les otages ? Cela veut probablement dire que le groupe de Léonce s’est fait vaincre par celui-ci.

Sans perdre une seconde de plus, Léonce surprit les deux malfrats et les envoya au tapis en un instant. Il me fit à présent signe pour que nous rentrions.

Celui-là, il est encore plus enragé qu’à la fin de notre combat.

Je soupirai en m’approchant. Même si je le cachais, j’étais préoccupé par ce qu’il y avait de l’autre côté du mur. Je ne pouvais qu’espérer.

J’ouvris d’un coup sec la porte pour pénétrer dans une large antichambre.

Baldus et Ceirios étaient déjà là, et se battaient contre un troisième visage familier. Un visage que j’espérais ne plus jamais revoir.

Tyleris : « Voyez-vous ça ? C’est au-delà de mes attentes. J’espère depuis si longtemps vous faire la peau tous les trois. »

J’étais plus répugné qu’étonné de le voir ici. Il était réellement enchanté de me voir s’ajouter à sa liste de proie.

Lucéard : « Tyla ! »

Ellébore était juste à ma droite et malgré l’angoisse sur son visage, elle semblait légèrement soulagée.

Ellébore : « Lucéard ! »

Lucéard : « Ellébore, tu n’as rien ? »

Mes trois amis étaient légèrement blessés, mais il n’y avait aucune raison de s’alarmer.

Ellébore : « Non tout va bien, Baldus est rudement fort ! …Dis… C’est qui ce garçon avec toi ? »

Elle fixait Léonce avec attention, sans que celui-ci ne daigne la regarder. Il était absorbé par notre adversaire commun.

Léonce : « Qui t’es toi ? »

Le psychopathe aux griffes rouillées semblait ravi de l’attention qu’on lui accordait. Je devinais que la porte dans son dos menait à la salle que nous recherchions.

Tyleris : « Je suis le commandant des Vertueux Justiciers de Lucécie. Je n’aurai de repos que quand la paix sera dans toutes les rues, et tous les bâtiments de cette cité si chère à mon cœur. Et en vous aventurant ici, vous avez fait le choix d’être libéré de vos péchés par mes griffes miséricordieuses. »

Ma grimace trahissait toute ma lassitude.

Oh pitié… Pourquoi lui… ?

La porte derrière lui s’ouvrit, un homme de petite taille apparut. Ses traits dénonçaient d’avance toute sa malhonnêteté.

???: « Gartner, tu as survécu ? Bien. Cet homme aux griffes et ses acolytes sont nos alliés à présent. »

C’était le pire scénario, et Léonce, qui était visiblement visé par le regard de ce roublard, semblait écœuré.

Léonce : « Mais chef, qu’est-ce que ça signifie… ? »

???: « Ne pose pas de questions ! Débarrasse-nous des intrus ! »

Cette demi-portion de meneur n’était pas du genre patient, il m’énervait déjà.

Léonce : « … »

???: « Monsieur Teisin nous garantit notre fuite avec l’intégralité du butin à condition qu’on le laisse massacrer les otages lui-même, ce n’est pas une offre qui se refuse. »

Ce hors-la-loi jubilait à l’idée d’être sorti d’une situation qu’il croyait sans issue. Avec l’arrivée de Tyla, il pouvait reprendre ses grands airs, et faire mine qu’il avait le contrôle de la situation. Il me révulsait.

Lucéard : « Tu n’es pas sérieux ?! »

Ceirios : « Oh si qu’il l’est ! »

Ceirios me répondit sans lâcher les deux hommes des yeux.

Ceirios : « On parle de Slakter, un bandit de seconde zone sans le moindre principe. C’est loin d’être la première fois qu’il sacrifie sa dignité et son humanité pour faire ne serait-ce que le plus petit profit. Un type comme lui ne peut finir que derrière des barreaux pour le restant de ses jours. »

Léonce : « On ne peut pas tuer les otages ! Ça n’a jamais été le plan ! »

Nous étions tous répugnés, mais, pour une raison qui m’échappait, c’était dans la voix de Léonce que je sentais le plus d’aversion.

Slakter : « Si t’es pas content, tant pis pour toi, Gartner. »

Conclut-il avant de repartir de là où il était venu.

Tyla semblait se délecter de nous voir tous réunis.

Tyla : « Tu seras le premier ! »

Il se jetait sur Ceirios comme un fauve. Baldus s’interposa et le repoussa avec sa dague.

Baldus : « Vous trois, allez vous occuper des otages ! Le petit gars avec la main bizarre et moi, on va se faire ce type, qui a aussi des mains bizarres. »

Tu dis ça comme si tu ne les avais jamais rencontrés…

Ellébore me fit un signe de tête, et l’on partit tous les trois quand Ceirios et Baldus nous laissèrent une ouverture.

Tyla : « Je vous tuerai aussitôt que j’en aurai fini avec eux ! »

Ce pseudo-justicier s’égosillait encore alors que nous fermions la porte derrière nous. Nous étions à présent dans un endroit sombre. Les fenêtres avaient été, à l’exception d’une, toutes dissimulées derrière le mobilier.

En plus de Slakter qui s’était déjà assis sur le confortable fauteuil au bout de la pièce, il y avait un autre homme qui était supposément là pour s’assurer que Slakter respecte sa part du marché et ne touche pas aux otages.

Tous les autres étaient ligotés dans un coin de la pièce. Il y avait majoritairement des parents, mais aussi quelques enfants, certains de notre âge. Ils étaient une quinzaine. Certains m’étaient familiers, mais un plus que les autres. Je blêmis.

Lucéard : « Ernest ?! Que faites-vous là ?! »

Il fut aussi surpris que moi.

Ernest : « Mon prince ? C’est à moi de vous poser cette question. »

Slakter : « Le prince de Lucécie ?! Haha, ça par exemple ! C’est vraiment mon jour de chance ! »

Avec son flegme habituel, mon majordome m’expliqua la situation.

Ernest : « Après votre départ, il a fallu que je me trouve une nouvelle activité, et votre père m’a proposé d’être le responsable provisoire de cet école. Bien entendu, vous restez toujours ma priorité. »

???: « Ce n’est pas le moment de discuter. »

L’autre homme pointa une lame sous le cou du vieil homme. Sa voix ne portait pas très loin, comme un murmure étouffé. Il semblait lui aussi posséder un calme à toute épreuve.

Lucéard : « Relâchez-le ! »

Alors que toute mon attention était rivée sur ce mystérieux personnage qui restait à moitié tapi dans l’ombre, je reçus un coup sur la tête.

Je me retrouvai sonné et m’écroulai par terre.

Slakter était passé derrière moi à mon insu. Un maillet ridicule pesait sur son épaule. Il riait à gorge déployée. Léonce n’avait pas osé bouger, même s’il avait vu l’homme me contourner furtivement.

Ellébore : « Éloignez-vous de lui ! »

Mon amie menaçait le chef des bandits avec sa dague tremblante. La pauvre fille paraissait terrorisée, et son corps s’était tout entier raidi.

Quand elle se rendit compte qu’elle n’avait pas réussi à l’intimider, elle avança vers lui, prête à l’attaquer. Elle reçut en retour un coup de maillet dans le ventre et fut expédiée contre un mur.

Slakter : « Oh, mais quelle belle épée tu as ! »

Ignorant complètement l’action d’Ellébore, il ne s’intéressait qu’à Caresse et me la retira alors que je luttais pour retrouver mes esprits. Par désespoir, j’essayais de plonger mon regard dans celui de Léonce, ce dernier était inaccessible, personne n’aurait pu deviner ce à quoi il pensait à cet instant.

Slakter s’avança tout guilleret jusqu’à un otage, et le menaça avec ma propre arme.

Slakter : « Gartner, attache ces deux-là ! A moins que tu n’aies envie de me défier ? »

Il avait bien deviné que l’attitude de Léonce était suspecte, et soupçonnait que Léonce n’approuve pas le meurtre. Dans ces conditions, il devinait facilement la réponse de son sbire.

Léonce : « … »

Léonce posa son arme contre un mur, et attrapa au vol des cordelettes. Il s’agenouilla et commença à me ligoter les mains, profitant du fait que j’étais trop sonné pour me débattre. Il fit ensuite de même avec Ellébore qui lui lançait un regard profond, comme si elle tentait de deviner ses intentions.

Slakter : « Quelle journée de rêve ! Plus que deux gêneurs et c’est bon ! »

Se réjouit-il avant de s’avancer vers l’autre pièce.

???: « Rappelle-toi, tous les otages sont pour Monsieur Teisin. »

Affirma sévèrement l’homme derrière mon majordome. Slakter était agacé par sa présence.

Slakter : « Je lui laisse la fille que je viens de capturer, mais la vie du prince vaut bien plus que tout, il ne peut pas mourir avant de m’avoir rapporté une fortune. Gartner et toi, vous n’avez qu’à surveiller les otages ! »

Il sortit du bureau en claquant la porte derrière lui.

Personne n’osait parler, ils avaient dû être menacés pour en arriver à maintenir un tel silence. Ellébore et moi n’osions pas non plus nous entretenir pour mettre à plat cette situation, et nous nous contentâmes de nous lancer des regards. Cette journée avait rapidement pris une tournure dramatique, et, réalisant à peine dans quel pétrin nous étions, il fallait que l’on trouve un moyen de s’en extraire.

Il nous fallait un plan, mais ce qui nous préoccupait le plus était de savoir dans quel camp Léonce était. Celui-ci restait silencieux, et tournait la tête vers les otages de temps à autre, avant de regarder ses pieds nerveusement.

Un vague sentiment naissait en moi à force de l’observer.

Léonce… Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

-2-

Léonce

Je viens d’une famille pauvre, je suis né d’une mère qui cherche sans cesse du travail, et d’un père jardinier.

Heureusement, il travaille pour le baron de notre ville depuis toujours, et celui-ci nous laisse vivre dans une cabane excentrée de son manoir.

J’ai passé mon enfance dans ce jardin qui fait la renommée du manoir de Sendeuil. Ma présence y était à peine tolérée voire tacitement interdite, même mon père était invité à ne pas se montrer lors de certains événements.

Pourtant, ce grand labyrinthe de verdure était mon principal terrain de jeu. Mes parents n’avaient pas de temps à m’accorder, et Sendeuil était trop loin pour un enfant de mon âge. Je n’avais donc aucun ami.

La hauteur des haies me rassurait, je pouvais courir sans jamais être aperçu depuis les fenêtres du manoir. Un jour, je fis malgré tout la rencontre d’une autre enfant. Nous devions avoir tous les deux neuf ans à cette époque.

Néanmoins, je me réjouissais qu’elle ne m’ait pas remarqué. J’avais peur d’aller à sa rencontre, bien que je prétextais vouloir éviter les ennuis. Je n’avais jamais vu quelqu’un avec des cheveux aussi clairs, si longs et lisses. Ses grands yeux me rappelaient la crème de lait que me préparait ma mère. Sa peau était pâle, contrairement à la mienne. Il faut dire que je passais mes journées à courir sous le soleil. Les vêtements que je portais tous les jours étaient aussi courts que sales, comme si j’étais une version miniature de jardinier. Au niveau des simples bretelles de mon débardeur, on pouvait apercevoir l’écart de teint là où les rayons n’avaient pu atteindre ma peau. Les vêtements de cette jeune fille étaient sophistiqués, et un large chapeau la protégeait du jour éblouissant. Ce qui m’intimidait le plus chez elle, c’est qu’elle était mon parfait opposé.

Elle regardait paisiblement les fleurs naissantes, assise sur un banc, à l’ombre d’un érable bien touffu.

L’odeur de ce jardin était inoubliable. Aujourd’hui encore, j’aurai pu deviner l’endroit précis où je me trouvais dans ce dédale dès la première bouffée d’air. C’était tout particulièrement vrai en ce début de printemps, où le travail de mon père lui était particulièrement reconnu. Chaque recoin de ce jardin était un petit monde en soi, où l’on pouvait trouver toutes sortes de parfums et de couleurs.

Ce jour-là, alors que sa chevelure soyeuse s’agitait au vent, je découvris une nouvelle fragrance plus douce et fruitée encore que ce que j’avais déjà pu sentir ici.

Ma famille ne faisait que jaser sur la noblesse jours après jours, et j’en avais moi aussi une image peu reluisante. Je savais aussi que les conséquences seraient terribles si je venais à croiser quelqu’un d’important, et ainsi lui gâcher sa visite du jardin. Mais cette enfant là, je voulais lui parler.

Il m’arrivait même de l’observer certains jours. J’y passais plus de temps que je ne l’imaginais. Elle venait sur ce banc si souvent. Et elle n’y faisait pratiquement rien. J’étais vraiment curieux de savoir pourquoi elle restait immobile aussi longtemps, alors que moi, je ne tenais pas en place. Parfois, elle apportait un livre et je pouvais voir son expression changer au fil des lignes, ce qui, pour un illettré comme moi, était un mystère complet. Il lui arrivait même de cacher son visage derrière les pages comme si elle ne voulait pas être vue.

Je ne voyais pratiquement jamais mes parents sourire. Autrement dit, je ne voyais jamais personne sourire. Mais à certains instants, cette jeune fille déliait ses lèvres jusqu’à en rougir, rien qu’en regardant les nuages, ou les feuilles au-dessus d’elle.

Je restais béa face à cette expression si aimable. J’avais moi-même pris l’habitude de rester immobile, comme si l’observer faisait partie de ma routine.

???: « Bonjour. Que faites-vous ici ? »

Sa voix si douce me surprit. Je n’avais pu l’entendre que dans les rires qu’elle dissimulait sous la couverture des récits qu’elle lisait. C’était la première fois qu’elle me parlait, la première fois que son regard se tournait vers moi. La blancheur immaculée de ses joues devinrent un rose chaud et délicat quand ses lèvres s’étiraient.

???: « J’ignorais qu’il y avait d’autres enfants dans ce jardin, je suis heureuse de vous rencontrer. »

Léonce : « Je… Je… ! »

Sorti de ma cachette, je ne pouvais que bégayer, me retrouvant confronté à cette situation pour laquelle j’aurai dû être préparé depuis bien longtemps, ce petit jeu n’avait pourtant pas duré plus d’un mois.

???: « Oui ? »

Elle attendait patiemment que je trouve mes mots, je manquais d’oxygène.

Léonce : « Bonjour ! »

Sur un ton presque agressif, j’avais fini par réussir à prononcer quelque chose. Elle haussa les sourcils, intriguée.

Puis se mit à rire, avec un rire si délicat qu’il me poussa à rire à mon tour. Le mien était tout simplement bruyant, ce qui ne semblait pas lui déplaire. J’avais pour ma part honte de dévoiler le gosse mal éduqué que j’étais.

???: « Je m’appelle Miléna Jade de Sendeuil. Et vous ? »

La demoiselle se leva et exécuta une révérence plus parfaite encore que ce qu’on avait dû lui inculquer.

Léonce : « M-moi c’est Léonce ! Léonce Dru ! »

Elle montrait beaucoup d’intérêt à ma présentation, bien qu’elle fut minable.

Miléna : « C’est un bien joli nom ! »

Je ne pouvais pas deviner s’il s’agissait d’une coutume chez les nobles de complimenter le nom de son interlocuteur, mais depuis ce jour, je ne pouvais m’empêcher d’être fier de me présenter.

Léonce : « Je suis le fils de celui qui s’occupe de ce jardin ! »

Un peu plus à l’aise grâce à elle, je parvenais à poursuivre la discussion.

Miléna : « Oh, mais bien sûr ! J’ai déjà croisé votre père ! Si vous le voulez bien, j’apprécierai que vous lui transmettiez mes amitiés. Ce jardin est sublime, et j’y viens très souvent. Je lui en suis très reconnaissante. »

Même si le compliment n’était pas pour moi, je me grattais le crâne en rougissant.

Léonce : « Moi aussi, j’y vais de temps en temps, mais je ne me suis pas aventuré partout encore. »

En effet, j’avais déjà mis quelques années avant d’atteindre le niveau de ce banc. La jeune fille paraissait enjouée.

Miléna : « Que diriez-vous que nous nous amusions tous les deux de temps en temps ? »

Sans le savoir, j’avais attendu cette proposition depuis toujours, j’étais tout excité.

Léonce : « Oui ! »

Je passais le plus clair de mon temps à m’occuper de corvées pour soulager mes parents, et l’idée de m’être fait une amie changeait totalement la façon dont j’appréhendais le futur. Jusque là, je n’avais jamais eu de raison de réfléchir à ce qui m’attendait le lendemain.

Miléna : « Je suis heureuse d’avoir pu me faire un ami ! J’espère que je ne vous importune pas. »

Ma mâchoire se décrochait. Il y a encore une minute, je la voyais comme quelqu’un d’inaccessible, nous n’appartenions même pas au même univers. Et à présent, je me rendais compte que, malgré le gouffre qu’il y avait entre nous, elle venait de ressentir l’exact même chose que moi. Quand elle prononça les mots, j’eus l’impression que plus rien ne nous séparait, que nous étions égaux.

Léonce : « P-pas du tout ! Je suis très content aussi ! »

Elle me sourit. Puis son regard se tourna vers une large feuille.

Miléna : « Venez voir ! »

J’ignorai ce qui lui prenait tout à coup, mais elle était toute guillerette. J’osai à peine m’approcher d’elle. Nous faisions tous les deux la même taille. Face à nos yeux se trouvaient une araignée particulièrement velue.

Miléna : « N’est-elle pas mignonne ? »

J’étais troublé de sentir de nouveau son odeur, et ne parvenais pas à rester calme. Je fus aussi surpris de voir son engouement pour cette arachnide.

Léonce : « Je pensais pas que vous aimeriez ce genre de bestioles… »

Miléna : « Que voulez-vous dire ? »

Léonce : « Vous devriez pas plutôt aimer les papillons ? »

Son étonnement se mut immédiatement en joie. Malgré tout, Miléna était toujours dans la retenue et ne s’emportait jamais, quoi qu’elle ait pu ressentir.

Miléna : « J’adore les papillons ! Mais j’aime tout autant les araignées. Je pense que j’aime tous les animaux et les insectes de la même façon. Même si certains sont intimidants, je les trouve tous fantastiques. »

C’était bien la fille du baron qui était devenue mon amie, mais elle était loin de ce qu’imaginaient mes parents. D’ailleurs, je ne leur ai jamais parlé de mon amitié avec elle.

Je la découvris jour après jour. Les moments que nous passions ensemble étaient tout ce qu’il y avait de plus épanouissant dans ma vie. Je lui appris les jeux que j’avais imaginé dans ce jardin, et bien qu’elle manquait un peu d’énergie pour certaines activités, elle m’accompagnait toujours avec grand plaisir. Elle était rayonnante à chaque fois que je la voyais. Elle avait tout d’une princesse. C’était la personne la plus pure que je pouvais imaginer. Pourtant, elle rêvait d’aventures, et il lui arrivait parfois de tacher sa robe quand nous jouions, ce qui la faisait d’autant plus rire.

Elle me lisait aussi des histoires, m’apprit même à lire pour que je puisse lui rendre la pareille. Elle m’apprit aussi les bonnes manières et me racontait beaucoup de choses de sa vie. Nous étions tout simplement inséparables.

Cela faisait déjà quelques années que nous nous retrouvions pratiquement tous les jours pour de nouveaux jeux. Nous ne nous en lassions pas.

La veille de mes treize ans, je me rendis comme à mon habitude devant ce banc où nous avions passé tant de temps. J’étais toujours aussi heureux à l’idée de la retrouver, même si je l’avais vu tous les jours cette semaine. Au fil des années, je m’étais forgé un sourire indécrochable.

J’avais prévu tout un tas de choses pour mon anniversaire, et je ne voulais le fêter qu’avec elle.

Miléna : « Léonce, bonjour ! »

Elle était arrivée quelques minutes après moi, et me salua chaleureusement. Elle était aussi enchantée que je ne l’étais. Nous avions déjà bien grandi, surtout elle, bien qu’elle restait toujours aussi frêle.

Léonce : « Le grand forsythia est en fleur, tu as vu ? Je me sens vraiment au printemps maintenant ! »

Le sourire de mon amie venait de retomber, elle mit son poing, à peine serré, au creux de sa poitrine.

Miléna : « Tu… Tu es blessé ? »

Son inquiétude suffisait à me donner des pincements au cœur.

Léonce : « Oh, ça ? C’est trois fois rien ! »

Je passais sa remarque à la rigolade, et n’exhibai pas davantage les hématomes inquiétants que j’avais sur le corps.

Miléna : « … »

Inutile de dire qu’elle me connaissait trop bien. Je n’osais toujours pas aborder ma situation familiale trop ouvertement avec elle, mais je ne pouvais pas la duper.

Les finances de ma famille n’allaient que plus mal. Les services de mon père étaient de plus en plus mal payés. Sa relation avec ma mère s’était détériorée. Il était en train de sombrer dans l’alcoolisme, et devenait violent. Je ne le considérais pas comme méchant, mais je ne savais parfois plus à qui j’avais affaire. Il ne semblait même pas avoir conscience de ce qu’il faisait, et son comportement se dégradait si lentement que c’en devint presque normal. J’acceptai que les choses se passent ainsi. Je ne parvenais pourtant pas à évoquer ce sujet avec Miléna, comme si inconsciemment, je me doutais que ça n’avait rien de sain.

Une toux inquiétante me sortit de mes pensées. Mon amie s’était tournée pour ne pas que je la vois ainsi. Étrangement, sa façon de tousser était aussi distinguée que tout ce qu’elle faisait.

Léonce : « Et toi, tu es sûre que tu vas bien ? Ce rhume dure depuis pas mal de temps déjà. »

Elle se tourna vers moi après avoir repris son souffle.

Miléna : « Je ne veux pas te mentir, Léonce. C’est un peu plus sérieux qu’un rhume. Mais une maladie ne reste qu’une maladie, n’est-ce pas ? Ne t’inquiète pas pour moi. »

Son sourire était on ne peut plus sincère, et il parvenait toujours à m’apaiser. Mais ça ne suffisait plus.

Léonce : « Tu sais… »

Miléna : « Oh, en fait, Léonce ! J’ai pu faire comme tu m’as dit hier, et j’en ai profité pour acheter ton cadeau d’anniversaire en ville. J’espère qu’il te plaira ! »

Elle était si enjouée que je n’osais pas poursuivre sur le sujet.

Léonce : « Je suis sûr que ça va me plaire ! D’ailleurs, à ce sujet, tu pourrais venir plus tôt que d’habitude demain ? Enfin, si ça ne te dérange pas ! »

Miléna hochait la tête avec grand enthousiasme. D’un point de vue extérieur, son engouement pouvait paraître modéré, mais depuis le temps, je devinais toujours ses vrais sentiments, au-delà de ce qu’elle voulait bien montrer.

Miléna : « Bien sûr, si c’est ce que tu souhaites. J’ai très hâte d’être à demain. »

La demoiselle avait presque l’air plus heureuse que moi à l’idée de fêter mon anniversaire, ce qui me remplit d’une joie immense.

Je souriais bêtement, alors que notre après-midi commençait.

Le lendemain, l’odeur du bois moisi me réveillait, et ce sourire ne m’avait toujours pas quitté. Dès l’après-midi, après m’être assuré que l’on ne me demanderait plus rien à la maison, je m’éclipsai vers le jardin. Je m’assis sur le banc, et agitais les jambes gaiement. Je l’imaginais déjà arriver à ma gauche. Nous allions probablement passer une après-midi comme toutes les autres avant, et si je devais faire de mon anniversaire la journée parfaite pour moi, alors ce serait comme tous les autres jours.

Le soleil descendait de manière inquiétante. Cela arrivait parfois. Miléna s’arrangeait elle aussi pour toujours avoir le même moment de libre dans sa journée. Elle avait une vie bien remplie, mais cette adolescente était sérieuse et extrêmement travailleuse, elle arrivait sans nul mal à se présenter devant moi après avoir accompli tous ses devoirs. Bien sûr, il y avait des jours où la fille du baron ne pouvait pas espérer se voir accorder du temps libre. Ses journées étaient le plus souvent planifiées à l’avance, et elle ne manquait pas de me prévenir de ses absences. Néanmoins, certains jours, elle me surprit par son absence, tout comme parfois je ne pouvais pas être au rendez-vous. Nous nous arrangions alors pour rattraper le temps perdu le lendemain. Nous nous efforcions de prendre notre mal en patience pour apprécier encore davantage notre temps ensemble.

La connaissant, elle allait forcément trouver un moment pour venir me voir aujourd’hui. Si je n’étais pas au banc à ce moment-là, elle serait probablement déçue. J’avais toute confiance en elle. Une confiance si aveugle, que j’en venais à négliger le mauvais pressentiment qui m’habitait depuis la veille. Le ciel finit par se coucher.

J’avais essayé tout un tas de positions autour de ce banc en attendant sa venue, jusqu’à ce que j’aperçoive une petite boîte sous celui-ci.

Je la soulevai, et l’inspectai de plus près. Je n’étais pas aussi heureux que je l’aurais voulu. C’était une belle surprise, mais cela signifiait qu’elle n’avait pu passer que dans la matinée.

J’ouvris la boîte, mettant ma déception de côté. Il y avait un étrange bracelet, il me plaisait bien. Néanmoins, mon intérêt se portait principalement sur la lettre qui l’accompagnait.

«Mon cher Léonce ,

Je suis désolée de ne pas pouvoir venir aujourd’hui, ce n’est vraiment pas de chance. Je me faisais pourtant une joie de te voir. J’espère que tu ne te sens pas trop seul. J’ai quand même voulu te donner ton cadeau le jour même ! C’est un charme magique, tu dois l’attacher à ton pied. Je suis vraiment déçue de ne pas être là pour découvrir le Léonce qui a treize ans, mais demain, je ne le manquerai pas ! En attendant, je penserai à toi toute la journée. Joyeux anniversaire, Léonce. »

Sa signature, comme tous les mots qui la précédaient, étaient d’une si ravissante écriture qu’elle ne laissait pas de doute sur l’auteur. Même le papier épais me rappelait l’odeur de ses cheveux.

Je me souviens avoir reposé la lettre dans la boîte avant de me mettre à pleurer. Je ne savais même pas pourquoi j’avais fini en sanglots. J’étais d’une certaine façon heureux pour le cadeau, et triste qu’elle ne soit pas là, mais j’avais la terrible impression au fond de moi que tout allait changer. Notre amitié n’avait jamais connu de mauvais jour, mais je n’avais pas pu ignorer les signes qui annonçaient la fin de mon enfance. Elle ne vint pas le lendemain. Et même les jours où elle se montra, je savais que tout avait déjà été décidé.

Je la vis encore une poignée de fois, de moins en moins longtemps. Il ne fallut pas plus de deux semaines avant qu’elle ne se présente même plus. Elle s’était montrée si affectueuse, mais d’une certaine façon si distante.

J’errai seul entre les haies inégales. Mon père n’était plus bon à rien. Ma mère avait eu la présence d’esprit de partir pour de bon. Il ne restait plus que nous deux. Non. J’étais seul.

Dans ses accès de rage, il maudissait le baron de Sendeuil et sa « gosse pourrie gâtée » à l’origine de tous nos soucis financiers. Il n’avait pas entièrement tort. J’observais les médecins qui venaient, tour à tour, de n’importe quelle partie du royaume. J’entendais le personnel de maison parler des sommes folles que le baron dépensait pour la guérison de sa fille. Cette maladie était devenue la source de tous nos problèmes.

Si ç’avait été quelqu’un d’autre que moi, il aurait réalisé qu’il ne pouvait rien y faire. Mais s’il y avait un seul moyen de la guérir, j’étais prêt à y consacrer ma vie sans hésitation. Il me fallait de l’argent. Beaucoup d’argent.

Avant même d’avoir pu établir un plan d’action, mon père décida de quitter ce domaine, espérant vainement trouver meilleure embauche ailleurs. C’était d’une certaine façon un de ses moments de lucidité. Mais cette fois-ci, j’aurai préféré qu’il n’en ait pas. Je n’en ai pas de bons souvenirs, mais après lui avoir dit mes quatre vérités, je lui ai dit adieu, et suis parti le premier de ma maison natale.

J’ai commencé à faire des boulots qu’on n’avouait pas de jour. Des tâches trop bien payées pour ce qu’elles étaient. Puis, j’eus l’occasion d’apporter mon aide à des bandits. Ils me firent miroiter une belle récompense si j’étais capable de jouer l’appât. Contre toute attente, je m’en sortis et pus avoir un quart de ce qu’on m’avait promis. Je finis par les rejoindre, alors que j’aurai dû fêter mes quinze ans. Et je m’entraînai deux ans durant, sans relâche, pour être sûr que nos opérations soient toujours un succès.

Mes plus beaux butins furent retrouvés par hasard dans le domaine du baron, qui, je l’espère, l’utilisa dans l’espoir de soigner ma seule amie. J’en étais venu à me persuader que nos jours heureux ne pouvaient revenir que si j’amassai une fortune considérable. J’ignorai totalement que j’avais laissé mon enfance derrière moi, et que rien ne pouvait plus la ramener.

Si j’échoue, si je me fais attraper, si je ne ramène pas d’argent, si je meurs, alors je ne la reverrai plus jamais. La voilà, ma raison.

Je ne voyais rien de mieux à faire pour lui venir en aide. J’y ai consacré tous mes efforts, tout mon temps, toutes ces quatre dernières années. Alors pourquoi ?

…Pourquoi… ?

-3-

Lucéard

Léonce regardait droit devant, avec des sentiments si intenses qu’ils me parvinrent. Je n’arrivais pas à rester calme, sans savoir pourquoi. Bien sûr, j’avais plein de raisons d’être nerveux, mais celle que je ressentais le plus fort ne m’appartenait pas.

Le mur nous séparant de la pièce d’à côté explosa à la surprise générale, projetant des débris à travers le bureau dans un fracas terrible. Je m’assurai qu’il n’y ait aucune blessé avant de tourner le regard vers le trou béant qui venait de se former.

Le bras de Ceirios brillait encore intensément, et peu à peu, cette lueur électrique disparut alors que la poussière retombait. Lui et Baldus étaient particulièrement amochés. Slakter se retournait avec horreur pour apercevoir Tyla au sol. La dernière attaque du garde avait dû faire mouche. Le pseudo-justicier se relevait péniblement.

Slakter : « Oh la poisse ! »

J’étais finalement plus soulagé que frustré de voir mes compagnons d’armes s’en être sortis sans moi. Ellébore lançait un regard plein de fierté en direction de Baldus. Le chef ennemi se rua vers les otages, considérant qu’il ne pourrait pas faire le poids tout seul. Il traîna le bouclier humain de son choix et revint pavaner de plus bel.

Slakter : « Si vous vous rendez pas, je tuerai cette gosse avec ce superbe cimeterre ! »

La lame de Caresse ne devait jamais être utilisée de la sorte. Je maudissais du regard ce Slakter, c’était la seule chose dont j’étais capable pour l’instant. Mes deux alliés encore libres de leurs mouvements semblaient pris au dépourvu, et grimaçaient.

Baldus : « Où sont mes dards quand j’ai besoin d’eux ? »

Ceirios : « Je peux à peine tenir debout… Qu’est-ce qu’on fait, maintenant… ? »

Le mystérieux sbire de Slakter s’avançait en silence avec de quoi attacher ces deux-là.

Non, si près du but… ! Vous ne pouvez pas vous laisser retenir !

Je jetais un coup d’œil vers Ellébore, qui venait de se débarrasser discrètement de ses liens dont les parties rompues étaient noircies. Elle s’était discrètement approchée de moi pour me libérer à mon tour. Le temps jouait contre nous.

Slakter riait à gorges déployée comme si à nouveau plus personne ne pouvait se mettre en travers de son chemin.

???: « Continuez de vous battre. »

Une voix d’une pureté saisissante s’adressait à Baldus et Ceirios. Je ne la connaissais que trop bien.

???: « Vous ne pouvez pas vous arrêter maintenant. Vous ne pouvez pas vous arrêter pour moi, tous ceux ici présents ont besoin de vous. »

Ce calme et cette élégance à toute épreuve ne parvenait pas à dissimuler sa force intérieure. Je reconnus ses longs cheveux argentés. Ils étaient à peine plus clairs que sa peau. Je ne voyais qu’une seule personne capable de s’exprimer avec autant de douceur.

Miléna : « Vous ne devez pas vous soucier de moi ! »

C’est mademoiselle de Sendeuil !

Cela faisait quelque temps que je ne l’avais pas vu, mais elle n’avait pas changé. Toujours aussi frêle et pâle, comme la plus précieuse des poupées de porcelaine.

Ceirios : « C’est hors de question ! »

Ceirios était en proie à un terrible dilemme. Baldus restait ébahi par l’attitude de la jeune fille. Elle venait de gâcher toute la mise en scène de Slakter.

Léonce était debout, paralysé. Malgré l’urgence de la situation, ce qui émanait de lui attirait mon intérêt sans que je ne puisse savoir pourquoi. Il finit pourtant par poser un pied devant l’autre. Il avançait lentement en direction de Slakter, la tête basse.

Slakter : « Tu en as du cran pour une gamine aussi chétive. Dommage, tu étais plutôt mon genre, mais si tu insistes, alors tu serviras d’exemple pour tous. »

Alors qu’il se sentait tout puissant, il ressentit soudain une pression terrible qui raidit tout son corps. Il se retourna, pétrifié, pour apercevoir d’où provenait toute cette hostilité.

Slakter : « G-gartner ? Qu-qu’est-ce que tu fais planté là ?! »

Avant même qu’il ne lui donne l’ordre de ne pas bouger, il se rendit compte que Léonce était devenu son plus redoutable ennemi.

Slakter : « Bon, puisque tu insistes ! Tu seras le premier à mourir, sale traître ! Tuez-le ! »

Slakter fit dos aux combattants blessés derrière lui et montra à Léonce le cou exposé de Miléna, la lame de Caresse l’effleurait.

L’acolyte de Slakter bondit sur le guerrier désarmé. Ce dernier lui lança un regard meurtrier. Alors que l’homme venait de sortir des couteaux de ses manches, il reçut un coup de poing féroce et fut expédié au sol, inconscient. La violence de cet instant ne lui avait laissé aucune chance. Léonce était animé de sentiments humains si forts qu’il en était pratiquement devenu un fauve, un monstre. Slakter tremblait alors qu’il devait être en position de supériorité.

Tyla se sentit comme investi d’une mission sacrée, et se leva, déchaîné à nouveau.

Baldus : « Attention gamin ! »

Griffes en avant, notre ennemi le plus redoutable prit Léonce pour cible.

Tyleris : « Toi, tu es vraiment de la pire espèce qui soit ! Ton expiation ne peut plus attendre ! »

Alors qu’il pensait ne lui avoir laissé aucune chance, il vit la poigne de Léonce agripper son bras au dernier moment et le brisa tout en projetant tout le corps du criminel à ses pieds. Le visage de ce dernier se heurta de plein fouet contre le carrelage. En moins de dix secondes, Léonce avait mis au tapis deux de nos adversaires. Il était transcendé par une force démesurée.

Léonce était inarrêtable, et le preneur d’otage était terrorisé.

Slakter : « Gartner, sale enflure ! Pourquoi t’étais pas aussi fort quand t’étais de notre côté ?! »

Il continuait d’avancer à pas lents. Cette lueur dans ses yeux ressemblait de plus en plus à de la folie.

Slakter : « Je te jure que si t’avances encore, je la vide de son sang, j’suis clair, là ?! »

Léonce aussi tremblait, comme si son esprit était soumis à une pression infinie, comme si son corps suivait des instructions contraires.

Léonce : Pourquoi… ?

Il ne pouvait que se plonger dans le regard plein de détresse de sa plus chère amie.

Léonce : Tous les moyens sont bons pour la sauver… C’est avec cette pensée que j’ai pu récolter autant d’argent, qu’elle a pu suivre de nouveaux traitements. Voler, blesser, et peut-être un jour tuer. Je ne pense pas que quoi que ce soit ait pu m’arrêter. Et le jour où nous prenons des otages, de toutes les personnes au monde, il a fallu qu’elle soit parmi eux… Qu’est-ce que je suis supposé comprendre ?!

Slakter était seul. Il n’avait aucun intérêt à exécuter l’otage, et Léonce avait dû le deviner. Néanmoins, il se détestait de faire courir un tel risque à celle qu’il avait de plus chère à son cœur.

Une porte claqua derrière Ceirios. Une poignée de hors-la-loi venaient de faire leur entrée. C’était sans doute le reste du groupe de Tyla. Slakter sourit en les voyant se manifester.

Léonce écarquilla les yeux de terreur.

Slakter : « Parfait. Je n’ai plus besoin de toi ! »

Miléna esquissa un sourire d’adieu, paisiblement. Même dans un tel moment, elle ne parvenait qu’à penser aux autres. Elle s’adressait à nous tous, mais ne regardait que Léonce.

Miléna : « Ce n’est pas de votre faute. »

Un frisson traversa le garçon, jusqu’aux tréfonds de son âme.

Léonce : « Miléna !!! »

Le cri déchirant de Léonce ne pouvait plus rien changer. Si ce n’est qu’il fit frissonner la jeune fille à son tour quand son nom fut prononcé, quand ce fut cette voix là qui le prononça. Malgré ses efforts pour conserver sa dignité, une larme coula le long de sa joue blême. Ses yeux signifiaient sa stupéfaction. Elle venait de retrouver son ami le plus cher, à la toute fin.

Miléna : « Lé…once ? »

Slakter fit un mouvement large et brusque qui prit un instant, mais pour certains, une éternité.

La lame trancha le cou de Miléna.

-4-

Léonce

Tous restèrent incrédules, alors que ce monstre lâchait le corps de celle qui m’était plus précieuse que tout. Je la regardai rejoindre le sol, lentement, si lentement. Cette seconde fut le plus cruel et le plus long des châtiments. Je ne pouvais qu’accepter ce qui venait de se passer :

J’avais tué Miléna.

C’était la dernière fois que je croisais son regard. J’y voyais tous les moments heureux que nous avions passés tous les deux. C’était comme contempler la vie d’un autre. Je ne pouvais pas quitter des yeux la douceur de ses iris, je n’avais pourtant pas le droit de les voir. Elle m’avait reconnu, c’était certain. Et dans ce dernier échange, je ne lus aucune haine sur son visage. J’aurai voulu qu’elle me méprise. Je ne pouvais pas supporter qu’elle ne me déteste pas. Ç’aurait été un moindre enfer si elle l’avait fait.

Il n’y avait de toute façon plus de mot pour décrire ce calvaire. Ma vie prenait fin en même temps que la sienne. J’avais rendu possible la mort de celle que je devais sauver par tous les moyens. C’était d’ailleurs bien ça mon erreur.

Quand son corps frêle se heurta enfin au sol, je n’étais moi-même plus de ce monde. Rien n’avait plus de sens, je n’avais pas non plus de place ici-bas. Je me haïssais si ardemment que je niais mon existence tout entière. Ce passé heureux ne pouvait plus m’appartenir. Je m’interdisais un quelconque avenir. Il ne me restait que ce présent où je me tenais devant Miléna, alors que son sang se vidait jusqu’à en ternir ses cheveux.

Tout était résolument…fini.

Lucéard

Lucéard : « Non, ça ne finira pas comme ça ! »

Ce hurlement permit à Léonce de réaliser que j’étais juste à sa droite.

Lucéard : « Je t’ai promis de t’aider, tu te souviens ? Je l’ai promis ! J’ai promis que je ne laisserai plus personne connaître un destin aussi cruel ! »

Il reconnut sa fureur d’il y a quelques instants dans la mienne. Je ne savais pas pourquoi mon sang bouillonnait. J’avais l’impression d’avoir lu à travers son cœur. J’étais face à tous nos ennemis, animé par une rage infinie. J’empoignai fermement la flûte-double devant moi. Baldus bondit sur Ceirios pour le plaquer au sol.

L’instrument s’illumina de toute ma rage.

Lucéard : « GIGA LAMINA EIUS ! »

Une lame éblouissante déferla sur toute la pièce, emportant Slakter, ses alliés, et tous les débris qui se trouvaient dans son sillage. La lumière était si forte qu’elle étouffa le son de l’impact, qui détruisit la quasi totalité du second étage. Le torrent de lumière illumina la cité entière.

Ceirios se releva pour constater que la victoire était nôtre. Le calme était revenu.

Ceirios : « Joli réflexe. »

Baldus était debout face à lui.

Baldus : « Je l’ai senti venir celui-là. »

Leur ton n’avait rien de triomphal. Ils ne pouvaient simplement pas se réjouir face à la scène qui se déroulait à quelques mètres d’eux.

La lumière du jour à travers le toit en ruine parvenait à éclairer une partie du bureau du directeur. Léonce chancela sur quelques pas avant de tomber sur ses genoux. Il se dégoûtait à espérer pouvoir lui parler une dernière fois. Sa mort avait dû pourtant être quasi-instantanée. La blessure était tout ce qu’il y avait de plus fatal.

Miléna : « C’est… C’est bien toi, Léonce… ? »

Il entendit un murmure. La jeune fille puisait dans ses réserves pour tourner son visage pour que le soleil ne l’éclaire. Ce soleil qu’elle aimait tant. Et ses yeux, mi-clos, ne pouvaient se tourner que vers son ami.

Léonce : « Miléna… »

Elle le regardait avec tendresse. Lui n’osait pas la prendre dans ses bras. Il se maudissait même d’en ressentir le besoin. Il cherchait pourtant quelque chose à lui dire, pour que son départ soit des plus doux.

Mon majordome venait de libérer le baron de son entrave, et ce dernier accourut vers la demoiselle, pris de panique.

Baron : « Ma fille ! »

Miléna : « Père… »

L’effort qu’elle demandait à sa nuque pour apercevoir sa seule famille était des plus douloureux. Elle tendit faiblement sa main. Son père l’attrapa, et la serra tandis qu’il s’agenouillait à son tour. Il était aussi perdu que Léonce.

Baron : « Ne pars pas… ! »

Lucéard : « Il n’y a pas à s’inquiéter. »

Toutes les personnes présentes se tournèrent dans ma direction. Mes propos et ma voix juraient terriblement avec le tragique de la situation. Je me reposai sur l’épaule d’Ellébore, n’ayant plus aucune force en moi. Je souris paisiblement.

Lucéard : « Caresse n’est pas une arme comme les autres. Elle a un pouvoir bien particulier. »

Cette affirmation laissa évidemment perplexe mon auditoire qui se tournait à nouveau vers Miléna. Certains manifestèrent aussitôt leur étonnement en réalisant de quoi il était question.

Lucéard : « Mon cimeterre est incapable de tuer. »

La blessure au cou de Miléna s’était refermée sous nos yeux, comme si elle n’avait jamais vu le jour.

Baron : « Ton cou ! Il n’a rien ! »

Léonce ne bougeait toujours pas d’un muscle. Il continuait de répondre au regard de Miléna.

Celle-ci écarquillait les yeux, avec toute la retenue qui la caractérisait. Elle apposa délicatement ses doigts contre son cou. Il ne lui fallut que cette sensation pour réaliser que son heure n’était pas venue. Bien que pour les autres, ce fut impossible à distinguer, Léonce se rendit compte que la jeune fille était instantanément submergée par l’émotion.

Après quelques secondes, elle s’assit dignement et nous regarda tous, tour à tour, reprenant ses esprits.

Miléna : « Quelle chance que vous soyez venus, vous cinq. »

Léonce : « … »

Elle l’incluait sans hésitation dans notre groupe, et gratifia chacun de nous d’un sourire bienveillant. Cela dit, une lueur unique s’illumina dans ses yeux quand vint le tour de son ami d’enfance dont le bandana tomba, révélant un visage transi par le remord.

Miléna : « Je me sens si honteuse de me montrer devant toi après ce que je t’ai fait subir… »

Lui qui aurait aimé s’interdire de lui adresser la parole ne put refréner ses interrogations.

Léonce : « Qu-qu’est-ce que tu veux dire ? »

Miléna : « Comme ma santé continuait de se détériorer, j’ai pensé que rester avec toi te ferait souffrir. J’ai pensé que rester avec moi serait un fardeau pour toi. Alors j’ai décidé de m’éloigner, mais… N’était-ce pas pire ?! »

Elle éleva la voix alors que les larmes coulaient le long de ses joues sans qu’elle ne puisse plus les contenir. Même Léonce n’avait pu voir qu’en de très rares occasions la demoiselle pleurer. Son sanglot était silencieux et aussi contenu que possible. Léonce la prit dans ses bras et la serra avec toute l’affection qu’il portait à son égard. Cette sensation n’était pas identique à celle d’il y a plus de quatre ans. Léonce avait bien grandi, mais elle reconnut dans son étreinte ce qui l’apaisait plus que tout.

Léonce : « La seule chose à avoir jamais compté pour moi, c’est que tu sois heureuse, que tu sois en pleine santé, et que tu réalises tous les rêves dont tu m’as parlé. Si tu as pensé que te reposer chez toi le plus possible était la meilleure solution, alors je veux que tu saches que je t’ai toujours soutenue ! »

Il ne put retenir ses larmes plus longtemps. Pendant tout ce temps, il n’avait jamais cessé de croire en elle. Sans jamais la blâmer, il n’avait pu qu’imaginer qu’elle agissait pour le mieux. Après tout, jamais elle ne l’avait déçue, jamais elle n’avait agi sans se soucier de lui. Il avait démontré des sentiments plus loyaux et plus purs que ce qu’il ne pouvait imaginer. Miléna réalisait alors qu’il n’avait jamais eu la sensation qu’elle l’avait blessé. Il n’avait jamais cessé de croire au bien-fondé de ses actions. Tout ce qu’il avait entrepris n’était que pour la soutenir dans le choix qu’elle avait fait. Il avait vu si clair dans ses intentions que la demoiselle en rougit, percée à jour. Elle n’osa pas lui dire qu’elle avait, elle aussi, attendu leur retrouvailles avec une ferveur toute aussi grandiose.

Le père de la jeune fille restait incrédule face à cette scène.

Ernest contemplait l’ampleur des dégâts autant que sa vue ne le permettait.

Ernest : « Eh bien mon Prince, vous ne manquez pas de mordant. »

Remarqua t-il en s’approchant d’Ellébore et moi. Celle-ci se baissait pour me permettre de m’asseoir. Ses grands yeux étaient pleins d’admiration à mon égard.

Lucéard : « Ce n’était pas ma force. Je ne saurai pas comment l’expliquer, mais c’était les sentiments de Léonce qui m’animaient. C’était comme s’il me les avait transmis. »

Je repensais à cette expérience insolite tandis que je tentais de la décrire. Je ne pouvais que conclure que j’avais entrevu ce qu’il avait au plus profond de lui.

La garde était déjà là et capturèrent tous les malfrats encore conscients. Il n’y avait pas une seule victime à déplorer.

Alors que les hommes en armure s’affairaient à rétablir l’ordre, Léonce relâcha délicatement les épaules de Miléna et s’écarta. Il lui lança un dernier regard, plein de conviction, et haussa la voix pour être entendu de tous.

Léonce : « Je suis aussi l’un des leurs ! Je suis complice ! Je suis même coupable ! »

Les gardes qu’il venait d’interpeller ne savaient pas comment réagir. Il se rendit, écourtant les retrouvailles avec son amie d’enfance.

Je n’intervenais pas, déjà car mon corps refusait de se lever, mais aussi car je comprenais encore une fois ses sentiments. Néanmoins, il m’était difficile de ne rien dire. Ceirios aussi sentait ce goût amer.

Ceirios : « La justice n’est pas toujours quelque chose de joyeux, mais doit rester quelque chose dont on peut être fier. »

Baldus : « J’suis pas vraiment d’accord. »

Dirent-ils alors qu’ils venaient à ma rencontre.

Lucéard : « Ça ne m’étonne pas de toi, Baldus. »

Ceirios : « On ne peut pas faire exception à chaque fois. »

C’est frustrant, mais je ne peux pas dire qu’il ait tort.

Baron : « D’où connaissez-vous ma fille ? »

Léonce, qui était encore libre de ses mouvements, bien qu’entouré de deux gardes, se tourna vers lui, prêt à tout reconnaître, malgré la grimace qu’il lui montra.

Léonce : « Je… Je suis le fils de Gaston Dru. »

L’homme s’approcha, le regard sévère. Hectorius de Sendeuil descendait d’une longue lignée, dont il portait seul la grandeur.

Hectorius : « Je vois. Et vous dites faire partie de nos ravisseurs ? »

Lui laissant presque une chance de nier, le ton impitoyable du baron mettait la résolution de Léonce à l’épreuve.

Léonce : « Oui. C’est exact. »

Miléna : « Père, soyez indulgent, je vous prie ! Léonce- »

Avant qu’elle ne puisse finir sa phrase, elle se mit à tousser frénétiquement.

Hectorius : « J’en ai assez entendu ! Vous n’avez certainement pas le droit de ne serait-ce que lui parler après ce que vous avez fait ! »

Il s’avança furibond en pointant du doigt le jeune homme.

Léonce baissait les yeux, il n’osait absolument pas tenir tête au père de sa meilleure amie.

Léonce : « Vous avez entièrement raison. Rien ne peut excuser ce que j’ai fait… »

Baron : « Je ne vous le fais pas dire ! »

Lucéard : « Non, c’est faux, Léonce ! »

Je haussai la voix, m’efforçant de me relever presque sans le soutien de Ceirios et Ellébore.

Baron : « M-mon Prince… »

Il s’en voulait toujours autant que s’il l’avait tué. Cette culpabilité ne pouvait pas disparaître sous prétexte que tout s’était bien fini, je le savais. Et pourtant.

Lucéard : « Si tu n’avais pas été là, nous n’aurions probablement pas pu empêcher une véritable tragédie ! »

Léonce : « Bien sûr que non ! Et même si c’était vrai, ça n’excuse en rien ce que j’ai fait. J’ai toujours eu tort de croire que je pouvais employer tous les moyens pour aboutir à quelque chose de juste. Et c’est d’autant plus vrai maintenant. Sans votre irruption dans l’école, j’aurai fini par être complice de la mort de tous les otages, et vous le savez ! »

Il m’avait rabattu le caquet sans ménagement, mais une voix lui répondit malgré tout.

Illiam : « C’est moi qui en jugerai. »

Le Duc fit son entrée en grandes pompes, comme à son habitude, accompagné de sa garde personnelle.

Lucéard : « Père ! »

Ceirios souriait en coin en regardant Baldus.

Ceirios : « L’histoire se répète ? »

-5-

Les gardes se saisirent de Léonce au signal de Père.

Miléna : « Léonce… ! »

Les hommes en armure laissèrent à la jeune fille le temps de s’exprimer. Lui transmettre quelques mots encore était plus important pour elle que de faire bonne figure. Léonce était pendu à ses lèvres.

Miléna : « Je vais intégrer cette école ! »

Le jeune homme haussa les sourcils.

Miléna : « Mes problèmes de santé ne doivent plus m’empêcher de vivre ma vie. Et je souhaite aussi passer du temps avec toi à nouveau. Comme avant. Je ne veux plus que nous soyons séparés, Léonce. Nous nous reverrons bientôt, je te le promets ! »

La poupée de porcelaine était pourvue d’un mental d’acier. Léonce fut rassuré de voir qu’elle n’avait pas changé. Après avoir entendu ces mots, il était en paix avec lui-même. Ce qu’elle lui avait dit signifiait beaucoup plus pour lui qu’on ne pouvait l’imaginer.

Léonce : « Je t’en fais aussi la promesse ! »

Le fils du jardinier disparut finalement de nos vues après avoir enfin répondu au sourire de Miléna.

Ellébore observait la scène avec satisfaction. Elle se tournait vers moi, enjouée.

Ellébore : « Lucéard, j’ai vraiment l’impression que tu attires ce genre d’histoire ! »

Lucéard : « Oh pitié, ne dis pas ça comme si c’était habituel. »

Ernest : « Oui, enfin, j’attire à votre attention que l’école n’est plus près d’être ouverte. »

Mon majordome avait parfois du mal à s’immerger dans l’atmosphère du moment, et manquait de garder certaines remarques pour après nos réjouissances.

Lucéard : « Dé…Désolé pour ça… »

Je soupirai.

Ceirios : « Non, c’est moi qui suis désolé ! »

Il voulait prendre le blâme pour son supérieur, en bon chevalier servant, et bien que j’appréciais l’attention, je me sentis de le démentir.

Lucéard : « Bien sûr que non, Baldus et vous, vous êtes les vrais héros du jour. »

Ellébore : « Oui, c’est bien vrai ! Tu as été impressionnant, Baldus ! »

Mon amie gesticulait pour féliciter son colocataire.

Baldus : « Hihihi… »

Celui-ci rougissait tout en frottant son crâne, ce qui le dégarnissait davantage.

Ellébore : « Vous tous, rentrez avec moi, vous avez besoin de premiers soins, ça risque de s’infecter, tout ça. »

Lucéard : « Toi aussi t’es dans un sale état, Ellébore. »

Alors que je m’attendais à une répartie grinçante, je remarquai qu’Ellébore ignora mes derniers mots.

Hectorius : « Mon Prince, c’est bien vous ? J’ai du mal à en croire mes yeux. »

Le baron de Sendeuil m’adressait la parole, et je le rejoins lui et sa fille pour pouvoir lui répondre.

Lucéard : « Monsieur de Sendeuil. »

Lui présentant mes salutations, j’attirai le regard curieux d’Ellébore à nouveau. Elle n’avait jamais réellement eu l’occasion de me voir dans le rôle d’un prince.

Hectorius : « Maintenant que j’y pense, il me semble bien que vous aussi étiez retenu par des ravisseurs le matin où nous étions supposés recevoir votre visite. »

Je blêmis.

Ah. Maintenant qu’il le dit…

Miléna : « Mon prince, je suis navrée de vous avoir causé autant de problèmes. »

Lucéard : « V-vous n’y êtes pour rien enfin. Et puis, p-pas la peine d’être aussi formelle. »

Je la percevais plus princesse que je n’étais prince, et sa délicatesse tout comme sa douceur avait l’étrange effet d’intimider ses interlocuteurs.

Miléna : « Je n’oserai pas, enfin. Néanmoins, je vous suis reconnaissante pour toute l’aide que vous avez apportée à mon ami. Cela me touche beaucoup, surtout considérant votre rang. »

Lucéard : « Oh, Hm, ah oui ? »

Cette fille dégageait trop de pureté pour qu’on puisse être à l’aise en sa présence.

Lucéard : « Si vous voulez mon avis, je pense que c’est surtout grâce à vous que Léonce- »

Attends Lucéard, tu ne devrais peut-être pas dire ça.

Miléna : « Il faisait partie du groupe de nos ravisseurs, c’est bien cela ? »

Je lisais vaguement de l’inquiétude dans son regard. Mais cela semblait si sérieux pour elle qu’elle me fixait sans cligner des yeux à un seul instant.

Trop tard…

Lucéard : « Hm, plus ou moins ? Je suis sûr qu’il ne faisait pas ça par plaisir ni pour s’enrichir. »

Miléna : « Alors pourquoi ? »

Je me retrouvais encore plus dans l’embarras. De la sueur ruisselait par tous mes pores.

Lucéard : « …Eh bien vous n’avez qu’à le lui demander la prochaine fois ! »

Dis-je en levant l’index au ciel. Mais dans mon for intérieur, je versai une larme symbolique pour avoir trahi Léonce.

Désolé, j’ai choisi la facilité, l’ami.

Son père poussa un mugissement de dégoût.

Hectorius : « Miléna, ma chérie, tu ne devrais pas te soucier d’un malfrat de son espèce. »

Miléna se tourna vers son père avec une telle vélocité que ses cheveux semblaient valser dans les airs.

Miléna : « Ne dites pas ça, s’il vous plaît. Léonce est foncièrement bon et honnête. Je suis certaine qu’il avait de très bonnes raisons de faire ce qu’il faisait. »

Je prenais un peu de recul et croisai les bras, le sourire en coin.

Si je comprends bien la situation, c’est plutôt cocasse.

Le baron se montrait particulièrement patient envers Miléna et ne haussa pas le ton.

Hectorius : « Les gens de -son milieu- ne font que tenter de s’attirer les bonnes grâces de familles comme la nôtre en profitant de leur naïveté, ma fille. Il s’est joué de toi, cela ne fait presque aucun doute. »

Elle ne pouvait pas douter de lui après tout ce qu’ils avaient vécu ensemble. Pourtant, la demoiselle concevait aisément que son père était incapable d’imaginer à quel point sa confiance en lui était bien-fondée. Elle n’ignorait pas non plus cet empressement de faire réaliser à son père qui était réellement Léonce, mais elle se contenait sans nul mal, se plongeant dans ce souvenir très récent du moment où ses yeux eurent aperçu à la cheville du jeune homme le dernier cadeau qu’elle lui avait fait. Rien ne pouvait affaiblir le cœur de Miléna à présent.

Ellébore : « Excusez-moi, mademoiselle de Sendeuil ? »

Mon amie venait de s’immiscer dans notre conversation, attirant l’attention de la jeune fille à la robe tachée de sang.

Miléna : « Oui, bonjour. Enchantée de faire votre connaissance. Et je tiens à vous remercier de tout mon cœur pour les risques que vous avez encouru pour nous tous. »

Sans perdre le nord, la princesse de Sendeuil partagea avec Ellébore son plus grand sourire et ne manqua pas de se présenter en bonne et due forme avant d’écouter ce que son interlocutrice avait à dire. Cette dernière avait déjà réfléchi à ce qu’elle comptait dire et peinait à s’adapter en conséquences.

Ellébore : « Heu, bonjour ! Je suis Ellébore Ystyr, enchantée de même ! Je-je ne pense pas avoir aidé qui que ce soit… Sans vouloir être indiscrète, j’ai entendu votre histoire, et concernant votre maladie, n’avez-vous jamais été rendre visite au Docteur Lloyd Ystyr, mon père ? »

Sa confiance en elle laissait à désirer, mais cela ne l’empêchait pas de voir son père comme un génie de la médecine. Avant que Miléna ne puisse contredire Ellébore, le baron répondit le premier.

Hectorius : « Vous êtes donc sa fille ? Qui n’a jamais entendu parler de lui. Toute la noblesse du comté le connaît au moins de nom, vous savez. Néanmoins, je peine à croire qu’un médecin du peuple puisse réussir là où tous les meilleurs ont échoué. »

Ellébore eut l’impression que son père était vu davantage comme un phénomène que comme un génie de son domaine, et cherchait de quoi rétorquer.

Miléna : « C’est une très bonne idée ! Je serai ravie de rencontrer votre père, mademoiselle Ystyr. Je suis hélas soucieuse de lui faire perdre son temps. »

Sa réaction n’enchantait pas le baron.

Hectorius : « Ma fille, il serait préférable pour tout le monde que nous nous en remettions aux grands spécialistes qui s’emploient déjà à trouver un remède. »

Sans chercher à contredire son père, ou à dénigrer sa logique, Miléna répondit avec assurance.

Miléna : « Il est certain que si nous n’avons pas trouvé de solution jusqu’ici, c’est qu’elle se trouve ailleurs, et s’il fallait confier mon cas à un nouveau médecin, il serait bon que celui-ci n’ait pas appris dans les mêmes livres, ni dans les mêmes cours que les précédents. Je pense que nous avons beaucoup à apprendre du Docteur Ystyr. »

Elle finit sa phrase en se tournant affectueusement vers Ellébore.

Ellébore : « O-oui ! »

Ellébore : Cette fille est si douce. Il suffit qu’elle m’adresse la parole pour que je perde mes moyens.

D’une certaine façon, Ellébore était intimidée par la présence de la demoiselle. Elle se mettait beaucoup de pression pour faire bonne figure face à cette pure lady.

Ellébore : « Et v-vous pouvez m’appeler Ellébore, mademoiselle ! »

Ignorant le visage crispé de mon amie, Miléna accueillit ses intentions avec beaucoup de joie.

Miléna : « Très bien, Ellébore… ! »

Elle se mit à tousser discrètement.

Ellébore : « Vous êtes officiellement inscrite dans cette école ? »

Miléna : « Oui. Qu’en est-il de vous ? »

Ellébore : « Je compte m’y inscrire aussi ! J’aimerai beaucoup que l’on se retrouve là-bas ! »

Cette idée n’enchantait pas le père de la noble héritière. Mais celle-ci resplendissait.

Miléna : « Oh, mais oui, ce serait si bien ! Je rêverai de devenir amie avec une demoiselle aussi jolie, courageuse, et sympathique que vous. »

Ellébore était plus époustouflée qu’heureuse de sa réponse.

Ellébore : Venant d’une fille aussi parfaite, ça fait quelque chose !

Hectorius : « Miléna, nous devrions rentrer à présent. »

Ce regard lourd de sens qu’il lançait à sa fille attira son attention. Cela faisait des heures qu’elle était sortie, et sa situation récente avait été la source de beaucoup de stress pour la jeune fille qui était supposée se reposer, et sortir de chez elle le moins souvent possible. Il était aussi sans doute question de prendre un traitement une fois chez eux.

Miléna : « Bien. Navrée de vous quitter si tôt, j’aurai aimé avoir plus de temps pour discuter avec des gens aussi admirables que vous, merci encore pour tout ce que vous avez fait. Si vous en avez l’occasion, pourriez-vous transmettre ma gratitude aux deux autres personnes qui ont participé à notre sauvetage ? »

En effet, Baldus et Ceirios avait dû être emmenés par une équipe médicale. Je venais à peine de remarquer leur absence. Ellébore confirma à l’intéressée qu’elle passerait le message.

Le baron s’éloignait déjà. Mais sa fille, toujours immobile avait encore quelque chose à dire.

Miléna : « Une dernière chose… Mon prince ? »

Elle avait toute mon attention. Miléna était on ne peut plus sérieuse.

Miléna : « Vous avez mes plus sincères condoléances. Votre sœur était une personne extraordinaire, et une amie chère à mes yeux. Je partage votre chagrin. »

Je lisais dans son regard que cette disparition l’accablait encore. C’était dur pour moi de soutenir celui-ci, mais ses intentions m’étaient parvenues. Ellébore me fixait avec inquiétude. Je finis par trouver quoi lui répondre.

Lucéard : « Merci à vous. …Vous pouvez m’appelez Lucéard, si vous le désirez. »

Miléna écarquillait les yeux. D’aussi loin que je m’en souvenais, ma sœur et elle s’appelaient respectivement par leurs prénoms, car Nojù exigeait pratiquement ça de la part de tous les gens de son âge qu’elle considérait comme amis. Je n’avais jamais encouragé quelqu’un à faire de même pour moi, et cela comptait beaucoup aux yeux de Miléna.

Miléna : « Bien, dans ce cas, à bientôt, Lucéard. »

Il n’y avait jamais eu de complicité entre elle et moi, mais nous avions, par la force des choses, passé énormément de temps en compagnie l’un de l’autre. Ces derniers mots semblaient signifier qu’elle avait patiemment attendu que je lui ouvre ma bulle pour qu’elle m’envahisse de son amitié.

Les otages qui avaient patienté entre eux prirent l’occasion de venir nous remercier. Je les sommais de garder les détails de cette histoire secrète. Le peuple, quel que soit leur milieu social, trouvait toujours satisfaction à parler des autres, et cela était aussi vrai en ce qui concerne la bourgeoisie. Je tenais à ce que mon identité de prince soit la seule qu’on me connaisse. Je savais néanmoins que leur gratitude ne suffirait guère à ce que cela demeure. Je m’étais encore une fois fait remarquer.

-6-

Après quelques minutes, nous n’étions plus qu’Ellébore, Ernest, et moi.

Lucéard : « Où est parti Père ? »

Ernest : « Sans doute s’assure t-il que Monsieur Dru ne soit pas mis dans le même panier que ces fâcheux bandits. »

J’étais plutôt fier de lui, sur ce coup-là.

Lucéard : « Qu’il ait compris la teneur de la situation à peine entré dans la pièce, c’est typiquement lui. »

Ernest : « Dans cet exercice vous ne déméritez pas non plus, mon Prince. »

Je détournai le regard, embarrassé. Depuis tout à l’heure, mon amie m’inspectait.

Ellébore : « Lucéard, tu t’es bien blessé, je suis plutôt inquiète. Tu ne voudrais pas rentrer avec moi pour que mon père te fasse les premiers soins ? »

J’entendis renifler mon majordome, il murmurait à sa moustache avec émotion.

Ernest : « Mon Prince… Vous avez grandi si vite… »

Qu’est-ce que ça veut dire, ça ?

Quelques minutes après, nous marchions sous un ciel dominé par le rose qui précède la nuit, juste elle et moi.

Ellébore : « Je suis vidée ! »

Presque triomphalement, la jeune fille affichait sa fatigue en levant les bras.

Lucéard : « Et moi donc. Même après tous ces entraînements draconiens où j’ai risqué ma vie, des sensations fortes restent des sensations fortes. »

Ellébore : « Ça me fait penser, ton majordome avait l’air particulièrement à l’aise malgré le danger imminent. Miléna a eu beaucoup de sang-froid, mais ton majordome, c’est plus comme si… »

Lucéard : « Hmm… Je vois ce que tu veux dire. C’est étonnant, c’est vrai. Pas que ça me surprenne de sa part, mais ça reste étonnant. »

Après avoir parlé quelque peu de notre ressenti sur cette étrange journée, la demeure de mon amie était déjà à portée de vue.

Lloyd : « Ma puce d’amour, tu n’as rien ?! »

Le visage humide et l’air niais du docteur Ystyr nous apparut. Ce dernier accourait dans la direction de sa fille.

Lucéard : « “Ma puce d’amour”, hein ? »

Alors que mon sourire moqueur se tournait vers Ellébore, il rencontra sa moue teintée de rouge.

Monsieur Ystyr secoua sa fille comme pour s’assurer qu’elle était toujours bien vivante.

Lloyd : « Baldus et un autre garçon sont rentrés il y a quelques minutes, je suis au courant de tout ! »

Il me regarda, l’air sévère, avant de me montrer un large sourire.

Lloyd : « Oh, mon prince, bien le bonjour. Vous avez de jolis bobos aussi. Allez, rentrez tous les deux, je m’occupe de vous. Let’s go ! »

J’étais épaté.

Je ne l’imaginais pas comme ça.

Ellébore était tellement embarrassée qu’elle en fixait le sol.

Lloyd : « J’ai ouïe dire que ma fille avait été héroïque aujourd’hui. Mais soyons honnête, j’ai toujours su qu’elle viendrait au secours d’un prince un jour ou l’autre. C’est bien ma petite Ellébore, ça ! »

Je me demande bien ce que vous avez ouïe dire.

Peu de temps après, nous étions tous dans le salon. Mon front était ceint par des bandages que je comptais enlever aussitôt que je serai au palais.

Ceirios : « Je vais avoir des soucis pour ne pas avoir suivi les ordres, mais d’un autre côté, je pourrais bien demander à être promu ! »

Baldus partageait la joie de son camarade et attira l’attention sur la boisson au bout de son bras.

Baldus : « T’as bien raison, gamin ! Quant à moi, j’aimerai lever mon verre au Doc ! Combien d’années ça fait que je m’étais pas senti aussi en forme lors d’un combat ? C’était le pied ! »

Le docteur en question prenait de grands airs, et passait sa main dans ses cheveux.

Lloyd : « Ce n’était là que mon devoir… »

Il n’y a pas de quoi être fier. Ce type est un danger public.

Lloyd : « Tant qu’on y est, j’aimerai aussi porter un toast à vous tous pour avoir pris soin de ma fille. Tout particulièrement à toi, Lucéard, qui l’a sauvé lors de l’attaque du carrosse et aussi lors de votre quête à Abselnodeb. Je te suis infiniment reconnaissant, mon garçon ! Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais où me trouver ! »

Il parlait toujours sur un ton moyennement sérieux, mais son regard lui, était celui d’un père dont la vie de la fille avait été sauvée à de multiples reprises par la même personne.

Ellébore me souriait aussi, enchantée que mes actions soient une fois de plus célébrées. Je ne pouvais qu’afficher ma gêne.

Lucéard : « Vous savez, docteur, votre fille m’a au moins autant sauvé la vie, quoi qu’elle en dise. »

Je n’aurai pas pu dire exactement comment, mais j’avais la sensation que sa rencontre et sa compagnie avait eu un impact certain sur mon espérance de vie.

Ni une ni deux, le médecin se leva de sa vieille chaise en bois, explosant de joie.

Lloyd : « Je le savais ! C’est quand même bien ma fille l’héroïne de cette histoire ! Je vais rajouter ça dans la liste des raisons pour lesquelles ma fille est ma fierté ! »

Cette liste existe vraiment ?

Ellébore : « C-cette liste existe vraiment ?! »

Apparemment oui, et il la garde pour lui.

La fille en question était plus désespérée qu’autre chose.

Ceirios buvait dignement, comme s’il devait faire bonne figure, tandis que Baldus se fendait la poire comme à son habitude.

La conversation dévia sur bien d’autres sujets jusqu’à ce que…

Lloyd : « Ça te dirait de rester manger ici ce soir, Lucéard ? »

Je répondis à son visage accueillant par de l’incrédulité.

Depuis quand est-il aussi familier avec moi ? Il ne perd pas son temps.

Lucéard : « C’est gentil, mais je suis attendu ce soir. »

Ceirios : « Mon prince, laissez-moi vous escorter jusqu’au palais ! »

Le père de famille coupa court à l’enthousiasme du garde.

Lloyd : « Hors de garçon, mon garçon, vous ne bougez pas d’ici avant trois jours. »

Pourquoi il vouvoie encore monsieur Dydd ?!

Je me levai, annonçant mon départ à ce drôle d’auditoire.

Lucéard : « Merci encore à vous trois. Sans vous, aucun doute que le dénouement n’aurait pas été aussi heureux. »

Sur cette note de sérieux, je tirai ma révérence, salué énergiquement par les convives du docteur.

Baldus : « À la prochaine le prince ! »

Ceirios : « Ce fut un honneur de combattre à vos côtés, mon prince ! »

Ellébore était restée étrangement silencieuse pendant nos discussions, je me doutais que quelque chose clochait. Puisqu’elle se leva à son tour, j’en déduisais qu’elle comptait me raccompagner jusqu’à l’entrée.

Elle s’arrêta sur le pas de la porte.

Ellébore : « J’aurai adoré que tu passes la soirée, mais de toute façon, je suis cuite ce soir. J’espère quand même que je pourrais te revoir dans la semaine, avant que tu ne repartes dans la forêt. »

Lucéard : « Oui, j’y compte bien. »

Alors que je commençais à m’éloigner, j’entendis la porte se fermer derrière moi. Le docteur était sorti.

Lloyd : « Encore merci, Lucéard, pour tout. »

Il avait l’air étrangement solennel.

Lloyd : « J’aurai dû me douter que nous avions un prince d’exception dans notre bonne ville. Ellébore m’a un peu raconté votre aventure. Je serai bien heureux que tu viennes lui rendre visite autant de fois que tu le souhaites. Je veux pas passer pour un père protecteur lourdingue, alors te fais pas prier. »

Je ne savais pas trop à quoi il pensait, mais il était manifestement en train de me le dire aussi clairement qu’il le pouvait.

Lucéard : « Bien sûr, je n’y manquerai pas. »

J’avais assez parlé pour la journée et peinais à me montrer loquace. J’étais prêt à rentrer chez moi le plus vite possible, bien que j’allais encore avoir affaire à d’autres conversations puisque nous avions des invités au palais.

Lloyd : « Ellébore m’a parlé de la petite Miléna. Je ne sais pas ce qu’il en est, mais c’est certainement du sérieux si personne n’a encore trouvé de remède. En tout cas, je compte bien m’y atteler quand elle me rendra visite. »

Ne sachant pas quoi lui répondre, je hochais la tête avec intérêt. En effet, j’avais toujours connu la demoiselle avec sa maladie, et je pouvais imaginer la libération que ce serait pour elle si celle-ci ne s’avérait pas être incurable. Après tant de temps, je n’étais pas très optimiste, cela dit.

Sur une dernière révérence, je montais dans le carrosse qui m’attendait.

Pendant la route, je repensais à ce qui s’était passé, à moitié absent. Sans que je m’en rende compte, j’étais bientôt de retour chez moi, la famille Nefolwyrth avait certainement apporté un peu de vie dans ce triste palais.

Leur présence si particulière apportait un air frais et sain dans cette famille brisée.



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