Le Chevalier des Elfes
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Glil ratait rarement une occasion d’attirer un blâme injustifié sur Arthur, de chercher à le mettre en colère. Mais il perdait son temps, il affrontait quelqu’un qui vécut un véritable enfer, alors les brimades du lieutenant passaient pour une promenade de santé. Le fort quand il était esclave avait droit à des restrictions et des punitions bien plus carabinées que le harcèlement de Glil.

Il supportait donc avec un calme véritable les manifestations de rabaissement orchestrées par son supérieur hiérarchique. Arthur se disait d’ailleurs que tôt ou tard son lieutenant finirait par se lasser, cesser de l’attaquer personnellement pour un oui ou un non. Mais apparemment le fort était trop optimiste. Glil s’avérait fermement décidé à compliquer autant que possible l’existence de sa victime favorite. Il voulait ardemment faire craquer Arthur. Certes le lieutenant était surpris de la résistance du fort, mais il tirait une volonté accrue de nuire face au courage de son interlocuteur. Il prenait pour de la moquerie la volonté de son subordonné de ne pas envenimer les choses, son absence de rébellion caractérisée à l’égard des nombreuses vexations.

Même si Glil commençait à être à court de moyens de pression pour mener la vie dure à Arthur. Il peinait progressivement à faire preuve d’imagination, à varier les sanctions. Le fort pataugea dans la boue et les excréments, il subit des insultes graves, il dut nettoyer vingt fois des couverts mais il restait relativement serein.

Après avoir passé six mois en tant que soldat, Arthur fit un soir un rêve qu’il qualifia plus tard d’étrange. Il se trouvait sur une plaine remplie d’arbres au tronc rouge et de feuilles noires. Ces végétaux avaient bien l’épaisseur d’une tour et une hauteur digne des manoirs les plus cossus.

Il se tenait un vieillard elfe endormi au centre de l’endroit. Il ne portait comme vêtement seulement un pantalon gris, par contre il avait aussi une corde lui servant de ceinture et ce qui ressemblait à une bourse rondelette. À côté du vieil homme il y avait deux, trois pièces d’or par terre. Arthur se rendit compte qu’il était équipé pour la guerre, qu’il se trimballait avec une épée de fer bien entretenue et une armure complète. À priori ce serait une simple formalité de dépouiller le vieillard. Mais Arthur choisit de passer son chemin, il n’était plus la même personne. Même s’il trouvait tentant de s’enrichir grâce à un vol, il considérait désormais comme indigne de faire du mal à un inconnu avec qui il n’avait pas de compte à régler.

Il admettait que la guerre excusait certains comportements, mais qu’il fallait maintenant une raison morale pour employer la violence. Il ne reniait pas que la possibilité de passer à côté d’une occasion facile d’acquérir un pactole lui faisait un peu mal au cœur. Cependant le fort voulait désormais agir avec plus d’honneur.

Le vieillard qui faisait semblant de dormir ne put s’empêcher de sourire devant la tournure que prenait les événements. Iln’était pas si commun que des gens ne cherchent pas à le dépouiller. Tous les malandrins ne cherchaient pas à le trucider, toutefois rares étaient les gens qui n’essayaient pas de rafler au moins une pièce d’or par terre, qui ne tâtaient pas le terrain afin de vérifier la profondeur de son prétendu sommeil. Ainsi le vieillard s’annonçait franchement impressionné, il aurait peut-être bientôt un nouvel élu. Certes il était encore trop tôt pour se prononcer, mais les choses démarraient très bien.

Une fois que la résolution d’Arthur fut prise, ce dernier fut déplacé il était désormais dans une salle du trône, où des sujets attendaient son verdict. Le fort examina ses bras et ses jambes et il découvrit qu’il avait de superbes vêtements de soie rouge, ainsi qu’une couronne sur la tête. Il occupait manifestement la position d’un roi. Des courtisans l’appelaient à mener une guerre impitoyable contre les elfes, et d’autres races afin d’étendre son domaine. Ils l’avertirent qu’ainsi Arthur pourrait garantir l’hégémonie de l’humanité, et qu’il se couvrirait de richesses immenses et d’une gloire sans pareille. Le fort refusa de s’adonner à ce qu’il qualifiait une procédure odieuse. Il clama haut et fort son amour des elfes, et il argumenta selon le principe que la guerre devait être un processus usé en dernier recours.

Les courtisans prirent d’abord pour une plaisanterie les mots d’Arthur mais ils déchantèrent face à son insistance. Alors ils menacèrent de destitution voire de mort leur monarque. Cependant le fort demeurait ferme sur ses positions. Il s’attendait à des représailles tonitruantes, à une réaction très hostile. Néanmoins il restait déterminé à défendre la paix avec les elfes. Au début la foule se limita à manifester de l’incrédulité, à murmurer sa déception. Mais petit à petit elle se laissa envahir par la colère et la haine. Ainsi ceux qui firent des courbettes devinrent des gens prêts à tailler en pièces Arthur, à perpétrer sur lui une mise à mort sanglante. Ses sujets présents dans la salle se jetèrent sur lui, le mirent nu et tranchèrent sa tête. De plus les courtisans s’acharnèrent sur son corps, ils le lardèrent de coups avec diverses armes blanches.

Il n’y avait qu’une personne assez heureuse dans les environs, il s’agissait toujours de l’énigmatique vieillard. Il était content que le fort soit assez mature pour prendre une position osée face à des fanatiques, qu’il privilégie la sauvegarde des elfes au détriment de sa propre existence. Il tenait un champion qui s’annonçait très prometteur, un émissaire divin qui apporterait peut-être un jour un immense bonheur aux elfes.

Ensuite Arthur fut de nouveau transporté dans un autre lieu, il décela que les coups de dague et d’épée reçus ne laissèrent pas de cicatrice. Par contre il était toujours nu. Il était dehors sur une lande désolée, et confronté à ce qui ressemblait à une immense manifestation surnaturelle. Le soleil éclairait les alentours, mais il y avait une sorte de brouillard noir extrêmement opaque sur une zone de vingt mètres carrés à côté d’Arthur.

Des ténèbres lui parlèrent par télépathie, elles lui offraient la résurrection de Bohort. Le fort connut un instant d’hésitation, il avait peur s’il refusait de condamner son âme à des tourments éternels. Mais il ne voulait pas d’un autre côté favoriser des desseins purement maléfiques, même s’il y avait franchement gros à gagner. Alors il déclina l’offre même si la récompense promise méritaient le titre d’avantageuse. Les ténèbres ne restèrent pas sans réaction, elles jurèrent d’infliger des tourments terribles si Arthur ne donnait pas son accord.

Il était vraiment terrifié par l’entité près de lui, il s’avérait dans un tel état d’anxiété qu’il s’avérait presque prêt à se faire pipi dessus. Il devait en appeler à toute sa volonté pour contrôler sa vessie. Cependant le fort voulait devenir un protecteur dans l’avenir, pas un destructeur. Il désirait plus préserver qu’apporter le malheur. Entendu il se mettrait à dos une superbe occasion d’accroître son statut social, et il subirait probablement en s’entêtant une sacrée punition particulièrement douloureuse. Mais il ponctua quand même sa réponse finale par un non tonitruant. Les ténèbres n’apprécièrent pas du tout la discussion avec le fort. Aussi elles enflèrent considérablement jusqu’à atteindre une taille digne d’un petit pays. Ensuite elles s’approchèrent avec des intentions clairement belliqueuses. Elles clamaient avec ardeur que ceux qui n’étaient pas avec elles étaient des ennemis à torturer. Qu’elles réservaient un sort terrible aux gens qui ne coopéraient pas avec elles.

Arthur s’estimait vraiment insignifiant face à l’entité se déplaçant vers lui. Il avait l’impression d’être moins qu’un ver de terre face à un lion gigantesque. Il vivait la pire peur de toute sa vie, une partie de son esprit lui murmurait qu’il était un fou inconscient d’avoir refusé une superbe proposition, mais sa tendance altruiste le félicita.

D’accord cela pouvait paraître stupide au premier abord de privilégier l’honneur si cela rimait avec une mort douloureuse. Mais il était nécessaire que des gens s’élèvent de temps à autre contre la destruction gratuite et la violence exacerbée, sinon le monde des vivants serait un lieu vraiment triste.

Encore une fois le mystérieux vieillard sourit, il restait une ultime formalité à accomplir, et Arthur pourrait rejoindre le rang de ses élus. La fin de l’épreuve était très difficile, mais le vieillard pensait sincèrement que le fort pourrait relever le défi.

Les ténèbres outrées par la pugnacité du fort sortirent le grand jeu, elles infligèrent des tourments vraiment atroces. Arthur pensa à plusieurs reprises que son esprit allait imploser, qu’il serait totalement incapable de supporter les supplices endurés. Il avait l’impression que des lames chauffées à blanc étaient plongées à l’intérieur de son corps, que des milliers d’aiguilles le transperçaient de part en part. Il crut plus d’une fois qu’il allait devenir fou. Il lui suffisait de prononcer la phrase, je me soumets, pour mettre fin à son calvaire, et bénéficier de nombreuses faveurs.

Mais il résista à la menace, y compris quand la douleur allait crescendo, s’amplifiait de seconde en seconde sur son être. Après ce qui paraissait pour une éternité d’obscurité, un séjour dans des ténèbres vivantes et étouffantes, le fort fut amené dans un temple immense rempli d’épées et d’autres armes. La structure de pierre avait bien la taille d’une cathédrale imposante. Elle comportait des centaines de piliers de plusieurs dizaines de mètres de haut. Là un elfe masqué de grande taille vêtu d’une toge rouge et, qui mesurait deux bonnes têtes de plus que le fort attendait. Arthur scruta les environs pour déterminer où il se trouvait, il avait l’impression d’être dans une structure rendant hommage à un dieu de la guerre. Les nombreux vitraux dans les parages servaient manifestement à honorer des combattants.

Une magie intense régnait dans l’air, car Arthur n’avait pas besoin de se concentrer pour comprendre le contenu des textes compliqués gravés avec de l’or sur les murs. Il apprenait ainsi que les élus de la divinité des lieux n’étaient pas seulement forts ou courageux, c’étaient aussi des gens vertueux, qui prenaient à cœur les intérêts des elfes, ou du moins la lutte contre les forces de la ruine. Et même si c’était rare il arrivait de temps en temps qu’un élu du genre humain soit admis dans les rangs des champions divins.

Fait intéressant bien que les aptitudes de guerrier soient un élément important, il semblait que la capacité à mener des intrigues n’était pas un facteur forcément négligé par les élus du dieu. Après tout l’argent était le nerf de la plupart des guerres, et pour accumuler beaucoup de monnaie savoir être rusé était un plus indéniable. Le temple se caractérisait par une opulence impressionnante, il y avait bien des centaines de symboles religieux qui l’ornaient, là une statue, ici une gravure. Heureusement que l’édifice s’avérait de grande taille, sinon il aurait été surchargé du point de vue décoratif. Après avoir passé trente secondes à observer les alentours, le fort se tourna vers la seule autre personne apparemment dans le temple.

Arthur crut reconnaître le vieillard entraperçu dans la plaine. Il eut une impulsion d’attraper son interlocuteur et lui briser le cou. Il avait l’impression que les épreuves étaient liées au vieillard, que les affreux tourments vécus venaient de sa volonté. Heureusement il émanait de l’elfe une impression de sérénité, une aura calmante qui désamorça la volonté du fort de lui faire du mal. Et puis Arthur changea, il avait toujours une part de lui portée sur la violence sadique, mais il désirait au moins écouter quelques explications avant de prendre une décision.

Proélium : Je suis Proélium, tu as surmonté les trois épreuves, celle de l’or, de la gloire et des ténèbres. Que désires-tu ?

Arthur : La force de protéger les elfes.

Proélium : Et pourquoi cela ?

Arthur : Un rêve très important pour Lancelot est de redonner à sa race la possibilité de moins craindre l’avenir. Or j’ai une dette éternelle envers lui qui a mis fin à une existence infernale d’esclave. Et puis je trouve que les elfes méritent plus que les humains le droit à une vie paisible.

Proélium : Tu es un homme pourtant.

Arthur : Oui, mais cela ne m’empêche pas d’avoir de la honte concernant beaucoup de mes semblables.

Proélium : Ainsi soit-il, que ma bénédiction t’accompagne.

Suite à ce rêve le clairon de l’appel du matin retentit, et Arthur oublia progressivement le contenu de ses songes, même s’il avait quand même le souvenir d’avoir vécu des moments intenses. Lorsque vint le soir, Glil le lieutenant rassembla sous un ciel crépusculaire ses troupes, il battit le rappel parmi les tentes blanches des soldats.

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