Nefolwyrth
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Chapitre 4 – Les deux apprentis
Chapitre 3 – Ce jour-là Menu Chapitre 5 – Les nuits d’un deuil

 

-1-

 

Le palais de Lucécie était agité. La disparition de la fille du duc était sur toutes les lèvres. Bientôt, toute la ville serait au courant. Dans le corridor ouest du deuxième étage, bien des personnalités s’étaient rassemblées. Le Grand Inquisiteur de Lucécie, Merock Sholes, les rejoint, les accueillant à bras ouverts.

Merock : « Bonjour mesdames, bonjour messieurs ! »

Tous le saluèrent discrètement.

Merock : « Pour commencer, j’aimerai vous remercier d’avoir fait le déplacement jusqu’ici. Je me nomme Merock Sholes, mais vous avez certainement déjà entendu parler de moi, je me trompe ? Hahaha ! »

Il riait bruyamment en tapant sur l’épaule d’un invité qui avait l’air gêné.

Quand il s’aperçut que sa plaisanterie n’intéressait personne, il reprit d’un ton plus sérieux.

Merock : « Comme vous le savez, notre prince Lucéard de Lucécie, est revenu par lui-même. Et je suis gré de voir que vous êtes pour la plupart restés dans la région. Monsieur Edgar Hiller, Madame de Cordrot, voilà des visages qui garantissent le succès de cette enquête, et des noms qui ne sont inconnus pour personne qui s’intéresse un temps soit peu à ce monde de justice et de vérité. »

Même en été, Monsieur Hiller était toujours chaudement vêtu. Les rides soulignaient ses traits, et sa chevelure blanche s’élançait sous son couvre-chef avec panache. Malgré son âge, son regard était toujours aussi intense, comme s’il pouvait voir à travers tout. Il se contenta de hocher la tête une fois en guise de réponse.

L’attention de l’inquisiteur se dirigea vers un autre invité.

Merock : « Et vous, Monsieur Steran Vulliek, si je m’attendais à retrouver un confrère ici ! Qu’est-ce qu’un inquisiteur de Faillegard peut bien faire dans les environs ? »

L’homme à qui il s’adressait ne devait pas avoir beaucoup plus de 30 ans. Il était grand et filiforme. Son charisme ne tenait qu’à sa gestuelle excessive.

Steran : « Je ne m’attendais pas non plus à me retrouver mêlé à une affaire d’une telle ampleur en venant à Lucécie. Quel dommage que mon assistant ne soit pas là… »

Il se couvrait le visage, comme s’il se sentait honteux.

Des groupes de discussions se formèrent alors que Monsieur Sholes racontait une histoire qu’il jugeait drôle.

Invité 1 : « LE Edgar Hiller ? Ici, à son âge ? Il est toujours dans le milieu ? S’il ne résout pas cette affaire, je me demande qui le pourrait. »

Invité 2 : « Comme vous dites, mon cher. Et je constate que le duc ne vient même pas nous accueillir, quelle impolitesse. »

Invité 3 : « C’est aussi un père après tout, il doit être sous le choc. »

Le brouhaha ne semblait pas prêt de s’arrêter. Après quelques instants, je me décidai à prendre la parole.

???: « Excusez-moi, pourrait-on aller voir la chambre de la princesse, s’il vous plaît ? »

Cette voix emplit d’innocence et de volonté atteint les oreilles de l’inquisiteur, qui se tourna vers moi, perplexe. Le couloir devint silencieux.

Merock : « Hm, eh bien, excusez-moi à mon tour, mais…qui êtes-vous, mademoiselle ? »

Même vêtue de la plus belle robe que je possédais, mon rang de roturière n’était pas passé inaperçu. Mais la fougue dans mon sourire et mes longs cheveux blonds noués par un ruban attiraient l’attention. Comme si j’attendais de faire cela depuis toujours, je m’annonçais à eux.

???: « J’ai été conviée par Mademoiselle Nojùcénie de Lucécie pour participer à l’enquête sur la disparition de son frère quelques jours plus tôt. »

Mon sourire se redressa encore davantage, je bombai le torse que j’effleurai de mes doigts, fièrement.

???: « Je m’appelle Ellébore Ystyr, et je suis détective ! »

C’était un rêve qui devenait réalité, et tout cet enthousiasme finit par rougir mes joues.

Je l’ai dit !

Merock : « Mademoiselle Ystyr ? Je n’ai jamais entendu parler de vous. Vous…n’êtes pas un peu jeune pour être détective ? A moins que vous ne soyez l’apprentie de quelqu’un dans cette pièce ? »

L’inquisiteur regardait autour de lui, mais ne voyait personne se manifester.

En effet, mes grands yeux verts remplis de bonnes intentions n’avaient rien de mature. Je n’avais que 15 ans.

Le célèbre Edgar Hiller m’observait avec attention. Mon visage se crispa.

Je ne rêve pas, je suis vraiment en face de Monsieur Edgar Hiller ! Il est aussi impressionnant que dans mon imagination !

Hélas, ce miracle n’était aujourd’hui qu’une consolation pour moi. La disparition de la princesse me chagrinait beaucoup.

La légende vivante s’éclaircit la gorge.

Edgar : « Mademoiselle Ystyr… Vous devez être la fille du docteur Ystyr, sans l’ombre d’un doute. »

Il parlait avec beaucoup de respect d’un humble médecin du peuple. Je me retrouvais encore plus embarrassée.

Ellébore : « C’est exact…m-monsieur ! »

Et il connaît mon père !

Mon admiration envers lui était désormais totale.

Edgar : « Bien, je vois. »

Son long manteau ondula lorsque le doyen des détectives se leva du récamier qui avait été installé pour l’occasion. Sa présence attirait le regard de toutes les personnes réunies ici.

Edgar : « J’ajouterai que vous avez totalement raison, mademoiselle Ystyr. Ne sommes-nous pas ici pour enquêter, chers confrères ? »

L’effet qu’il eut sur l’assistance était d’un tout autre ordre. Certains se mirent à sourire et hocher la tête avec engouement. La passion qui nous avait rassemblés ici se ressentait enfin. Merock Sholes apprécia cette ferveur et ouvrit la porte menant à la scène du crime.

Merock : « Bien, excellent ! Chers invités, inutile de vous le rappeler, mais une prime de 100000 unidors sera partagée entre les personnes qui auront permis d’éclaircir ce mystère. »

Une telle somme aurait pu rendre n’importe qui détective. 100 unidors représentait le prix d’une baguette de pain décente. Après des années de pauvreté, mon père et moi étions enfin parvenus à sortir la tête de l’eau. Mais le pauvre était contraint de travailler de l’aube jusqu’au crépuscule. Avec une telle somme, nous aurions eu de quoi vivre paisiblement deux ou trois mois. Bien que je manifestais l’envie de lui ramener la prime, ce n’était pas la raison qui m’avait poussée à me présenter.

Les détectives les plus attendus avaient déjà pénétré la chambre de la demoiselle. Tout indiquait que la personne qui avait décoré cette pièce n’était autre que la princesse elle-même. Une atmosphère apaisante s’en dégageait, malgré le contexte. Des animaux en peluche, des portraits et d’étranges souvenirs ornaient chaque meuble. C’était ravissant. Je m’approchais d’une des peintures. La personne au visage renfrogné à côté de Mademoiselle Nojùcénie devait sans doute être son frère. Elle semblait ravie d’être avec lui.

Je ne pensais pas qu’une princesse puisse se montrer si amicale envers quelqu’un de mon rang. J’ai eu tort d’avoir de tels a priori. J’espère pouvoir la retrouver saine et sauve…

J’exaltais ma motivation avant de me lancer dans le vif du sujet. Des sentiments contradictoires s’animaient en moi. Je serrai les poings au niveau de mon buste.

Mais je ne peux pas m’empêcher d’être surexcitée à l’idée de mener ma première grande enquête !

Derrière moi, l’inquisiteur, qui était encore dans le couloir, se tourna vers un nouvel arrivant. Ce dernier avait l’air pressé, mais son flegme atténuait cette impression.

Sherock : « Que dites-vous, Ernest ? »

Ce vieil homme ne semblait pas enclin à perdre son sang-froid, néanmoins, il m’apparaissait troublé. La nouvelle qu’il annonçait à Monsieur Sholes était parvenue aux oreilles de bien des enquêteurs. Certains restaient impassibles, comme s’ils avaient déjà eu leur lot de surprises au cours de leur carrière. D’autres ne purent dissimuler leur stupéfaction.

Ernest : « Je vous prierais de venir inspecter la chambre de monsieur dès que cela sera possible. »

Il devait s’agir du majordome du prince. Celui-ci s’inclina à la fin de sa requête. Je devinais aussitôt le contenu du message qu’il avait transmis à monsieur Sholes. Mon cœur battait plus fort encore.

Ernest : « Mon Prince… Je vous avais assuré que tout se passerait bien… Et vous voilà disparu vous aussi… »

Déboussolé, le domestique prit sa révérence sur ce dernier murmure.

Pauvre vieil homme… !

Je me retenais autant que possible de me mettre à pleurer. Je ne voulais pas montrer qu’une scène aussi simple avait réussi à me chagriner. J’étais extrêmement émotive, ce qui ne seyait guère à la tâche de détective. Mais cela ne m’empêchait pas de me mettre sérieusement au travail.

Quand même, c’est étrange. Les enfants d’un duc, ça ne disparaît pas comme ça. Surtout pas aux yeux de tous, en pleine journée…

Je ne remettais pas les compétences de la garde en question, mais deux théories s’offrirent à moi.

Les discussions futiles étaient restées hors de cette pièce. À une poignée de mètres à gauche du lit, les portes menant au balcon étaient grandes ouvertes.

Il est clair que le ravisseur est entré par ici. Le verrou est brisé, et la clé est encore dans la serrure du côté intérieur. D’une certaine façon, ce doit être bien plus difficile de pénétrer dans cette chambre en passant par les couloirs du palais.

Alors que j’en étais encore à découvrir la scène, L’inquisiteur venu du sud du royaume avait déjà une conclusion à partager avec nous.

Steran : « Il semble que Mademoiselle de Lucécie se soit faite enlever par des spécialistes. Alors qu’elle tentait de s’enfuir, ils ont dû l’assommer, ce qui explique les légères traces de sang que l’on voit ici. Ils sont évidemment repartis par la même issue. Je m’attends à retrouver des preuves qu’un grappin a été utilisé sur ce balcon. »

Son analyse semblait propre à première vue. Mais certains n’imaginaient pas les choses ainsi et gardèrent leurs distances avec cette théorie. D’autres acquiesçaient de la tête, prêts à se rendre dehors.

Ellébore : « Un instant, Monsieur Vulliek. Comment saviez-vous qu’ils étaient plusieurs ? »

Plus curieuse que méfiante, je m’étais faite l’émissaire de tous ceux qui remettaient en cause ses affirmations.

Steran : « Très bonne question, mademoiselle…Ystyr ? Une opération aussi complexe ne peut pas avoir été réalisée par un seul homme. Les raisons de cet enlèvement sont clairement politiques. Le plus simple serait de penser qu’une personne importante soit à l’origine de cet enlèvement. N’aurait-il pas envoyé les personnes les plus qualifiées pour accomplir ce méfait ? »

Tout le monde convenait silencieusement que son idée tenait la route jusque là.

Steran : « Partons du principe qu’ils étaient deux. S’ils ont bien utilisé un grappin pour se hisser ici, alors il fallait certainement que l’un des deux monte la garde en bas. Nul besoin de préciser que la sécurité dans l’enceinte du Palais est d’une extrême rigueur. Pour faire descendre la princesse, il était beaucoup plus aisé de l’attacher à la taille pour la faire descendre avec la corde du grappin. Bien qu’envisageable, l’hypothèse qu’une seule personne ait réussi ce tour de force est extrêmement faible. »

Je ne peux pas lui donner tort sur un point : les personnes impliquées devaient être qualifiées. Sûrement assez pour qu’un mercenaire à lui seul ait pu réussir ce tour de force. Mais ce n’est pas ça qui me dérange le plus dans sa théorie…

Ellébore : « Monsieur Vulliek, vous avez bien dit que Mademoiselle de Lucécie avait tenté de s’enfuir, je me trompe ? »

Je châtiais modérément mon langage, et cela ne suffisait pas à me faire accepter par les nobles et autres bourgeois qui m’entouraient.

Steran : « Bien sûr, elle n’a pu que se réveiller quand la porte a été enfoncée. Et qu’aurait-elle pu faire d’autre que s’enfuir ou crier au secours ? »

Ellébore : « Et pourtant, ce n’est pas ce qu’elle a fait. »

Cette remarque attisa l’intérêt des autres détectives. Monsieur Vulliek ne semblait pas comprendre où je voulais en venir.

Ellébore : « Regardez l’état de son lit. Les draps ne sont pas bordés du côté gauche. Autrement dit, elle a dû vouloir sortir en direction de là où se tenaient le ou les bandits. »

Ceux qui en étaient déjà venus à cette conclusion hochaient la tête, tandis que les autres constataient la véracité de mes propos. Leurs réactions me donnaient davantage confiance en moi.

Steran : « Cette demoiselle comptait peut-être sortir de ce côté-là pour s’enfuir. Il n’y a rien à déduire de ce lit. »

Visiblement sceptique, il tenta de démonter mon argument en vain, à l’aide d’une gestuelle bien trop expressive. De mon côté, je ne quittais pas des yeux le lit en question.

Ellébore : « Loin de là. Tous ceux qui observent ce lit verront aussitôt que la princesse a dormi du côté droit. Ce qui signifie qu’elle a pris le chemin le plus long pour sortir de ses draps, malgré l’imminence du danger ! Personne ne fuirait comme ça ! Elle devait avoir une raison d’aller en direction du bandit ! »

Il n’en fallait pas plus pour créer débat entre les détectives. Monsieur Vulliek ne parlait plus. Il était en train de démonter ce qu’il avait pris pour acquis dans cette affaire. Les éclats de voix qui s’élevaient ne semblaient pas atteindre Monsieur Hiller. Le vieil homme levait un sourcil. Il n’était pas impressionné par ma déduction, qui pour lui était une évidence. Mais l’assurance que je dégageais quand je faisais parvenir le fruit de mes réflexions lui rappelait nostalgiquement sa jeunesse.

Ellébore : « La victime a cherché à se défendre. Je ne pense pas qu’elle ait eu le cran d’attaquer des intrus à mains nues. Il devait y avoir quelque chose sur cette table de chevet qu’elle devait absolument récupérer. »

Sinon, pourquoi tout y aurait été renversé ?

Une partie des invités semblait penser qu’elle avait voulu récupérer quelque chose avant de fuir. Mais se serait-elle vraiment mise en danger pour un objet, alors qu’elle était clairement la cible des ravisseurs ? Ma réflexion s’arrêtait ici, et l’inquisiteur de Faillegard l’avait compris.

Steran : « Et de quoi s’agirait-il, Mademoiselle Ystyr ? »

L’air condescendant, il attendait que je reconnaisse n’être qu’une enfant jouant aux détectives.

Je ne pense pas qu’elle garde une arme blanche à côté de sa lecture de chevet.

Ellébore : « Il faudrait demander à une domestique s’il n’y avait pas un objet qu’elle laisse habituellement sur cette table. Peut-être qu’elle a réussi à l’emporter avec elle…ou que le ravisseur l’a gardé. »

Mes explications manquaient à présent d’aplomb, mon ton s’adoucit pour pallier mon manque d’imagination. Le Grand Inquisiteur eut quand même la politesse de considérer mes interrogations.

Merock : « Je ne sais pas ce qu’il en est en temps normal, mais plus tôt dans la journée, le prince est venu récupérer le sac de Mademoiselle de Lucécie, ainsi que sa flûte-double, qui étaient parmi les effets personnels renversés.. »

Steran : « Je vois. Je ne pense pas qu’elle dissimulait une arme dont elle savait se servir dans son sac à main. Il nous faut croire qu’elle a simplement eu une réaction illogique dans la panique et qu’elle n’est pas sortie du bon côté du lit. »

Je n’avais rien pour démentir ses propos, aussi creux soient-ils. Je gonflais les joues.

Steran : « Ainsi, les bandits ont pu rapidement l’assommer avant de l’emmener. »

Ellébore : « Peut-être que ce sang appartient au ravisseur. Après tout, la princesse a très bien pu tenter de se défendre, tout simplement. »

Du peu que j’avais connu la demoiselle, je l’imaginais bien mordre son assaillant pour le repousser. Monsieur Vulliek fit une pirouette bien trop dramatique. J’en ignorai la raison. Mais il me répondit normalement.

Steran : « Si mon assistant était là, nous en aurions tout de suite eu le cœur net. Mais nous allons devoir faire sans. »

Un garde entra dans la pièce, alors que les autres invités avaient perdu tout intérêt pour notre débat stérile.

Garde : « Nous venons d’inspecter en dessous du balcon, il n’y a pas la moindre trace de leur passage. »

Monsieur Vulliek s’empressa d’aller examiner le balcon, s’élançant à travers les portes. Il était manifestement contrarié de ne pas trouver ce qu’il y attendait.

Steran : « Aucune trace de grappin… Mais comment ont-ils fait pour atteindre cet endroit ? »

Monsieur Hiller claqua des doigts pour attirer l’attention de tous sur sa main. Puis leva l’index en l’air, calmement.

Merock : « S-sur le toit ?! »

Si j’avais eu la même déduction, elle aurait sûrement été considérée comme absurde. Mais venant du détective le plus célèbre du royaume, tout le monde acceptait cette idée comme une vérité inconditionnelle, bien qu’ils signifièrent leur surprise.

Steran : « Je vois. Il y a peut-être un moyen plus discret d’escalader le palais que de passer par l’allée centrale. Les réponses doivent être là-haut. »

Une poignée de détectives furent choisis pour monter sur les tuiles.

Les autres se dirigèrent vers la chambre du Prince. Une fois de l’autre côté de la porte, je m’étonnais de la sobriété de cette pièce. Même les instruments proprement entreposés ne contribuaient pas à nous informer sur le jeune prince. Désigné par Monsieur Sholes pour diriger notre groupe, Monsieur Vulliek se sentit obligé de présenter les faits.

Steran : « Le Prince a été vu à l’heure du déjeuner par son majordome. Il a pu disparaître avant notre venue, et tout cela, alors que la garde était entièrement mobilisée. Je vais finir par croire que ces ravisseurs défient toute raison. J’en serai presque à penser que la magie est impliquée dans notre affaire. »

J’écoutais à moitié ces informations qu’il déclamait sur un ton dramatique. Personne ne faisait de remarques sur sa gestuelle endiablée. Ce qui me troublait le plus était qu’il n’avait rien d’autre d’extravagant dans son comportement.

Je feuilletais avec intérêt un livre que j’avais trouvé sur le bureau du prince. Il était épais, et contenait des incantations et toutes sortes d’informations. Je n’avais que rarement vu des ouvrages du genre. On racontait que certains d’entre eux se retrouvaient avec des pages en plus, du jour au lendemain, comme si un être supérieur l’étoffait pour féliciter son propriétaire.

Steran : « Les bandits qui utilisent la magie sont rares, je ne pense pas que cette piste soit intéressante. »

Le bruit du grimoire qui se fermait attira l’attention des quelques personnes présentes.

Ellébore : « Et s’il n’y avait eu aucun ravisseur ? »

J’interrogeais innocemment mes confrères. Ce n’était qu’une idée qui venait de me traverser l’esprit. Mais outre ce fait, les éléments commençaient à coïncider. Je le sentais, la vérité n’était déjà plus très loin.

J’ouvris les portes du balcon.

Si ce que je pense est vrai, alors cela explique que le prince puisse s’enfuir à sa guise. Ses fugues pourraient avoir un rapport avec la disparition de sa sœur. Il est cependant clair que Mademoiselle Nojùcénie, elle, n’est pas partie de son plein gré.

Steran : « Mademoiselle Ystyr, où voulez-vous en venir ? »

Il se fit encore une fois le porte-parole de la majorité. Ma réflexion les avait intrigués.

Dos à eux, mes cheveux se laissaient porter par le vent alors que je faisais face à ma cité natale. Je ne pouvais plus contenir mon excitation.

Ellébore : « J’ai pensé que le Prince pouvait mieux que quiconque échapper à la garde, et que passer par le balcon était sa seule option aujourd’hui. Je voulais m’assurer qu’il ait pu mettre au point un stratagème pour descendre. »

Mais puis-je révéler la seule explication possible ?

Peut-être que ces deux enfants gardaient secrets leurs pouvoirs. Je décidai de ne pas trop en révéler.

L’inquisiteur s’approcha, prêt à décevoir mes fantaisies.

Steran : « Il n’y a aucun moyen qu’il ait pu partir d’ici par ses propres moyens. Encore une fois, rien n’indique la présence d’un dispositif pour descendre. Suggérez-vous qu’il ait de quoi atteindre le prochain balcon ? »

Je daignais enfin me retourner vers lui, le regard confiant, le sourire affirmé.

Ellébore : « Et pourtant, il y a bien une preuve de son passage sur le balcon aujourd’hui.»

Steran : « C-comment ? »

Il se contorsionna pour souligner son étonnement . Outre le fait que les portes menant à l’extérieur n’étaient pas verrouillées, on pouvait en effet penser qu’il s’était enfui par les airs.

Ellébore : « Approchez-vous, s’il vous plaît. »

Les détectives ne se firent pas prier et s’attroupèrent autour de moi. La tension était montée d’un cran. Devant nos pieds, une simple tache rouge attisa la curiosité de chacun.

Steran : « Mais…cette tache ?! C’est du sang ! »

Cet homme oscillait toujours entre son attitude de rabat-joie et ses réactions dramatiques. Il aimait que le spectacle n’aille que dans son sens, mais cet éclat de voix lui échappa.

Je pointais énergiquement vers l’objet de notre intérêt.

Ellébore : « En effet, elle est presque ronde. Il y a pourtant un angle qui la limite. Ce qui nous laisse avec une forme de tarte à la cerise dont on aurait mangé le quart. »

Un des détectives leva le sourcil en entendant mon étrange comparaison.

Ellébore : « Ce qui signifie que quelqu’un a versé une goutte de sang sur un objet qui n’a été retiré que plus tard, après sa coagulation ! »

Mon engouement à l’idée de faire ma première vraie enquête me discréditait un tantinet. Mes joues rougissaient de fierté et ma voix montait facilement dans les aiguës, ce qui ne manqua pas d’attendrir l’assistance.

Steran : « Vous avez toute mon attention, jeune détective. Votre déduction m’intéresse. »

Une partie de lui s’était laissé prendre à mon jeu. J’étais remontée dans son estime.

Ellébore : « Le sang pourrait très bien appartenir à l’intrus qui se promène sur les toits. Cette même personne qui a laissé son sang dans la chambre de la princesse. »

Steran : « Vous n’en démordez pas. Mais sous-entendez vous que cette personne ait aussi enlevé le prince ? »

Je secouais la tête de gauche à droite, sûre de moi. Je plaçais à présent mes mains contre mes hanches.

Ellébore : « Non, ils ne se sont même pas rencontrés. Le sang n’a pu que couler après que le ravisseur ait enlevé la princesse. Et l’objet sur lequel le sang est tombé a dû être récupéré par celui qui utilise cette chambre. »

Après mûre réflexion, la nature de l’objet devint évidente.

Ellébore : « Il devait s’agir d’une lettre à l’attention du prince. Certainement pour le notifier de l’enlèvement de sa sœur. Peut-être y avait-il une demande de rançon. »

La réaction des personnes présentes suggérait qu’ils avaient pensé la même chose.

Steran : « Vous n’avez toujours pas expliqué comment le prince s’est enfui, Mademoiselle. »

Il avait bien raison d’insister sur ce point. Mais je sentais qu’il valait mieux que je garde cela pour moi.

Ellébore : « Oh, euh. Je vous prie de me pardonner, il faut que j’aille aux toilettes. »

Après un large sourire, je m’éclipsai discrètement. Le vent soufflait sur le balcon.

Monsieur Vulliek restait sur sa faim et regardait le toit avec sévérité. Une question cruciale le tiraillait.

Steran : « Et comment connaissaient-ils la disposition des chambres ? »

De mon côté, je descendais en direction du premier étage, à la recherche du bureau du duc. Je ne pouvais évidemment pas me promener librement ici et les gardes ne manquaient pas de me le rappeler.

La silhouette que j’ai vu entrer dans un carrosse tout à l’heure avait une tenue très similaire à celle que portait Mademoiselle Nojùcénie quand je l’ai rencontrée. Je peine à croire que ce ne soit que mon imagination.

Perdue dans mes pensées, je passai devant un grand portrait représentant la femme du duc. La jeune dame était ravissante, elle semblait pétiller de vie. Pour cette raison, elle n’avait pas le profil d’une duchesse. Pourtant, elle dégageait quelque chose qui inspirait immédiatement le respect.

Le collier qu’elle portait à ce moment-là semblait luire. Peut-être n’était-ce que l’effet que voulait lui donner l’auteur de cette œuvre, mais tout me portait à croire que cela non plus n’était pas anodin.

 

-2-

 

Assaillie par le doute, je m’apprêtais à outrepasser mes droits pour approfondir cette enquête.

Je profitais qu’un homme entre dans le bureau pour me joindre à lui, feignant de l’accompagner depuis le début.

Garde : « Mon Duc, l’investigation sur le toit a révélé que les ravisseurs se sont ensuite rendus au-dessus de la chambre de notre prince. Nous poursuivons les recherches ! »

Il repartit d’un bon pas, angoissé à l’idée de devoir annoncer de telles nouvelles. J’esquissai un sourire alors que les portes se fermaient derrière moi.

Comme prévu, tout concorde.

J’étais à présent seule dans le bureau du Duc, tout cela était rudement intimidant.

Ellébore : « M-mon Duc ? »

Lui qui jusque-là avait le nez dans ses papiers, finit par lever la tête pour identifier l’origine de cette voix fluette.

Illiam : « Mademoiselle Ystyr. Que désirez-vous ? J’apprécierai ne pas être dérangé. Mais peut-être venez vous me renseigner sur le progrès de l’enquête ? »

La grandeur du duc me pétrifiait encore, pourtant, il suffisait de l’entendre pour comprendre qu’il n’était plus qu’un père abattu de chagrin. Ce pauvre homme ne pouvait pas entièrement le cacher : il était au comble du désespoir.

Un simple coup d’œil lui suffisait pour comprendre que tout mon corps était tendu à l’idée de m’adresser à un personnage aussi important. Il aurait presque pu deviner que je tenais à aborder un sujet délicat.

Ellébore : « Je suis navrée de vous demander cela, Mon Duc. Mais, tout cela n’aurait-il pas un rapport avec…votre défunte épouse… ? »

Le choix de mes mots était brouillon, mais il ne semblait pas m’en tenir rigueur. Le silence qui suivit représentait pourtant un des moments les plus embarrassants de mon existence. Je dus poursuivre, la gorge sèche.

Ellébore : « Votre femme était une magicienne d’exception, n’est ce pas ? »

J’en venais à craindre d’être condamnée et pendue pour ces paroles.

Illiam : « J’ai déjà entendu bien des choses concernant cette affaire d’il y a tout juste dix ans. Si c’est de ça dont vous voulez m’entretenir, ne perdez pas votre temps, je ne souhaite plus en parler.. »

Ses mots m’avaient presque persuadée de tout abandonner. Je grimaçais à l’idée de devoir continuer en si mauvaise voie.

Ellébore : « Je pense que vos enfants ont été enlevés par des personnes qui connaissent leur potentiel. Vos enfants maîtrisent la magie, ça ne fait aucun doute. »

Le regard sévère qu’il me lançait m’indiqua qu’il ignorait ce fait.

D-désolée à vous deux…

Il était trop tard pour reculer, cependant. Et sa réaction venait de m’offrir une toute dernière déduction.

Ellébore : « Votre fils a dû partir de lui-même au secours de sa sœur. Il a dû être menacé s’il ne venait pas. Les ravisseurs ne sont pas n’importe qui, ça n’est plus à démontrer. V-vous devez le savoir, n’est ce pas ? »

Le prince et la princesse ont dû cacher à tous leurs proches qu’ils maîtrisaient la magie. Et s’ils l’ont caché à leur père, ça ne peut signifier qu’une chose.

Ce que je m’apprêtais à dire était un affront, et j’en avais conscience.

Ellébore : « C-c’est bien à cause de ces gens que vous leur avait interdit l’usage de la magie, n-n-n’est ce pas ? »

Prête à m’évanouir à tout moment, j’attendais la réponse du Duc. Je sursautai quand il se leva de son fauteuil.

Illiam : « Comment savez-vous… ? »

J’aurai pu me mettre à pleurer, mais d’une certaine façon, j’avais à présent l’assurance d’être dans la bonne direction.

Ellébore : « Si vous n’étiez pas au courant, c’est que vos enfants l’utilisaient en cachette. Et cette série de disparition rappelle les événements d’il y a dix ans. J’ai lu beaucoup d’articles parlant de conclusions incohérentes concernant cette affaire. »

Je me couvris la bouche d’une main en réalisant que je manquais de tact.

Ellébore : « J-je suis désolée, mon Duc ! Je ne voulais pas vous rappeler de souvenirs aussi douloureux ! »

Les épaules de mon interlocuteur tremblaient. Mais il s’adoucit en constatant que j’étais sincèrement confuse d’avoir manqué de délicatesse.

Illiam : « Alors, c’est bien ça ? Ils sont de retour…après 10 ans. »

Ces “ils” lui avaient pris sa femme, et aujourd’hui ses deux enfants. J’étais incapable d’imaginer la souffrance que devait ressentir le duc, qui ne faisait que perdre de sa prestance à mesure qu’il réalisait la gravité de la situation.

Illiam : « Je pensais qu’elle les avait terrassés. Llynel Nefolwyrth… Elle devait être une des mages les plus fortes du royaume. Elle n’avait que 26 ans le jour où la guerre qu’elle menait prit fin. Elle gardait toute cette histoire pour elle, sans jamais m’en parler. Mais je le sentais dans ses mots, la fin de l’organisation qu’elle combattait était proche. Cependant, ce jour-là, quand ce cratère de dix hectares a été retrouvé dans la forêt de Lucécie, j’ai immédiatement su qu’elle s’était sacrifiée. Je l’ai même su bien avant, quand elle a donné son précieux collier à ma fille, ce même collier qu’elle ne retirait jamais. Tout était clair. Mais je n’ai pas eu la force de l’arrêter. »

Plutôt que de m’inquiéter d’entendre une histoire aussi personnelle, je me retenais de toutes mes forces de larmoyer. Peut-être aurais-je dû céder à ces sentiments en son nom. Le duc, lui, s’était refusé à verser dans la sensiblerie. Son ton était devenu amer, il déversait toute sa haine contre lui.

Illiam : « Tout ça était en définitive de ma faute. J’ai fait taire les rumeurs en mettant la responsabilité de cet assassinat sur des révolutionnaires. Je n’ai bien sûr pu condamner personne, mais je craignais que mes enfants ne se mettent en tête de la venger. Mon fils en est venu à haïr tous les villageois. Pour les protéger, je leur ai dissimulé la vérité, tout comme ma femme avant moi. Et mon fils a répété la même erreur. Ce n’était pas la bonne solution. J’ai poussé mes enfants à apprendre à se battre seuls. Mais ils ne peuvent rien face à ces monstres, et à l’heure qu’il est, ils doivent être… »

Son visage continuait de blêmir, je ne pouvais plus rester muette.

Ellébore : « Ils vont bien, ne vous en faites pas ! »

La commissure de mes yeux rougissait, j’avais parlé sous le coup de l’émotion. Le Duc me fixait, le regard toujours sévère, malgré sa détresse.

Ellébore : « Ils auraient pu les tuer s’ils l’avaient désiré. Mais ils ont décidé de n’enlever que votre fille. Votre fils est parti de lui-même pour la secourir. Tout indique qu’il a déjà réussi à fuir ces personnes. Et j’ai moi-même pu rencontrer personnellement Mademoiselle. Ils ne se laisseront pas faire, c’est certain ! Ils doivent vraisemblablement tenir ça de leur mère…et de vous, mon Duc. »

Oubliant presque à qui je m’adressais, je lui avais fait parvenir mon propre ressenti. Je croyais en la princesse, même si je lui avais à peine parlé, je retrouvais l’impression que j’avais eu d’elle dans les mots du duc, alors qu’il parlait de sa défunte épouse.

Le père des disparus se rassit en silence, et se mit à écrire. On n’entendait plus que la plume gratter le papier. Il finit par se relever.

Illiam : « Quel choix étrange de ma fille, tout de même. Une demoiselle aussi jeune que vous ne devrait pas prendre part à de telles activités. »

Il n’y allait pas de main morte, et mon amour-propre en prit un coup. Néanmoins, cela ne ressemblait pas à un reproche.

Illiam : « …Ou du moins, c’est ce que je pensais, mais vous avez fait vos preuves, Mademoiselle Ystyr. »

Le duc me tendit ce qu’il venait d’écrire à l’instant, je n’osais pas imaginer le contenu de cette lettre, mais mon cœur battait déjà la chamade.

Illiam : « Voici la récompense promise. Je sais que les temps sont durs pour votre père. Un docteur aussi compétent ne devrait pas avoir à s’inquiéter de ses dépenses. »

Mes lèvres tremblaient en réalisant ce qu’il se passait.

Ellébore : « M-mon Duc… »

Je lui exprimai toute ma gratitude alors que j’attrapai la feuille des deux mains.

Illiam : « Apportez donc cette note à Monsieur Sholes, il vous donnera la prime, et vous proposera des informateurs de confiance. Vous ne devez pas en avoir énormément, à votre âge. »

Son maigre sourire m’honorait. Malgré tout, je savais au fond de moi que je ne méritais pas cette prime, ainsi, je baissai les yeux.

Ellébore : « Mais je n’ai… »

Illiam : « Ne vous dévalorisez pas, Mademoiselle Ystyr. Je vous suis reconnaissant, et votre contribution à cette enquête a été précieuse. »

Il posa sa main gantée sur mon épaule, ce qui me fit me raidir aussitôt.

Ellébore : « Merci beaucoup, Mon Duc. Je vais continuer les recherches, l’endroit où doit être retenue la princesse est à moins d’un jour de Lucécie. Peut-être que- »

Illiam : « Merci à vous pour votre aide. Vous en avez bien assez fait. »

Il m’interrompit avec une certaine douceur, que j’appréciai. Je compris qu’il ne souhaitait pas que je poursuive l’enquête. Il m’ouvrit une porte pour me laisser sortir. Dehors m’attendait Monsieur Hiller, qui arrangeait sa moustache grisonnante.

Edgar : « Mademoiselle, je vous tire mon chapeau. »

Il s’exécuta en effectuant une légère courbette. Ce couvre-chef renfermait un épi qui s’élevait bien au-dessus de son crâne. Je restais sans voix devant cette mèche de cheveux défiant toute loi physique, mais aussi d’avoir été complimentée par la légende en personne.

Edgar : « Prenez donc cette liste, je pense que mes informateurs aussi seront ravis de vous venir en aide. »

Il scella de nouveau cette pilosité rebelle en remettant en place son chapeau. J’empoignais le papier que je rajoutai à ma besace.

Ellébore : « M-merci beaucoup, Monsieur Hiller ! »

Mon air enjoué séduit le détective, qui se frotta le crâne en rougissant. Il me montra ensuite le visage qu’on associait à sa renommée.

Edgar : « Une odeur assez infâme, une poudre de roche singulière. Les souvenirs de la domestique qui s’est occupée du linge de Monsieur en disent long. Comme vous l’avez dit, l’endroit que nous cherchons ne peut pas être loin. Je parierai sur de l’ectoplasme pour l’odeur. Donc cette roche…viendrait d’Azulith. »

J’ignorai comment cet homme réfléchissait, mais cela avait fait de lui la plus grande célébrité du milieu. Sa réponse ne devait pas être basée sur quelque “pari” que ce soit. Son réseau d’information devait être impressionnant. Peut-être savait-il le fin mot de l’histoire avant même d’entrer dans ce palais. Le regard profond du détective étincelait.

Edgar : « Ce matin, j’ai trouvé ce brouillon de carte par terre, il décrit un chemin du palais jusqu’à un village de bandit au nord de la montagne d’Azulith. »

Il me montra la pièce à conviction en question, il était même écrit « Plan pour le prince » sur le dessus. Mon visage se décomposa de la déception de voir mon modèle résoudre une affaire sur un simple coup de chance.

Je repassais dans ma tête toutes les plus grandes déductions de sa carrière.

Si toutes ses enquêtes ont été résolues comme ça, c’est d’une certaine façon encore plus impressionnant…

Aux portes d’une crise existentielle, je fixais la légende au chapeau. Il avait toujours autant de panache.

Edgar : « Maintenant que nous en savons autant, je pense pouvoir affirmer que ce morceau de papier nous guidera jusqu’aux enfants du duc. »

Je soupirai. Je ne remettais pourtant pas en cause le sérieux de son travail. Il ne faisait pas l’erreur de se baser sur cette seule pièce. Et en effet, le plan représentant une mystérieuse tour devait corroborer les preuves que nous avions jusque là.

…Mais pourquoi un homme déguisé en crabe a été dessiné dans cet étang ?

Je rapprochais mes yeux pour loucher sur cette forme bizarre qui avait été représentée pour décrire une des étapes qu’il fallait franchir sur le chemin vers le village des ravisseurs. Même d’aussi près, je ne pouvais voir que ça. Mais l’auteur de ce plan ne brillait manifestement pas par ses talents artistiques, ce devait être en partie pour ça qu’il n’avait pas remis ce plan au prince.

Edgar : « Il semble y avoir une stèle à l’effigie d’un démon ancien sur le chemin. »

Il rebroussait sa moustache en analysant le bout de papier à son tour. Il était aussi perplexe que moi.

J’espère que c’est lui qui a raison.

Je ris jaune alors qu’il m’indiquait la fameuse stèle. Je tentais de retrouver mon sérieux. Je me devais de faire ce qui était le plus juste.

Ellébore : « Monsieur Hiller ? »

Il haussa ses sourcils en entendant son nom prononcé.

Ellébore : « Vous êtes celui qui avez trouvé l’endroit où doivent être retenus les enfants du duc. C’est à vous que revient la prime pour avoir résolu cette affaire… »

Il se mit à rire comme si une toux légère l’indisposait.

Edgar : « Oh non, jeune demoiselle. Vous avez su obtenir la vérité de la bouche de notre duc en personne, concernant une affaire vieille de dix ans. Voilà un tour de force qui va au-delà de ce que l’on attend d’un détective. »

Il posa sa main sur le sommet de mon crâne et le frotta vigoureusement.

Monsieur Hiller tira sa révérence et entra à son tour dans le bureau de son client.

Et moi, je restais plantée là, je fixais le sol. Mon visage était rouge et mes cheveux en pagaille.

Je repartis en trottinant joyeusement. Après avoir croisé un garde, je fis profil bas à nouveau, et une réflexion m’interpella.

Comment Monsieur Hiller a t-il pu entendre ma conversation avec le duc, d’ailleurs ?

Bien des mystères demeuraient. Après mon entrevue avec monsieur Sholes, je m’empressais de repartir. Mon père m’attendait. J’avais une surprise pour lui qui allait le ravir. Rien que d’imaginer sa réaction me faisait sourire.

Mes pieds s’arrêtèrent face à un grand portrait de famille. Il n’y avait hélas plus que sur cette toile que l’on pouvait encore voir ces quatre personnes réunies.

Bien que son expression était déjà austère à cette époque, cette présence qui émanait du duc avait aujourd’hui disparu. Le souvenir de la lueur qui l’animait en ce temps était pourtant gravé à jamais dans ce cadre. Je ne pouvais imaginer quelles épreuves étaient en train de traverser les deux jeunes enfants du portrait. J’ignorai même que l’enquête que nous avions menée n’avait pas suffit à éviter la grande tragédie qui allait frapper le palais de Lucécie. Quand je pus de nouveau entendre le prénom de la princesse, elle n’était déjà plus de ce monde. Et son frère…

 

-3-

Lucéard

 

Le clapotis de la rivière avait quelque chose d’apaisant. On entendait toujours le son des sabots s’éloigner.

Garde vétéran : « Eh, il a sauté du pont ! »

L’équipe envoyée par le duc avait établi leur campement tout près d’ici. En apercevant mon corps plongeant dans la rivière, leur stupéfaction précéda une panique généralisée parmi les voix étouffées qu’on entendait sous les hautes herbes.

Garde chevronné : « Les bandits n’ont rien vu ? »

Dissimulés dans la végétation, trois hommes se levèrent. Leurs armures ressemblaient à celles que portaient les gardes de la ville, mais leurs tenues revêtaient diverses teintes de vert. Ces trois experts du camouflage se rapprochaient de la rive sans un bruit. Celui qui paraissait le plus aguerri était recouvert de branchages. Des oisillons avaient élu domicile sur son casque.

Garde vétéran : « Si, je suis sûr qu’un des leurs m’a fixé. Celui avec la calvitie naissante. »

Jeune recrue : « Mais il n’a pas réagi… Ce sont qui ces gars ?! A quoi bon être spécialisés dans la furtivité ?! »

Chef : « Taisez-vous ! Allez le secourir, nom de nom ! »

Une dernière voix plus agressive les rappela à la raison, bien qu’ils ne savaient pas d’où elle émanait. Je pouvais quant à moi à peine les entendre, j’errai aux frontières de ma conscience.

Jeune recrue : « Vous pensez qu’il est en vie, chef ? »

Garde chevronné : « Bah oui, les morts se jettent pas des ponts ! »

Garde vétéran : « Oh, il est salement amoché, on le ramène vite fait ! »

Chef : « Arrêtez de jacasser, mais c’est pas possible ! »

Quelques heures après, alors que le soleil se couchait, les gardes s’étaient retrouvés devant l’imposante tente dans laquelle j’avais été conduit.

Garde vétéran : « C’est officiel, il est hors de danger. Mais j’ai entendu un des guérisseurs dire qu’il avait trop utilisé de mana, vous le croyez, ça ? »

Ses compagnons se retournèrent, interloqués.

Garde chevronné : « Ben alors ça. Quand je vais le raconter à mes gosses, ils vont pas en revenir. »

Jeune recrue : « Vous auriez pas vu passer le chef ? »

Le troisième du groupe, probablement une des dernières recrues, cherchait sans relâche son supérieur.

Garde chevronné : « Pour être honnête, je l’ai jamais vu de ma vie. Pourtant, ça fait déjà cinq mois que je suis ici. Je sais pourtant qu’il est toujours à côté de nous. »

Les deux se tournèrent alors vers le vétéran de cette équipe dans l’expectative d’en savoir plus sur ce mystère.

Garde chevronné : « Tu as déjà vu le chef, toi ? »

Garde vétéran : « Jamais. Ce gars-là est né pour la furtivité, j’vous le dis. Enfin, s’il gueulait pas tout le temps. »

Chef : « C’est pas bientôt fini ces commérages ?! Dites-moi ce que vous savez d’autres, mon garçon ! »

Tous sursautèrent et eurent le réflexe de regarder autour d’eux. Ils auraient presque pu sentir les projections de salives qu’avaient dues engendrer ces cris. Le garde visé finit par s’exécuter.

Garde vétéran : « Quand je suis rentré tout à l’heure, il dormait, chef ! Mais il réagissait toujours au nom de sa sœur. Les guérisseurs pensent qu’il a subi un traumatisme psychologique assez violent. »

Jeune recrue : « C’est quoi psychologique ? »

Garde vétéran : « Un mot apparu il y a de cela quelques années dans le milieu médical. C’est en gros quand tu vas mal, mais pas physiquement. »

Chef : « Documente-toi avant de dire n’importe quoi, fiston ! »

Les trois hommes effectuèrent un salut militaire comme il en était coutume lorsqu’ils se faisaient hurler dessus.

Un des hommes abaissa son bras, sa curiosité n’était toujours pas assouvie.

Garde chevronné : « Tu ne penses pas que c’est mauvais signe pour la princesse ? »

L’aîné de l’équipe baissait la tête.

Garde vétéran : « Tu l’as dit, va savoir ce qu’il s’est passé là-bas. Pire encore, je n’arrive pas à comprendre pourquoi on trouve pas ce fichu village. Est-ce qu’on serait pas dans une de ces “forêts aux illusions” ? »

Le cadet de l’équipe grommelait, puis croisa les bras.

Jeune recrue : « Quand même. Je ne m’attendais pas à ce que le prince parte au secours de sa sœur, c’est pas du tout l’image que j’avais des gens de la haute. Je dois avouer que je suis assez fier du petit gars qui sera un jour notre duc. »

Garde chevronné : « Par contre, je me vois mal revenir de cette mission sans la princesse. Le duc actuel va l’avoir mauvaise. »

Garde vétéran : « Honnêtement, c’est surtout son conseiller qui me met mal à l’aise. J’ai pas trop envie de travailler pour un mec comme lui. »

Leur discussion fut finalement interrompue par l’arrivée soudaine d’un des guérisseurs. Paniqué, le jeune mage reprenait son souffle, tout en essayant d’alarmer les hommes.

Guérisseur : « Le prince…il n’est plus dans son lit ! »

Même sans savoir ce qui se cachait derrière leurs casques, on pouvait deviner l’émoi dans lequel était plongé le trio de gardes.

Chef : « Quoi ?! Vous avez laissé le prince se faire la malle ?! Comme si la situation n’était pas assez grave, bande de barriques à billevesées ! Retrouvez-le sur le champ, ou c’est vous qui me paierez à la fin du mois ! »

En voyant les autres hommes se mettre au garde-à-vous, le guérisseur en fit autant, de peur de subir le courroux du chef de l’escouade.

Guérisseur : « D-d’où venait cette voix ?! »

Terrifié pour une nouvelle raison, le guérisseur se tournait vers les trois hommes, qui agitaient la tête de gauche à droite rapidement.

Déjà bien loin d’eux, je m’étais enfoncé une fois encore dans la forêt d’Azulith. Mes vêtements avaient été provisoirement rabibochés, mais la souffrance se lisait encore dans mes pas. Je titubais entre les arbres, la pleine lune éclairait déjà le village vers lequel j’approchais.

Je…vais le tuer… Je ne le laisserai pas…récupérer… Je dois le massacrer…maintenant… !

Une lueur vengeresse brillait dans mon regard, elle éclipsait le désespoir d’avoir perdu ma plus proche famille.

Animé par les plus sombres désirs, je progressais au milieu de la verdure, comme une bête, comme si je n’étais plus qu’un monstre.

…Lusio, je te tuerai…

Mon visage déformé par la haine n’inspirait pourtant que de la pitié. Cette fatigue sur tous les plans me laissait dans un état second. J’étais prêt à retomber inconscient au moment où cette rage énigmatique m’abandonnerait.

 

-4-

 

Bien loin de posséder tous mes esprits, entre somnolence et fureur j’errai.

Je lui ferai regretter…lentement… !

Un sourire carnassier se dessinait le long de mes lèvres. La colère était la dernière chose que je m’autorisais à ressentir.

Je le tuerai.

Un coup de bâton que je reçus sur la tête me fit chuter au sol.

Je me retrouvais assis par terre, déboussolé. Que venait-il de m’arriver ?

Une large pierre se faisait le centre de ce qui semblait être une minuscule clairière. Une grande silhouette s’y tenait debout. Sa barbe d’argent, aussi longue que l’homme lui-même, s’agitait sous le ciel étoilé, au gré du vent. Il tapa du pied de son étrange sceptre de bois sur la roche, comme pour attirer mon attention. Son visage fut enfin révélé par la lune. Bien que ses rides étaient discrètes, la violence de son expression faciale soulignait son âge avancé.

Cette arme qu’il portait rappelait celle des sorciers que l’on trouvait dans les représentations les plus enfantines. Ressentant la terrible menace qui émanait de lui, je me redressais, et sortis le premier instrument qui fut à portée de ma main : une flûte-double.

Je retombai sur mes genoux aussitôt que j’eus reconnu l’objet. Il était gravé dessus “Nojù”. Une partie de moi venait de s’éveiller. Je me retrouvais plus perdu encore que la seconde d’avant.

L’homme me fixait, impassible, comme s’il était mort debout, comme s’il me jugeait. L’intensité de ce regard dépassait ce qu’un visage humain pouvait produire. Ses muscles étaient si contractés que je ne pouvais pas voir ses yeux.

Il bondit pour se retrouver l’instant d’après devant moi. Sa tête éclipsait à présent la lune. Sa voix était aussi froide qu’impitoyable.

???: « Ce n’est pas le moment de faiblir ! »

Un autre coup de bâton me heurta le crâne.

Je levais les yeux, interdit.

???: « Qu’est ce que tu es en train de faire ?! Tu veux mourir ?! »

Débordant de haine, je m’éloignai avant d’empoigner l’instrument.

Lucéard : « …Si tu es des leurs…je te tuerai aussi… ! »

Je ressentis dès la fin de ma phrase une hostilité sans limite jaillir de lui. Sans que cela me paraisse possible, son regard était devenu plus féroce encore.

???: « Non ! Si tu continues d’avancer, tu périras ! »

Ses paroles étaient encore plus accablantes. Mais je n’étais pas disposé à réfléchir lucidement. Je m’opposai à lui.

Lucéard : « Vous ne m’empêcherez pas de passer ! »

Je ne reconnaissais même plus ma propre voix, tant elle était déformée par cette affliction.

Lucéard : « ANGUEM IRIDIS ! »

Le seul son de la flûte me fit perdre tous mes moyens. Tous ses souvenirs du temps passé avec elle me revenait. C’était son instrument.

Le sort qui résulta de cette incantation fut bien faible, et l’homme l’évita sans effort.

???: « Tu ne comprends donc pas… ? »

Sa présence avait beau m’intimider, ma résolution n’en était que plus forte.

Lucéard : « C’est toi qui ne comprends rien ! Je ne veux pas vivre dans un monde où je m’habituerai à son absence ! Je ne vivrai pas dans un monde où j’oublierai qu’elle a été assassinée ! Mourir m’importe peu ! Mais pas avant d’avoir tué cet homme ! »

Ses yeux s’écarquillèrent, laissant apparaître une fureur incandescente dans la noirceur de son regard. Le bâton m’écrasa au sol avec une violence singulière. Son poids m’avait paru décuplé. Le sang chaud coulait sur mon visage. Le hurlement qui suivit me pétrifia de terreur.

???: « Tu ne mérites pas la vie ! »

Rassemblant toute mon énergie, je ramenais l’instrument à mes lèvres, mon cœur battait à tout rompre.

Lucéard : « MAGNA ANGUEM IRIDIS ! »

Sans même bouger, il abattit mon sort d’un seul coup, entraînant le ruban contre le sol, qui explosa sous le poids du bâton. La secousse fit trembler les arbres tout autour de nous. La rage qui bouillonnait en lui dépassait l’entendement.

???: « Tu ne mérites pas la vie…si tu conçois de la retirer à autrui ! »

…hein ?

Je venais de réaliser ce qu’il disait. Je faisais pourtant tout mon possible pour éviter de comprendre le sens de ses paroles, je ne voulais pas l’écouter.

Lucéard : « Tu ne sais rien ! Je le tuerai, il a- »

???: « J’en ai assez entendu ! Qu’est-ce que tu comptes accomplir ?! Tu crois que ta sœur espère que tu ruineras ta vie pour pouvoir la venger ?! Les sots qui vivent pour se venger ne vivent pas ! Et ta sœur, ne voulait-elle pas que tu vives ?! »

Lucéard : « Ma sœur… »

La force qui résidait en moi était infiniment plus faible que celle de ce surhomme. Il me contraignait au silence par la puissance de sa voix et l’intensité de son existence.

???: « Tu le sais déjà ! Tuer n’a jamais été la solution ! Mourir n’a jamais été la solution ! Si tu veux donner un sens à la mort de ta sœur, il n’y a qu’une chose à faire ! »

Il était derrière moi, son cri me vrillait les tympans. Puis ce fut au tour de son arme d’entrer en scène. La frappe qui attendait mon dos me projeta contre la grande roche.

«Lucé…Vis… »

Mon esprit était toujours aussi confus. La peur parcourait froidement mes veines. Je devais le vaincre.

Lucéard : « GIGA… ! »

Totalement inconscient, je m’apprêtais à lancer mon sort le plus puissant.

Le vieil homme fit un bond phénoménal et se retrouva dans les cieux, plus haut encore que toutes les cimes.

???: « Il n’y a rien de plus regrettable que de tirer les mauvaises leçons, des mauvaises expériences ! »

Comme s’il s’agissait d’une incantation, il attendit la fin de sa phrase avant de lever son sceptre jusqu’à ce qu’il ne recouvre la lune.

Lucéard : « …ANGUEM IRIDIS ! »

Le sort n’apparut pas. Je ne pouvais que regarder le démon furieux qui plongeait sur moi, sceptre en avant. Ses longs vêtements s’agitaient violemment dans sa chute.

Je vais mourir…

Je pouvais imaginer la force de ce simple bout de bois qui fendait les airs de toute sa rage.

J’ai été idiot…jusqu’à la fin…

Acceptant mon destin, je posai mes mains au sol, dans une flaque. Je pouvais voir le visage ignoble qui ne quittait plus ce corps depuis mon réveil. Ce n’est qu’à partir de ce moment que je réalisai ma véritable erreur.

Non…

Le temps ralentit, et les feuilles qui flottaient sous les étoiles semblaient même s’être arrêtées.

Me venger ne sera pas ma dernière volonté. Ma dernière volonté…sera la sienne.

Quand la pointe du bâton frappa, l’onde de choc retourna la terre sur un rayon de cinq mètres. Les pierres jaillirent du sol dans un fracas assourdissant.

J’étais couché au milieu de ce carnage, les yeux vers les astres. J’étais en vie. Le vieil homme m’avait volontairement évité.

Nojù, je vivrai, puisque c’est ce que tu voulais. Ce sera ma raison.

Je serrai la flûte-double entre mes doigts, solennellement. Puis me relevai, péniblement.

Ce mystérieux personnage était à quelques mètres de moi, il attendait. Il m’observait à l’aide de la seule expression faciale qu’il semblait maîtriser.

Mes jambes vacillaient, s’efforçant de me maintenir debout. Le silence de la nuit était revenu.

J’avançais vers lui en boitant. Si lentement.

Au clair de lune, il put enfin voir distinctement le visage de celui qui venait de perdre sa précieuse sœur. Le visage du misérable petit prince qui s’était égaré.

Je me mis à genoux devant lui, posant aussi mes bras devant ses pieds. Je collais mon front contre le sol avec une ferveur qui était toute nouvelle chez moi.

Lucéard : « Je vous en prie, faites de moi votre disciple ! »

Ce cri du cœur semblait être la preuve indubitable de ma démence. Mais je n’avais jamais été aussi sérieux. Ce choix m’avait paru une évidence. Je le savais au plus profond de moi, cet homme représentait mon salut.

Imperturbable, il continuait de me gratifier de ce regard terrifiant. Ma requête n’avait rien de commun. De nos jours, ce genre de pratique ne se retrouvait que dans les récits semi-légendaires. Mais il n’en fit pas grand cas.

???: « Suis-moi. Tu auras tout le temps de guérir dans ma demeure. »

Je relevais la tête, comme si son approbation avait été la dernière chose qui m’aurait permis de me raccrocher à ce monde.

???: « En tant que mon disciple, tu subiras un entraînement draconien, j’espère que tu y es préparé, Lucéard. »

Le bas de son bâton frappa le sol pour souligner ses propos.

???: « Je suis Heraldos. »

Lucéard : « E-entendu, Heraldos. »

Toujours à moitié conscient, je répondais docilement.

Le coup de bâton que je reçus me surprit moins que les précédents. Sans me ménager, ni me montrer une once de sympathie, il me toisa du haut de ses deux mètres. Son ton impitoyable ne l’avait jamais quitté.

Heraldos : « Pour toi, ce sera “Maître” ! »

 



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