À la déclaration tapageuse du sorcier, Riftan fit claquer son verre rudement contre la table. Cependant, Ruth était tellement imperturbable et ravi qu’il distribuait même négligemment des verres d’ales aux personnes autour du bar.

Riftan le dévisagea avec des yeux bridés, puis soupira en se levant. Alors qu’il tentait de monter dans sa chambre, un homme ivre a posé une main sur son épaule, sortie de nulle part, et a éclaté de rire.

“Tu te bats en duel si habilement ! En ce moment, Balbon devient fou. Toute la ville est en ébullition à l’idée qu’un roturier puisse être le vainqueur après plusieurs décennies. Qu’est-ce que ça fait d’être si célèbre ?”

Riftan se contenta de froncer les sourcils et tenta de lui retirer froidement le bras. À ce moment-là, une voix agressive a résonné depuis le coin de la taverne.

“Quelle bande d’idiots ! Un bâtard au sang païen va nous prendre notre trésor, qu’est-ce qu’il y a de si bien là-dedans ?!”

Soudain, la pièce devint immobile et silencieuse, comme si quelqu’un avait versé de l’eau glacée sur la tête de tout le monde. La tête de Riftan se tourna dans la direction de la voix. Trois hommes habillés comme des gardes étaient assis autour d’une petite table, en train de boire. L’un d’entre eux était ivre rouge et le désignait du doigt.

“Le prix du concours est l’épée de l’un des douze chevaliers de Darian ! Comment puis-je rester tranquille quand un trésor héroïque du continent occidental tombe entre les mains de quelqu’un qui vénère une sorte de dieu du désert ou un païen ?”

“Qu’est-ce que tu viens de dire ? !” Ruth s’est levé d’un bond, en soufflant de colère.

“Sir Calypse n’est pas un païen ! Je le suis depuis plus d’un an et je ne l’ai jamais vu faire quoi que ce soit contre la doctrine ! Quelles sont les raisons qui te font dire cela ?”

“Pourquoi aurais-je besoin de preuves ? C’est déjà écrit sur le visage de ce type !” L’homme fit un geste de la main vers Riftan et renifla bruyamment. “Comment quelqu’un qui a fait quelque chose de mal, comme chasser et vendre des parties de monstre, ose se tenir devant le Pape ?”

“Hé, vous avez un problème avec les gens qui font ça pour vivre ?” ( C’est clair, ils font ça pour vivre, en quoi chasser et vendre ce qu’ils ont chassé eux-mêmes est mal )

Les mercenaires, qui avaient bu d’un côté de la taverne, ont rugi et ont dévoilé leurs dents serrées. Le garde, qui tentait de faire valoir ses arguments, haussa les épaules et releva à nouveau la tête pour parler.

“J’ai dit quelque chose de mal ?”

“Quel putain d’enfoiré de bas étage, tu cherches à nous faire chier ?”

Un mercenaire hargneux et groggy claqua son verre de bière et siffla. Alors que l’atmosphère devenait plus agressive, les autres gardes assis à côté donnèrent des coups de coude à leur camarade comme pour le décourager.

Ce n’est qu’à ce moment-là que l’homme à l’origine de l’agitation a regardé autour de lui comme s’il avait soudainement repris ses esprits. Riftan, qui regardait silencieusement la scène se dérouler, ouvrit les lèvres pour parler.

“Tu sembles mal à l’aise à l’idée que je gagne la compétition, alors je vais te donner une chance de m’empêcher de gagner. Si tu es capable d’infliger ne serait-ce qu’une petite blessure sur mon corps, je me retirerai des matchs de demain. Es-tu prêt à relever le défi ?”

L’homme haussa visiblement les épaules et jeta un coup d’œil à l’épée attachée à sa taille. Mais il garda la bouche fermée. Riftan l’observa en se demandant s’il avait le courage de l’affronter de front après les insultes annoncées publiquement.

Riftan se moqua de l’homme lâche, puis se retourna pour monter les escaliers. Ruth hésita et tenta de lui courir après, mais il le secoua d’un regard amer : il ne se sentirait que plus insulté si le mage tentait de le réconforter. C’était déjà assez embarrassant pour lui d’avoir réagi avec colère à cause des conneries qui sortaient de la bouche du garde.

Il claqua la porte derrière lui et retira son armure, la jetant dans un coin. Les rayons bleus de la lune se déversaient dans sa chambre par la fenêtre ouverte. Riftan regarda la pleine lune, puis s’effondra sur le lit.

Soudain, il ressentit un serrement et un malaise inconfortables dans sa poitrine : peut-être était-ce aussi ce que la fille pensait de lui. Il avait plus qu’assez d’expérience des insultes et des moqueries, mais il ne pouvait pas supporter la seule pensée qu’elle pense la même chose. Riftan frotta sa poitrine douloureuse et ferma les yeux pour échapper à cette humeur désagréable.

Le lendemain, le stade était rempli de plus de monde que la veille. Dans la salle d’attente, il ne restait que quatre hommes, dont lui et six autres hommes qui s’occupaient des chevaliers en compétition.

Riftan a ignoré leurs regards scrutateurs et s’est assis seul dans un coin de la salle d’attente, aiguisant son épée. Après un moment, un soldat est venu l’appeler par son nom. Il a porté son casque sur la tête et s’est pavané vers l’allée menant à l’arène. Son adversaire était un homme avec un grand physique, comme celui du mercenaire nommé Geiron. Riftan l’inspecta avec des yeux bridés.

L’homme était un jeune chevalier aux cheveux orange bouclés, à la peau rougeâtre provenant des gens de la région du sud, à la charpente épaisse comme les descendants des hommes du nord, et à une paire d’yeux calmes qui ne faisaient pas grand chose de son physique vicieux. Le chevalier a regardé Riftan et a souri.

“Frère, tu es très doué, n’est-ce pas ? J’avais hâte de te rencontrer depuis le premier jour.”

Riftan arqua un sourcil devant ce ton frivole qui ne correspondait pas à l’image d’un chevalier. L’homme tapa son épée contre son propre dos et continua à parler.

“Je te le dis, je suis tout aussi agressif que toi. Cela fait longtemps que je n’ai pas rencontré un adversaire à ma mesure et je veux en profiter, alors reste vigilant. Ne baisse pas ta garde, je ne veux pas que ça se termine mal.”

“… Pour quelqu’un qui parle beaucoup de mes compétences, tu ne semble pas être un adversaire convenable.”

“Je n’aime pas les personnes qui critique inutilement les gens comme tu le fais.”

L’homme a répondu, ne voulant pas perdre la dispute. Alors qu’ils échangeaient des propos moqueurs, une trompette retentit soudainement pour annoncer leur entrée. Riftan se dirigea vers le milieu de l’arène et se tint à une bonne distance du chevalier. L’humeur de son adversaire changea rapidement, comme s’il n’était pas un moulin à paroles comme il le montrait juste un instant auparavant. Riftan était sur ses gardes et gardait sa position concentrée.

Bientôt, le drapeau qui signifiait le début de leur duel s’éleva haut, des acclamations tonitruantes résonnèrent dans la foule. Le chevalier ne s’est certainement pas ridiculisé en balançant son épée longue à une vitesse fulgurante. Riftan bloqua son coup avec son épée, un lourd impact résonna dans ses os et il sentit une pression contre son épaule. C’était comme s’il avait été touché de plein fouet par une balle volante.

“Incroyable. Tu as été capable de bloquer mon attaque frontale…”

L’homme dit entre des dents serrées en poussant son épée plus loin et il avait l’air sincère avec ses mots d’admiration. Riftan était également surpris et tenta de repousser le chevalier, mais l’homme ne bougeait pas. C’était la première fois depuis ses quinze ans qu’il rencontrait quelqu’un qui était presque aussi fort que lui. Il a serré les dents et s’est appuyé avec force sur ses pieds, renforçant sa position.

Le chevalier a également serré les dents en représailles. Ils savaient tous deux que la moindre erreur ou la moindre baisse de garde signifierait la fin du combat. Quelques instants s’étaient écoulés alors qu’ils se poussaient mutuellement avec leurs épées dans des angles différents. Soudain, l’homme se tendit comme un arc tendu et changea de position. Il se déplaça à une vitesse que Riftan n’aurait jamais prédit venant d’un homme de son physique.

Il a bloqué de justesse l’épée qui a jailli de nulle part. Cependant, l’homme a immédiatement brandi son épée à nouveau, sans laisser une seconde passe entre les deux. Sa position changeait si rapidement qu’il était difficile d’avoir la chance de placer correctement une attaque. Leurs lames se heurtaient l’une à l’autre, produisant des étincelles et des sons tonitruants de fer frappant l’un contre l’autre résonnaient dans leurs tympans.

C’est dangereux que ça continue comme ça.

Le son qui se dégageait de sa lame était alarmant. Si les attaques frontales de son adversaire continuaient, son épée ne pourrait plus le supporter. Riftan bloqua l’épée intimidante qui volait vers lui avec une force rageuse et regarda vivement autour de lui à la recherche d’un quelconque écart. L’épée du chevalier était plus longue et plus épaisse que la sienne. Il n’y avait pas d’autre moyen de le vaincre que de prendre des risques pertinents.

Riftan ajusta sa position, laissant ses attaques voler à une vitesse effrayante sur le côté de son adversaire. Le chevalier changea également sa posture, déplaçant le poids de son corps et balançant son épée au-dessus de sa tête. Riftan a tiré son épée par le bas pour bloquer l’attaque qui arrivait. Sa lame qui brillait de bleu a rebondi de justesse sur l’épée de son adversaire qui était deux fois plus épaisse.

Il n’a pas manqué le moment où le bras du chevalier s’est légèrement envolé, révélant un espace. Il a poussé à travers et est allé vers sa tête, son adversaire se dépêchant de récupérer la prise de sa formidable épée. Cependant, il était une seconde trop tard pour défendre le coup de Riftan.

Son épée bâtarde a flanqué le casque de l’adversaire. L’homme a à peine réussi à bloquer son attaque. Bien qu’il n’ait pas réussi à blesser mortellement l’homme costaud, il a réussi à perturber sa position. Riftan n’hésita pas et frappa ses mains avec la poignée de son épée pour le désarmer et enfonça sa lame sous l’interstice de son casque.

Un lourd silence s’est installé dans le stade. L’homme fixa la lame pointée sur sa gorge et déclara avec un soupir.

“…Je suis vaincu.”

Une acclamation rugissante a éclaté dans le public. Riftan a lentement fait un pas en arrière et a retiré son épée. L’homme a grogné en enlevant son casque écrasé.

“Bon sang, ma tête martèle plus que lorsque j’ai bu quatre bouteilles de bière. Hé, si j’avais une seconde de retard pour bloquer ton attaque, mon crâne aurait été brisé. Tu avais l’intention de me tuer ?”

Riftan s’est moqué et a rengainé son épée. “Tu n’avais pas prévu la même chose ? Si j’avais été touché par une de tes attaques, j’aurais perdu un membre.”

Il répondit avec amertume en pointant son menton vers la formidable claymore de son adversaire. L’homme se contenta de hausser les épaules.

“C’était dommage que je te laisse finir le match en moins de cinq minutes. Je devais au moins égratigner correctement ta réputation de tueur à un coup.”

Bien que le chevalier ait été vaincu par un simple mercenaire, il n’avait pas l’air d’être profondément humilié. Il montrait bien des signes de regret, mais il n’exprimait aucune colère. Son adversaire s’est tourné vers la direction de la salle d’attente et a parlé froidement.

“N’ose pas perdre puisque tu m’as déjà battu.”

Riftan a regardé les inscriptions du chevalier sur son armure, intrigué par son attitude excentrique. Il y avait un symbole d’un dragon enveloppé d’ailes gravé dessus. Il ne reconnaissait pas à quelle chevalerie il appartenait. Pendant un moment, il a plissé les yeux et est entré dans la salle d’attente, se demandant pourquoi cet homme était si inhabituel.

***

Comparé à son premier match, le dernier s’est terminé plus facilement. Riftan était le grand champion de la compétition et monta sur le podium où était assis le Pape. Un vieil homme élégant avec une longue barbe était assis en haut au centre, à sa gauche et à sa droite se trouvaient des royaux et des hauts nobles des sept royaumes.

Riftan a immédiatement trouvé le Duc de Croix parmi eux. Il ne l’avait vu qu’une fois de loin, mais il se souvenait clairement de l’atmosphère morne unique qu’il dégageait. L’homme n’avait pas un grand physique. Au contraire, il était mince mais élégant et portait des vêtements incroyablement luxueux. Ses cheveux roux foncés avaient pris une couleur grise depuis qu’il l’avait vu il y a des années, mais son visage sombre et solennel qui dégageait une aura impitoyable n’avait pas changé d’un iota.

Riftan le regarda attentivement, puis déplaça ses yeux pour regarder à sa gauche et à sa droite. Il n’y avait aucun signe de la jeune fille nulle part. Il y avait bien quelques femmes habillées de robes fantaisistes assises près de lui, mais elles étaient toutes trop vieilles pour être la fille qu’il connaissait.

…Elle n’est probablement pas venue.

La jeune fille pouvait encore être trop jeune pour assister à un tel événement. Riftan détourna la tête, essayant de cacher sa déception.

“Mets-toi à genoux et montre tes respects !”

Alors qu’il se tenait à six pas des nobles, un paladin lui ordonna d’une voix exclamative. Riftan s’agenouilla lentement sur un genou et baissa la tête.