Le Chevalier des Elfes
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Arthur le fort étudiait dur et obtenait de bons résultats au sein de l’école d’officiers, même s’il avait quelques lacunes, notamment en matière d’apprentissage des langues étrangères. Des amis d’Othion le vaniteux avaient tenté de le venger en provoquant en duel le fort, mais tout ce qu’ils obtinrent c’est de perdre et de rejoindre les rangs des larbins d’Arthur.

Cependant il y avait seulement un serviteur de particulièrement actif au service du fort, c’était Othion, lui devait travailler durement en plus de ses études à satisfaire quotidiennement Arthur. Ce dernier n’interférait pas trop dans l’emploi du temps des autres vaincus qui acceptèrent de le servir. Il avait bien l’intention de les utiliser un jour ou l’autre mais plutôt comme des relations destinées à améliorer sa vitesse de carrière. Par contre Othion lui avait le droit à des tâches multiples, nettoyage de vêtements et de la vaisselle d’Arthur, coursier pour chercher de la nourriture ou des livres, et plusieurs autres choses.

Le fort se demanda même pendant un moment s’il ne devrait pas faire porter un uniforme rappelant sa condition à Othion, mais il estima après réflexions que ce serait dangereux pour lui, donc il s’abstint d’aller jusqu’au bout de son envie. Y compris si le désir de rabaisser le vaniteux au niveau de la tenue vestimentaire fut assez difficile à réprimer. Toutefois Othion portait désormais une étiquette honteuse, il était le domestique attitré d’un humain. Cependant cet état de fait demeurait difficile à contester, le vaniteux perdit loyalement lors d’un duel et il fit un serment solennel.

Un roi elfe en personne aurait beaucoup de mal à annuler la condition honteuse du vaniteux, vu le côté hautement sacré des promesses formelles pour les elfes. Othion essaya avec énergie de se libérer légalement de son serment de servitude concernant Arthur, mais il était bloqué du point de vue de la loi. Il consulta quatre juges en vain, les quatre magistrats retorquèrent qu’il n’y avait pas d’échappatoire.

Le fort n’était pas très aimé de la majorité des élèves de l’école de Sar, mais ses victoires magistrales lors de défis martiaux lui permirent d’être craint. Il y avait un autre élément que le fait qu’Arthur appartienne à la race humaine qui gênait ses relations avec les elfes de l’école. Il s’agissait de sa volonté de convertir à la cause du dieu Proélium. En effet le fort affichait ouvertement sa foi, en portant de manière ostensible un bijou représentant une épée enflammée, un des symboles le plus répandu de Proélium. Mais en outre il prêchait publiquement, et réussit à inciter plusieurs de ses camarades à s’intéresser au culte de la divinité de la guerre.

Or bien que les lois des royaumes elfiques insistent sur la liberté de religion, du moment que l’on n’essaie pas de promouvoir la vénération d’un dieu de la destruction ; il n’empêchait que pour certains adeptes conservateurs de Jéhavah la divinité elfe, Arthur avait un comportement nuisible. L’école de Sar était un fief d’une des tendances les moins ouvertes du culte jéhaviste, le groupe des vertueux. Il s’agissait d’une organisation dont les membres considéraient avec méfiance voire haine ceux qui refusaient d’adorer avec énergie Jéhavah.

Un des plus fervents à critiquer la foi d’Arthur, s’avérait Orunaé l’elfe, il se caractérisait par un rejet presque pathologique de centaines de divinités. Par exemple pour lui Proélium relevait de la mythologique surréaliste. D’accord il y avait des guerriers forts qui croyaient dans ce dieu, mais cela ne constituait pas une preuve formelle de son existence. Les adeptes de cet être s’appuyaient sur leurs propres forces magiques et non les flux offerts par une entité. C’était des sorts personnels et non l’appui d’une divinité qui justifiait les performances des partisans de Proélium. Quant aux rêves en rapport avec ce dieu, ou les autres manifestations tenant de prodiges ou de miracles, dans la plupart des cas il relevait davantage de l’hallucination, ou de la pathologie mentale que de preuves véritables.

Arthur avait par moment le désir d’envoyer son poing dans la figure d’Orunaé, d’user de violence sur cet elfe au physique impeccable, qui passait presque plus de temps à entretenir sa beauté qu’à étudier. En effet il avait une apparence très travaillée, au point que ses ennemis insinuaient souvent qu’Orunaé préférait passer du temps sur sa longue tresse chérie plutôt que d’étudier la stratégie militaire.

Mais le fort avait un plan plus subtil que s’en prendre à la jolie chevelure noire de son adversaire religieux. Il allait plutôt mettre à l’épreuve la pureté de la foi de l’elfe. Il comptait faire une surprise désagréable sur la puissance supposée de Jéhavah. Ainsi il invita une foule nombreuse à assister à un défi, les deux prétendants se confronteraient sur une estrade de bois. Le but de l’affrontement était simple, il fallait prier de façon bien audible sa divinité tutélaire, et le premier à reculer d’un pas était le perdant. Orunaé sûr de sa victoire ne put résister à l’idée de faire le fanfaron.

Il allait jouer le plus prestigieux héritage de sa famille, une épée qui valait le prix de dix domaines de taille moyenne. Une arme superbe dont la qualité surpassait beaucoup de lames de renom. Il s’agissait à priori d’un outil de mort ordinaire mais il refermait un pouvoir de destruction fabuleux. Il entamait les armures en bon acier extrêmement facilement et il dotait son porteur d’une capacité à survivre époustouflante sur un champ de bataille.

D’après la légende ce fut Jéhavah lui-même qui fabriqua cette épée qui ne payait pas de mine. Elle était très bien entretenue et sa lame était brillante, mais l’arme ne bénéficiait pas d’une ornementation spectaculaire. Il n’y avait pas de bijoux ou de gravures pour rehausser son apparence, et sa poignée se révélait dans du simple cuir de vache.

Cependant pour quiconque pouvait sentir la magie l’épée recelait des propriétés surnaturelles bien tangibles. Ainsi Orunaé misa un bien de très grande valeur, de son côté Arthur accepta en cas de défaite de devenir le larbin personnel de son adversaire. Peu importe la tâchée ordonnée, il accepterait, y compris s’il fallait s’abaisser à honorer des faveurs sexuelles. Mais le fort croyait ardemment que Proélium prouverait sa puissance.

Il était un dieu très actif contrairement à Jéhavah qui économisait au maximum sa puissance. Il existait sans doute mais interférait relativement peu dans la vie des mortels. Et puis selon Arthur, Proélium était supérieur de par sa tendance travailleuse, il s’entraînait sans relâche pour se renforcer physiquement et magiquement. Tandis que Jéhavah d’après le fort méritait presque le titre de divinité des idiots prétentieux, vu le nombre d’arrogants imbéciles qui le vénéraient.

Orunaé : Je vais changer en ta faveur les termes du pacte. Comme tu es certain de perdre, je me contenterai de ton humiliation retentissante, je ne te demanderai aucun objet ou service en retour.

Arthur : Je croyais que Jéhavah n’aimait pas l’orgueil déplacé.

Orunaé : Je ne suis pas arrogant juste réaliste.

Arthur : C’est un point de vue discutable, mais trêves de bavardages. Je te conjure Proélium de montrer que tu n’es pas un mythe. Obliges s’il te plaît l’incroyant à reconnaître son erreur.

Orunaé : Jéhavah toi qui es tout-puissant, je te supplie de ramener dans le droit chemin Arthur.

Ainsi pendant une minute Arthur et Orunaé déclamèrent de façon bien audible des prières à leur dieu préféré. Chacun débordait d’une foi différente. Le fort désirait l’appui de sa divinité pour remporter des combats, et diffuser un idéal de vertu, contribuer à la fin de certaines d’injustices à l’égard des elfes ; tandis que son adversaire était plus partisan d’une vision élitiste, il croyait en son dieu mais il le voyait aussi comme un levier d’ascension sociale.

Arthur n’était pas totalement désintéressé mais sa foi contenait d’une certaine façon davantage de pureté. Pour les mages ayant une vision surnaturelle, le constat était sans appel Arthur recevait bien plus d’énergie divine en réponse à ses prières qu’Orunaé. Certes ce dernier connaissait très bien les classiques en rapport avec Jéhavah, mais il était en train de perdre du terrain. Il se tâtait pour tricher, il avait des pensées chaotiques, ses pensées devenaient folles, il subissait des appels mentaux sous la forme de l’impulsion triche, triche pas répétés des centaines de fois à la minute par sa conscience.

Déjà il était possible d’observer des mouvements au niveau de ses jambes, que l’elfe devait lutter avec ardeur contre un désir de reculer. Il pensa bien un moment tricher, mais il y avait une foule assez nombreuse en train d’observer la scène. Donc se livrer à une manigance non autorisée serait un acte audacieux. Pourtant l’envie était assez tenace chez Orunaé de recourir à sa drogue spéciale contenue dans sa bourse pour briser la concentration d’Arthur. Il s’agissait d’un sachet d’herbes connu pour avoir des effets soporifiques légers sur les humains. Cela ne ferait que ralentir le débit de paroles du fort, mais Orunaé pensait tenir une bonne piste.

Cependant avec tous les yeux rivés sur lui, il avait peur de se faire appréhender en train de magouiller. Donc finalement il s’abstint d’employer une ruse peu honorable. Même s’il fut contraint de faire un pas en arrière sous l’action de l’influence de Proélium.

Orunaé avait perdu et il fut tellement dépité, qu’il avait envie de tracer dans les airs des figures géométriques de triangle pour résister au désarroi. Il pensait que le triangle c’était un symbole de prospérité surpuissant, et il développa dans l’adolescence une sorte de tic avec cette figure.

Cette démonstration d’apparence mineure signifia un gain d’intérêt assez puissant parmi des elfes nobles pour la divinité préférée d’Arthur. Certes Jéhavah continuait d’être prié, mais Proélium cessait de figurer auprès de certains comme un sujet secondaire. De son côté Arthur fut bon joueur, il permit à son concurrent de garder son épée familiale.

Il y avait un spectateur bien connu d’Arthur, qui digérait mal la victoire de Proélium, Othion en tant que vertueux zélé, avait du mal à se retenir de ne pas tuer le fort durant son sommeil. Mais même s’il détestait Arthur il n’avait pas encore assez de haine en lui pour qu’il passe à l’acte. En outre le vaniteux avait peur de se faire attraper par Arthur. Il remarqua que le fort bénéficiait d’une ouïe particulièrement développée, ainsi qu’une sorte de sixième sens très performant. Un ami du vaniteux malgré le recours à un sort d’invisibilité, échoua non seulement à corriger Arthur, mais il se ramassa une raclée de la part du fort.

Cependant même si le fort inspirait de la crainte, et arrivait à se démener très bien des actions sournoises entreprises contre lui, il n’était pas à l’abri de chuter un jour. Par exemple Othion demeurait un ennemi rancunier. Il ne passait pas encore à l’attaque de façon sanglante, mais tôt ou tard il risquait de faire au moins une grosse crasse. Il étudiait des moyens d’affaiblir par la magie Arthur, de diminuer chez son ennemi sans se faire remarquer une partie de ses aptitudes physiques, ou de le mettre dans une situation embarrassante.

Il complota pour que le fort vomisse sur un personnage important lors d’une visite à l’école. Malheureusement pour le vaniteux Arthur était une personne précautionneuse, il investit dans du matériel anti-magie, des amulettes le préservant des malédictions et d’autres sorts néfastes. Ce n’était pas une protection absolue, mais cela joua plusieurs fois un rôle utile.

De plus Othion même s’il avait des connaissances d’érudit s’avérait un piètre jeteur de sorts. Avant d’arriver à devenir un mage accompli il lui faudrait beaucoup de temps et un entraînement particulièrement acharné. Il avait beau se focaliser à travailler à la perte d’Arthur au moyen d’enchantements, il ne parvenait pas à réaliser quelque chose de probant. Pire certains des maléfices lancés se retournèrent contre lui, ne servirent qu’à lui infliger des désagréments.

Malgré la présence du vaniteux, un ennemi tenace, Arthur continuait à le garder sous ses ordres, à l’employer en tant que larbin pour flatter son égo. Il mit d’ailleurs un parchemin dans sa chambre commune avec le vaniteux qui faisait fulminer son adversaire tenace. Il s’agissait d’un papier où il y avait écrit en gros caractères «Othion collecteur professionnel d’excréments». Pendant un temps le fort eut la tentation de placarder dans toute l’école des exemplaires multiples du fameux parchemin, mais il se retint à grande peine. Il estimait déjà assez jouissif de distribuer des consignes et du travail de domestique à Othion.

Arthur : Othion je veux que ma chambre soit correctement nettoyée. La dernière fois j’ai trouvé que tu as négligé de t’occuper du ménage.

Othion : Très bien monsieur, je travaillerai avec plus d’application. Vous êtes bien coquet, avez-vous rendez-vous avec quelqu’un ?

Arthur : En effet Thérésa la plus brillante et belle elfe de l’école m’a invité à me promener avec elle.

Othion (consterné) : Vous sortez avec Thérésa ? Ce n’est pas possible, c’est un affreux cauchemar, c’est ça je vais me réveiller.

Arthur : Aurais-tu des sentiments pour Thérésa ?

Othion (bégaye) : En fait, je euh, j’aime beaucoup Thérésa, mais je ne suis pas amoureux d’elle.

Arthur : Ne t’en fais pas je n’ai pas un mauvais fond, je vais même informer Thérésa de tes sentiments. Comme ça tu auras une chance de nouer une relation intime avec elle.

Othion : Ce n’est pas la peine, je peux très bien me débrouiller tout seul.

Arthur : Sans vouloir te vexer, si tu ne reçois pas un petit coup de pouce de ma part tu me sembles n’avoir aucune chance de te rapprocher de Thérésa.

Othion : Cela ne vous dérange pas d’aider un rival potentiel ?

Arthur : Je ne suis pas encore amoureux de Thérésa, je la trouve séduisante je l’avoue, mais pour l’instant je ne la considère que comme une amie. De plus si j’approfondis trop ma relation avec Thérésa nous risquons de nous disputer.

Othion : Je comprends vous êtes un humain et Thérésa est une elfe, cela doit la gêner.

Arthur : Tu as tout faux, Thérésa n’est pas attachée à la notion de race, elle rêve qu’un jour les humains et les elfes vivent en harmonie. Par contre elle m’a avoué qu’elle désirait devenir mère, or moi je n’ai pas envie d’avoir des enfants.

Othion (horrifié) : Thérésa est prête à donner naissance à des demi-elfes ?

Arthur : Je sais que cela doit te sembler bizarre, mais en effet Thérésa n’a pas peur d’avoir des enfants demi-elfes. D’après que ce que j’ai compris elle n’est pas contre d’avoir une descendance grâce à un humain. Bon je dois te laisser, à tout à l’heure.

Othion (murmure) : Puisque Thérésa est sur une mauvaise pente, quelqu’un doit veiller à lui ouvrir les yeux, la remettre sur le droit chemin.

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