Le cœur de Boiteux s’emballa.

Le précepteur impérial de l’empire de la Paix éternelle aurait-il le courage de s’aventurer dans un territoire aussi étrange et terrifiant que celui des Grandes Ruines ?

Vieux Ma avait quand même raison sur un point. L’empire de la Paix éternelle était une secte déguisée en empire !

L’empire de la Paix éternelle avait bâti un empire d’arts martiaux et gouvernait grâce aux arts martiaux. Les fonctionnaires étaient classés en neuf rangs et dix-huit niveaux. Depuis le premier rang auquel le précepteur impérial était rattaché jusqu’au neuvième rang auquel les académiciens de la cour appartenaient, tous étaient issus de familles martiales. Ceux qui ne venaient pas de ces familles accédaient aux fonctions de maîtres de secte, de chefs de clans ou de chefs de sectes.

Quant aux soldats de l’empire, tous pratiquaient les arts martiaux et excellaient au combat. Sur le plan extérieur, ils étaient capables d’attaquer des villes et de conquérir des territoires tout en matant les révoltes au sein de l’empire. Ils formaient une armée qu’il ne fallait pas prendre à la légère.

Lorsqu’une secte se fait passer pour un empire et gouverne comme le ferait un empire, toutes les ressources sont mises en commun et toutes les autres sectes, tous les adeptes des arts martiaux, tous les pratiquants des arts divins de l’empire qui se sont rendus deviennent alors sujets de cet empire et lui jurent allégeance. De cette manière, un empire acquiert une très grande puissance et une réputation terrifiante.

Au cours des dernières années, l’empire de la Paix éternelle n’avait cessé d’étendre son territoire. Il avait incorporé de nombreuses sectes, dont la secte du fleuve Li, ainsi que plusieurs petits pays.

Aujourd’hui, le territoire de l’empire de la Paix éternelle touchait la frontière des Grandes Ruines, laquelle constituait la limite de sa progression.

Ce qui l’avait arrêtée, c’était l’obscurité inhabituelle qui régnait dans les Grandes Ruines. Chaque fois que le jour déclinait, les étranges ténèbres avançaient et quiconque y pénétrait n’en ressortait jamais. Voilà pourquoi l’empire de la Paix éternelle n’osait pas entrer dans les Grandes Ruines.

Mais d’autres dangers rôdaient dans les Grandes Ruines. De très nombreuses bêtes étranges y vivaient et des événements bizarres s’y produisaient donnant à ces lieux une aura funeste. Il ne serait pas aussi simple que cela au précepteur impérial et à l’empire de la Paix éternelle d’y déployer des troupes.

Pourtant, les périls des Grandes Ruines n’effrayaient pas le précepteur impérial. Boiteux connaissait très bien cet homme et savait ce dont il était capable. C’est à lui qu’il devait de ne plus avoir ses jambes.

Rien ne terrifiait le précepteur impérial et aucune menace ne pouvait l’arrêter lui ou ses ambitions !

Il avait l’intention d’entrer dans les Grandes Ruines et il irait au bout de son projet !

Il avait même sûrement déjà jeté son dévolu sur les vastes et hostiles Grandes Ruines !

Le village avait rapidement retrouvé sa tranquillité. La terre avait rapidement absorbé l’eau de la petite rivière Li. Le deuxième jour, le soleil brûlant avait asséché le sol qui avait ensuite durci.

Qin Mu se vit donner le sac qui avait appartenu à Qian Qiu, le disciple de la secte du fleuve Li. Confectionné dans la peau d’un crocodile, il mesurait environ 60 cm. On pouvait l’attacher à la taille à l’aide d’une ceinture ou le porter dans le dos grâce à deux bretelles.

Si on dirigeait son Qi vital vers le sac, la bouche du crocodile s’ouvrait et crachait un fourreau et une poignée d’épée.

Lorsqu’un adepte des arts martiaux réussissait à donner à son Qi une forme de fil et à l’enrouler autour de la poignée de l’épée, il pouvait ensuite dégainer l’arme et la manier grâce son Qi.

Une fois que la première épée avait été dégainée, une seconde poignée d’épée apparaissait dans le fourreau. Lorsque la deuxième épée était dégainée, une troisième apparaissait et ainsi de suite, d’où le nom de sac d’épées.

La secte du fleuve Li venait de la frontière méridionale et était rompue au maniement de l’épée. Sa technique de forge d’épées était unique. Une épée mère était cachée dans le sac d’épées et il était impossible de se servir de cette arme car elle avait fusionné avec la petite peau du crocodile.

Toutes les épées provenant du sac étaient des épées enfants. Qin Mu voulut essayer et fit sortir vingt-huit épées enfants. Il y en avait en tout trente-cinq, y compris les sept qu’il avait brisées.

Mais il ne savait toujours pas comment la secte du fleuve Li avait réussi à dissimuler les trente-cinq épées dans le petit sac.

Porter vingt-huit épées n’était pas difficile pour Qin Mu. Il portait en permanence de nombreux poids de fer un peu partout sur lui, dont à la poitrine et à la taille. Ces poids ainsi que ses bottes en fer pesaient plus de quarante-cinq kilos, ce qui correspondait à peu près au poids du sac d’épées.

Pour Qin Mu, ce sac d’épées constituait une sorte d’entraînement. Il remplaçait les poids en fer et facilitait ainsi ses mouvements. Toutefois, il était incapable d’utiliser son Qi pour manier l’épée. La maîtrise de l’épée du fleuve Li était trop complexe et il n’avait pas encore atteint ce niveau avec ses techniques de maniement de l’épée.

« Si seulement je pouvais apprendre la maîtrise de l’épée du fleuve Li. »

Qin Mu soupira silencieusement. La maîtrise de l’épée du fleuve Li était très délicate, en particulier la technique de l’enchaînement d’épée, une merveille inégalable. Vieux Ma, Boucher, Boiteux, Apothicaire, Aveugle ne maîtrisaient aucune compétence à l’épée. Mais Muet possédait un coffre de billes d’argent, tout comme mamie Si. Si ces billes d’argent étaient bien des billes d’épée, alors ils devaient tous les deux savoir combattre à l’épée.

Pourtant, à chaque fois que Qin Mu demandait à mamie Si de lui enseigner, elle refusait. Muet agitait également les mains avec frénésie comme s’il avait peur de quelque chose. Discrètement, il signait pour le prévenir : Pour le moment, ne demande à personne de t’enseigner les techniques à l’épée. Quelqu’un de plus expérimenté s’en chargera plus tard. Si tu commences à apprendre des techniques aujourd’hui, celui qui devra s’en occuper dans le futur ne voudra plus le faire.

Qin Mu n’avait aucune idée de l’identité de cette personne et dut se contenter de cela.

Il ne maîtrisait pas encore complètement la circulation du Qi vital, comme la compétence de poing de Vieux Ma. Il ne savait toujours pas faire circuler son Qi vital dans tout son corps lorsqu’il lançait une attaque.

Grâce à la circulation du Qi vital dans le corps, il était possible d’étendre les limites du corps à son potentiel maximum et d’augmenter sa force, son agilité et ses réflexes à l’extrême !

Une fois que les Huit attaques du coup de tonnerre étaient cultivées au plus profond du royaume, chaque coup porté pouvait produire le son et la puissance du tonnerre. Qin Mu ne pouvait compter que sur le mudra de la Force puissante du dieu démon pour exécuter la technique du tonnerre dans la paume et non des Huit attaques du coup de tonnerre.

S’il réussissait à atteindre ce niveau, il pourrait alors attraper des épées à mains nues sans qu’elles ne le blessent lorsqu’il se battrait contre des experts tels que Qian Qiu.

« Tu manques d’expérience en combat réel. »

Vieux Ma s’approcha de Qin Mu et lui murmura : « Ta cultivation est bien supérieure à celle du disciple de la secte du fleuve Li. Tes compétences aux poings, au couteau et au bâton étaient très supérieures à sa maîtrise de l’épée du fleuve Li. Mais tu te déplaçais mal, tes mouvements n’étaient pas coordonnés pendant ton combat. C’est pour cela que tu n’as pas pu les exécuter correctement. »

Qin Mu hocha la tête pour acquiescer. Il s’était aussi rendu compte que les compétences à l’épée de Qian Qiu étaient complexes et que même ses techniques d’épée étaient bien au-delà de son niveau. Pourtant, son réflexe pour attraper les épées était très moyen.

En y repensant, Qian Qiu n’était pas aussi fort qu’il en avait l’air. Trancher sept épées d’un seul coup de couteau et aspirer son âme dans sa paume grâce au mudra de la liberté du démon avait prouvé que la cultivation du Qi vital de Qin Mu était beaucoup plus puissante que celle de Qian Qiu !

Vieux Ma continua : « Sans expérience en combat réel, il te sera difficile de libérer ta pleine puissance. C’est pour cette raison que les Cinq aînés du fleuve Li ont emmené leurs disciples dans les Grandes Ruines pour qu’ils s’entraînent. Personne ne devient expert en s’entraînant toujours dans son coin, par conséquent…  »

Qin Mu buvait ses paroles. Il attendait depuis si longtemps l’autorisation de Vieux Ma et de mamie Si d’aller chasser seul et enfin, ce jour était arrivé !

« Par conséquent, moi, mamie, Aveugle et les autres, nous avons beaucoup discuté et nous avons pris une décision. »

Sur un ton solennel, Vieux Ma lui annonça : « Tu pourras venir à la foire du temple avec nous. »

« Aller à la foire du temple ? »

La déception se peignit sur le visage de Qin Mu qui marmonna  « Je ne peux pas aller chasser ? »

Vieux Ma sourit et lui tapota l’épaule : « Aller à la foire est aussi un examen. Si tu le réussis, tu pourras aller chasser seul. Alors donne tout ce que tu as ! »

Qin Mu ne savait pas comment prendre cette nouvelle. La foire du temple était une énorme réunion dans le village voisin. Il avait entendu mamie Si en parler. La foire du temple avait toujours lieu le premier et le quinzième jour du mois lunaire. Les villages qui se trouvaient dans un rayon d’une centaine de kilomètres y venaient et apportaient des marchandises à échanger.

Lors des jours de foire, Vieux Ma, Boucher, Aveugle, Muet, mamie Si, Sourd et Apothicaire se rendaient au temple de mamie Si, à sept kilomètres de là. Mais jamais ils n’avaient permis à Qin Mu d’assister à la foire du temple de mamie Si. Ils le laissaient toujours au village avec le chef du village et Boiteux.

L’interdiction qui frappait Boiteux était pire que la sienne. Mamie Si lui avait dit que Boiteux était cleptomane. C’est pour cela qu’elle lui interdisait d’assister à la foire du temple. Elle avait trop peur qu’il ne vole tout ce qu’il y trouve.

Qin Mu aurait vraiment préféré aller chasser plutôt que d’aller à la foire du temple.

Il restait encore deux jours avant la foire du temple. Qin Mu continuait à cultiver et parfois il partait au Palais de l’élimination de la malédiction pour combattre le singe démon. Pendant son temps libre, il aidait Apothicaire dans son atelier et apprenait à créer des pilules de renforcement de vitalité. Apothicaire avait aussi dressé des oiseaux. Ils étaient recouverts de flammes et entraient par la fenêtre pour l’aider à préparer des médicaments.

Le visage d’Apothicaire commença à virer au vert quand il vit Qin Mu avaler une dizaine de médicaments spirituels. Heureusement, le garçon réussit à l’apaiser en préparant une fournée entière.

Qin Mu prit toutes ses pilules de renforcement de vitalité capables d’améliorer le Qi vital du Dragon vert puis se précipita au Palais de l’élimination de la malédiction. Apothicaire voulait lui rappeler de vérifier que le singe démon ne risquait rien avec la pilule de renforcement de vitalité, mais il oublia.

« J’avais déjà oublié de vérifier que l’énergie médicinale était sans danger pour Qin Mu la dernière fois… »

Apothicaire se dit : « Le singe démon est un costaud, en avaler quelques-une ne le tuera pas… Ça devrait aller… Je ne m’en fais pas. Mais bon quand même, chacune de ces pilules fait la taille d’un poing. Est-ce que c’est vraiment sans risque pour ce singe démon ? »