Les Mondes Epars
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A l’extérieur du camp, le soleil de plomb les exténuent. Cela ne fait que quelques heures qu’ils explorent les alentours que l’eau leur manque déjà. Hormis cette pénurie, leur expédition les renseignent sur la disposition de ce monde. Contrairement à la forêt homogène de Glyndal exceptée la plaine près de la porte et sur le pourtour, la géographie d’Arozon varie du désert de galets à des concrétions de roches ocres en passant par de petites oasis. Si non loin du camp, ces points de ravitaillements ne manquent pas, depuis quelques kilomètres, ils n’en ont pas croisé une seule alors qu’ils en auraient grand besoin.

Assoiffés, ils errent à la recherche de ce havre. Yann cartographiant la zone comme à son habitude a suggéré à Lucie plusieurs fois de rebrousser chemin mais jusqu’à présent, elle a refusé, arguant que cela leur ferait perdre du temps. Son entêtement désespère Yann. Surtout qu’elle est la plus affectée par ce manque. Elle tire la langue depuis maintenant une heure avec le vain espoir d’absorber l’humidité absente de l’atmosphère. L’éloignement du campement et de l’oasis la plus proche inquiète Yann. Jusqu’à présent il n’avait pas insisté, pensant pouvoir faire l’aller-retour sans problème mais, d’après l’état de Lucie, si dans la demi-heure suivante, ils ne trouvent pas une oasis, elle risque l’insolation, ce qui isolé au milieu de tout, compromettrait ses chances de rentrer en vie. Il n’ose y penser.

Pour résoudre leur insoluble problème, il propose à Lucie de monter sur le monticule de roche situé à côté d’eux pour scruter un éventuel point d’eau non loin de leur position. Hagarde, elle secoue la tête approuvant l’idée. Au moins, elle récupèrera un peu de ses efforts, espère-t-il. Après une dizaine de minutes d’escalade, le voilà au sommet du rocher. A l’horizon apparaît l’oasis tant désiré. Il l’estime à deux kilomètres. Cela devrait le faire, pense-t-il en redescendant annoncer la bonne nouvelle à son compagnon.

L’annonce à un effet revigorant auprès de Lucie qui sort de sa torpeur. Sans attendre, ils se remettent en route. Pour atteindre leur destination, ils traversent un énième désert de galets qui à chaque pas torture leurs articulations, ajoutant la fatigue à la soif. Prévoyant la suite, Yann envisage de bivouaquer sur place pour repartir le lendemain en direction du camp ou tenter de pousser jusqu’aux confins de ce monde.

A quelques pas de l’oasis, Lucie, se précipite pour assouvir sa soif. Sentant que quelque chose cloche, Yann part à sa poursuite et la retient in extremis avant qu’un insecte gigantesque ne leur passe devant, ratant Lucie pour quelques centimètres. Se rétablissant de son attaque raté, il reprend un vol stationnaire d’observation. Yann observe la créature d’une hauteur de trente centimètres avec des ailes dans son dos semblables à celles d’un scarabée, son abdomen se terminant par un dard d’une dizaine de centimètres, acéré comme une dague. Cette appendice nous causera de lourd dégâts si jamais il nous atteint, analyse Yann. Sans perdre de temps, il sort son pieu et assène un coup à la créature. D’un battement d’aile, elle se glisse sur le côté ignorant son attaque. Agacé par son esquive, d’un ample mouvement, il frappe la créature l’envoyant s’écraser. Il se presse de rejoindre l’emplacement où elle a atterrit avant qu’elle ne se relève. Effort inutile, la créature morte.

Spectatrice de la scène, Lucie interroge Yann de son regard si elle peut enfin boire. Il acquiesce d’un signe de la tête. Lucie plonge sa tête dans le point d’eau et boit à gorge déployée. Yann surveille les alentours, contenant son envie de se désaltérer. Lucie ayant assouvi sa soif, lui tend une gourde remplie d’eau qu’il accepte avec joie sans baisser sa garde. Un bourdonnement, interrompt son geste. Il s’en doutait. Aucune créature aussi facile à battre ne se déplacerait seul.

Une demi-douzaine de créatures sortent de toutes parts. Sans attendre, elles passent à l’assaut. Yann lâche la gourde, renversant son contenu et empoigne son arme. Lucie remise de sa déshydratation dégaine son épée. D’un revers de sa lame, elle tranche une créature qui s’effondre. Yann se jette sur le côté, esquivant le feu croisé de deux insectes. En se relevant, il transperce une créature qui se préparer à foncer vers Lucie. De son côté, elle en taille deux autres grâce à sa vivacité. Leur rang éclaircis, les trois créatures restantes se réorganisent. Elles partent d’un même point avant de foncer vers la même cible à grands renforts d’acrobaties aériennes pour rendre leurs trajectoires illisibles. Lucie, leur objectif, refuse de céder et va à leur rencontre, son épée devant elle. Elle plante une des créatures avant que les deux autres ne l’atteignent avec leurs dards. Yann profite de leur déséquilibre pour s’en débarrasser. Sûr d’avoir disposé de tous leurs adversaires, il s’enquière de l’état de Lucie :

« Bordel, c’est quoi ces dégâts, je me suis pris deux pauvres coups et je ne suis déjà à 52 de barrière…

– C’est une blague ?

– Hélas, non, les vorlines sont reconnues pour leur dangerosité… et parce qu’elles sont vraiment vicieuses avec leurs attaques… De vraies petites pestes. Au moins, on s’en débarrasse en un coup.

– C’est normal qu’elles soient aussi nombreuses ?

– Ouais, les ouvrières se déplacent toujours en groupes. Et encore, là elles n’étaient pas si nombreuses que ça…

– Attends, ouvrières, comme les abeilles et les fourmis ?

– Ouais…

– Ça veut dire qu’il y a une reine et des guerriers ?

– Tout à fait ! A chaque fois le suivant est plus gros et plus fort que le précédent. Une vraie partie de plaisir !

– Donc le gardien de ce monde est leur reine ?

– Pas forcément, ça dépend de plein de facteurs… Avec un peu de chance ça ne sera qu’un guerrier… Voire une ouvrière si on s’essaye à l’optimisme.

– Effectivement, une vraie partie de plaisir…

– Après, si tu veux une bonne nouvelle, elles ont besoin d’une grandes concentration d’éther pour survivre qu’on ne trouve que près des oasis et des gisements de matériaux précieux. D’ailleurs l’un et l’autre est lié.

– Comment ça ?

– Plus l’éther est concentré en un endroit, plus les matériaux sont rares mais en contreparties plus de créatures apparaissent et avec plus de puissances. D’où la remarque du capitaine, si nous nous baladons dans un désert et que soudain nous sommes attaqués, cela signifie qu’il y a des ressources intéressantes non loin.

– Si nous survivons à l’attaque…

– Cela va de soi.

Yann soupire. Il pensait le plus dur derrière lui. Il soumet son idée pour la suite à Lucie :

– Bivouaquer ici ? Pourquoi pas, je pense qu’après cette journée nous le méritons. Dire que nous avons quitter Aldric ce matin seulement, j’ai pourtant l’impression qu’il s’est écoulé une éternité…

– Moi aussi… Est-ce que l’endroit est sûr maintenant que nous nous sommes débarrassés des Vorlines ?

– Normalement oui, ça serait improbable que le monde régénère en une nuit un groupe de créatures… Surtout que si c’était le cas, j’ose espérer que le capitaine ou les autres explorateurs nous auraient mis en garde.

– Puisses-tu avoir raison… »

Le soleil encore haut dans le ciel, ils déploient leurs affaires autour de ce qui sera un futur feu de camp. Leurs tentes composées d’une toile et de deux supports offrent une protection à peine suffisante contre le vent qui commence à balayer l’oasis. La température chute à mesure que le crépuscule approche. Remis de leur galère de la journée, ils consacrent le peu de temps restant à la préparation du repas. Suivant la requête de Lucie, Yann produit un ragoût meilleur que ceux dont ils avaient l’habitude jusqu’à présent. Ce repas adoucit leur morne moral après cette journée compliquée.

Il profite de ce temps mort se renseigner sur quelques question qui lui trottent tête :

« Dis, je me demandais après la rencontre avec nos collègues plus tôt, est-ce que ça arrive que les explorateurs s’affrontent entre eux ?

– Oui, en théorie rien ne l’interdit, en pratique c’est quelque chose de très rare, car des traités ont été signés par les nations qui en profitent pour éviter de déclencher des guerres inutiles… Surtout qu’avec le corps éthéré initial, les 10 de résistance annulent les 10 de force donc personne ne fait de mal à personne. Ce qui obligerait à entraîner des soldats exprès avec un coût faramineux ou bien d’engager des explorateurs qui seraient réticents… En gros, rien de bien simple, donc tout le monde préfère chercher la paix et régler les problèmes pacifiquement.

– Ouah, c’est limite utopique comme description…

– Ne te trompe pas, c’est parce que personne n’a trouvé ça rentable de faire la guerre sur les mondes épars, pas parce que tout le monde était imprégné d’idéaux… De temps en temps des batailles arrivent mais sans grande conséquence.

– Un peu comme notre monde au final.

– C’est partout pareil de toute façon… Et ne crois pas que les autres races sont meilleurs que nous, si elles existent toujours c’est bien parce qu’elles se sont battu pour s’en arroger le droit… Mais au moins l’illusion fonctionne ici…

– Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

– Rien, je m’égare dans mes pensées… Je crois qu’il est temps pour moi de dormir, demain nous continuerons sur notre lancée. Bonne nuit !

– Bonne nuit et à demain ! »



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