Morgane : Si j’étais laide voire hideuse, m’aimerais-tu toujours avec les mêmes sentiments ?
Intègre : Certes au début ta beauté physique était un critère important, mais maintenant c’est devenu un élément secondaire. Ce sont tes qualités morales qui me rendent fidèle envers toi.
Morgane : Tu es certain de toi ?
Intègre : Absolument, même si un accident te défigurait gravement le visage, mon amour ne changerait pas.
Morgane : Un grand merci, tes mots me vont droit au cœur.
Morgane décela que son interlocuteur était pleinement sincère, que le juge ne mentait absolument pas quand il disait que la beauté extérieure comptait peu pour lui comparer à la personnalité de sa bien-aimée. Aussi Morgane était plongée dans davantage de confusion. Elle s’était attendue à ce que le physique ait encore une dimension importante dans sa relation avec Intègre. Pourtant elle découvrit que le juge préférait nettement son caractère à des critères esthétiques. Ainsi la séductrice songea sérieusement pendant un bref moment à trahir Arthur pour s’enfuir avec le juge, à partir le plus loin possible pour échapper à la vengeance de son organisation.
Elle voyait comme une folie dévastatrice pour elle cette option, mais aussi une solution potentiellement très agréable. Sa tendance romantique lui soufflait qu’Intègre méritait bien un véritable dévouement. Morgane se rendit alors compte que ses émotions débordaient du cadre de sa tâche professionnelle, qu’elle éprouvait un amour véritable pour le juge. Ce qui constituait une situation véritablement épineuse. Si elle allait trop loin dans la remise en cause des ordres d’Arthur, au mieux elle serait mise temporairement de côté, obliger de prendre des congés forcés afin de faire le point, au pire jugée comme une renégate, et soumise à une procédure vraiment désagréable.
La séductrice pensait donc qu’il valait mieux prendre des mesures pour juguler ses sentiments amoureux. Alors elle réfléchit ardemment sur un moyen de tuer son attachement vu comme inapproprié à l’égard du juge. Les sorts de domination seraient peut-être une solution, mais cela la rendrait vulnérable aux suggestions d’une autre personne. La peur d’être manipulée faisait que Morgane rejeta sa première idée. Quant à apprendre par elle-même les pouvoirs de contrôle mental pour se conditionner, c’était une approche qui demanderait trop de temps, il faudrait peut-être des années avant que la séductrice ait le niveau suffisant. Or elle voulait une solution sur le court terme.
Puis elle eut envie de se traiter d’idiote, il n’y avait pas forcément besoin de se faire dominer pour régler le problème posé par son amour. Cependant une partie de son esprit se révoltait contre l’idée envisagée. Sa tendance romantique présentait comme merveilleux les sentiments provoqués par Intègre. Elle affirmait que rejeter l’amour revenait à se renier soi-même. Toutefois Morgane éprouvait aussi de la peur, la hantise de la répression d’Arthur, et aussi l’angoisse de faillir à ses devoirs envers les royaumes elfes. Mais elle avait du mal à se convaincre totalement avec ses arguments logiques, puis elle se mit à penser à la réaction très probable de haine du juge quand il découvrait la nature elfique de la séductrice.
Donc Morgane décida de voir en urgence Merlin le haut-mage dans la tente des complots, afin de régler son problème d’affection pour Intègre.
Merlin : Que me veux-tu Morgane ?
Morgane : J’aimerai savoir si tu t’y connais s’il te plaît en matière de potion d’amour.
Merlin (vexé) : Je ne suis pas un magicien à la petite semaine. J’ai d’autre chose à faire que de me préoccuper de confectionner des philtres qui aident à séduire quelqu’un.
Morgane : Ce que j’aimerai avoir, ce serait d’une potion pour effacer les sentiments amoureux.
Merlin : Cela n’entre pas dans mes compétences. Et pour qui est destinée la fameuse potion ?
Morgane : Une amie qui a besoin d’aide.
Merlin : Je ne peux pas t’aider.
Merlin n’était pas complètement dupe, il vit au travers des mensonges de Morgane, il devina que la personne voulant la fameuse potion c’était la séductrice. Aussi il s’empressa de faire un rapport à Arthur afin de souligner un fait potentiellement troublant. Il espérait qu’il ne déclencherait pas une punition trop importante pour Morgane, que dans le pire des cas la séductrice n’écoperait que d’un avertissement. Merlin trouverait dommage de se priver des services très efficaces de la séductrice. Surtout qu’il prévit de mener de dures négociations avec un confrère mage et qu’il aurait besoin d’elle afin de tirer vers le bas les prix de l’achat de grimoires magiques.
Finalement la fin de la deuxième phase arriva, Morgane et Intègre finirent par avoir un ébat sensuel, un soir où ils burent ensemble, ils cédèrent tous deux à leur pulsion partagée. D’ailleurs la séductrice était franchement heureuse de participer sur le lit. Elle fit un rapport à Arthur le lendemain.
Arthur : Je suis content de toi Morgane, on va pouvoir passer à la phase trois maintenant.
Morgane : Merci seigneur Arthur. Je me répète, mais faut-il vraiment qu’Intègre meure ?
Arthur : C’est nécessaire pour augmenter les chances de réussite d’ébranler le royaume d’Absolia.
Morgane (peinée) : Très bien seigneur.
Une fois que Morgane la séductrice eut fini son rapport et se fut en aller, le haut-mage Merlin s’entretint avec Arthur. Il se rendit invisible dans la tente des complots afin de pouvoir se livrer à une analyse magique de la séductrice. Il était soucieux car il remarqua des signes d’amour flagrant chez Morgane. Elle se montrait beaucoup plus coquette que lors de ses missions précédentes, elle rougissait légèrement quand elle se trouvait en présence du juge. En plus la séductrice était surveillée fréquemment grâce à un dispositif magique. Une boule de cristal permettait de découvrir ses moindres faits et gestes.
Merlin : Seigneur Arthur comme vous le pensiez, Morgane éprouve de l’amour pour Intègre, l’analyse de son aura est sans appel. Faut-il prendre des mesures pour la rappeler à l’ordre ?
Arthur : J’ai confiance en Morgane, quand bien même elle deviendra très amoureuse d’Intègre, elle fera passer son devoir avant ses sentiments.
Merlin : Comme vous voulez seigneur.
La phase trois du complot contre le juge Gérard Intègre consistait à éveiller sa jalousie. Alors qu’Intègre allait rendre visite à Morgane, il perçut une conversation grâce à son ouïe surnaturelle. Il se rendit dans un lieu d’habitation à plusieurs étages en pierre grise connu pour sa tranquillité, mais aussi la pauvreté de ses habitants. Il remarqua les lézardes sur les murs, les taches d’humidité, et d’autres signes peu glorieux sur les murs. Alors qu’il était près de la porte du domicile de Morgane, il perçut par moment des éclats de voix.
Il trouvait peu glorieux de chercher à espionner la séductrice, toutefois quand il perçut qu’il avait affaire à un rival en amour selon les apparences, il ne put résister à la pulsion d’écouter aux portes. Certes il aurait été plus moral de ne pas chercher à apprendre des détails par la ruse. Mais Intègre découvrit que quand il était question de Morgane, ses principes stricts avaient tendance à s’effilocher.
Par exemple il usa récemment de ses relations dans le milieu judiciaire afin d’accélérer le procès contre le milicien accusé de chantage par Morgane. C’était un abus de pouvoir, certes le juge ne demanda pas que de fausses preuves soient utilisées, ou que la vérité soit biaisée d’une façon ou d’une autre. Mais il était quand même indéniable qu’Intègre recourut à son influence pour des motifs personnels. Qu’il modifia l’emploi du temps de plusieurs magistrats juste au nom de l’amour.
Pour une personne qui luttait dans le cadre de ses fonctions contre la corruption et la malhonnêteté de manière énergique, le juge commit ce qui ressemblait à un impair. Mais il n’éprouvait pas des regrets trop poignants. Certes il fit des compromissions sur son honneur, cependant le regard apaisé de Morgane était un trésor fabuleux pour Intègre.
Morgane : Non Lancelot je ne veux pas me marier avec toi, tu es séduisant, mais je suis lié par amour à quelqu’un d’autre.
Lancelot : De qui s’agit-il ?
Morgane : Du juge Gérard Intègre.
Lancelot : Je savais que tu aimais les hommes mûrs, mais je ne pensais pas que tu t’intéressais aux vieillards. Hormis le fait que la différence d’âge entre Intègre et toi est flagrante, il faudra gérer plusieurs problèmes importants si votre relation de couple perdure. Intègre est peut-être encore vert, mais il a atteint un âge où les forces déclinent de plus en plus. Dans une décennie, tu auras trente-cinq ans et lui plus de soixante. Si tu élèves des enfants, tu ne pourras pas trop compter sur l’aide du juge dès qu’il aura passé le cap de la soixantaine. De plus tu es vraiment sûre de vouloir subir des quolibets de la part de voisins dans ton dos ? Intègre a beau être une personne respectée, les couples dont les membres ont un gros écart au niveau de l’âge cela fait franchement jaser.
Morgane : Mon amour pour Gérard a beau être récent, il n’en est pas moins solide, il faudra beaucoup plus que tes arguments fallacieux pour le mettre en péril. Et puis Gérard est une personne très endurante, donc je pense qu’il aura l’énergie et la patience nécessaire pour participer activement à l’éducation de notre progéniture, s’il souhaite avoir des enfants bien entendu.
Lancelot : Tu devrais réfléchir sérieusement au bien-fondé de ta relation avec Intègre, je peux t’offrir bien plus de temps et d’argent que lui. Si tu me choisissais comme amant, tu pourrais me voir tous les jours. Tu ne fréquentes ton cher juge qu’une à deux fois par semaine dans le meilleur des cas. Si tu renonces à Intègre je suis prêt à financer ton rêve d’ouverture d’une école pour sourds-muets.
Morgane : Tu vas trop loin Lancelot, au nom de notre longue amitié je vais oublier tes propos. Mais sache que tu as beaucoup baissé dans mon estime.
Intègre qui attendait devant une porte, passa devant Lancelot et ignora l’air haineux de son faux rival. Il avait du mal à s’empêcher d’afficher un petit sourire. Par contre Morgane se sentait honteuse et triste de jouer la comédie. Par exemple son âge véritable n’était pas vingt-cinq ans mais deux cents quarante. Le juge remarqua que le lieu de vie dans lequel vivait Morgane s’avérait assez modeste, à part un lit, une armoire pour les vêtements, et une table avec quelques chaises, il n’y avait pas grand-chose, en prime les meubles semblaient faits avec du bois de mauvaise qualité, du matériel de récupération.
Intègre bien qu’il ne soit pas très fort imaginait être capable de casser l’armoire avec quelques coups de pied énergiques. Il se dit que Morgane méritait nettement mieux qu’un lieu de vie d’une seule pièce avec un ameublement peu attractif, et la présence de cafards. Mais le juge avait d’autres motifs qui occupaient son esprit pour le moment, il désirait surtout connaître l’identité de celui qu’il percevait comme un rival dans son amour avec Morgane.