Le train continue sa route, son dernier arrêt étant celui qui a pris en son sein Deshya, Tessa, Frie et Amora. Depuis, le train n’a pas arrêté d’avancer à une vitesse constante, ne pouvant pas faire le moindre arrêt : si le conducteur ose ralentir ou faire le moindre arrêt, des bombes plantées dans le train viendront à exploser. La vie de 247 passagers — dont le conducteur — sont en danger, mais l’un d’eux n’a plus de souci à se faire ; ou plutôt, il n’aura pas à avoir peur de mourir exploser par l’une des bombes, parce qu’une balle a traversé son cœur. Désormais, c’est dans le monde des morts qu’il réside.
Cet homme s’appelle ‘Nikolas Aidalro’.
Dans le troisième wagon du train, il s’est fait tué par un coupable qui n’a pas encore été retrouvé. Trois personnes sont les primes suspects : ‘Trisha Keryun’, la femme qui discutait avec lui lorsqu’il est mort, assise juste à côté de lui. ‘Dera Nomura’, une femme aux cheveux roux qui est assise en face de Trisha et aurait simplement regardé à travers la fenêtre lors de la mort de l’homme. Le dernier suspect est un homme au nom de ‘Megure Afronai’, qui était assis juste en face de Nikolas et se reposait. Une femme âgée au parapluie en mauvaise état est aussi dans la liste des suspects, vu qu’elle s’est doucement levée lorsque le coup de feu a été tiré. L’arme du crime n’a pas encore été retrouvée et cela fait quelques minutes depuis que Nikolas s’est fait tirer dessus ; mais aucun message n’a encore été envoyé à la station qui autoriserait le train de s’arrêter. Il doit avancer, avancer et avancer. Continuer sans le moindre repos.
Deshya et Tessa sont sur la scène de crime avec ‘Annie Terru’, une docteure qui travaille pour la police. Elle a directement reconnue Deshya pour son physique particulier, mais aussi parce qu’elle est amie avec son père, ‘Gatito Oveja’. Elle a accepté que les deux adolescentes fassent leur enquête pour trouver qui est le meurtrier…
Mais pour l’instant, aucun indice n’a été trouvé. Rien qui puisse dire qui est le coupable.
Alors que Deshya, Annie et Tessa cherchent toujours qui aurait pû le tuer, et comment, Tessa pense à quelque chose.
– … !
Observant le wagon où elle se trouve, elle pense à quelque chose. Elle se demande quelque chose. Elle se pose une question qui vient d’arriver en un éclair dans son esprit. Ses yeux plissés, les mains dans les poches, elle se demande—
– Pourquoi ne pas avoir utilisé de silencieux… ?
Maintenant qu’elle y pense, personne ne semble savoir d’où provenait le bruit du fusil lorsqu’il a tiré sur Nikolas. Cependant, pourquoi prendre un tel risque… ? Pourquoi risquer de se faire attraper dans un train bondé alors qu’avec un silencieux, le coupable n’aurait pas pris tant de risques… ? Tessa se touche le menton.
– Est-ce que c’est parce que c’est un amateur ? Ou…
Elle fronce les sourcils.
– Y a-t-il une autre raison… ?
CHAPITRE 9
⎾Le Train Inarrêtable ; Partie 4⏌
(Case 2)
Tessa réfléchit de son côté, tandis que Deshya est aux côtés de l’homme nommé ‘Mista’. Il lui montre les photos qu’il a prises avec son téléphone, ce dernier qui était accroché au bord du bâton à selfie. Deshya n’arrive pas à croire que quelqu’un en utilise encore un, mais vu leurs styles, cela ne l’étonne pas tant que ça, au fond… Deux personnes démodées des pieds à la tête.
– …
Deshya observe attentivement les photos qui défilent lentement. Pour l’instant, elle ne remarque rien de bizarre. Cela se passe un peu avant le crime. Les photos sont prises pour prendre en focus surtout eux deux, au centre de la photo. Certains montrent un peu plus le train en général et Deshya remarque même la queue de cheval stylisée d’Annie, dans une des chaises au loin. Les photos sont donc bien prises aujourd’hui ; ce n’est pas un mauvais coup. Elles défilent les unes après les autres, mais aucun détail ne sort du lot. On peut voir l’homme au chapeau bouger de place, mais il est simplement passé du côté fenêtre. Deshya plisse les yeux, cherchant le moindre détail, mais—
– … C’est fini ?
L’homme acquiesce.
– C’est la dernière photo.
Deshya a regardé toutes les photos… mais rien de spécial n’a été observé. Rien du tout. Malgré l’une ou l’autre personne qui a bougé de place ou qui s’est levé durant le trajet du train, rien n’a été pris en photographie qui pourrait lui offrir le moindre indice. La dernière photo prise par cet appareil est l’une qui s’est passée juste avant le coup de feu.
Bref, Deshya ne peut pas avoir la moindre piste sur qui pourrait être le ou la coupable de ce meurtre.
– Merde… !” se dit-elle intérieurement.
Elle serre un poing et se retourne. Tessa est en train de réfléchir, Annie juste à ses côtés. Comment vont-elles donc faire pour trouver qui est le meurtrier… ? Fouiller tout le monde ? Même si cela semble la meilleure possibilité, Deshya n’en est pas convaincue.
– L’arme utilisée est un fusil, donc ça devrait être simple à trouver, mais si on agit sans faire attention, le coupable pourrait se lever pendant qu’on fouille quelqu’un d’autre et nous tirer dessus… Si on se laisse être déconcentrée ou… Tsk.
Elle claque de la langue et observe l’homme qui garde son parapluie à ses côtés. Elle a bien envie de foncer dessus et le prendre, vu qu’il est fort probable qu’il soit l’arme du crime, mais si ce n’est pas le cas, que va-t-elle dire ? Elle ne peut pas faire ce qu’elle veut : certaines règles et lois sont mises en place sur ce pays. Même si on ne viendra pas à la confronter en cours de justice, elle ne peut pas risquer de faire n’importe quoi. De plus, Deshya est convaincue d’une autre chose.
– On est 3 à chercher et pourtant, on n’a pas vraiment de pistes… Quiconque est le coupable doit bien rigoler dans son coin.
Bref, il doit se dire qu’il est dans une bonne position. Même si elles ne le disent pas, il est clair qu’elles n’ont pas de pistes pour l’instant. Elles ont une centaine de passagers à fouiller et rien ne dit que dans un acte de stress, le coupable ne va pas prendre en otage une autre personne ou tirer sur l’une d’elles. Deshya n’accepte pas de prendre un tel risque. Elle voudrait bien faire la maligne, mais elle doit se rappeler d’une chose.
– C’est une vraie scène de crime. C’est un vrai train qui peut exploser à tout moment. C’est la réalité.
Elle n’est pas dans un bouquin où le personnage principal ne viendra pas à mourir. Elle n’est pas dans une histoire où le personnage principal sera certain de tout résoudre. Elle n’est pas dans une fiction où le personnage principal est protégé par la plume de l’auteur.
Elle est dans la réalité. La vraie.
Le coupable qu’elle recherche est un vrai meurtrier. L’un qui a tiré dans le cœur d’un autre homme et probablement l’un qui a placé des bombes dans le train. Même si pour l’instant, le train ne compte pas s’arrêter, ni freiner, leurs vies à tous sont en danger. Si Deshya arrive à arrêter le coupable, alors il y a plus de chance que les passagers de ce train soient en sécurité…
– Mais non. Je peux être optimiste, mais je ne peux pas prendre la deuxième option en compte.
Une pensée déplaisante. L’une qui signifie qu’attraper quiconque est le coupable est un ‘GAME OVER’ pour eux.
Si le meurtrier dans le train et celui qui a mis des bombes et peut les exploser ne sont pas la même personne, il est possible qu’attraper le meurtrier obligera l’autre à faire tout exploser.
Si c’est le cas, alors Deshya ne peut faire qu’une chose : abandonner. Ne plus chercher quiconque est le coupable de ce meurtre. Juste accepter sa défaite et que leur plan est parfait. Demander à Annie et Tessa d’attendre un message de la station et prévenir la police qu’un criminel sortira du train lorsqu’il sera à l’arrêt. N’est-ce pas la meilleure solution… ?
– Non… Même si nous prenons une photo de tout le monde dans le train, trouver le criminel va être très compliqué…” pense Deshya.
Elle s’arrête à quelques pas d’Annie et observe le wagon. Son idée peut être bonne si elles arrivent à découvrir l’identité du criminel avant. Le laisser s’échapper et qu’il se fasse arrêter en descendant du train… Annie peut envoyer un message rapide à la police et même Deshya peut contacter Gatito s’il le faut. Cependant, elle n’est pas toujours certaine que ça puisse fonctionner. Après tout, il faut qu’elles retrouvent le coupable avant que le train ne soit arrêté ; vu que le meurtre a été commis, un message ne devrait pas tarder à être envoyé à la station… Bref, leur temps est limité. En y pensant, Deshya lève la tête et fronce les sourcils.
– Après avoir commis le meurtre, pourquoi ne pas avoir envoyé de message directement… ?” se demande-t-elle.
Plus elle y pense, plus Deshya pense que quelque chose est étrange dans cette histoire. Après tout, si celui qui a posé les bombes dans le train voulait juste tuer une personne à l’intérieur et s’assurer qu’il ne se ferait pas avoir, n’y aurait-il pas eu un moyen plus simple ? Pourquoi risquer la vie de presque 250 passagers pour commettre un seul et simple meurtre ? Deshya ouvre la bouche et regarde Tessa. Cette dernière se retourne, se sentant observée, et fixe Deshya.
– … Deshya ?
Elle l’appelle par son prénom et s’approche. Deshya ferme la bouche et Tessa lui chuchote ceci :
– Tu as découvert quelque chose ?
Deshya secoue la tête.
– Les photos ne montrent rien…” avoue Deshya.
Tessa soupire, mais Deshya continue de parler.
– Cependant, j’ai pensé à quelque chose…
– Quoi donc ?
Deshya vérifie qu’on ne l’entende pas et chuchote dans l’oreille de Tessa. Cette dernière ouvre grand les yeux, ainsi que la bouche, et se retourne vers Annie. Tessa a du mal à y croire d’abord, mais il ne lui faut pas longtemps pour se dire que c’est logique. Néanmoins, si c’est le cas…
– …
Elle regarde Annie en se demandant si elle doit lui en parler. Aurait-elle déjà compris cela ? Si c’est le cas, alors…
– … Contre-la-montre.
– …
Deshya ne répond rien à la remarque de Tessa, mais elle a compris ce qu’elle voulait dire. Le temps qu’elles ont devant elles est compté ; trouver le coupable est encore plus important qu’auparavant. Tessa demande à Deshya si elle n’a vraiment rien trouvé d’intéressé dans les photos.
– Vraiment rien, désolée…” avoue-t-elle.
Tessa se gratte l’arrière du crâne : elles n’ont donc pas vraiment de pistes. Megure est le suspect principal, mais vu que la victime discutait avec Trisha lorsqu’il est mort, elle est aussi une suspecte principale ; elle est peut-être même la vraie suspecte numéro une. Les fouiller semble être la meilleure chose à faire… Annie peut faire cela seule tandis que Deshya et Tessa vérifient que personne ne fait d’idiotie ; il y a aussi les deux hommes musclés qui peuvent vérifier le wagon. Tessa se retourne vers Annie et lui parle de ce qu’elle pense. La docteure écoute tout silencieusement avant de se tourner vers la fin du wagon.
– …
Annie ne dit rien directement. Observant sans aucun son ce qu’il y a autour d’elle, elle pense à tout ce qu’a dit Tessa.
– Je pense pareil,” avoue finalement Annie.
Deshya s’en doutait : Annie y avait aussi pensé.
– Je pense vraiment que fouiller les suspects principaux est la meilleure solution,” dit-elle. C’est peut-être risqué, surtout que je suis la seule de la police et que vous n’êtes que des adolescentes, mais si on ne se bouge pas à temps, rien ne dit que ça ne va pas tourner dans un mauvais sens assez rapidement.
Tessa et Deshya sont toutes deux d’accord avec Annie. Elles n’ont pas le temps de se poser sur une chaise et simplement réfléchir. Deshya se tourne vers Trisha et demande à Annie par qui elles devraient commencer. Annie desserre un peu son écharpe et fixe Deshya.
– Je vais fouiller moi, vous, vous vérifiez que rien d’étrange ne se passe.
– A-Ah ?
Cela étonne Deshya qui ne cache pas sa surprise. Annie se dirige vers Trisha sans détailler ses pensées, laissant Deshya et Tessa derrière. Cette dernière s’approche d’un pas vers Deshya, lui touchant le bras avec le sien.
– Tu crois que qui pourrait être le criminel ?” demande Tessa.
Deshya ne répond rien et Tessa finit par tourner le visage vers elle. Elle rougit doucement, le regard baissé. Tessa la questionne avec son expression.
– Tu ne sais pas, c’est ça?” demande Tessa.
Deshya cligne des yeux tout en levant le regard et rougit encore plus.
– A-Ah, non… J-Je…
Deshya se gratte son oreille droite de renard, rouge comme une tomate. Elle se calme en se mettant à bouger doucement le corps.
– J-Je ne sais pas encore…
– Pourquoi elle agit comme ça… ?” se demande Tessa.
Deshya s’éclaircit la voix et soupire longuement avant de regarder Annie. Cette dernière est en train de discuter avec Trisha tout en regardant ses affaires. Sa petite valise est entre les mains de la docteure, tandis que la femme et l’homme en face semblent se sentir stressés.
– …
Deshya les observe attentivement sans rien dire. Même s’ils semblent mal à l’aise, ils n’ont pas l’air d’être dans une position pour attaquer. Tessa se met à marcher dans le long couloir du wagon, observant tous les passagers. Elle remarque que le boucan a repris et que les personnes commencent à s’exciter à nouveau.
– Le train ne va-t-il jamais s’arrêter… ?!” crie une femme.
– J’ai peur, maman…” pleure un petit garçon.
– On arrive bientôt, chéri…
Tessa n’aime pas cette ambiance. Même si personne ne sait pour les bombes dans ce wagon — excepté elles trois et le conducteur —, savoir qu’un criminel se trouve dans le train et qu’il ne s’arrête pas, il est impossible de rester tranquille sur sa chaise comme si rien ne se passait. Même si Tessa prend un air cool et qu’elle cherche aux côtés de Deshya et Annie, elle ressent une certaine pression et un stress particulier à l’intérieur d’elle. Les bombes n’ont aucune raison d’exploser si le train ne s’arrête pas ou ne freine pas, mais rien ne dit qu’au bout d’un moment, si aucun message n’est envoyé, la station ne va pas forcer le conducteur à s’arrêter par force. Si c’est le cas et que le message n’était pas une blague…
Alors c’est leur mort à tous.
C’est ce stress qui fait battre son cœur plus rapidement ; mais elle n’aime pas ça. Elle ne veut pas se dire qu’elle va mourir aussi jeune. Elle ne veut pas penser à ce qui va arriver si le train vient à s’arrêter. Même si l’histoire des bombes est fausse, le crime commis ne l’est pas. Un vrai être humain s’est fait tirer dessus par un coupable qui reste caché dans la foule de passagers. Même si Annie est en train de fouiller certains suspects, Tessa ne peut pas s’empêcher de ressentir un certain malaise. Pas celui du train qui ne s’arrête pas, mais d’un autre.
Son instinct qui a fait d’elle qui elle est aujourd’hui.
Même si elle n’en parle jamais et ne le suit jamais, elle a toujours ressenti quelque chose à certains moments. C’est un instinct qu’elle trouve idiot, mais l’un qui l’a beaucoup aidé petite. Ce n’est rien de surnaturel ; rien d’autre qu’un sixième sens en elle. Elle ne peut pas l’expliquer, ni vraiment le comprendre, mais même si elle préfère suivre sa logique que son instinct, elle sait qu’elle l’a en elle.
– Et là, il me dit…
Tessa fronce les sourcils. Elle ne voit pas quelle piste prendre, ni qui aurait pû tuer Nikolas excepté l’un des trois à côté de lui. Trisha. Megure. Dera. L’un des trois. Elle en est convaincue, mais en regardant Annie fouiller l’homme désormais, son instinct lui dit—
– Cela ne va pas être aussi simple que ça. Une fouille… ne servira pas.
Elle sait qu’elle peut avoir tort. Elle sait que cela ne veut rien dire. Elle sait tout ça.
Mais elle y pense.
Cependant, que son instinct lui dise cela ou non, qu’importe : après tout, elle n’est qu’une adolescente considérée comme un génie, rien de plus. Cette femme est une docteure de la police, l’une qui travaille avec eux sûrement depuis quelques années et qui a non seulement de l’expérience avec eux, mais aussi de l’expérience dans la vie. Elle est prête à risquer sa vie plutôt que de laisser deux jeunes faire n’importe quoi ; Tessa ne peut rien dire dans cette affaire. Elle peut chercher qui est le coupable aux côtés de Deshya, mais cela s’arrête là. Elle ne peut pas donner des ordres aux passagers.
Et alors qu’elle y pense—
– J’en ai marre !
Un homme jette son chapeau sur le sol et se lève de sa place. Deshya et Tessa se retournent vers lui et celui-ci attire l’attention de tout le monde. Annie arrête sa fouille et se lève, se demandant ce qu’il se passe.
– Il se passe quoi avec ce train de mort ?!” crie-t-il.
Il s’approche de la docteure avec les poings serrés, poussant Tessa sur son chemin. Une femme qui se lève de sa chaise à son tour rattrape Tessa et lui demande si elle va bien. Tessa la remercie en acquiesçant et observe l’homme se diriger vers Annie. Sans flancher, la docteure le fixe avec des yeux neutres.
– Vous faites une fouille, hein ?!!” hurle-t-il. Alors ça veut dire que vous savez toujours pas qui est le criminel ?!!
– Désolée, mais non.
– !!!
L’homme grince des dents et agite la main, frappant presque Deshya.
– Vous vous foutez de moi !!! Fouillez tout le monde s’il le faut, je m’en fiche, mais trouvez-le !!! J’ai des enfants à bord !!!
– M-Moi aussi !” lâche une femme au fond.
– Pourquoi le train ne s’arrête-t-il pas… ?
Les voix commencent à retentir dans tous les sens. L’homme reste en face de la policière, la défiant de son propre regard. Deshya se met aux côtés de Tessa et cette dernière l’attrape gentiment pour s’assurer qu’elle ne se pas pousser par quiconque. Deshya observe le wagon où les passagers se mettent à se lever et bouger dans tous les sens. La situation commence à empirer, mais elle s’y attendait… après tout, les gens perdent patience. Plusieurs arrêts ont été ratés, personne ne sait vraiment pourquoi le train ne s’arrête pas et ils ne savent pas qui a tué l’homme qui se trouve encore dans le wagon. Son cadavre ne peut pas vraiment être bougé quelque part d’autre, après tout… Bref, la tension qui règne à l’intérieur du wagon devient de pire en pire.
– Je veux sortir !
– Allez réveiller cet idiot de conducteur ! Ou de conductrice, je m’en fiche !!!
– Ma mère s’inquiète !!
– On va louper mon arrêt !!!!
– Aaah, pourquoi ça nous arrive ?!
Certains passagers se lèvent et se mettent à marcher dans le couloir du wagon, se poussant ou voulant en sortir. Les deux hommes musclés se lèvent à leur tour et tentent de calmer tout le monde, tandis qu’Annie grince des dents en ne sachant pas quoi faire. Leur crier dessus pour qu’ils se calment ne changera rien, cette fois-ci. Leur patience était déjà à leur limite, mais avec cet homme qui a fait le premier pas pour hurler sa frustration, ils ne peuvent plus tenir. Ils n’acceptent plus de rester sur place et de laisser ce train continuer ; mais ils ne savent pas qu’ils n’ont pas le choix. Tout ce qu’ils sont en train de faire est les empêcher de trouver le coupable : s’ils commencent à quitter le wagon, alors quiconque a tué l’homme va en profiter pour s’enfuir ou même jeter son arme par la fenêtre… !
– Et s’il porte des gants, alors… Alors… !
Annie imagine plusieurs possibilités : et rien ne la rassure. Alors que les gens se poussent et que l’un menace de passer dans l’autre wagon, une silhouette saute sur une des chaises et court pour arriver devant la porte avec l’homme.
– Tu fais quoi, toi ?!!” hurle-t-il.
La fille lève les yeux, venant d’atterrir à quatre pattes en face de lui et ouvre grand la bouche.
– RETOURNEZ À VOS PLACES !!!!!
Hurlant de toutes ses forces, la fille à capuche bloque le passage en écartant grand les bras. L’homme qui est devant la jeune fille recule par la surprise, bousculant une autre femme. Le bruit s’est arrêté, mais il reprend rapidement lorsque l’homme se met à crier à son tour.
– B-Bouge de là !!
– NON !!!
– A-Ah ?!
Deshya refuse impérativement de bouger et prend une position encore plus agressive. L’homme va encore crier, mais Deshya parle en premier.
– Si vous sortez du wagon, le criminel va en profiter !!! Vous allez laisser le coupable s’enfuir !!
– Q-Qu’importe, il faut arrêter—
– Le train ne s’arrêtera pas !!!
– Q-Quoi ?!
L’homme ne cache pas sa surprise, les yeux grand ouverts.
– Comment tu peux le savoir, petite ?!!” hurle l’homme.
Deshya fronce les sourcils.
– Nous sommes déjà allés voir le conducteur !! Il ne s’arrêtera pas maintenant !!!
– M-Mais pourquoi—
– Problèmes techniques !!
L’amas de passagers se mettent à se regarder, certains aux bords des larmes et d’autres en sueur. Deshya est toujours devant la porte qui est ouverte, automatique et réactive aux choses qui sont devant elle. Deshya baisse un peu les bras, mais sa pose prouve bien qu’elle ne laissera toujours personne passer.
– Tous les autres trains ont été prévenus, donc nous n’allons pas nous crasher avec un autre train,” les rassure Deshya. Retournez à vos places et laissez-nous trouver le coupable.
Elle arrête de froncer les sourcils, une autre expression désormais sur son visage.
– S’il vous plaît.
Un ton moins agressif, bien plus calme et passif. Ses bras sont totalement baissés et si l’homme venait à lui courir dessus, elle se ferait pousser sans aucun souci. Il pourrait aller voir le conducteur et l’engueuler, comme prévu. Cette jeune fille est sans défense, bien plus petite que lui et sans aucun muscle.
– … Tsk.
L’homme croise les bras et finit par se retourner pour faire face à la foule de passagers enragés.
– Faisons comme elle dit.
– Eeeh ?! Pourquoi, même ?!
– TA GUEULE !!!
– A-Ah ?!
L’homme serre un poing devant son visage.
– Elle a raison !! Si on laisse le meurtrier s’échapper, ça n’aidera pas !! Pour l’instant, il est bloqué avec nous tous ! S’il ose ressortir son arme, il ne fera pas le poids contre nous !!!
Deshya sourit en regardant le dos de l’homme aux cheveux courts. Une femme lève son enfant aux bords des larmes dans les airs.
– On a des enfants, ici !! On ne peut pas risquer leur vie !!!
– Elle a raison !! Et le train, il faut l’arrêter !!!
– Bande d’idiots !!! Elle vient de dire que le train ne peut pas s’arrêter à cause de problèmes mécaniques !!!
– Qui dit qu’elle ne ment pas ?
– Elle ne ment pas ! J’y suis aussi allée !!
Annie crie depuis l’autre côté du train. La plupart des passagers se retournent vers elle. La femme à l’écharpe bleue se touche le torse, une expression sérieuse lui décorant le visage.
– Le train ne s’arrêtera pas de sitôt !! Si vous allez engueuler le conducteur, vous allez l’empêcher de se concentrer pour qu’il règle tous les problèmes !! Retournez à votre place et laissez-nous faire.
Le silence s’installe dans le wagon. Alors que les passagers se regardent entre eux et se demandent quoi faire, l’un d’entre eux plisse les yeux. Il reste silencieux, observant la scène qui se passe à l’intérieur du train actuellement ; ou plus précisément, dans ce wagon.
– On dirait que je ne me suis pas encore fait repérer… Je n’ai pas le temps, ‘tain.
Cette personne est le coupable. Celui qui a tué Nikolas Aidalro avec une balle dans le cœur. Il ne se fait pas remarquer, restant patient et assuré que son plan est en train de fonctionner à merveille. Quoi qu’il advienne, il ne se fera pas attrapé : même avec la femme policière et les deux adolescentes qui se prennent pour des héroïnes, il est convaincu qu’il s’en sortira sans problème. Le train n’est toujours pas arrêté et il ne montre aucun signe de frein : bref, son plan est toujours en marche. Il lâche un sourire que seul lui-même peut voir…
Parce qu’il est convaincu de sa réussite.
– Je veux bien retourner à ma place, mais… !!!
Une femme hurle dans l’amas de passagers qui se sont levés. Elle n’a pas d’enfant dans les bras, mais sa fille unique est toujours assise, blottie dans sa chaise et effrayée du comportement des adultes.
– Vous avez intérêt à vite retrouver le criminel et nous laisser sortir d’ici indemne !!!
Les gens se mettent à acquiescer avec elle et crient à ses côtés qu’ils veulent sortir d’ici le plus rapidement possible. Annie les écoute attentivement, toujours aussi silencieuse qu’une carpe, mais finit par acquiescer à son tour.
– Je vous promets que nous allons le retrouver rapidement. Retournez à vos places et laissez-nous faire.
Certains passagers se mettent à râler, mais la plupart accepte sans se débattre. Deshya soupire et Tessa passe entre les gens qui vont à leur place en faisant attention de ne pas être poussée par quiconque. Elle arrive aux côtés de son amie et lui tapote l’épaule, ce qui surprend Deshya.
– Une vraie héroïne, à ce que je vois !” lâche Tessa avec un sourire amusé.
– Ils me saoulent à faire ce qu’ils veulent… Ils ne réfléchissent pas,” avoue Deshya.
– Eeeh, ça me rappelle quelqu’un~…
Deshya plisse les yeux en se tournant vers Tessa, mais cette dernière met les mains derrière la tête et sifflote avec un sourire qui n’arrive pas à partir. Annie revient vers elles et observe le wagon avec des yeux d’aigle. Elle s’arrête juste aux côtés de Tessa et range ses deux mains dans les poches de sa veste.
– Je suppose qu’ils n’avaient aucune arme sur eux,” lâche Deshya en remarquant l’air presque déçu d’Annie.
La femme acquiesce.
– Malheureusement, ils ne semblent rien avoir qui pourrait faire office d’un pistolet ou autre. Ils l’ont peut-être caché ou passé à quelqu’un d’autre qui est complice avec eux. Sinon—
– C’est quelqu’un d’autre qui est le meurtrier ?
Annie se fait couper par Tessa, cette dernière ayant les mains dans les poches aussi. Annie ne répond rien, mais elle n’a pas besoin de les cacher, surtout qu’elles l’aident dans cette enquête. Si seulement elle n’était pas la seule policière, cela serait plus utile…
– Le train ne peut pas s’arrêter et on a plusieurs suspects différents… et encore. Il y a trop de gens qui auraient pû le faire et nous ne sommes que trois à pouvoir fouiller les autres. C’est pas assez.
Annie se met à réfléchir, baissant doucement la tête.
– Je ne peux pas retirer ces trois-là de la liste des suspects même sans avoir rien trouvé… On ne peut rien faire d’autre que de fouiller tout le monde tout en surveillant les alentours. Sinon, il faudra avoir avec les autres membres de la police si quiconque dans ce wagon aurait un lien particulier avec la victime…
– Je me demandais si on ne pourrait pas juste attendre que le train s’arrête ?
Alors qu’Annie est dans ses pensées, Tessa parle en retirant ses mains de ses poches. Annie lève la tête et regarde l’adolescente aux longs cheveux mauves.
– Comment ça ?” demande Annie.
– Si on ne peut pas trouver le coupable, nous n’avons qu’à forcer tout le monde à rester ici quand le train s’arrête. Ensuite, la police arrive et une fouille générale est faite. On trouve l’arme du crime, on sait donc qui est le coupable et le tour est joué.
– Tu as oublié de quoi on a discuté juste avant ?” demande Deshya, peu convaincue.
Tessa se tourne vers elle et secoue la tête.
– Je ne dis pas forcément qu’on ne doit pas rester sur nos gardes ou qu’on ne doit pas chercher un coupable, mais je ne pense pas qu’on pourra faire grand-chose s’il n’agit pas à nouveau.
– Mais ça, c’est si—
Deshya veut parler, mais la situation ne lui autorise pas. La fin de sa phrase jamais ne se terminera, parce qu’au même moment qu’elle tente de se justifier, au même moment que les trois filles parlent entre elles et au même moment que le calme s’est installé dans le wagon…
BAM
Tout le monde se crispe. Deshya se tient les oreilles tellement le bruit se met à résonner dans sa tête, la forçant même à s’abaisser à cause de la douleur. Annie et Tessa se retournent toutes deux d’un coup, leurs yeux grand ouverts. Une femme crie. Un homme la suit. Des bruits de terreur et de peur retentissent dans le wagon et certaines personnes se lèvent. Annie se met à courir du wagon, tandis que Trisha se plaque à la vitre, son cœur battant à la chamade dans sa poitrine. Mista et Minerva, les deux amis démodés qui sont tout près des deux adolescentes, se lèvent aussi, surpris du bruit qui vient d’être entendu. Les oreilles de certains passagers résonnent et leur font mal, tandis qu’un bébé se met à pleurer à cause du bruit. Ensuite un autre. Des enfants les suivent et même certains adultes ont leurs yeux mouillés.
– Laissez-moi passer !!!” crie Annie.
Tessa se met à trembler et se tourne vers Deshya. Elle est sur le sol, se tenant les oreilles de son pull en se crispant. Même l’adolescente qui écoute sa musique à fond est en train de trembler, sa mâchoire qui claque. L’homme avec le parapluie détruit cligne des yeux et regarde derrière lui, se demandant ce qu’il vient de se passer. Annie se débat pour passer entre les passagers qui se mettent à bouger dans tous les sens. Certains se mettent à courir vers la porte, là où Tessa et Deshya se trouvent. L’adolescente encore debout se met devant et leur crie de se calmer, surtout que Deshya est encore à terre.
C’est la terreur dans le wagon.
Les gens hurlent à Tessa de se pousser, mais elle leur hurle en retour qu’elle ne peut pas les laisser faire. Annie arrive enfin à passer et arrive proche des deux hommes musclés qui ne cachent pas leur choc.
– Q-Quoi ?!!
Annie hurle et recule en voyant ce qu’il y a devant lui. Une femme à côté est en pleurs, traumatisée et se tenant en boule.
Un homme vient de se faire tuer, une balle dans le front. Une morte directe.
Annie regarde le cadavre avant de se retourner. Les gens se mettent à courir vers la porte, suppliant de sortir. La porte du deuxième wagon, celui pour rejoindre le troisième, s’ouvre. Des passagers de l’autre côté se mettent à courir vers l’autre wagon, ayant entendu le coup de feu. Tessa se retourne et grince des dents : à ce stade, elle ne pourra pas tous les arrêter ! Trouver le coupable va être à la limite de l’impossible. Elle fronce les sourcils, se tenant devant Deshya en continuant de hurler à tout le monde de retourner à leur place. Les gens pleurent et crient : ils sont terrorisés.
Parce qu’un homme vient de mourir. Encore une fois.
– RETOURNER À VOS PLACES !!!!” hurle Tessa de toutes ses forces.
Cependant, cela n’est pas suffisant. Un meurtre vient d’être commis : ils ont peur pour leur vie. Pour la vie des autres. Ils ne peuvent pas rester assis dans le même wagon qu’un criminel. Annie demande aux deux hommes d’aider Tessa et ils acquiescent en rentrant dans le tas. C’est un capharnaüm. Un bruit insupportable qui fait mal aux oreilles de Deshya ; si mal qu’elle ne peut pas se relever. Tessa baisse la tête sans pour autant faire de même avec son regard, s’assurant que personne ne puisse passer cette porte ; parce que si elle laisse quiconque rejoindre l’autre wagon, alors leur enquête va être impossible à finir. Le coupable s’en tirera et elles pourront abandonner toute idée de l’attraper. Une défaite de leur part.
– En plus… En plus… !
Tessa l’a entendu. Quelque chose qui a été si rapide et si puissant que peu de gens l’ont probablement remarqué, mais Tessa, elle, l’a entendu. Cette anomalie. Ce qui n’aurait sûrement pas dû arriver. Quelque chose qu’elle doit comprendre ; mais pour cela, elle doit calmer tout le monde.
Le train continue sa route sans s’arrêter.
Cela fait maintenant 1h12 qu’il est parti de l’arrêt à Tetazo, celui qui pourrait bien être le dernier d’environ 250 personnes.