Néo-Life
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Chapitre 29 – Niclos 1
Chapitre 28 – Compétences et Système Menu Chapitre 30 – Niclos 2

Niclos regardait d’un air sévère le groupe hétéroclite qu’il avait réussi à réunir pour sa quête. Nombreux seraient ceux qui ne reviendraient pas de cette expédition, mais cela lui convenait. Il aurait ainsi beaucoup moins d’Amecareth à dépenser de sa poche, et ceux qui périraient auraient tout de même remplis leur office de chair à canon.

Juché sur le dos d’un étalon noir et banc très musculeux et nerveux, il ne faisait pas loin de deux mètres, une carrure solide dont l’on devinait la puissance sous ses habits soignés et bien taillés. De son visage carré émanait une beauté sévère et une autorité qui ne se laissait pas discuter. Une chevelure blond platine, coupée au carré, renforçait cette impression militaire qui se dégageait de lui, et ses yeux verts, bien qu’hypnotisant, avaient un reflet froid que tous percevaient.

« En avant ! Accélérez le rythme ! Nous sommes presque arrivés à la tanière du dragon ! »

En termes de dragon, il savait déjà que c’était une sous-espèce qu’il allait chasser. Une Wyverne montagneuse, exactement. Un véritable dragon ne se laissait pas chasser, il éradiquait des villes entières et dévorait des aventuriers bien plus costauds que Niclos au petit-déjeuner.

Mais il espérait tout de même que chasser une Wyverne l’aiderait à comprendre, ne serait-ce qu’un petit peu, la complexité des dragons et de leur espèce.

Car Niclos était un Incarnateur. Sa classe lui permettait de se transformer entièrement ou partiellement en une créature dont il avait une totale compréhension. Et cela avait failli lui coûter la vie.

Au début de son aventure, il avait reçu un choix intriguant pour sa classe, et il avait opté pour celle qu’il croyait être la plus puissante. Après tout, il se devait, en tant que protégé de l’Impérator, de faire de son mieux pour remporter la victoire dans le pari gigantesque dont il était le pion.

Car il savait bien entendu que Néo-Life n’était pas un jeu, depuis le début. Il avait été briefé grâce à une technologie avancée permettant de camoufler le savoir qu’il possédait face à l’IA de contrôle qui injectait les consciences dans la dimension magique, et il avait été persuadé que cela serait une promenade de santé.

Il était apparu au nord de Delia, au pied des Monts d’Argents, et après avoir choisi sa race, humaine, et sa classe, puis il s’était mis en quête de créatures faibles à tuer pour pouvoir monnayer quelque équipement dans la cité qu’il apercevait au loin.

Tombant sur un groupe de gobelins, il les avait observés discrètement pendant plusieurs jours, jusqu’à pouvoir se transformer en l’un d’entre eux. Transformation imparfaite mais suffisante, qui lui avait permis d’approcher et de les égorger dans leur sommeil sans qu’aucun d’entre eux ne comprenne ce qui se passe.

A la suite de cela, il avait franchi la porte nord de Delia, et découvert les merveilles que recelait cette cité tentaculaire.

Très vite, il s’était inscrit en tant qu’aventurier, méfiant devant la créature étrange qu’était la maitresse de guilde et refusant l’échange d’information qu’elle lui avait proposé.

Puis il avait enchaîné les quêtes simples pour accumuler quelques pièces d’argent, jusqu’à être en capacité de s’équiper.

Une fois cela fait, au bout d’une semaine, il était parti chasser des loups, persuadé de pouvoir renouveler son exploit d’avec les gobelins. Mais ce fut un échec monstrueux. Sa compréhension loin d’être suffisante malgré de nombreuses heures d’observation, il s’était fait démasquer par le chef de meute, et c’est gravement blessé qu’il était rentré à Delia, furieux contre lui-même.

Quelques semaines plus tard, il en était tout autrement.

Chasseur de niveau intermédiaire, grindant sans arrêt les divers types de monstres entourant la capitale, il avait acquis une connaissance poussée de leurs divers fonctionnements et pouvait facilement passer pour n’importe laquelle d’entre eux. Récupérant les matériaux utiles sur chacune de ses victimes, il avait commencé à accumuler une petite fortune, jusqu’au jour où il reçut un message.

Enfin, à proprement parler, c’était plus une encyclopédie qu’un message.

L’impérator lui expliquait la mise en place d’un système d’IA pare-feu, qui empêcherait tout futur contact et toute tricherie. Ce message était accompagné d’une masse de connaissance incroyable, tous les enregistrements que l’Empire possédait sur la dimension de Néo-Life, les classes, les lieux géographiques, certains monstres mythiques.

Et il y avait aussi le nom de cibles. Leur pseudo, en tout cas, celui qu’ils utilisaient dans le jeu. C’étaient tous des poulains du pari, des concurrents directs de Niclos qui tentaient d’accéder au même objectif.

Leur emplacement n’était malheureusement pas connu, ni leur race, mais tout venait à point à qui sait attendre.

Cela modifia quelque peu le plan d’action de Niclos, qui avait prévu de prendre son temps pour étendre son influence dans la cité et profiter au maximum de ses ressources.

Il décida de partir en chasse d’une Wyverne, en attendant de pouvoir se mesurer à de véritables dragons. D’après les informations qu’il possédait, le jour où il pourrait se transformer en l’un d’entre eux, sa victoire était assurée, plus personne ne pourrait se mettre sur son chemin.

Ayant accumulé beaucoup de ressources lors de ses chasses intenses et fructueuses, il placarda une annonce au siège des Crieurs ainsi qu’à la guilde des Aventuriers pour monter une expédition. Quelques jours suffirent pour rassembler une centaine de personnes, tous attirés par le gain substantiel que leur proposait Niclos, ignorant le fait que beaucoup d’entre eux ne reviendrait sûrement pas de cette quête.

Il comptait d’ailleurs bien là-dessus, car il n’avait en aucun cas autant d’Amecareth à dépenser.

Et voilà où il en était.

Cheminant sur un chemin escarpé de flanc de montagne, à peine assez large pour un chariot, et sans aucun garde-fou qui empêcherait une chute mortelle en contrebas.

Les éclaireurs étaient partis devant, à une journée d’avance exactement, et pour l’instant aucun d’entre eux n’était revenu les prévenir d’une trouvaille quelconque.

Cela faisait déjà trois semaines qu’ils étaient sur la route, et deux jours sur ces chemins pentus qui mettaient les nerfs de Niclos à rude épreuve. Il n’était pas du genre craintif, mais il y avait une chose qu’il n’avait jamais aimé : les hauteurs.

Trois personnes avaient chuté depuis le début de leur ascension, et si l’on comptait les quinze membres de la troupe qui s’étaient faits massacrer par les diverses créatures qu’ils avaient croisé sur leur route, le nombre de morts commençait à être élevé, alors qu’ils n’avaient pas encore atteints leur objectif.

Heureusement pour tout le monde, de nombreuses grottes se révélaient au fil de leur avancée, et ils les investissaient pour camper la nuit et manger, partant à l’aube sous les invectives de Niclos.

Devant et derrière lui se trouvait ce qu’il aimait appeler sa garde rapprochée. C’étaient tous des joueurs mineurs de Néo-Life qui ne connaissaient pas les véritables enjeux de leur mission et croyaient toujours être dans un jeu vidéo. Il leur avait donné de nombreux conseils quant à la meilleure manière de monter de niveau et d’augmenter leurs compétences. Et bien sûr, il leur avait donné cinq Amecareth d’argent en avance, pour sécuriser leur loyauté.

Personne ne les passait sans une bonne raison et une fouille approfondie, Niclos étant légèrement paranoïaque sur le fait que l’on voudrait surement attenter à sa vie. Après tout, son mentor l’avait informé, d’autres pouvaient bien le faire, et il n’avait pas été particulièrement discret sur son pseudo quand il avait recruté à Delia. Satanés règles de guilde.

Sa garde était composée de dix personnes, et un quatuor parmi eux s’était élevé au-dessus des autres, de par leurs compétences et leur caractère.

Il y avait Kallum, un barbare de deux mètres se promenant toujours torse nu et sans aucun doute l’auteur du meurtre de la Nessos. Il avait toujours entre les mains sa hache gigantesque qu’il avait surnommé Kallia, en hommage à son propre nom…et ses penchants sexuels en faisaient quelqu’un de difficilement fréquentable pour la gent féminine.

Puis Dejros, un mage de glace qui pouvait glacer à peu près n’importe quoi de vivant, ou même encore faire apparaître des stalactites de glace sous les pieds de ses adversaires. Taciturne, il parlait très peu mais supportait mal n’importe quel type de provocation. Il était extrêmement reconnaissant envers Niclos pour tout le savoir qu’il avait partagé avec eux, lui permettant de s’améliorer grandement dans sa pratique de la magie.

Venait ensuite Palnia, une femme sublime au charme mortel. Son arme de prédilection était une dague empoisonnée et elle avait choisi la classe d’assassin, se faufilant dans les ombres avant de fondre sur sa proie sans défense et de l’envoyer au royaume des morts. Aguicheuse, elle tentait sans arrêt de séduire Niclos, qui pour l’instant avait refusé ses avances poliment.

Et pour finir, Aguénor. Muni d’une épée longue aux proportions illogiques, il connaissait également quelques sorts de renforcement et de soins qui pouvaient aider tout un groupe. Sa classe était celle de Chevalier, mais son comportement était démoniaque. Il aimait bien faire souffrir ses cibles, bien trop souvent des races humaines ou intelligentes. Les créatures l’intéressaient peu, car elles n’exprimaient pas la souffrance de la même manière, ce qui lui déplaisait.

Niclos était tout à fait conscient du caractère profondément sombre de ces quatre individus, et cela lui plaisait énormément. Il n’avait qu’à nourrir leur vice et leur permettre de l’exprimer librement pour qu’ils lui soient loyaux au-delà de toute espérance. C’est même la raison qui l’avait poussé à les choisir, eux parmi les dizaines d’autres joueurs qui s’étaient présentés.

Les six autres étaient des personnages un peu plus banals, ne méritant pas d’être retenus autrement que par leur utilité à servir de bouclier au cas où quelque chose tournerait mal.

Paul, Shena, Dabiol, Mortis, Vengal et Nior.

Respectivement un Guerrier, une Ranger, un Explorateur, un Prêtre, un Voleur et finalement une Armurière.

Des classes qui n’avaient que très peu divergées comparées à celles de bases qui avaient été proposées par l’interface. Comparé à eux, les variations du quatuor avaient été bien plus intéressantes, avec un potentiel bien plus élevé.

Ses gardes ne l’embêtaient pas, plaisantant de temps en temps avec lui sur la faiblesse de certaines personnes les accompagnant, plaisanteries auxquelles il répondait par un hochement de tête et un léger sourire. Il ne pouvait s’empêcher de les considérer autrement que comme des pions sacrifiables, et le Roi ne se mêlait pas aux pions.

C’est dans cet état d’esprit qu’ils voyagèrent, pendant un mois au total, avant de tomber sur la tanière de la Wyverne.

Quand les éclaireurs étaient revenus, deux sur cinq seulement, ils avaient décrit la bête, et elle semblait tout à fait digne des attentions de Niclos, même s’il préférait se faire son idée lui-même.

Il était grand temps, car le groupe commençait à se scinder, fatigué par le trajet, et nerveux depuis qu’un des gardes rapprochés avait tué une cuisinière s’étant joint à eux. C’était une Nessos qui avait refusé les avances salaces de l’homme, qui n’était nul autre que Kallum, et elle avait été retrouvée le lendemain matin, égorgée dans son sommeil et ayant subi des…sévices sexuels ayant apparemment été infligés après son décès.

Le mécontentement avait grondé et Niclos avait alors agi en décapitant le meneur du groupe, transformant son bras en patte de loup aux griffes aiguisées comme des rasoirs, geste qui avait réduit au silence le reste des mécontents.

Il savait que cela ne durerait qu’un temps, mais il ne pouvait affaiblir en aucun cas sa garde rapprochée, quelque soient leurs agissements. C’est ainsi qu’on obtenait une loyauté profonde : en acceptant les vices de ses lieutenants.

En signe de rappel, il avait accroché la tête du défunt homme à sa monture, et les yeux révulsés ainsi que la langue pendante semblaient avoir ajouté à cette efficacité une petite touche personnelle qu’il appréciait fortement.

Il eut d’ailleurs une discussion au lendemain de la décapitation avec ses quatre lieutenants principaux.

« Kallum…tu aurais peut-être pu te retenir, non ? Faire ce que tu as fait à cette Nessos, alors que nous touchons presque au but… »

« Je n’y peux rien ! Quand je veux quelque chose, je le prends ! C’est comme ça que je fonctionne ! Et c’est juste une Nessos, pas comme si j’avais violé et égorgé l’Impératrice, hein… »

Niclos balaya l’air de la main en soupirant, trouvant le problème secondaire.

« Peu importe, ce qui est fait est fait…si je voulais vous voir tous les quatre, c’est pour que tout soit clair. Une fois la Wyverne tuée, si nous y parvenons bien sûr, je compte sur vous pour ne laisser aucun survivant. »

Palnia, l’assassin aux courbes sensuelles et tentatrices, s’avança vers Niclos et caressa ses cheveux d’un air soumis en le regardant de ses yeux de braise.

« Tu nous l’as déjà dit, Niclos…ne t’inquiètes pas, nous serons soigneux dans notre travail…et si tu voulais bien me laisser faire et te détendre…j’aurais peut-être encore plus de motivation à la tâche, qui sait ? »

L’Incarnateur enleva sa main et la foudroya du regard.

« Si tu continues comme ça, tu n’auras rien Palnia ! Attends que tout cela soit finit, et alors peut-être pourrons nous nous amuser un peu. Et ce que je veux, c’est bien sûr me débarrasser des importuns, mais intelligemment. Laissez les se réjouir, dépecer la bête, transporter les ressources jusqu’aux abords de Delia… »

Dejros avait formé une boule de givre tournoyant dans sa main, et comme pour compléter la phrase de Niclos, cette sphère éclata en mille morceaux, imageant son propos sans que le mage n’ait besoin de dire quoi que ce soit.

« Tout à fait, Dejros… »

« Et pour moi, Niclos ? Me laisseras tu m’amuser un peu avant de les massacrer comme du bétail ? »

« Tu pourras organiser une de tes « chasses » si tu le veux, Aguénor. Du moment qu’aucun d’entre eux ne s’échappe et parvienne jusqu’à la capitale, je n’ai à redire à vos…envies, quelles qu’elles soient. En attendant, retenez-vous, conclut-il en regardant Kallum avec insistance. »

Celui-ci grogna, forme la plus proche d’un assentiment qu’il pourrait obtenir, il le savait.

Ils arrivèrent à un plateau, qui d’après les éclaireurs serait la dernière étape avant d’arriver à la tanière de la Wyverne.

Les campements furent montés, les feux allumés, et tous en profitèrent pour se reposer avant de terminer cette quête que la plupart regrettaient avoir pris.

Niclos passa parmi les rangs, invectivant les trainards et organisant la préparation du combat à venir qui s’annonçait féroce.

Deux forgerons sortirent leurs pierres à aiguiser et perfectionnèrent les armes de tout le groupe. Deux tailleurs retapèrent les tuniques et cuirs qui s’étaient abimés pendant le trajet alors que le cuisinier restant préparait un repas gargantuesque dans une marmite géante, faisant de son mieux pour faire profiter le groupe d’un buff avant l’assaut que tous redoutaient et attendaient à la fois.

Ce sentiment mêlé de peur et d’impatience projeta une ambiance électrique sur le camp, motivant tout le monde à faire de son mieux malgré ce qui s’était passé pendant les jours précédents. Niclos encouragea sa garde rapprochée lorsqu’il vit que celle-ci se préparait lourdement à ce qui s’annonçait.

Kallum prit la parole alors que Niclos les avait rassemblés tous pour un ultime briefing avant le combat qui les attendait.

« Doit-on vraiment attendre, Niclos ? On pourrait y aller et se faire cette monstruosité nous-même, non ? »

Tous le regardèrent avec des yeux vides, ignorant les remarques suicidaires du barbare qui pensait que n’importe quel ennemi était à sa portée, sans considération aucune pour la réalité.

Niclos lui répondit calmement, mais sa parole ne laissait place à aucune discussion ultérieure.

« Nous suivons le plan, Kallum. D’abord vous me laissez observer le monstre, ensuite nous envoyons les gros de la troupe, la chair à canon, qui servira à épuiser le mana de la créature, et peut-être même à la blesser quelques peu si les pièges préparés sont d’une quelconque efficacité. »

Puis il pointa du doigt Dejros, continuant l’explication de son plan de bataille.

« Vient ensuite l’assaut de Dejros, accompagné des différents mages offensifs que nous avons avec nous. Avec un peu de chance, nous pourrons blesser gravement la bête à ce stade. Dejros, ne vide pas ton mana, tu pourrais en avoir besoin après la chasse pour nous débarrasser des cloportes. »

Il reporta son regard sur Kallum et lui fit un grand sourire.

« A ce moment-là, et uniquement à ce moment-là, tous les assaillants physiques pourront rentrer dans la bataille. Tu te concentreras sur les ailes de la Wyverne, pour l’empêcher de s’envoler, Kallum. Si elles sont hors d’atteinte, vise tout d’abord les pattes ou la queue. Incapacite là le plus possible. Aguénor, tu pourras te joindre à la fête si cela est nécessaire. »

Il regarda ensuite la sulfureuse assassin vêtue de noir et hocha la tête à son intention.

« Palnia, j’aurais besoin de toi à mes côtés. Tu voileras ma présence quand j’observerais la créature, et tu resteras près de moi pour éliminer toute menace potentielle. Pour les autres, j’espère que le plan est bien compris. Il est d’une importance vitale que vous le suiviez à la lettre. »

Tous hochèrent la tête et le quart d’heure suivant fut dédié aux détails de l’opération. Niclos planifia les différentes situations qui pouvaient se produire, tentant au maximum d’exploiter toute la chair à canon dont il disposait et qu’il ne voulait en aucun cas payer lors d’un possible retour à la capitale.

Les éclaireurs avaient bien fait leur travail, décrivant très précisément l’endroit où vivait la créature et ses caractéristiques physiques.

La Wyverne vivait dans une grotte à quelques minutes du plateau où ils se trouvaient actuellement, postée à l’entrée et profitant des rayons du soleil comme un gros lézard mortellement dangereux.

Ils l’avaient observé pendant de longues heures et avaient conclu qu’à part la chasse qu’elle semblait faire toutes les nuits, son comportement était assez sédentaire et ne contenait pas d’irrégularités majeures.

Ils leur restaient cinq heures avant que le soleil ne se couche, aussi la fenêtre de temps pour l’assaut était-elle suffisamment large. Les éclaireurs avaient même trouvé un promontoire d’où Niclos pourrait observer la créature et veiller au bon déroulement des opérations sans pour autant se mettre en danger.

La description physique de la Wyverne laissait songeur, et quiconque de sensé n’attaquerait pas personnellement une telle créature.

Longue d’une dizaine de mètres, son corps ressemblait vraiment à celui d’un lézard. Quatre pattes puissantes sur lesquelles elle semblait à l’aise pour se déplacer, et une queue massive pouvant vraisemblablement balayer une dizaine de personnes d’un seul geste. Son corps était recouvert d’écailles bleutées se superposant les unes aux autres et faisant office de bouclier naturel contre les attaques extérieures.

Sa gueule, elle, ressemblait trait pour trait à celle d’un iguane, deux bajoues pendantes sur le coté et une langue coupée en son milieu dardant de temps à autre entre la centaine de crocs géants et pointus ornant l’intérieur de sa mâchoire.

Si quelqu’un se retrouvait happé, d’après le prime éclaireur, c’était fini pour lui. Et il annonçait cela en toute connaissance de cause, ayant vu son collègue un peu trop imprudent se faire gober en deux bouchées par la créature reptilienne.

Pour finir, le lézard géant possédait une paire d’ailes gigantesques qui lui permettait de s’envoler pour aller chercher des proies sur les plateaux environnants.

Sous-entendu par là que si à la nuit tombée ils ne s’étaient pas lancés, certains d’entre eux feraient sûrement partie du régime de la Wyverne.

Après avoir écouté en détail le rapport des éclaireurs, Niclos décida de ne rien changer au plan d’action, qui d’après lui couvrait au maximum toutes les possibilités.

Ils rassemblèrent donc l’ensemble de la troupe, divisant les gens par compétence et expliquant à tout à chacun leur rôle dans l’assaut qui allait suivre.

Kallum et Dejros prirent respectivement les commandes des deux bataillons ainsi créés, l’un de combattants de mêlée, l’autre de mages offensifs.

Dabiol se retrouva à la tête d’un bataillon composé d’attaquants à distance, une petite dizaine de personnes. Leur capacité offensive n’était pas énorme, mais elle pouvait suffire à achever la bête ou bien à la distraire, suivant le déroulement de la bataille.

Aguénor, lui, se trouva à la tête d’un trio de mages soigneurs qu’il dirigerait suivant les besoins. L’un d’entre eux devait se trouver au contact pour utiliser sa magie, mais les deux autres pouvaient utiliser des sorts de zones augmentant fortement la régénération naturelle du corps, ce qui pouvait s’avérer très utile si le combat s’éternisait.

Niclos donna donc le signal, rappelant à tous que seul lui pouvait lancer le début de l’assaut, et qu’ils devaient patienter jusqu’à ce que le coucher de soleil soit presque là.

Il se dirigea donc vers le promontoire, un éclaireur lui montrant la voie sur le chemin caillouteux et traître par endroits alors que Palnia le suivait de près, un sourire lubrique sur les lèvres, marchant avec légèreté alors que Niclos devait se concentrer sur ses pas pour ne pas chuter.

Ils arrivèrent rapidement sur le dit-promontoire, et il put admirer la vue de là où il se tenait. Encerclés par les montagnes, dont certaines avaient le sommet enneigé, le ciel était nuageux et chargé comme si une tempête était sur le point d’éclater.

En contrebas, un large plateau rocheux se trouvait devant l’entrée d’une caverne qui n’en était pas vraiment une, son entrée faisant au bas mot trente mètres de large, une silhouette bleutée et gigantesque allongée à l’intérieur.

Il devinait la moitié du corps de la Wyverne, l’autre moitié enfoncée dans la cavité, et elle était tout aussi grande et monstrueuse que dans les rapports des éclaireurs. De là où il se trouvait, il voyait le corps de la créature se soulever et redescendre régulièrement, signe d’une respiration régulière et d’un sommeil profond, du moins si les ouvrages qu’il avait lus étaient corrects.

Sinon…et bien il faudrait refaire une troupe à Delia, et cela prendrait du temps.

En utilisant des signes prédéfinis avec ses lieutenants, il fit signe aux diverses compagnies de se mettre en place, ce qu’elles firent sans attendre, et avec le plus de discrétion possible. Il leur restait après tout encore trois heures avant le coucher de soleil.

Niclos focalisa son attention sur la Wyverne, Palnia prête à le sortir de sa transe observatrice lorsque le moment serait venu.

Il s’imprégna de chaque détail qu’il pouvait voir de là où il se trouvait. La nuance délicate des écailles, la longueur des pattes, le mouvement oscillatoire léger des ailes alors que la créature ne bougeait aucun muscle.

Mais ce n’était qu’un début. Il savait que le plus gros de sa tâche d’observation était à venir, lorsque l’assaut serait lancé.

Le silence régna ainsi pendant une heure qui sembla en durer bien plus, la troupe nerveuse d’attendre sans rien faire à coté d’un monstre qui pourrait les déchiqueter en morceaux si jamais leur timing était mauvais.

Seules quelques personnes s’activaient, posant des pièges à filet aussi près que possible de la Wyverne et s’éloignant dès que c’était fait.

Lorsque tout fut en place, Palnia secoua légèrement l’épaule de Niclos et celui-ci sortit de l’état contemplatif dans lequel il se trouvait, jetant un coup d’œil en contrebas, voyant que tous les préparatifs étaient finis.

Il leva le poing, signe que la première ligne devait se préparer à l’assaut. La tension se fit palpable dans l’air alors que tous retinrent leur respiration, faisant une dernière prière aux dieux auxquels ils croyaient, pensant à l’o qui les attendait lorsque tout cela serait fini.

Puis Niclos baissa le bras, et ce fut le début d’une bataille longue et sanglante.

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