Fuku No Ikari
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Chapitre 14 – Sentence
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Cet établissement est incroyable. J’ai toujours eu de mauvais souvenirs de l’école, sans doute due à mon passé compliqué. Je me suis senti seul pendant des années. Les autres m’ont délaissé, jugé et même insulté à de multiples reprises. Je me rappelle encore des nombreux coups que j’ai pu encaisser à l’estomac et au dos.

Je traverse le portail du lycée sous les différentes rumeurs à mon sujet. Parfois j’entends dire qu’on pense que je suis un grand joueur de tennis de softball. On m’a même comparé à un acteur et à un mannequin. J’ai l’impression qu’aucune barrière ne peut me freiner.

Je contemple l’horizon du parterre fleuri aux cerisiers rosâtres et dresse un magnifique sourire. C’est sans doute ma seule expression sincère depuis des années.

— Ma vengeance est aujourd’hui.

Je m’étire, serre mes poings jusqu’à en faire craquer toutes mes phalanges et me dirige vers ma salle de classe. J’ouvre la porte avec confiance, m’assieds à ma place et admire le ciel bleuté des quelques nuages.

Si ma haine était une forme, laquelle serait-ce ?

J’observe Tsubaki Ai entrer dans la pièce d’une humeur joviale.

Sa petite expression atroce va vite se transformer, car après tout j’ai finalement trouvé la réponse à ma question.

 

C’est elle la source de mes maux.

 

— Salut, Sayuri-kun, me dit-elle timidement.

Lorsque sa voix m’atteint, je ressens une vague de nostalgie. Je me remémore instantanément la scène de la veille, les cinq centimètres qui nous séparaient et son corps tout frêle…

J’agite la tête plusieurs fois et médite.

J’ai souffert à cause d’elle, toute ma haine accumulée pendant dix ans, c’est uniquement de sa faute.

Je sens mon sang bouillir, mais il ne doit sûrement pas jaillir tout de suite. Ce soir, tout se jouera sur cette scène, sur ces dix minutes-là. J’ai écrit l’entièreté de mon plan dans ce but précis. Je ne peux pas faillir maintenant. Je dois exécuter mon courroux à la lettre.

 

Je vais briser leur duo.

 

Lorsque la cloche sonne, mon expression ennuyeuse évolue rapidement en une figure malfaisante. Cette douce mélodie qui annonce le début de ma vengeance est si savoureuse.

Nous entrons par groupe de classe dans le gymnase et chaque étudiant contemple les décorations que nous avons mises la veille.

— C’est trop beau !

— C’est clair, tu as vu les guirlandes accrochées au plafond ?

— Mais nan, c’est magnifique !

— Qui s’est occupé de tout ce chantier ?

— C’est le garçon trop populaire, là-bas !

— Fuku Sayuri, le prince du tennis ?

— Ce n’est pas le capitaine de Softball ?

Je me suis habitué à ce genre de compliment, j’en reçois tous les jours. Parfois, en ouvrant mon casier je me fais submerger par la quantité de demandes en mariage. Les étudiantes de ce lycée sont toutes folles de moi, mais, pas ma proie.

 

Tsubaki Ai, où te caches-tu ?

 

Pendant une longue période, j’ai concocté étape par étape mon plan pour qu’il soit un pur succès. Les filles m’adulent, je suis l’assistant du BDE et j’ai réussi à amplifier ma réputation. J’ai ensuite analysé Keshi Kotone, ma première cible, je l’ai invité à un rencard pour la séduire. J’ai réglé le problème de Tsubaki Ai et Mochizuki lorsque j’ai pris ce garçon en filature. J’ai certes provoqué des dommages collatéraux, mais pour n’importe quel prix, j’atteindrais mon objectif.

— Kotone-chan !

— Sayuri-kun, ça me fait plaisir de te voir !

— Moi aussi, tu veux aller manger un bout ?

— C’est à volonté en plus, autant en profiter, dit-elle en riant.

Nous dégustons savoureusement les gâteaux préparés par nos cuisiniers. Leur goût est bon, je ne peux le nier. Mais ils ne valent pas l’épice de la vengeance.

J’attrape la main de Kotone, m’approche délicatement de son oreille et lui murmure avec sensualité.

— Viens à l’extérieur avec moi, je dois te parler.

Je vérifie autour de moi que Tsubaki ne nous est pas repéré et médite.

Que mon plan débute !

— Qu’est-ce que tu voulais me dire ?

— Je fais des cours de théâtre, et j’aurais besoin de ton aide !

— Que puis-je faire pour toi ?

— J’aimerais… T’inviter à danser tout d’abord.

— À danser, bégaie-t-elle.

Sous cette pluie battante, ses pupilles créèrent un feu d’artifice.

— Tes yeux sont magnifiques.

Elle reste silencieuse, mais respire comme une adepte de yoga. Ses pommettes s’empourprent à vue d’œil, mais elle ne fait rien pour les cacher.

 

L’averse est à l’extérieur, mais n’atteindra pas son visage de suite.

 

— Pardonne-moi, je n’ai pas su contrôler mes paroles.

— Ce… Ne t’excuse pas !

Je me gratte l’arrière du crâne en relevant mes sourcils et reprends ma demande.

— Je disais donc que je souhaitais que tu m’aides à répéter ma pièce.

— Avec plaisir ! Explique-moi en détail ce que je dois faire.

— C’est une scène romantique, ça ne te dérange pas ?

— Romantique, murmure-t-elle. Aucun souci !

— Parfait, alors on devra être dehors et tu auras simplement à lire ce bout de papier.

— C’est tout ? Mais la danse n’a rien à voir avec ça ?

— Non, c’est juste un plaisir personnel, lui dis-je en passant ma main dans mes cheveux.

La jeune fille attrape un parapluie dans son sac et l’ouvre. Elle s’accoude au balcon, contemple l’horizon et me questionne.

— Et maintenant Sayuri-kun, arrives-tu à respirer ?

Je la rejoins et lui réponds d’une voix délicate.

— Je crois. Et toi ?

— Approche-toi un peu plus.

Je colle mon front contre le sien. Elle caresse mon menton avec son pouce d’une douceur à en tomber par terre. Ses joues s’empourprent de nouveau à une vitesse folle. Ces pupilles continuent de jouer un feu d’artifice et la pluie bat mélodieusement sur son parapluie. Kotone inhale l’air puis expire de la bouche avant de se mordre les lèvres.

Ne craque surtout pas Fuku, ne craque surtout pas.

Elle me fixe du regard. Je pense qu’en creusant quelques millimètres dans ses yeux on peut récolter des pierres précieuses. Son visage est un condensé de bonheur qu’elle me transmet à petite dose.

— Là, quand tu te trouves juste à côté de moi. J’arrive à respirer.

 

Comment peut-on imaginer que c’est elle qui m’a détruit mentalement à l’école primaire ?

 

J’attrape sa main et regarde les aiguilles de ma montre.

— Allons danser, Kotone-chan !

— Oui !

Nous entrons au milieu de la piste et j’entends déjà la jalousie des autres étudiantes.

Je sais bien que vous voulez être à sa place. Mais croyez-moi, vous regretterez rapidement de vous y trouver.

Nos quelques pas s’intensifient, elle agrippe mes épaules et s’approche sensuellement de moi. J’écoute son cœur battre à la chamade.

Je soulève discrètement ma manche et observe de nouveau ma montre.

L’heure tourne Kotone, on devrait mettre fin à ce petit jeu, tu ne penses pas ?

Sa tête s’est nichée dans le creux de mon cou. Ses quelques mèches de cheveux glissent le long de ma nuque, puis ses lèvres m’ont murmuré.

— Tu es vraiment beau, Fu… Fuku.

J’inspire tout l’air possible et expire longuement. Je ferme mes paupières et exécute de nouveau la même mécanique.

— Tu es belle aussi, Keshi.

Elle m’enlace et agrippe le tissu de mon uniforme avec toute sa force. La puissance de ses battements de cœur dépasse l’entendement. Je relève discrètement ma manche et lui propose d’une voix gracieuse.

— Tu ne voudrais pas aller à l’extérieur ? Tout le monde nous regarde, Keshi.

— Redis-le encore une fois, dit-elle en empoignant de nouveau ma chemise.

— Tu es belle, Keshi.

Elle lâche son emprise et se dirige vers la baie vitrée. Je la rejoins et remarque dans le reflet du carreau, l’averse non pas de la pluie, mais de ses larmes.

— Ça va, Keshi ?

— On ne m’a jamais avoué une chose si émouvante, me confie-t-elle en essuyant ses joues.

J’ouvre l’accès au balcon et attrape le parapluie de ma camarade avant de lui proposer.

— Viens ici, ça te fera du bien de prendre l’air.

Nos épaules se frôlent, nos doigts s’effleurent et son cœur bat toujours à une vitesse hallucinante.

— Tu veux faire la scène, Keshi ?

— Évidemment, dit-elle en essuyant une nouvelle fois ses joues inondées.

Keshi prend connaissance du bout de papier et rougit. Elle tente de cacher sa gêne avec ses mains et me demande.

— Tu souhaites vraiment que je dise ça ?

— Si ça ne te dérange pas !

La harpiste déchire le texte et en fait des copeaux qu’elle garde dans ses paumes. Elle souffle à l’intérieur et laisse s’envoler les restes de la feuille dans ce sombre paysage. Ma camarade tape du pied, serre les poings et me regarde avec sensualité.

— Fuku, je ne peux pas être plus sincère que ça.

Je lâche le parapluie, la pluie plaque mes cheveux contre mon front, et sous ces gouttelettes qui s’écrasent contre nous, elle approche son visage du mien et continue.

— Je devrais sans doute cesser de respirer pour cesser de t’aimer.

Sa main se glisse dans ma nuque, elle réduit petit à petit les centimètres qui nous séparent. Et, lorsque ses lèvres effleurent les miennes, un hurlement nous coupe.

 

La victoire de ma première sentence est à un pas.

 



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