Glil : J’ai besoin de volontaires pour participer à un raid nocturne sur le camp orque. Notre objectif est de casser l’artefact en forme de crâne, qui confère des forces supplémentaires à nos ennemis.
Arthur : Je suis partant, mon lieutenant.
Glil : Soldat Arthur cela ne fait que six mois que tu t’entraînes, il est encore trop tôt pour que tu participes à des missions capitales.
Lancelot : Je suis pour que le soldat Arthur prenne part à la mission, il a beau faire partie des nouvelles recrues, il dispose d’un gros potentiel.
Glil : Arthur est un humain, il verra moins bien la nuit que les soldats elfes, par conséquent il sera moins apte à combattre.
Lancelot : Nous avons des magiciens dans notre armée qui peuvent conférer à Arthur la capacité de voir aussi bien la nuit qu’un elfe.
Glil : Je ne veux m’entourer que de guerriers expérimentés, cela multiplie les chances de réussite et de survie, mon général.
Lancelot : Lieutenant Glil je te soupçonne d’avoir d’autres motivations, comme par exemple un racisme à l’encontre des humains. Tu as la réputation d’empêcher les hommes courageux de s’illustrer dans ton bataillon.
Glil : Je n’aime pas beaucoup certains humains, mais je ne suis pas raciste.
Lancelot : Dans ce cas, la question est réglée, Arthur participera à la mission.
Il était facile de reconnaître le campement orque, aux odeurs de viande brûlée qui se sentaient sur une grande distance, et aux traces de saccage. Ces êtres démolissaient souvent les traces de civilisation sur leur passage, ainsi ils réduisirent presque complètement en ruine le village anciennement habité par des elfes qu’ils visitèrent. Ils ne laissèrent debout les maisons de personnalités du village, uniquement parce que leurs chefs voulaient un toit pour dormir. Et encore même les demeures non complètement démolies, se révélaient souillées par les excréments et le manque d’hygiène des orques.
Le lieutenant Glil était loin d’être le seul elfe raciste à l’égard des humains. En effet beaucoup de ses semblables considéraient avec haine ou animosité les hommes. Cela était dû au fait que les humains étaient souvent méprisants avec les elfes,mais aussi à cause de la tendance à l’élitisme de nombreux êtres elfiques. Bien que l’égalité entre citoyens soit un fondement théorique des royaumes elfes, il n’empêchait qu’une part non négligeable des pères et mères de famille elfique enseignaient à leur enfant, à considérer les elfes comme une race supérieure à toutes les autres. L’orgueil n’était pas un trait de caractère unique aux elfes. Par exemple la majorité des hommes, se considérait comme destinée à devenir les maîtres de la planète Gerboisia. Toutefois les êtres elfiques pouvaient également aller très loin au nom de la fierté. Les elfes avaient aussi de bons côtés, ils respectaient généralement la nature, et pour eux un serment était quelque chose que l’on devait respecter, si l’on avait été libre de promettre.
Cependant certains elfes en particulier dans les familles nobles avaient vraiment la grosse tête, se caractérisaient par une propension très impressionnante à se montrer orgueilleux. Ainsi quand un officier humain avait sous ses ordres un elfe, il lui fallait beaucoup de chance ou de diplomatie, pour que l’elfe obéisse sans rechigner aux ordres, quand bien même les directives s’avéraient très sensées.
Le lieutenant Glil faisait baver Arthur le fort, il lui imposait les corvées jugées comme les plus dévalorisantes, notamment la collecte des excréments. Par contre les relations du fort avec les camarades ayant le même grade s’amélioraient avec le temps, elles étaient passées d’hostiles à neutres voire amicales. Glil espérait qu’Arthur ferait un faux pas durant le raid nocturne, pour pouvoir mieux le saquer. En fait même si le fort avait un comportement proche de l’irréprochable, le lieutenant avait l’intention de faire traduire prochainement devant un tribunal de guerre Arthur pour faute grave.
Il jugeait comme une erreur insensée d’avoir accordé une chance au fort d’entrer dans l’armée elfique. Il admettait qu’Arthur supportait beaucoup mieux que prévu les tâches dévalorisantes imposées. Mais ce n’était pas une preuve de loyauté d’après Glil, cela démontrait juste que le fort avait une bonne résistance mentale. En effet d’après le lieutenant sa victime favorite n’aurait absolument aucun remords à vendre ses camarades d’armée en échange d’une rémunération avantageuse.
Alors Glil estimait de son devoir de pousser Arthur à la faute, de s’arranger pour le malmener afin de l’obliger à dévoiler sa duplicité. Il s’agissait d’une excuse pitoyable pour justifier un comportement raciste. Le lieutenant se berçait d’arguments bancals pour faire taire les quelques accès de regrets qui l’incitaient à revoir son attitude à l’égard du fort. Cela n’empêchait pas Arthur de se montrer brillant même selon des critères élitistes, il apprenait à une vitesse franchement poussée. Il arrivait à battre en combat à mains nues des elfes expérimentés qui avaient plus de cent ans. L’espérance de vie chez les elfes n’était pas la même que les humains, ils pouvaient dépasser facilement le millénaire. Certains des camarades d’Arthur murmuraient qu’un esprit ou une divinité devait l’avoir pris sous son aile, que le fort bénéficiait de l’appui d’une puissante entité qui le protégeait et le gâtait avec des dons favorisant l’apprentissage.
Le fort et ses camarades s’orientaient à la vue mais aussi l’odeur, les orques accordaient une importance particulière à exhaler une senteur particulièrement forte, surtout les chefs qui se frictionnaient régulièrement le corps avec des excréments.
Arthur se sentit désolé pour les elfes avec un corps à moitié rongé par les orques, et aussi les guerriers dont certains eurent le droit à un traitement déplaisant, la crucifixion sur des poutres de bois. Le fort se jura de contribuer à faire payer les outrages des orques, d’œuvrer à ce que la démolition des maisons, et les tourments infligés aux elfes soient vengés. Alors qu’Arthur et des compagnons d’armes s’approchaient furtivement en rampant dans des herbes hautes du camp orque, le lieutenant Glil se leva, scruta les environs, puis ordonna de marcher debout, et il ne résista pas à l’envie de houspiller le fort.
Même s’il savait que ce type de comportement pourrait attirer l’attention des orques, des adversaires franchement dangereux pour les elfes. Certes les orques n’avaient ni la technique ou les réflexes de leurs ennemis. Mais ces êtres ressemblant à des humains mis à part une peau grise, et des dents faites uniquement de crocs, bénéficiaient aussi d’atouts, comme l’avantage du nombre et une force effrayante, certains d’entre eux jonglaient carrément avec des rochers. Leurs chefs étaient faciles à reconnaître, ils étaient plus grands et massifs que la moyenne, et se promenaient souvent avec des têtes, des dents et des cheveux d’ennemis vaincus autour du cou.
Glil : Soldat Arthur tu as intérêt à avoir un comportement exemplaire. Si la mission connaît des remous ou un échec à cause de toi, je te saquerai.
Arthur : J’ai bien compris mon lieutenant, j’ai l’intention de faire honneur au bataillon auquel j’appartiens.
Glil : J’ai un doute, entre l’honneur du bataillon et l’envie d’avoir de la gloire, je crois que tu préfères la gloire.
Arthur : Ma priorité actuelle est d’être utile à mes camarades, pas de me faire un nom au sein de l’armée.
Glil : On verra, argh … un piège magique, ma jambe est blessée, tu m’as distrait soldat Arthur ! Sois maudit espèce de crétin !
Arthur : Des orques arrivent ! Pour l’honneur et la victoire à l’attaque !
Glil avait la jambe droite immobilisée par un traquenard à l’apparence inoffensive. Il s’agissait d’une branche de pin, mais le morceau d’arbre était chargée d’énergie mystique, tous ceux marchant dessus subissait une immobilisation, et recevait une décharge magique qui les faisait saigner.
En prime le traquenard faisait aussi office d’alarme, il envoyait un message télépathique à un gardien orque. Même si de toute façon les cris sonores du lieutenant avaient été suffisants pour indiquer sa position à des ennemis. Glil avait beau être un militaire il était quand même assez douillet, donc il ne put se retenir d’hurler comme un damné quand la décharge l’atteignit. De leur côté Arthur et un autre camarade elfe se résolurent à sauver le lieutenant, aussi ils essuyèrent en conséquence des souffrances vives. Par contre ils parvinrent eux à résister à l’envie de crier haut et fort. Il y avait un compagnon mage non loin du fort, il estimait pouvoir protéger ses alliés d’une immobilisation surnaturelle, cependant comme le temps pressait il ne put rien faire pour l’effet magique néfaste causant des souffrances au moyen d’un sort.
Il récita à la va-vite une incantation pour annuler les effets paralysants de la branche, mais il estima rapidement que casser le morceau de bois serait plus rapide pour sauver efficacement Glil. Toutefois il y avait une contrepartie il fallait encaisser des tourments physiques intenses afin de déjouer les effets de la branche.
Arthur impressionna positivement ses compagnons, bien qu’il dut subir une véritable séance de torture, il se limita à grimacer. Et il se montra vaillant et efficace quand vint le moment de supporter la charge des orques.
Il développa son propre style de combat comparé à ses camarades, et surtout Glil. Là où les elfes étaient très élégants, le fort se caractérisait par son efficacité brutale. Il pensa bien un moment copier par déférence la manière de combattre des elfes, mais son corps était différent d’eux. Donc il valait mieux qu’il choisisse une autre manière de guerroyer. Les elfes avaient pour habitude de percer le cœur, ou le cerveau avec leur épée, et ressemblaient à des sortes de danseur quand ils esquivaient. Alors qu’Arthur tranchait voire écrasait avec son épée. Il maniait une épée longue épaisse assez lourde pour pouvoir fracasser le crâne d’un orque.
Au début de sa carrière de soldat il se sentit un peu désolé de ne pouvoir copier avec efficacité les manières raffinées des elfes sur le champ de bataille. Cependant maintenant il oublia ses regrets, il réalisa que cela aurait dommage de ne pas compter sur un style exploitant sa grande force physique. Bien sûr il était loin de valoir les orques pour la musculature, et la capacité à soulever des objets, donc ce serait de la folie de chercher à parer leurs attaques. Il n’y gagnerait qu’engourdissement au niveau des bras voire projection violente de son corps au sol.
Toutefois le fort était bien plus costaud que les autres elfes l’accompagnant. D’ailleurs il avait l’impression que plus le temps passait plus il éprouvait le fait de manier facilement son épée, comme si son poids dans ses mains devenait de moins en moins une contrainte. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait, son arme n’était pas magique, elle ne bénéficiait pas de sort de légèreté. Un autre phénomène plus inquiétant venait qu’Arthur peinait progressivement à organiser ses pensées.
Arthur et ses camarades se défendaient bien, mais les orques avaient un très bon avantage au niveau du nombre, ils étaient à trois contre un, de plus le crâne maléfique décuplait leurs forces. Tout semblait perdu pour le fort et ses alliés, les orques emportaient progressivement leurs ennemis à coup d’épées géantes longues comme un homme, de haches grossières en métal de plus cinquante kilos, ou de massues en bois ornementées de clous pointus. Les armes des orques étaient souvent mal entretenues et couvertes de rouille sur la partie métallique, mais comme elles étaient maniées par des gens forts et rapides, elles faisaient quand même beaucoup de dégâts.
La perspective de mourir au combat ne dérangeait pas Arthur. Mais il voulait d’abord se faire un nom dans les annales elfiques, avant de trépasser. Le fait d’avoir longtemps été traité comme un sous-homme, un déchet par des maîtres impitoyables, avait créé un besoin de reconnaissance chez le fort. Son but ultime était d’entrer dans la légende comme le guerrier le plus talentueux que les elfes aient connu. Arthur était plein d’ambition mais ce n’était pas une tare, de plus il se donnait les moyens d’atteindre un but élevé. En effet il s’entraînait au moins quatre heures par jour avec des armes.
En outre il apprenait très vite, la nature lui avait donné de fortes prédispositions pour combattre. Arthur en plus d’une constitution robuste, était souple, agile, musclé et disposait de réflexes très aiguisés. La perspective de voir ses rêves réduits à néant par des orques, des êtres que le fort considérait comme des dégénérés, le plongea dans une colère noire. Or la rage d’Arthur fut accompagnée d’un miracle, le fort se mit à tuer des dizaines d’ennemis en moins d’une minute, et surtout il exaltait de lui une aura de terreur oppressante.
Ses gestes perdirent en précision, et devinrent mécaniques. Il était nettement moins doué en matière de technique martiale, il oublia le contenu des leçons durement apprises dans l’art de trancher des ennemis avec efficacité. Néanmoins il compensait allègrement cet état de fait, il témoignait désormais une vitesse d’action, une force et des réflexes surnaturels. Par exemple il décollait les têtes d’orque avec une seule baffe. Ils ne maniaient plus une épée, mais deux couteaux longs dans chaque main. Cela ne l’empêchait pas de couper des épées épaisses, des boucliers en métal, et des armures en plaque comme s’il était confronté à des obstacles faits dans du beurre frais.
En plus d’aptitudes physiques renforcées, il semblait avoir gagné des pouvoirs comme le fait de rendre d’une solidité effrayante ses armes, et d’avoir décuplé leur capacité à trancher. Ainsi il découpa un pin avec une seule attaque. Il était désireux d’écraser des adversaires avec la chute d’un arbre.
Le chef suprême des orques du camp ne s’avouait pas vaincu, il défia le fort dans un duel. Il connut le même sort que ses semblables trop audacieux, une mort rapide dès qu’Arthur s’intéressait à un ennemi. Pourtant le chef était un sacré opposant à première vue, il mesurait bien deux mètres vingt, était une montagne de muscles, et bénéficiait de tatouages mystiques représentant des dragons et des loups rendant invulnérables la majorité des parties de son corps à des attaques physiques ordinaires. Il suffit toutefois d’une simple gifle au fort pour défaire son adversaire.
Ainsi les orques bien qu’ils méprisent habituellement la fuite, se mirent à battre en retraite suite à la mort de leur chef. Arthur était une épreuve trop dure à surmonter pour eux, mais les ennuis des elfes n’étaient pas finis. Le fort était dans un état second, son esprit s’avérait embrumé par une démence sanguinaire, une partie de lui réclamait le sang de ses camarades.
Arthur était désireux de goûter le sang de ses compagnons. Les elfes inquiets se consultèrent du regard, heureusement il n’y eut finalement pas de carnage contre eux. Le fort réussit à reprendre le contrôle de son esprit, ses pulsions meurtrières contre ses camarades s’estompèrent.
L’héroïsme et l’action déterminante d’Arthur permirent la destruction du crâne maléfique. Plusieurs camarades du fort décidèrent de le porter en triomphe, une fois de retour au campement elfe. Toutefois le lieutenant Glil ne renonça pas à nuire à Arthur, il demanda une entrevue avec le général Lancelot. L’officier supérieur bien qu’il soit habitué à recevoir dans sa tente des êtres méprisables, était tenté de céder à la tentation de donner une gifle à Glil.