Fuku No Ikari
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Chapitre 24 – Réflexion
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Le mobile d’Ai vibre au fond de sa poche. Elle sort son téléphone et décroche.

— Que se passe-t-il ?

— Oui, je vais bien.

— Là, je ne vais pas tarder à rentrer. Pourquoi ?

— Se voir ? Mais tu sais l’heure qu’il est ? Je suis épuisée de ma journée, on regardera ça une autre fois, s’écrie-t-elle en haussant le ton.

— Je m’en fous que ce soit important !

— Demain, sans faute !

— Oui, salut, dit-elle avec dépit.

Elle jette son téléphone dans le sable, fronce les sourcils et croise les bras.

— Qui était-ce ?

— L’imposteur, ricane-t-elle nerveusement.

— Ton petit ami ?

— Ex-petit ami ! Il n’a cessé de me mentir !

D’ailleurs pourquoi a-t-il choisi de prendre ma place ?

— On devrait rentrer, le train ne va pas tarder à arriver.

Sous une lune aussi fragile que le corps d’Ai, nous marchons en direction de notre retour. Mon angoisse monte d’un cran en observant la démarche de mon amie devenir presque agressive.

Que lui a-t-il dit pour qu’elle se mette en rogne à ce point ?

— Fuku, accompagne-moi demain.

— Hein ? Où ça ?

— L’imposteur m’a donné rendez-vous et il me fait flipper.

— La talentueuse actrice a besoin d’un garde du corps ?

— Ne te moque pas de moi, me dit-elle en attrapant ma main, il me fait vraiment peur ! C’est un psychopathe ! Tu te rends compte qu’il m’a menti sur une chose aussi banale que son nom ?

La chaleur des doigts d’Ai au contact de ma paume me rend dingue. Je deviens stupide et perds les trois quarts de mes facultés de réflexion, mais, les couleurs à l’horizon sont l’inverse du mot « grisâtre ».

— Fuku, répète-t-elle deux fois en me faisant de larges signes avec son autre main devant mon visage, réveille-toi !

— Oui, je vais t’accompagner. Tu n’as pas à t’inquiéter, je te protègerais.

La nuit n’a pu camoufler ses joues pourpres.

À bord du train, Ai s’installe à côté de moi et caresse mon genou.

Pourrais-je un jour m’habituer à toute cette tendresse ?

— Fuku, tu penses que je l’ai trahi ?

— Pourquoi dis-tu ça ?

Elle se gratte le crâne et laisse ses mains glisser le long de ses mèches en tremblotant.

— Je ne suis pas une menteuse, répète-t-elle inlassablement.

J’attrape ses poignets et tente de faire cesser son trouble.

— Tu es loin d’être comme lui.

— Je lui ai avoué que je l’aimais, Fuku, murmure-t-elle d’une voix cassée.

— Ce que tu ressens ici, lui dis-je en plaçant ma main contre sa poitrine, tu es la seule à pouvoir le savoir.

Ses poings se resserrent et son regard ne sait plus où se positionner.

— Je suis amoureuse de Fuku Sayuri, le petit garçon de mon école primaire.

J’avale ma salive et lui bégaie.

— Maintenant tu as conscience de celui pour qui tu as des sentiments.

— Si c’était si simple, marmonne-t-elle en laissant sa tête s’écrouler contre mon épaule.

Elle s’est endormie ?

Je tire sur sa joue et tente d’agiter son bras, mais elle semble avoir emprunté le train du marchand de sable. J’admire la nuit, les lampadaires des villes autour de moi et les quelques silhouettes montagneuses à travers la vitre et commence une longue méditation.

Après tout, elle disait qu’elle était épuisée, ce n’est que la conséquence de cette épreuve bien trop endurante pour son corps fragile.

Au loin, j’aperçois une étoile filante traverser le ciel nocturne.

Alors comme ça, elle ressentait aussi des sentiments pour moi quand nous étions enfants ? C’est plausible, mais quelque chose m’angoisse.

Aime-t-elle le Fuku Sayuri d’aujourd’hui ?

— Nous arriverons à la gare de Kagoshima dans cinq minutes.

Ai se frotte les yeux et s’étire en bâillant, puis m’enlace en murmurant.

— Keshi, reste ici.

— Je ne suis pas Keshi, lui dis-je en agitant son bras.

Elle tiendrait encore un peu à elle ? Je n’ai donc pas détruit l’entièreté de leur amitié ?

— Fuku ! Qu’est-ce que tu fais là ?

— Ça n’a pas l’air d’être ton truc les réveils. Allez, descends. On est arrivé.

— Tu ne m’as pas regardé dormir, j’espère, me demande-t-elle avec un soupçon d’énervement.

— L’horizon était plus joli à contempler.

— Idiot, ricane-t-elle en me poussant avec son bassin.

Après avoir les pieds sur le sol ferme, j’ai décidé de la raccompagner chez elle. Je la salue et l’admire jusqu’à ce que son ombre s’échappe de mon champ de vision, je suis rentré et me suis écroulé sur mon matelas.

Les rayons du soleil entrent dans ma chambre, éclairent les vitraux et réchauffent mon bras ballant hors de mon lit. Je m’étire et marmonne.

— Enfin le weekend.

J’attrape mon téléphone et découvre un article sur un feu d’artifice annoncé demain soir après la fin du parc d’attractions.

Je me regarde dans le miroir et après avoir vérifié la météo, décide de réaliser un parcours pour me mettre de bonne humeur. J’enfile une paire de chaussures et mange mon petit-déjeuner aux côtés d’une mère très silencieuse.

Elle aussi, ce n’est pas son truc, les réveils.

— Je vais faire du sport, maman. À tout à l’heure !

— Finis au moins ton lait !

Sans le moindre échauffement, je commence à gravir la côte à proximité de ma maison. Je regarde l’aube, la contemple et accélère, petit à petit, le rythme de ma course. Je ressens la sueur coulée sur mes mollets et mon front. Chacune de ses gouttelettes n’a qu’un seul but, celui de me rendre heureux. Les montagnes de cette ville sont toutes imposantes et des tonnes de décorations illuminent les quartiers que j’aperçois au loin. C’est comme si ce quartier fêtait quelque chose chaque jour.

J’espère que les couleurs de ce monde se figeront.

J’approche un banc et décide de faire une pause. Je m’assieds, étire mes jambes et mes bras et me détends le dos.

— Et maintenant, que suis-je censé faire avec Ai ?

Je n’en ai vraiment aucune idée. Que doit-on faire quand on est en couple ?

— Attends Fuku, suis-je réellement lié à Ai ? Avons-nous ce genre de relation ?

Je n’en sais rien. En plus, discuter avec moi-même ne va pas m’aider. Je dois me renseigner sur les activités des personnes qui éprouvent des sentiments l’une et l’autre.

Après m’être lavé et changé, j’ai cherché dans ma maison des indices, mais rien ne m’a attiré. Tanaka m’a emprunté tous mes shojos et je me vois très mal visionner un tutoriel sur Internet. Avec hésitation, je décide de prendre la direction de la bibliothèque en espérant y dénicher mon bonheur.

J’attrape un livre, un peu au hasard intitulé « Les couples pour les nuls » puis je le feuillète dans un coin de la pièce à l’abri des regards.

Je ne sais pas ce qu’est le plus gênant. Est-ce de lire un bouquin comme celui-ci ou de ne pas comprendre un seul mot de ce qu’il évoque ?

— Fuku !

Tout, mais pas cette voix-là, je vous en prie !

Je couvre l’objet de ma culpabilité sous mon teeshirt et me retourne en me grattant l’arrière de mon crâne.

— Keshi !

— Qu’est-ce que tu fais à la bibliothèque ? Tu es venu révisé ?

— Exactement ! C’en est presque gênant que tu lises autant dans mes pensées.

Je ricane nerveusement pendant que la juge, face à moi, s’avance, puis après avoir croisé les bras, elle me demande.

— Qu’est-ce que tu fais dans un coin ? C’est ton stratagème pour avoir de bonnes notes, dit-elle en riant aux éclats.

La jeune fille attrape ma main et me traine sur l’une des tables de la bibliothèque sur laquelle nous nous installons. Je dépose discrètement mon bouquin sous mon bassin et inspire un grand coup avant de tout relâcher par la bouche.

— Bien. Peux-tu me montrer ce que tu caches ?

J’avale ma salive et me gratte le menton pour tenter de rendre le tout crédible.

— De quoi parles-tu ?

— Du livre que tu dissimules sous tes fesses.

Dans un silence angoissant, la jeune harpiste se lève et avance à pas de loup et s’arrête à quelques centimètres de ma chaise.

— Bouge-toi, répète-t-elle en essayant de s’emparer de mon trésor.

— Tu me promets de ne pas te moquer ?

— Mais non !

Je m’écarte et la laisse attraper mon livre. De longues secondes passent durant lesquelles elle a pris connaissance de son intitulé. Et, en un court instant, son bassin se retrouve écraser contre le sol.

— Mais c’est quoi ça, rit-elle en se roulant par terre.

— Je ne sais pas comment m’y prendre avec Ai.

— Avec, me demande-t-elle d’un ton sérieux.

Crac.



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