La Tour des Mondes
A+ a-
Chapitre 359 : Une armée en marche
Chapitre 358 : Imaginer un avenir proche Menu Chapitre 360 : Frustration et interrogation

Je passe les grandes portes pour entrer dans la cour du donjon. Les guerriers commencent à scander le nom de « Typhon » alors que je ne fais que passer dans les rangs. Certains me frappent joyeusement les épaules alors que je ne fais que passer pour rejoindre la délégation de « paix ».

Au cours des trois dernières semaines, ils ont pu me voir m’entraîner avec d’autres grimpeurs, et même avec Bravain, Anisse ou Galaxia, ou encore les autres grimpeurs faisant partie du panthéon de Mellow. Bien sûr, n’oublions pas les mêlées générales dans lesquelles ils se sont tous jetés sur moi avec joie alors que je devais esquiver toutes leurs attaques et que je n’avais que mes poings pour me défendre. Ce n’était bien sûr qu’un entraînement de plus, mais pour des Pénoviens qui s’ennuient, j’ai aidé à relancer la flamme combative qu’ils ont perdue dans la bulle.

C’était parfois difficile de maintenir ce régime d’entraînement, mais j’ai fini par gagner le respect d’une bonne partie de Djupa et par dégoûter plus d’un partenaire d’entraînement devant la quantité d’exercices à réaliser. J’imagine que ce qui est normal avec Nerys est infernal pour tous les autres.

Avec le recul, je me dis que ma professeure m’aurait bien plus torturé que je ne l’ai fait moi-même. D’un autre côté, l’idée de ne pas en faire suffisamment m’a poussé à insister.

Peu importe ce qu’ils pensent de mon entraînement, c’était nécessaire. Je suis contre Emy dans cette guerre. C’est même possible qu’elle soit la cible de ma quête. N’oublions pas non plus les autres menaces sur lesquelles je vais tomber.

Djupa était finalement la ville parfaite pour s’entraîner. Entre le toit des maisons, les remparts ou la mine, j’ai pu explorer chaque recoin en multipliant les exercices. Côté partenaire, certains grimpeurs de la guilde Ptolémée me détestent suffisamment pour vouloir m’affronter chaque jour. En dehors d’eux, les soldats de Djupa sont des types bourrus qui ne s’amusent qu’en buvant ou en se battant. La promesse d’un combat ou d’une cervoise après l’entraînement les aide à se lever chaque matin. Je n’ai pas eu grand-chose à faire pour les convaincre.

Je regarde les corbeaux qui volent en cercle au-dessus de ma tête. Les plus gros transportent même des rats ou des surprises que j’ai pu concocter avec Héphaïstos. Plus d’un porte un harnais qui m’aidera dans le camp. Sans oublier mes renforts en dehors de Djupa, j’ai une petite armée.

Micha est déjà dans le camp d’Emy à disperser nos troupes. Ils sont sans matériel pour l’instant, mais dès que la bulle au-dessus de la ville sera désactivée, le matériel traversera la plaine dans des tunnels creusés par des taupes. Tout sera en place, bien avant mon arrivée dans le camp.

Puisque je serai seul à me battre dans la bulle qui couvrira le camp d’Emy, ils ont décidé de me laisser avoir une partie de ce qu’il y avait dans l’armurerie. Mellow a été intraitable avec Héphaïstos sur ce sujet en lui expliquant qu’ils misent tout sur cette victoire et que j’en suis un point central.

D’une certaine façon, mes entraînements et mon futur « combat » contre Emy semblent avoir inspiré tous les autres à faire de leur mieux pendant la bataille qui s’annonce. Même si nous serons sur le même champ de bataille, savoir que Typhon affronte le pire a motivé plus d’un guerrier de Djupa à me dire « Laisse-nous-en un peu dans la bulle » ou « on t’en garde un peu là-dehors », ou encore « j’en tuerais plus que toi, tu vas voir ! » et j’en passe.

Je suis le fou de service pour les grimpeurs et le champion de Djupa pour ses habitants. C’est plutôt agréable si on oublie le premier groupe. J’ai préféré ne pas trop m’avancer sur ce que j’allais faire ou en disant que j’allais forcément réussir, mais Mellow a décidé de faire croire que mon silence était en réalité de l’assurance. Elle n’attendait que ça pour booster encore plus le moral à coup d’exagérations. Entre ça, mes entraînements et l’idée idiote d’envoyer un seul homme faire le travail d’une armée… disons que le moral est haut.

Vu les réactions des guerriers parmi les troupes en me voyant, on ne dirait pas qu’ils vont affronter une armée plus nombreuse et majoritairement constituée de grimpeurs. Je ne vais m’occuper que de la crème de la crème de leur armée de mon côté. Les guerriers et grimpeurs de Djupa vont avoir une bataille difficile à mener à un contre cinq. J’ai mes animaux pour équilibrer la balance, mais cela reste du… un rat contre deux grimpeurs  ? Mon combat est peut-être plus équilibré que le leur.

Sur le chemin, Bravain m’arrête quelques instants pour me souhaiter bonne chance. Il est en armure et mènera probablement la charge devant le château.

« Si tu penses ne pas pouvoir y arriver, n’hésite pas à te cacher. Tant que tu sèmes le chaos, nous ne demanderons pas plus d’une personne seule. »

Je ne lui réponds pas et je me contente d’acquiescer. Ce n’est pas la première fois qu’il me le dit par inquiétude. Bravain a beau être le chef ici, il n’est pas des plus rassurant. Heureusement que Mellow est là pour contrebalancer et qu’il ne donne pas le discours d’avant combat, sinon il y aurait de nombreux déserteurs.

Pour l’instant, j’ai « juste » l’impression de partir m’engouffrer sereinement dans la gueule du loup. Mes entraînements ont payé et m’ont aidé à me rassurer un peu. Je n’aurais pas pu faire plus de préparations en trois semaines. Les grimpeurs dans l’armée en face seront probablement d’un niveau proche de celui des grimpeurs dans l’arène. Bien sûr, ce n’est que le premier monde et, à moins de tomber contre une classe capable de me contrecarrer complètement, j’ai une chance. Ce sont tous des grimpeurs débutants, mais ils font la guerre depuis un moment et je préfère m’attendre au pire pour avoir la surprise qu’ils sont tous nuls.

Ce sont ceux qu’ils appellent les « anomalies » le problème. Les grimpeurs avec des classes difficiles à identifier ou avec un niveau de force dépassant largement la moyenne. Ce sont eux qui risquent de me poser problème.

Alors que je passe dans les rues, je peux voir que pour jouer la comédie, beaucoup de maisons arborent des drapeaux blancs signalant la fin des combats. Il y en a aussi un certain nombre sur les remparts.

Je ne me suis pas trop senti concerné par le reste du plan, mais j’en connais les grandes lignes. Les quelques habitants de Djupa encore présents se sont réfugiés dans la mine sous la ville et des pièges ont été installés par dizaines pour bloquer le passage. Djupa est vide en dehors de l’armée qui se cache dans diverses maisons. Ils sont tous prêts à attaquer dès que la bulle sera en place.

Sous couvert d’une reddition, la ville sera quand même protégée de l’armée d’Emy pendant les négociations. De telles discussions peuvent prendre plusieurs jours, donc cela n’a rien d’étrange que l’armée reste en place pour défendre la ville. Malheureusement, Héphaïstos n’était pas capable de fabriquer une deuxième bulle avec les matériaux à sa disposition et, de toute façon, la plupart des mages sont dans le convoi que je vais accompagner. J’ai pu discuter avec quelques-uns d’entre eux, mais c’est surtout Anisse qui est celle que je connais le mieux maintenant. Même si elle est enceinte, c’était impensable pour elle de rester sur le banc de touche.

Cela dit, elle me déteste. Je ne sais pas pourquoi, mais elle fait partie des grimpeurs qui ne peuvent pas me supporter. Même maintenant, elle me jette un regard noir. Si elle pouvait me cracher dessus, elle le ferait sans doute. Anisse n’a probablement pas confiance en moi. Elle a un peu changé d’opinion en voyant les informations que j’ai rapportées avec mes animaux, mais elle pense toujours que je vais les trahir ou quelque chose du genre d’après les conversations que j’ai pu espionner où elle parlait de moi.

En tout cas, pour l’occasion et même si son ventre n’est pas très imposant, elle a décidé de garder ses mains dessus et de le mettre bien en avant pour rendre facile à comprendre qu’elle attend un enfant. Cela rend le convoi moins menaçant.

Nous sommes une dizaine devant le pont-levis de Djupa. Pour l’occasion, nous avons un chariot chargé de tonneaux rempli d’or qui cache la pierre permettant la création de la bulle. Bien qu’Hépaïstos soit quelqu’un d’insupportable, c’est un très bon ingénieur. Je préfère les travaux d’Eruc, mais les siens sont très efficaces. Pour la forme, quelques combattants grimpeurs serviront de protection pour les mages, mais il n’y a absolument rien d’étrange à cette délégation.

Je regarde à côté du chariot et le long de la muraille où se trouve le reste de mon armée personnelle. Rats, corbeaux et souris sont répandus ici et là et attendent que la barrière soit désactivée pour partir en direction du camp. D’autres attendent dehors pour aider à prendre le matériel placé dans des sacs ou sur des charrettes que des rats n’auront aucun mal à pousser. Cela me rappelle vaguement une conversation avec Héphaïstos disant qu’il allait me tuer avec mes demandes alors qu’il était en train de préparer tout ça.

Le processus pour sortir de la barrière était effectivement assez long en prenant parfois une heure pour un rat ou une souris pour la traverser, donc j’ai limité à une dizaine le nombre d’animaux qui servent d’éclaireur. J’ai aussi dressé quelques rats qui passaient à proximité du château, mais c’est Micha qui a fait le plus gros du recrutement. Faire sortir Micha n’était pas rassurant, mais l’avoir dehors est un avantage indéniable dans cette situation.

Tout cela a fait de moi le centre d’information principale pour la guilde Ptolémé. J’ai pu confirmer certaines informations que même un Observateur ne pouvait pas voir depuis les remparts. L’attaque sera plus facile pour eux maintenant qu’ils savent où sont les points stratégiques contenant les armes, là où se trouve la majorité des troupes et où les différents postes de commandement se trouvent.

J’ai même pu trouver Emy à plusieurs reprises en fouillant le camp, mais je me suis abstenu de trop l’approcher. L’idée de l’affronter me fait mal au cœur, mais la voir piétiner une souris ou un rat ne me plaît pas non plus. Anisse me pose alors une question.

— C’est confirmé ?

— Oui, pour la plupart ils sont bien dans le camp et nous attendent. Certains sont quand même sur leur garde, mais ils ont rassemblé les officiers au même endroit.

— Et pour le tunnel ?

— Impossible d’entrer, mais il y a bien un groupe de combattant là-dedans. Probablement deux cents au dernier compte.

La découverte du tunnel a été une surprise. Malgré le début des négociations en arrangeant une date pour la désactivation temporaire de la bulle, ils ont continué à travailler sur un tunnel partant en direction de Djupa. Il a suffi de voir les chargements de terre qui en sortent pour comprendre ce qu’il se passe là-dedans. Malheureusement, même une souris ne semble pas avoir le droit ou l’opportunité d’entrer là-dedans. C’est probablement pour contrer les capacités d’un éventuel Animorphe, mais ils avaient une sorte de sas magique maintenu par toute une équipe de Mage pour empêcher quiconque d’entrer.

C’est aussi pour ça que Bravain et Héphaïstos ont décidé de mettre des pièges dans la mine en cas de problème.

Je soupire en ajustant mon équipement et en vérifiant à travers les liens que tous les animaux sont prêts.

{Prête à tout chef ! On va super-battre Emy !}

Je souris en entendant la réponse de Micha. Elle m’attend avec quelques rats dans la plaine là dehors. Depuis mon bras, Juliette me dit qu’elle n’attend que ça avec son excitation froide de prédateur. Persée ne dit pas grand-chose de son côté. Il ne sait pas exactement ce qu’il se passe, mais il a bien compris que j’allais me battre. Cela ne semble pas avoir beaucoup d’effet sur lui, mais il est intéressé par l’idée de pouvoir me « soigner » un peu. C’est sans doute la faim qui parle. C’est la sensation la plus simple à comprendre à travers le lien.

À croire qu’il n’y a que des nuances de faim qui lui permettent de s’exprimer. C’est toujours assez difficile de savoir ce qu’il pense exactement en se basant sur ses sensations. Il est encore jeune, donc ce n’est pas trop grave tant qu’il ne se laisse pas dominer par sa faim.

« C’est parti. Désactivation de la barrière. »

Héphaïstos regarde sa montre en hochant la tête. Il prend ensuite sa femme dans ses bras en lui disant de faire attention à elle. Mellow et Bravain s’approchent de moi pour me serrer la main chacun leur tour. La Sorcière ajoute même une parole d’encouragement.

— Quel que soit le résultat là-bas, tu as largement montré que tu étais digne de la guilde Ptolémée. Si tu souhaites nous rejoindre, le grand Typhon sera toujours le bienvenu dans nos rangs. Fais attention à toi et surtout, gagne, Dresseur.

— De votre côté, éviter de perdre la guerre pendant que je la gagne.

— Ne t’en fais pas, tant qu’ils m’ont avec eux, je ne les laisserai pas perdre.

Je m’amuse quelques instants de sa remarque avant d’ajuster ma capuche sur ma tête. Je n’ai pas eu l’occasion de m’entraîner avec elle, mais si j’en crois les autres grimpeurs, s’il y a une personne à craindre au combat ici, c’est elle. Beaucoup pensent qu’elle serait capable de battre Emy, mais elle est la seule à nier cela. À la place, elle préfère booster le moral en disant que j’en suis capable.

La bulle commence à disparaître derrière moi et les premiers groupes d’animaux se répandent dans la plaine gelée ou dans les airs pour quitter la ville.

Le chariot se met en mouvement une fois que la pierre magique y est installée. Dans le silence, je suis le mouvement en gardant ma main sur l’épée de Talion à ma ceinture qui me donne l’air d’un garde.

La délégation avance lentement alors que je fixe mes yeux sur le camp ennemi à quelques kilomètres de là. Je l’ai étudié pendant suffisamment longtemps pour le connaître comme ma poche. C’était nécessaire pour être certain de ne pas m’y perdre pendant que je raye les personnes de ma liste de cibles que Mellow a faite grâce à mes informations.

Je repasse la liste de cibles dans ma tête. Elle est assez longue en ayant une trentaine de noms. Mellow m’a expliqué que tant que j’arrive à en tuer une bonne moitié, ma mission sera une énorme réussite. Le nom d’Emy est dessus, mais c’est le dernier.



Rejoignez-nous et devenez correcteur de Chireads Discord []~( ̄▽ ̄)~*
Chapitre 358 : Imaginer un avenir proche Menu Chapitre 360 : Frustration et interrogation