Le Chevalier des Elfes
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Merlin malgré les sourires qu’il suscita, obtint le droit de défendre devant le Haut-Parlement le remplacement intégral de l’usage de la monnaie par le troc. Il fut contraint de dépenser de l’argent pour entrer dans la Pyramide, la tradition voulait qu’il faille verser une pièce de bronze au portier gardant l’accès principal du Haut-Parlement.

Arthur se demanda s’il fit bien d’autoriser le débat actuel, il était conscient que les chances que le troc remplace la monnaie soient proches de nulles. Mais en politique comme dans la guerre, rien n’était joué. Il arrivait parfois que l’éloquence des mots suffise à conquérir un terrain très défavorable. Et puis le vampire pensait aux conséquences négatives en cas de victoire de Merlin. Il jugeait que le retour au troc signifierait de nombreuses adaptations diplomatiques avec les alliés de races non elfiques.

Cela pourrait inciter des forces hostiles aux elfes à mener des attaques d’envergure afin de profiter de la situation. Arthur estimait qu’il commit une grave erreur au final. Même si les probabilités que Merlin l’emportent étaient vraiment faibles, le haut-roi estimait qu’il prit un risque inconsidéré après mûres réflexions.

Cependant il était un peu tard pour annuler le débat, et puis il pensait qu’il était de son devoir de respecter les termes d’un échange consenti librement. Arthur considérait que ne pas tenir ses engagements était un acte infâme, surtout quand l’autre partie adoptait un comportement honorable. Merlin avait peut-être de drôles d’idées avec son amour du troc, mais il ne recourut pas à la tromperie, ou une technique déloyale pour négocier, donc il avait le droit à son débat.

Ainsi même si Arthur craignait de favoriser la mort d’un grand nombre d’elfes, si le troc devenait la seule référence légale pour les échanges économiques, il se dit qu’il n’avait absolument pas le droit de rompre le marché passé avec Merlin. Et puis mettre cet interlocuteur dans un état de fureur n’était pas un comportement conseillé. Il pouvait déjà être franchement pénible pour une broutille, alors il était capable de déclencher des catastrophes pour se venger d’un outrage majeur.

Et les colères terribles d’un haut-mage n’était pas à prendre à la légère, ce type de personne avait un niveau mystique suffisant pour déclencher des cataclysmes mémorables. Même si Merlin contenait ses représailles à des actions subtiles, il demeurait capable sur le long terme de causer des chamboulements impressionnants au moyen de sa magie.

D’ailleurs s’il respecterait probablement avec zèle la loi lui interdisant de faucher des vies sur un champ de bataille, hors du cadre de l’auto-défense, il possédait quand même un arsenal de nuisances surnaturelles vraiment considérable. Arthur avait peur de se coltiner une liste impressionnantes de malédictions s’il osait annuler le débat. Il pourrait finir par souffrir de débilité mentale, avoir un physique vraiment repoussant et beaucoup d’autres problèmes notoires. Toutefois ce qui le motivait le plus pour rester fidèle à sa parole, était la crainte de commettre une faute impardonnable pour lui-même. Il fit beaucoup de choses dont il n’était pas fier, mais il tirait quand même beaucoup d’amour-propre de l’idée qu’il n’était pas un parjure sur la question des serments.

Merlin : Favoriser le troc est une mesure positive, car il aide à développer l’amitié entre les gens. Grâce au troc des personnes appartenant à des milieux différents ont fraternisé.

Arthur : À une petite échelle je veux bien admettre que le troc est une source d’entente. Mais quand il s’agit de se mettre d’accord entre dirigeants de nations différentes, l’argent est bien plus pratique que le troc. Les transactions basées sur l’échange et non la monnaie dégénèrent facilement quand les interlocuteurs ne sont pas que des elfes. Dans le passé avant que les elfes n’utilisent la monnaie, les elfes se sont querellés avec les humains, les nains, les hobbits, un nombre incalculable de fois à cause d’une mésentente sur les biens échangés.

Merlin : Renoncer à l’argent pour se livrer exclusivement au troc, est un moyen de mener une vie qui se rapproche de celle du grand prophète Janaé et de ses apôtres.

Arthur : Janaé ne fustigeait pas l’usage de l’argent, d’ailleurs il voyait d’un bon œil les dons de monnaie servant à aider les gens dans le besoin.

Merlin : En renonçant à l’argent les elfes se mettent à l’abri des ravages que cause la fausse monnaie sur l’économie elfique.

Arthur : Avec le troc les elfes ne sont pas à l’abri des mauvaises surprises durant les échanges commerciaux. Par exemple il est possible lors d’un échange entre des fourrures prétendument de bonne qualité contre du blé, de se faire arnaquer en se faisant refourguer des fourrures miteuses.

Merlin : La soif d’argent engendre des guerres. Moins les elfes utiliseront de l’argent, moins le risque qu’ils soient confrontés à une guerre sera élevé.

Arthur : Lorsque les elfes et les humains n’utilisaient pas de monnaie, il y avait quand même des conflits armés.

Merlin : L’argent n’est pas la seule cause de guerre, mais en supprimant son existence on diminue le nombre de guerres auxquelles seront confrontés les elfes, puisque la monnaie est une cause majeure de leur déclenchement.

Arthur : La disparition de l’argent ne fera pas disparaître la cupidité. Même si les gens belliqueux ne se battaient plus pour de l’argent, ils continueront de se déchirer par envie de s’accaparer du bétail, des œuvres d’art célèbres, de belles maisons, des terres fertiles. En fait le troc peut être une source de guerre, la désorganisation qu’il amènera s’il remplace complètement dans les royaumes elfiques l’usage de l’argent amènera probablement les banquiers et les marchands à faire sécession.

Merlin : Je défends une mise en place du troc très progressive, sur plusieurs décennies, ce qui laissera amplement le temps aux marchands et aux banquiers de s’adapter.

Arthur : Si le troc devient la seule référence pour les échanges commerciaux, cela va conduire les milliers d’elfes qui travaillent dans les banques au chômage.

Merlin : Les banquiers créent plus de chômage que d’emploi, certes les banquiers elfes sont plus raisonnables que les humains. Mais il n’empêche que les financiers elfes ont aussi une manie de jouer avec l’argent qui est préjudiciable pour le peuple.

Après le débat entre Arthur et Merlin, les hauts-parlementaires votèrent à cinq cents voix pour et soixante contre, le maintien de l’utilisation de l’argent pour les tractations commerciales dans les royaumes elfiques. Après la délibération, Arthur accompagné d’un chien du nom de Médor demanda à Merlin, s’il pouvait se promener dehors avec lui, le partisan du troc accepta. Tous trois débouchèrent sur une allée pavée remplie de pommiers. Le haut-roi resta plusieurs minutes en compagnie de son ami sans parler, puis n’y tenant plus il osa se lancer.

Arthur : Merlin m’en veux-tu ?

Merlin : Il est vrai que j’aurais préféré que vous ayez une opinion semblable à la mienne. Mais je n’ai aucune rancune contre vous pour votre opposition à la généralisation du troc. Cette réforme impose de grands changements, alors je comprends qu’elle effraie. De toute façon soixante haut-parlementaires l’ont appuyé. Ce qui représente en soi une grande avancée pour la cause que je défends. Je m’attendais à ce qu’au maximum trente membres du Haut-Parlement soutiennent le troc.

Arthur le vampire ne pouvait s’empêcher d’avoir un pressentiment qui le taraudait, aussi il écoutait d’une oreille distraites les propos de Merlin l’elfe. Pourtant les oracles annoncèrent au vampire que celui-ci était dans une période très faste. Il devait admettre que du point de vue politique et économique il s’en sortait superbement. Il avait craint un moment que l’opposition menée par le roi Hertio ne remporta les élections du Haut-Parlement, et ne le mette dans une situation délicate. Cependant le vampire réussit à obtenir la majorité des suffrages pour son groupe préféré, le parti royal, grâce à des discours éloquents et le soutien de personnes influentes. Le parti royal mit en place plusieurs réformes qui renforçaient considérablement le statut du haut-roi des elfes. Les royaumes elfiques demeuraient des démocraties, mais il fallait en même temps admettre qu’Arthur devint beaucoup plus autonome vis-à-vis du Haut-Parlement.

De plus le vampire fit taire les détracteurs qui l’attendaient sur le volet économique, en négociant des accords intéressants avec les forgerons nains et les agriculteurs hobbits. Arthur n’avait pas de raison particulière d’être pessimiste, pourtant il ne pouvait dissiper son appréhension. Il fut interloqué par un bruit violent.

Lorsqu’il tourna la tête il vit cinq personnes qui se dirigeaient vers lui et Merlin, lançant des éclairs au sol pour disperser la foule. Ils réussissaient à provoquer un véritable mouvement de panique. Les quelques gardes courageux qui s’opposèrent aux malfaisants furent rapidement tués.

Les cinq individus à l’allure sinistre, chevauchaient des pégases, des chevaux dotés d’ailes, un des scélérats avait un visage qui semblait familier pour le haut-roi. Celui qui semblait le chef, un homme avec des cornes sur le sommet du crâne, une imposante musculature, et des yeux dont l’iris était rouge, et la pupille jaune, jeta au sol un orbe. Aussitôt un mur de lumière isola son groupe ainsi qu’Arthur et Merlin. Le dirigeant des bandits prit la parole, son ton était plein de haine.

Alphonse : Arthur, me reconnais-tu ?

Arthur : Je crois t’avoir déjà rencontré mais je ne saurais dire où.

Alphonse : Tu pourrais faire un effort de mémoire, et te souvenir de ceux que tu humilies.

Arthur : Cette voix, ah oui, tu es le plus mauvais tireur du monde, le seul homme capable de se tirer une flèche dans le derrière. Alphonse le bêta, tu as évolué dis-moi, tu es passé d’abruti complet à vache laitière.

Alphonse (fulminant, pendant que ses acolytes se retenaient de rire) : Il suffit, ces cornes sont la preuve de mon nouveau statut, je suis passé de bandit de grand chemin à marquis des Abysses, depuis que je suis devenu l’hôte du duc démoniaque Alocer le puissant.

Arthur : Tu es plutôt passé de vaurien à victime pathétique. Les démons en particulier ceux des Abysses jouent des tours extrêmement pendables aux humains qui leur servent d’hôte.

Alphonse : En échange de laisser à Alocer le contrôle de mon corps deux jours par semaine, je suis devenu extrêmement puissant. Mon intelligence et ma force ont été décuplés, et des centaines de serviteurs m’ont juré fidélité, j’ai fait une excellente affaire en me liant avec lui.

Arthur : Il se peut qu’Alocer te couvre de cadeaux pour l’instant, mais une fois qu’il se sera lassé de toi, tu paieras le prix fort. Ton âme finira tôt ou tard dans un enfer où tu subiras de terribles tourments. Parfois un démon doit attendre des centaines d’années avant d’avoir l’occasion de pouvoir être le seul possesseur du corps qu’il a investi. Mais vu ton extraordinaire intelligence, il se peut que d’ici quelques jours Alocer devienne l’unique propriétaire de ton corps.

Alphonse : Tu vas regretter tes insultes, je vais te tuer à petit feu.

Arthur : Médor crache.

Alphonse : Crache ?

À peine Alphonse eut fini de parler que deux de ses acolytes se tordaient de douleur, rongés par l’acide projeté par le chien. Ils ne souffrirent pas longtemps, au bout de quelques secondes l’acide présent sur leur tête, pénétra dans leur cerveau, et mit fin à leurs jours. Le molosse était un animal fourni par Merlin, son apparence paisible servait à cacher sa fonction de garde-du-corps et ses facultés surnaturelles. Merlin aimait bien donner un aspect trompeur à ses dispositifs de sécurité, et aux auxiliaires chargés de veiller sur des personnalités importantes ou des sites de premier plan.

Arthur profitant de la surprise des trois scélérats encore d’attaque, en tua deux, en projetant des rayons de lumière mortels. Bien que seul contre deux mages confirmés, Alphonse le scélérat affichait une attitude narquoise.

Arthur : Si tu te rends maintenant cela plaidera en ta faveur.

Alphonse : J’ai pactisé avec des démons, même si je me soumettais à la justice la seule issue qui m’attend sera la mise à mort. Bon assez parlé, meurs Arthur.

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