La Tour des Mondes
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Chapitre 262 : Ce n’est pas un combat
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« Très bien, faisons quelque chose de stupide maintenant. »

Ephy regarde Fae sans comprendre ce qu’elle veut dire, mais s’attend au pire. Même Orion est surprise par le ton de sa voix et se tourne dans sa direction.

Il y a quelque chose de sérieux et de singulier dans cette phrase qu’elle ne peut pas s’empêcher de voir comme un signe d’un changement dans la gardienne des Dresseurs.

« Que les grimpeurs n’aiment pas ma classe, je l’accepte. Cependant, je ne laisserai pas Alwin y contribuer en ma présence et se moquer de moi ouvertement. Je ne suis pas si fragile. Je sais que tu m’entends, Alwin. J’arrive. »

Alors que les yeux de Fae commencent à changer de couleur pour tourner à l’or, le ciel commence à s’obscurcir, noyé sous l’afflux de dizaines de milliers d’oiseaux.

Répondant à l’appel de la gardienne, ils commencent à voler en spirale au-dessus de l’arène.

Cela fait plus de cinq ans qu’elle n’a pas utilisé cette forme, mais ce n’est pas désagréable de la retrouver. Une façon pour elle de retourner à ses origines et à une forme plus pure. Orion et Ephy s’écartent, stupéfaites par ce changement soudain d’attitude de leur sœur. La colère qu’elles peuvent lire sur son visage et son regard fixé sur Alwin sont une preuve que cette journée sera le début d’un renouveau pour la classe de Dresseur.

En retrouvant sa forme, elle s’expose à un monde dont elle s’est ostracisée par indifférence pour ceux qui ne sont pas capables de la comprendre et qui l’insultent, mais cela change aujourd’hui. Cela n’aura nécessité qu’un sourire suffisant et un regard pour faire basculer Fae dans la colère.

Errasil, gardien des Bardes, qui ne disait rien dans son coin, se lève alors avec désinvolture en souriant. D’un accord sur sa guitare, une onde sonore retentit à travers l’arène en réduisant au silence tous les autres sons et bavardages inutiles. D’un autre accord, les Bardes en chargent des tambours sont pris d’une sensation étrange qui envahit leur cerveau pour donner vie à une musique lancinante et sauvage. Le plus vieux Barde à ce poste reconnaît cette sensation, car elle n’arrive que trop rarement pour être habituelle et il n’essaye pas de résister alors que son gardien l’appelle.

Il frappe son tambour à la taille démesurée une première fois de toutes ses forces en sachant qu’aujourd’hui, il est l’instrument d’Errasil. Il peut sentir son sang bouillir dans ses veines alors qu’il s’apprête à donner vie à cette musique. Son appel est entendu et aussitôt compris par les autres batteurs derrière lui et dans le reste de l’arène. Ce simple son libère et éveille finalement à une inspiration commune à laquelle résister serait perdre une opportunité de vivre et être la musique.

Les tambours grondent ensuite un par un. Le son, comme amplifié, frappe les corps en unissant le battement des cœurs à la mélodie. Pour les spectateurs, c’est un appel au combat, une mélodie guerrière sauvage qui les met en transe et leur rappelle les combats les plus violents. Cette musique froide a un goût de terre et de fer et une odeur de bois et de sang. Jusque-là, le tournoi n’était finalement qu’un spectacle, mais ils vont maintenant voir quelque chose de bien plus marquant.

Le corps de Fae commence à s’allonger rapidement alors que sa taille dépasse à présent les deux mètres. Ses ongles deviennent pointus et tranchants comme autant de lames prêtent à déchirer la chair alors que la sienne se raffermit en dessinant des muscles fins. Ses cheveux s’assombrissent et continuent de s’allonger jusqu’à sa taille alors que des oiseaux en sortent comme s’ils y avaient toujours été présents. Ses vêtements se déchirent en ne laissant plus qu’un pagne en cuir autour de sa taille et exposant ses seins menus.

Sur sa peau apparaissent des marques colorées d’un or sombre formant des motifs tribaux étranges et dont la signification est inconnue. Ses canines deviennent plus pointues alors qu’un sourire se dessine sur son visage et que ses yeux à la couleur d’un or vibrant se fixent sur Alwin qui la regarde moqueur assis dans son fauteuil.

Pourtant, il n’y a rien d’amusant dans sa présence alors qu’elle domine l’arène. Il n’y a qu’une force primaire et primitive qui fait plier la vie animale à sa volonté. Une force brute cachée jusque-là et rappelant la violence d’un monde incapable d’empathie et loin de l’âge de raison des Hommes.

En cet instant, Fae n’est plus la personne qui dort et passe le temps dans l’aile de sa classe en s’ennuyant. Elle n’est pas cette personne têtue ou mignonne avec ses airs d’adulescente et son caractère changeant. Elle n’est pas une simple dompteuse d’animaux capable de faire des tours de cirque à la plus violente des bêtes. Elle n’est pas la gardienne oubliée d’une classe abandonnée.

Elle est l’incarnation de ce qu’il y a de sauvage à travers les mondes.

Elle est une force capable de dominer tout ce qui n’est pas humain, car il n’y a qu’eux pour la défier en se cachant derrière leur raison et leur façon erronée de voir la vie.

Cependant, les humains obéissent bien à une chose. La puissance. De cela, elle en a bien assez pour faire en sorte qu’Alwin saigne pour son insulte à son égard et pour réparer son tort devant une foule. Elle prouvera à tous de ne pas sous-estimer ce qu’ils pensent insignifiant.

D’un coup de talon, la pierre qui la soutenait sous ses pieds se fissure et se brise comme du verre et la gardienne des Dresseurs tombe dans l’arène.

Prononçant un hurlement brisant même la musique d’Errasil, elle rallie à elle ceux qui la respectent.

Des milliers d’oiseaux foncent en piquet à sa suite pour la rattraper et la soutenir en formant sous elle une nuée vivante qui menace le public de l’arène par sa taille. En glissant sur cette nuée, elle vole à travers l’arène en hurlant à nouveau et ralliant d’autres animaux oubliés dans les cages de ce lieu.

Les portes se dégondent, les cages s’ouvrent sous les crocs et les griffes, les sabots frappent les verrous, libérant ceux qui étaient domptés. Les loups et les chiens des Rangers hurlent à la mort tandis que les autres animaux quittent leur présumé maître ou maîtresse pour se jeter dans l’arène et se joindre à cet appel.

Pour les Rangers et les Cavaliers les plus zélés qui pensent pouvoir retenir des animaux avec lesquels ils ont passé parfois plusieurs années, les compagnons griffent, frappent et mordent jusqu’au sang sans mesure pour se libérer. L’illusion de contrôle et de domestication des présumés maîtres vole en éclat alors que la gardienne des Dresseurs appelle les siens.

Dans l’arène, les portes se brisent alors en révélant des centaines d’animaux utilisés en spectacle ou comme adversaire. Chevaux, lions, tigres, cerfs, sangliers, éléphants, gorilles et ours se déversent dans la ville fantôme où s’est déroulé le tournoi en formant une entité implacable composée de milliers d’animaux.

Brisant sur leur chemin maisons et obstacles, ils tournent dans l’arène en créant un chaos qu’une seule personne contrôle. En se jetant dans les airs en hurlant, elle retombe dans l’arène sur le dos d’un ours. Elle fixe Alwin à son balcon à côté duquel se tient Beatice.

Celle-ci savait que les probabilités que se déroule ce moment étaient infimes au point qu’elle l’ignore. Elle a même rejeté la possibilité en connaissant la nature et le tempérament de Fae. Après tout, elle a toujours été l’une des gardiennes les moins affectées par ce qui l’entoure.

Il semblerait qu’elle se soit trompée et c’est une chose merveilleuse à vivre que d’être surprise ainsi par le présent. Un simple pile ou face incertain jusqu’à la fin qui a donné ce résultat.

Dans l’arène, la meute continue inlassablement son mouvement en continuant d’être rejointe par d’autres. Bien assez vite cependant, Fae stoppe les nouveaux arrivants d’un cri, car il est temps pour ce combat de commencer.

Alwin décide alors de se jeter dans l’arène en frappant la meute de sa masse et de son épée. Des dizaines d’animaux dont le corps est brisé sont aussitôt projetés dans les airs en répandant leur sang alors que des maisons explosent sur le chemin de ses attaques.

« Allons, Fae. Il me faudra plus que ça pour m’échauffer. »

Debout sur sa monture, la gardienne fixe Alwin et ce qu’il pense être une démonstration de puissance. Il continue de frapper la horde en souriant bêtement et en s’enivrant du sang des bêtes qui recouvre à présent son armure. Bien assez vite, elle finit par être à portée de son attaque et saute de l’ours sur lequel elle se tenait pour tomber devant lui.

Sans attendre, Alwin la frappe de son épée et elle arrête la lame avec la paume de sa main dont quelques gouttes de sang coulent. Derrière elle, une centaine d’animaux sont découpés par la puissance de l’attaque, mais cela n’est pas suffisant pour arrêter la meute qui continue son mouvement dans l’arène en contournant Fae et Alwin.

Alwin essaye alors de libérer son épée de la main de Fae, mais celle-ci reste fermement prisonnière. Il la lâche aussitôt pour faire apparaître une hache dans sa main avec laquelle il assène un nouveau coup visant l’épaule de la gardienne qu’elle bloque de la même façon. Sous ses pieds, le sol de l’arène se fissure et craquelle sur plusieurs dizaines de mètres en subissant le poids de l’attaque.

Cette fois-ci, la gardienne brise simplement la hache en serrant la main et attrape de l’autre le haut de l’armure d’Alwin pour l’obliger à s’approcher d’elle.

— Je crois que tu n’as pas bien compris la situation. Ce n’est pas un combat.

— Oh, vraiment ? Tu comptes me laisser gagner aussi facilement ?

Sans attendre, Alwin met un coup de tête à la Gardienne en élargissant les fissures dans le sol sous ses pieds qui explose pratiquement sous la pression. Il essaye ensuite de la transpercer avec son épée en visant son cœur, mais malgré sa force, celle-ci est incapable de transpercer la peau nue de la gardienne.

À la pointe de l’épée, Alwin peut finalement voir une chose. Un oiseau de la taille d’un colibri bloque la pointe de la lame dans son bec. Un oiseau dont les yeux ont la même teinte or que ceux de la Gardienne des Dresseurs.

« La meute ne fait qu’un avec moi, et, la meute est inarrêtable. »

D’un regard, Alwin regarde les animaux autour de lui qui, par milliers, continuent leur cycle autour de l’arène. Ils ont à présent tous cette teinte or dans leurs yeux. D’un mouvement, il peut voir un gorille détruire maison après maison en fonçant à travers alors qu’un oiseau traverse des murs comme le ferait une balle d’arme à feu.

— Intéressant.

— Ne m’oblige pas à te battre avec un rat.

D’un mouvement, Fae arrache une partie du plastron d’Alwin avant de le frapper et de l’envoyer voler à une centaine de mètres.

Elle lèche ensuite le sang qui coule de sa main avant de se mettre à quatre pattes, prête à charger dans la direction de son adversaire.

Ce n’est pas un combat.



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