Livre 5, Chapitre 19 – Sandspire
Une chose dont les terres désolées ne manquaient pas, c’était des ruines. L’ancienne civilisation qui s’étendait autrefois sur ce monde était vaste et glorieuse. Ce qui restait maintenant, bien sûr, n’était rien d’autre que les vestiges de leur ancienne splendeur.
Les squelettes de leurs bâtiments et de leurs quartiers étaient désormais les repaires des charognards et les nids des animaux sauvages.
Cependant, les ruines étaient tout sauf sans valeur. Souvent, elles étaient le lieu de repos final d’un savoir ancien. Des outils, des armes ou des données étaient enfouis dans les détritus, attendant d’être déterrés. Habituellement, ces endroits riches en technologie ancienne étaient appelés des “trésors”.
Les terres désolées étaient vastes et peu peuplées. C’était une terre embourbée dans les conflits mais aussi riche en opportunités.
L’un des endroits où il y avait des opportunités était Sandspire. Des bâtiments en train de rouiller lentement s’élevaient des dunes comme des dents déchiquetées, marquant un lieu où de nombreuses armes légendaires auraient été découvertes. Ces histoires avaient inspiré ceux qui les avaient entendues, se répandant parmi les masses et changeant à chaque fois qu’elles étaient racontées.
Pour ceux qui vivaient à Sandspire aujourd’hui, ils disaient que ces histoires étaient leur phare.
Ils croyaient sans l’ombre d’un doute que Sandspire était un endroit où la chance pouvait tourner. Sous leurs pieds se trouvait un trésor vieux de milliers d’années, cachant des secrets indicibles qui n’attendaient que d’être découverts.
La présence de près de dix mille charognards présentait également des défis. Le labyrinthe complexe de ruines de Sandspire était devenu un terrain propice au péché. Les meurtres étaient monnaie courante. Des créatures hideuses se cachaient également dans les coins sombres. Elles attendaient les habitants du désert sans méfiance et s’attaquaient aux plus faibles.
Malgré le danger, certains charognards intrépides persistaient. Gray Rabbit et Sister Bug étaient parmi eux.
Dans le désert, il était courant que le nom d’une personne reflète ses capacités. Gray Rabbit avait dix-sept ou dix-huit ans, et avec un tel nom, on pouvait penser qu’il était rapide. La partie grise faisait référence à sa peau cendrée. Petit garçon gris, rapide comme un lièvre.
Il avait une sœur de son âge, Little Bug. Elle était née petite, frêle et faible. Même si elle était à la fin de l’adolescence, la fille semblait avoir dix ans. Son comportement timide lui avait valu le nom de bug, timide petit bug.
Sans aucun doute, le couple occupait les échelons les plus bas de la structure sociale des terres désolées. Ils n’osaient pas causer de problèmes ou déclencher des bagarres et évitaient tout endroit où les groupes avaient tendance à se rassembler. Mais cet endroit… les histoires étaient trop merveilleuses. Ils avaient réussi à survivre parmi les fissures comme des cafards effrayés.
Les forts avaient leur façon de vivre. Les faibles aussi. Être fort ne signifiait pas toujours vivre plus longtemps que les faibles.
Le frère et la sœur n’étaient pas très doués pour la chasse, alors ils avaient creusé dans les décombres pour survivre. Autrefois, ce trésor avait été un vaste site de fabrication. Toutes sortes de machines et d’outils étaient fabriqués ici et bien fabriqués. Même après quelques milliers d’années, certaines des choses que les gens trouvaient étaient encore en état de marche.
Gray Rabbit passait ses journées à choisir des composants utilisables qu’il mettait ensuite de côté. En plus d’être rapide, Lapin gris était aussi intelligent. Il cachait ses petites babioles à plusieurs endroits différents.
Little Bug était différent de son frère. Elle était trop faible pour soulever des objets lourds dans les ruines. Mais elle avait un talent que personne ne pouvait égaler : elle semblait connaître les machines. Bien qu’elle n’ait jamais été formée, elle se plongeait dans les manuels qu’ils déterraient pour apprendre comment ces choses fonctionnaient.
Le frère et la sœur travaillaient ensemble de manière simple et synergique. Gray Rabbit sortait les pièces, et Bug les assemblait. Lorsqu’ils avaient un produit fonctionnel, ils l’apportaient au marché pour le vendre. Leurs capacités uniques les aidaient à améliorer leur position parmi les autres.
C’était leur façon de gagner leur vie. Tant qu’il y avait un moyen, même la plus petite et la plus fragile des vies pouvait survivre.
Leur rêve était de déterrer un jour un trésor particulièrement grand. Une telle découverte changerait leurs destins, tout comme leurs prédécesseurs, et ils pourraient ajouter leurs histoires aux nombreuses légendes que Sandspire possède déjà. Quel rêve, la sécurité et le confort dans la ville.
Ils ne connaissaient rien du monde extérieur, bien sûr. Pour eux, Sandspire était le monde entier, l’endroit le plus sûr où ils pouvaient être.
Bug s’était essuyé les mains, un autre projet terminé. C’était un affreux mélange de métal qui ressemblait à un insecte.
Il était couvert de circuits, à l’intérieur et à l’extérieur. Lorsque Bug les connecta à une batterie artisanale rudimentaire, les hélices fixées à la machine se mirent à vrombir. Légèrement, l’engin ressemblant à un insecte s’élèva de la table.
« Joli ! » Gray Rabbit était ravi. « On va certainement avoir quelques restes de viande pour celui-là. »
Bug utilisa une manche sale pour essuyer la sueur de son front et soupira de soulagement. Cela faisait des jours qu’ils n’avaient pas eu une bouchée décente. Si ses efforts leur permettaient d’acheter quelques morceaux de viande, alors ça valait le coup.
Ils couvrirent l’engin d’un tissu sale et partirent à la recherche d’un marchand prêt à l’acheter. Une bonne affaire signifiait un bref répit pour leurs fringales.
Le camp le plus proche était petit, moins un camp qu’un groupe temporaire de tentes. Les endroits comme celui-ci servaient principalement de marchés où les marchandises étaient échangées. Personne ne vivait ici, mais il y avait quelques centaines de personnes rassemblées à l’intérieur pour voir ce qu’elles pouvaient obtenir.
« Arrête-toi là ! » Juste après être entrés dans le marché, Lapin et Bug furent arrêtés par un homme à l’air féroce. Les deux jeunes blanchirent, et Rabbit dit à sa sœur de courir. Mais lorsqu’elle se retourna, tout ce qu’elle vit, c’était deux autres hommes endurcis qui leur barraient la route.
Gray Rabbit sortit une petite dague rouillée. Il la brandit d’une main tremblante. « Putain, qu’est-ce que tu veux ? ! »
« Vouloir ? » Le plus grand s’avança avec un sourire mauvais. « On dit que vous, les minables, faites de jolis jouets. Ce que je veux, c’est que tu me montres ce qu’il y a sous ce tissu. »
Bug serra le paquet contre sa poitrine, tandis que son frère criait aux hommes : « Non ! ».
« Tu crois que je te le demande ? »
Gray Rabbit sentit avant de pouvoir dire quoi que ce soit. Une douleur dans son poignet, puis sa dague tomba sur le sable en deux morceaux. Il se retourna pour essayer de courir, mais un méchant coup de pied l’attrapa et l’envoya voler. Les deux sbires le ramassèrent et le tinrent fermement.
« Prends-le ! Tiens, prends-le ! » Elle cria d’une voix effrayée et tendit le paquet. « Laissez partir mon frère ! »
« Tu veux qu’il vive ? Nous pouvons arranger quelque chose. » Le chef regarda Bug avec avidité. « Pas grand-chose à voir, mais un trou est un trou. Travaille pour nous, réchauffe nos lits, et nous laisserons vivre ce voyou. »
Gray Rabbit se débattit contre les deux plus grands hommes. « Non ! Ne faites pas ça ! »
Dans un accès de rage, le chef écrasa son poing sur le visage de Gray Rabbit, lui faisant perdre ses dents.
« Je vais y aller », dit humblement Bug. « Je vais aller avec toi. »
« Bon choix. »
Le leader grimaça et fit signe à ses camarades de l’attraper. Mais alors qu’ils bougeaient, une voix les arrêta dans leur élan.
« Vous avez du culot de malmener les invités de Sand Tiger. »
Les voyous firent une pause, et un instant plus tard, la terreur traversa leurs visages.
Un homme apparut, habillé très différemment des autres charognards qui circulaient. Il avait peut-être la trentaine, avec un crâne rasé qui était couvert de toutes sortes d’ornements métalliques. Il était vêtu d’une étrange armure robotique qui le faisait ressembler à une sorte d’araignée. Il était accompagné d’un grand personnage masqué.
Sand Tiger !
La trépidation vola la couleur des visages des voyous. Sand Tiger n’était pas un homme avec lequel il fallait badiner. C’était un mystère. Personne ne savait d’où il venait. Pour autant que l’on sache, il était une personne importante à Sandspire et avait un statut élevé parmi les gens qui y vivaient. Tous les quelques jours, il faisait la tournée des camps de marché, échangeant de la nourriture et des armes contre les objets que les charognards déterraient. Sand Tiger avait beaucoup d’influence sur les pauvres gens du coin, car il était généreux et les traitait équitablement.
Sand Tiger avait eu affaire à Bug et Rabbit une douzaine de fois.
« Occupe-toi de tes putains d’affaires ! » menaça le grand homme.
Ce qui valut à Sand Tiger un petit rire noir. « C’est sur mes partenaires commerciaux que tu poses les mains. Si tu les emmènes, cela nuit à mes affaires. Comment peux-tu me dire de m’occuper de mes affaires alors que tu t’en prends à mon gagne-pain ? Maintenant, pars tant que tu le peux encore. »
« Putain, tu te prends pour qui ? ! » Les poings du voyou étaient serrés. « Tu me parles comme à un gros bonnet ? On va démolir ce connard ! »
Telle était la vie dans les terres désolées. Un simple désaccord pouvait mener à la mort. La vie n’était pas chère. Quant au passé de Sand Tiger ? « Rien à foutre, ça n’aura plus d’importance quand ce connard sera mort. » Tout ce qu’ils avaient à faire était de trouver un autre endroit pour s’installer. Personne n’allait s’embêter à ratisser les terres désolées pour quelques voyous.
« Tu as vraiment l’air de vouloir mourir. »
Le grand personnage masqué avec Sand Tiger s’avança, se plaçant entre lui et les hommes en colère. Le crissement du métal sur le métal, qui fit dresser les cheveux sur la tête, retentit lorsque leurs armes s’entrechoquèrent et découpèrent les vêtements. Ce qui fut révélé était un corps fait d’acier.
« C’est quoi ce bordel ? ! »
Deux expressions choquées regardèrent le visage masqué. Deux coups de poing rapides comme l’éclair suivirent.
L’un après l’autre, les têtes des deux hommes explosèrent comme des pastèques trop mûres. Des morceaux d’os et de matière cérébrale éclaboussèrent la zone. Leur chef, qui se tenait un peu en retrait avec de grands yeux, reconnut sa folie. Cette chose géante n’était pas humaine. C’était un robot.
Il cria et se retourna pour s’enfuir. Un coup de feu assourdissant retentit derrière lui, et quand il baissa les yeux, il vit le trou béant dans sa poitrine. Des doigts tremblants explorèrent la blessure avec incrédulité.
« Toutes ces belles paroles et c’est le mieux que tu puisses faire ? » Sand Tiger souffla la fumée de l’arme de poing de gros calibre qu’il tenait dans sa main. Il se tourna ensuite vers les deux jeunes charognards. « Je vous ai observés pendant un moment. Vous avez tous les deux des compétences. Faible, cependant – Si vous restez ici, tôt ou tard, quelqu’un vous achèvera. Il vaut mieux que vous restiez avec moi. Je vous emmènerai en ville. »
Les frères et sœurs le regardèrent, puis se regardèrent les uns les autres, choqués.
« Mais… nous n’avons rien pour gagner notre vie. »
Sandspire était la plus grande ville de cette partie des déchets. Il n’était pas rare que des charognards comme eux puissent acheter leur place, mais c’était cher. Il y avait aussi une taxe mensuelle qui était prélevée, qui à elle seule était plus que ce que les deux pouvaient se permettre.
« Heh , c’est comme ça que ça se passe. Maintenant que mon père, Sand Viper, est le gouverneur, ma parole est valable. » Sand Tiger ne faisait pas de mystère sur son identité. « Tant que tu restes avec moi, Sandspire trouvera une utilité pour toi ! »
Le fils du gouverneur ? Depuis quand Sandspire a un gouverneur ?