Les combats furent âpres et disputés dans la mine de fer. Pendant un temps grâce à l’effet de surprise et à la furtivité, les mineurs révoltés l’emportèrent, mais ils finirent par être repérés. Les esclaves étaient doués pour se battre avec leurs poings, et quelquefois un couteau, mais ils étaient des débutants au maniement de l’épée. Par conséquent ils essuyèrent des pertes sévères. La panique commença à se répandre dans les rangs des mineurs, mais Arthur le fort reprit les choses en main. Grâce son courage, et le rappel de ce qui attendait les esclaves qui se feraient capturer, le fort insuffla une ferveur intense chez la majorité des révoltés. Pourtant les esclaves arrêtaient de remonter, leur avancée vers la surface cessa, à partir du moment où les renforts ennemis finirent par affluer massivement.
Quelques mineurs choisirent la voie de la trahison et essayèrent de négocier avec le propriétaire de la mine pour obtenir la vie sauve. Mais leur récompense pour la remise d’otages fut nulle, les renégats furent condamnés au supplice de la mouche. Des œufs de mouche seraient introduits dans la chair des suppliciés. Ainsi les renégats subiraient une douleur incroyable, et le fait d’être progressivement dévorés vivants.
Malgré leur vaillance et le fait que les mineurs se battaient pour un des plus beaux idéaux qui soit, la liberté, les esclaves étaient progressivement débordés. Pourtant les exemples de courage et de détermination étaient nombreux chez les révoltés, certains n’hésitèrent pas à sacrifier leur vie en acceptant d’être ensevelis.
En effet des mineurs pour retarder ou tuer un maximum d’ennemis, provoquèrent des effondrements en s’acharnant à coup de pioche sur des points sensibles de la mine. Mais quand on essayait de provoquer un éboulement avec des outils, même en connaissant très bien les galeries et les tunnels souterrains, on prenait un risque immense pour sa vie. Par conséquent sur les cinquante mineurs qui choisirent de provoquer un effondrement, seuls dix s’en sortirent indemnes.
Les esclaves se battaient comme des lions. Bien qu’ils ne soient que cinq cents, ils tuèrent plus de deux mille soldats, grâce aux couloirs étroits qui annulaient l’avantage du nombre, à leurs connaissances des souterrains, et leur désespoir. Arthur inspirait un comportement héroïque aux partisans de la révolte, il démontra un courage magnifique qui galvanisait ses compagnons.
Il combattait en première ligne armé de ses deux longs couteaux. Il maîtrisait aussi bien avec le bras gauche que le droit le maniement de ses lames. Il prouva à de nombreuses reprises sa vaillance et son efficacité guerrière. Certes ses ennemis savaient user d’épée, mais l’agilité et les réflexes du fort lui apportèrent plusieurs fois un net avantage. Ainsi Arthur parvint par exemple à triompher d’un humain géant de plus de deux mètres dix qui maniait une grande épée. Bien que le soldat ennemi soit une force de la nature capable de couper en deux un homme avec son arme, il commit l’erreur de se battre dans un milieu confiné avec un outil de mort imposant.
Il vint sans casque se mesurer au fort. Il était encombré dans ses mouvements par une armure pesante, certes protectrice, mais qui le ralentissait. Au début il témoigna un comportement moqueur, mais il déchanta assez vite car Arthur virevoltait littéralement autour de lui. Il esquivait sans problème les attaques de son adversaire.
Il se faisait traiter de lâche à force de provoquer son ennemi par ses manœuvres d’évitement et ses actes dédaigneux notamment ses bâillements bien visibles. Mais le fort ne mordit pas à l’hameçon, il restait calme et se concentrait. Il amena son ennemi dans une salle avec des poutres de bois plus basses que d’autres endroits de la mine. Le géant obnubilé par la colère ne décela pas la ruse dans laquelle il tomba, il leva bien haut son épée, et la planta dans une poutre. Offrant à Arthur l’occasion de l’achever, la mort du champion adverse galvanisa les mineurs.
Toutefois le nombre des ennemis finit par faire la différence, il ne resta après plusieurs heures de lutte qu’un groupe restreint de mineurs encerclé par des militaires. Le fort et ses derniers alliés encore en vie n’étaient plus trop loin de la surface, encore un étage à monter, et ils verraient le ciel légendaire. Mais maintenant il y avait une véritable armée qui leur barrait le passage.
Le vaste hall souterrain rempli de couloirs fourmillait de militaires adverses. La nasse ennemie se refermait lentement et en son centre se trouvaient Arthur et ses ultimes compagnons. Les soldats payés pour trucider de l’esclave adoptèrent une stratégie sûre. Ils se rapprochaient en déployant de grands boucliers qui formaient une sorte de mur protégeant leur corps, des pieds à la tête, et ils avançaient lentement en pointant leur lance.
Alors qu’Arthur s’apprêtait à lancer avec ses vingt camarades survivants une dernière charge, la panique s’empara des soldats ennemis à cause de nouveaux arrivants semblant désireux d’appuyer les esclaves. Pourtant les soutiens au fort n’étaient pas très nombreux, tout au plus une trentaine. Ils se caractérisaient par des armures plutôt recherchées, comportant des gravures représentant des symboles de larmes et des flammes. Bien qu’ils soient préservés par de lourdes protections en fer qui leur couvraient l’intégralité du corps, des jambes à la tête, ils se déplaçaient de façon particulièrement véloce, comme si le poids de leur armure ne les gênait pas outre mesure. Arthur se demandait s’il n’était pas mort, la trentaine de nouveaux venus se déplaçaient presque comme des fantômes au niveau auditif, à part un cliquetis peu sonore de temps en temps, ils ne produisaient presque pas de bruit.
Cependant les trente arrivants n’avaient pas un physique de colosse, au contraire ils paraissaient graciles, avoir des membres fins. Le fort en déduisit deux choses soit les soutiens avaient une force étonnante, soit ils possédaient des protections bénéficiant de sorts allégeant leur poids. Arthur opta pour la deuxième déduction, vu le goût de cendre sur sa langue, signe qu’une magie était à l’œuvre dans les parages. Il apprit à détecter le surnaturel à cause de la saveur qui emplissait sa bouche chaque fois que le contremaître mage de la mine jetait un sort à proximité de lui.
Arthur remarqua que les renforts avaient de très grandes oreilles par rapport aux humains, il s’agissait sans doute d’elfes. Les membres de cette race étaient réputés pour être des guerriers fabuleux, un seul d’entre eux pouvait venir à bout de dix soldats humains lourdement armés et très expérimentés. Cependant le fort pensait que ses alliés inattendus ne lui apporteront qu’un court répit. Déjà les officiers humains, quand ils s’aperçurent du petit nombre de leurs ennemis, réorganisèrent efficacement leurs troupes. Après un instant de panique, les guerriers chargés de mener la répression dans les mines étaient redevenus confiants et disciplinés. Ils poussèrent des cris de guerre, et se jetèrent avec joie sur les elfes aux oreilles pointues qui ripostèrent avec du feu et des éclairs.
Arthur se demanda ce qui se passait, était-il mort ou rêvait-il ? Ses sauveurs bien qu’ils ne soient que trente, infligeaient une véritable déroute à plusieurs milliers de soldats aguerris. Les mineurs, passés la stupéfaction, entrèrent à leur tour dans la danse des armes. La panique de leurs ennemis et des sorts de protection jetés par les elfes, permirent aux esclaves de causer un véritable carnage. Les rares survivants parmi les esclavagistes cherchèrent à mettre le maximum de distance entre eux et la mine. Les elfes prirent alors en charge les révoltés, leur distribuèrent du bon pain blanc, de la soupe nutritive et les escortèrent vers leur campement situé sur une plaine constituée d’une herbe rare.
Léodo parvint à s’enfuir de la mine, et à échapper à des représailles. Arthur et les derniers esclaves survivants, furent amenés devant Lancelot le général elfe, celui qui avait envoyé un commando composé de ses semblables dans les mines. La vision du ciel ensoleillé fut à la fois douloureuse et exaltante pour les esclaves. Ils étaient tellement habitués à la pénombre qu’ils considéraient comme un peu douloureuse la lumière du jour pour la majorité d’entre eux, à cause d’une exposition à l’air libre qui datait ou qui n’avait jamais eu lieu avant ce jour. Pendant un temps, le luxe de la tente de Lancelot impressionna tellement les esclaves, que certains se demandèrent s’ils ne devaient pas poser un genou à terre en présence d’un être rappelant un roi.
Lancelot n’était qu’un général mais les mineurs étaient habitués à une telle frugalité, un tel désœuvrement, que la plupart prit l’officier supérieur pour un souverain. La tente de grande taille pouvait accueillir facilement une cinquantaine de personnes, sa décoration principale venait des armes précieuses s’y trouvant. Il y avait quantité d’outils de mort, notamment des épées faites par des maîtres forgerons, rien à voir avec les armes grossières des gardes.
Ce qui marquait le plus l’œil était le sabre doté de deux soleils dorés sur sa lame, et orné de diamants et de rubis, un tel outil devait valoir une fortune. Les outils de morts présents dans la tente étaient des témoignages des victoires du général, des preuves de ses nombreux succès passés. Autrement il se trouvait aussi à l’intérieur une table dotée de cartes des environs.
Lancelot : Je vous dis merci braves mineurs, votre révolte a sauvé la vie de dizaines d’elfes. En remerciement je suis disposé à vous escorter hors du royaume d’Absolia, afin que vous soyez à l’abri de la répression des chasseurs d’esclaves.
Arthur : Merci de votre intervention, mais pourquoi avez-vous aidé de simples mineurs ?
Lancelot : Parce que les elfes de mon armée ont pour vocation de libérer les esclaves quand ils le peuvent. Et que la mine où vous travailliez avait un intérêt stratégique pour des ennemis de ma race, donc l’investir aide beaucoup mes semblables. Cette mine servait à fournir de l’équipement à des troupes d’élite ennemies, et de grandes richesses à des humains désireux de verser le maximum de sang d’elfes, désormais elle servira ma cause.
Arthur : J’aimerais faire partie de votre armée, cela peut-il être possible ?
Lancelot : Je ne dis pas non, mais la vie de soldat dans mon armée est très rude.
Arthur : Sans doute moins que celle d’esclave des mines, où pour un oui ou pour un non on était fouetté ou privé de nourriture.
Lancelot : As-tu des compétences martiales ?
Arthur : Je sais très bien me battre avec mes poings, autrement j’apprends vite. Je parie que quelques mois d’entraînement suffiront, pour que je sois capable de tuer des orques à coup d’épée.
Lancelot : Tu devras obéir avec zèle et célérité aux ordres que l’on te donnera. Tu risques si une bataille tourne mal de passer plusieurs jours sans manger. Tu devras supporter en hiver un froid rude, et en été une chaleur torride. Réfléchis bien, la vie de soldat est pleine d’inconvénients.
Arthur : Elle est aussi pleine d’opportunités, j’ai soif de voyages et de connaissances. Or d’après ce que j’ai compris je pourrai apprendre à lire et à écrire, si je reste dans votre armée.
Lancelot : Très bien tu m’as l’air décidé, je ne t’interdis pas de rejoindre mon armée, mais si tu flanches trop tu seras abandonné en cours de route. Par les temps qui courent je suis obligé d’être impitoyable.
Arthur : Ne vous en faites pas, j’ai compris le message, et je ne vous décevrai pas.
La plupart des compagnons de lutte d’Arthur le fort choisit de tenter leur chance en voyageant vers l’étranger, en n’intégrant pas l’armée elfique. Ils avaient des envies d’alcool, de femmes, et d’autres plaisirs après une vie passée à trimer. Or les troupes sous le commandement de Lancelot étaient soumis à un haut niveau de discipline, il n’était pas interdit de coucher avec des femmes ou de boire du vin, cependant il fallait respecter les prostituées, et la consommation d’alcool devait être modérée.
Même si le cadre apporté par Lancelot était franchement moins contraignant qu’au sein de la mine, qu’un soldat avait une bien plus grande liberté de parole qu’un esclave, il n’empêchait les camarades de lutte d’Arthur ne voulurent pas devenir des militaires. Même si la paye s’annonçait correcte, et que les possibilités de s’instruire étaient attrayantes.
Par contre le fort n’était pas beaucoup dérangé par le code moral de l’armée où il désirait travailler. Il appréciait les femmes et l’alcool, mais il se contentait aussi de plaisirs simples comme le fait que sa peau soit en contact avec la lumière du soleil. En outre il avait un grand appétit de savoir, or s’il suivait ses compagnons humains soucieux de beaucoup se soûler et de baiser il perdrait une formidable opportunité de cultiver son esprit. Même s’il regrettait de devoir faire des adieux probables à des amis de longue date, il préférait nettement vivre sous le commandement de Lancelot. Et puis le général était une personne très aimable et impliquée envers ses subordonnés. Il n’était pas parfait, parfois il se montrait mauvais joueur quand il perdait de l’argent face à un officier dans un pari ou un jeu de cartes, mais Arthur comprenait le dévouement de nombreux subalternes envers Lancelot.
Et puis il avait envie de rembourser sa dette sociale, grâce aux elfes il passa de moins que rien, un objet à une personne avec un minimum de reconnaissance. Même les elfes les plus snobs qu’il côtoyait, le traitaient mieux que les anciens contremaîtres de la mine.
Arthur était une personne endurcie, les conditions de vie dans l’armée lui parurent reposantes, comparé à son existence d’esclave. Il s’entraîna avec acharnement à manier l’épée, et des armes comme l’arc. Toutefois s’il se montra rapidement adroit avec une lame, il souffrait de problèmes pour viser juste et vite avec des flèches. Mais il ne se laissa pas démonter par les premières moqueries. Il persista et s’obstina à se perfectionner, ainsi au bout de quelques mois d’entraînement intensif, il résolut une bonne partie de ses points faibles à l’arc. Il demeurait moyen selon les critères de dextérité elfiques, mais il se débrouillait très bien selon les normes humaines.
En outre Arthur ne faisait pas qu’améliorer ses aptitudes martiales, il écoutait avec assiduité les professeurs qui le renseignaient sur l’histoire, la géographie, et l’initiaient à la lecture et au langage écrit. Le fort témoignait un enthousiasme à s’instruire, et un talent pour progresser qui faisaient très plaisir à ses mentors. Arthur éprouvait un réel bonheur à avoir rejoint les troupes elfiques. La vie n’était pas facile tous les jours, mais il se sentait bien plus épanoui que quand il trimait vraiment durement comme esclave.
En plus de bénéficier d’une instruction, il obtint le droit à une guérison magique qui accrut sa durée de vie. Ses poumons contenaient de la poussière des mines, par conséquent son corps aurait sans doute dégénéré avant l’âge de quarante ans. Grâce aux soins surnaturels, Arthur gagna plusieurs décennies d’espérance de vie supplémentaire. Néanmoins il avait quand même des problèmes à affronter, notamment l’hostilité de Glil le lieutenant elfe de son bataillon.
Glil : Arthur tu as mal lavé la vaisselle du bataillon, je t’ordonne de recommencer.
Arthur : Bien mon lieutenant.
Glil : Je sais que les critères de propreté des humains peuvent être différents des elfes, mais cela n’excuse pas complètement ton laissez aller.
Arthur : Je m’appliquerai mieux.
Glil : Tu as intérêt, sinon tu auras d’autres punitions.