??? : Bonjour Arthur, je suis le Néant lui-même, l’entité surpuissante. Et tu m’as bien diverti, cela faisait longtemps que quelqu’un de mortel m’avait opposé une résistance. D’habitude je crée surtout la terreur. Comme tu m’as mis de bonne humeur, je suis disposé à te récompenser, rejoins mes rangs, et tu seras une personne hautement respectée avec des pouvoirs magiques stupéfiants.
Le fort regarda les gens qui l’entouraient, et il lut une jalousie mémorable, certains des courtisans réunis dans le palais attendaient depuis des années que le roi veuille bien leur adresser la parole. Ils n’osaient pas prendre l’initiative de réclamer. Ils connaissaient trop bien les accès de mauvaise humeur de leur souverain.
Et voilà qu’un nouveau venu tel qu’Arthur recevait une offre intéressante sans avoir besoin de patienter longtemps. Devant ce constat beaucoup eurent de violentes idées de meurtre et de torture contre le fort. Ils estimaient particulièrement révoltant qu’un parvenu dont le seul mérite consista à amuser un peu le Néant, bénéficie d’un traitement de faveur. Donc si Arthur acceptait de collaborer en reniant Proélium, il devrait se coltiner une sacrée coalition d’ennemis de son propre bord. Il lui faudrait déjouer les complots de courtisans remontés à bloc par le désir de lui infliger de violents tourments.
Le fort admettait que les dons proposés paraissaient franchement alléchants, et la perspective de damer le pion à Merlin en terme de puissance magique était une grosse tentation. Cependant il sentait qu’il y avait anguille sous roche, que le roi mentait en partie. Pas forcément sur les bienfaits qu’il apporterait, mais par exemple il cherchait à mystifier avec son identité. Le monarque était sans doute une incarnation de la puissance, mais il y avait quelque chose qui clochait. En fait il était peut-être aussi un menteur sur son potentiel mystique. Arthur entendit parler de certains sbires du Néant qui abusaient de sorts de mystification pour impressionner leurs victimes ; les inciter à signer des pactes en recourant à des pouvoirs trompeurs qui leur donnaient une puissance à l’aspect magnifique, alors qu’en réalité ils étaient de pitoyables charlatans.
Alors le fort fit jaillir une flamme dans sa main droite et la balança sur le visage du roi. Sa cible éteignit le feu presque tout de suite avec un mot de pouvoir, mais elle poussa un violent cri de douleur. Son masque probablement surnaturel résista bien aux dommages, mais ne protégea pas complètement des dégâts.
??? : Foi d’Asi tu me le paieras. Je vais te supplicier très lentement.
Arthur se questionna, il y avait un Asi célèbre qui occupait la fonction de procureur chez les elfes, se pourrait-il que cet officier de justice soit lié au Néant ? Mais le fort n’avait pas assez d’éléments pour être sûr, il y avait de nombreux Asi chez les elfes. Et l’apparence du roi était soigneusement dissimulée, donc tant que le monarque ne montrerait pas son visage, Arthur n’aurait que de faibles présomptions. Il réfléchissait à grande vitesse pour se sortir de la mouise, toutefois il ne voyait pas de porte de sortie, il s’avérait dans la panade jusqu’au cou.
Les courtisans se rassemblaient autour de lui avec des sourires satisfaits à la perspective de jouer les tourmenteurs sur le fort. Mais brusquement des flammes gigantesques surgirent par les fenêtres du palais et amenèrent Arthur hors d’atteinte du danger. Le feu brûlait les adeptes du Néant tout en demeurant inoffensif pour le fort. Celui-ci retourna dans le désert blanc et trouva comme nouvel interlocuteur un vieil elfe, la même connaissance rencontrée auparavant dans un autre rêve avec son éternel pantalon gris retenu par une corde.
Proélium : Tu as été magnifique, aussi pour te récompenser je vais te donner des informations essentielles pour sauver Merlin.
Arthur : Merci mille fois.
Le fort se réveilla quelques temps plus tard, il disposait désormais d’une solide piste pour mener son enquête afin d’innocenter Merlin. Il eut un peu de mal à discerner le vrai de l’onirique suite au réveil, mais au bout de quelques heures, il marchait d’un pas vers une nouvelle direction. Désormais il se dirigeait vers un antre maléfique en rapport avec le Néant.
Malheureusement un obstacle allait compliquer la tâche d’Arthur, il vit un panneau qui précisait que le passage d’un fleuve sur un radeau coûtait deux pièces d’or. Ce qui représentait plus d’argent que ce que possédait sur lui le fort. Pour que les métaux tels que l’argent ou l’or soient néfastes pour un vampire, il fallait qu’ils soient en contact direct avec la peau. Ainsi Arthur grâce à ses gants ne ressentaient aucune gêne, en manipulant avec ses mains des pièces en or ou en argent.
Le fort fut tenté pendant quelques secondes de jouer les bandits de grand chemin, afin de réunir la somme nécessaire pour passer le fleuve.
Il n’aurait pas beaucoup de mal à trouver une victime, l’endroit était assez fréquenté par les voyageurs. Il s’agissait d’un lieu de passage très utile pour les pèlerins souhaitant rendre hommage à Argent le dieu de l’humanité. Beaucoup d’hommes et de femmes désiraient atteindre la Grande Cathédrale argentiste, le principal édifice lié au culte de la divinité protectrice de l’humanité. Il était possible d’ignorer le fleuve, de faire un détour mais il était franchement dangereux. En effet il fallait traverser une immense forêt remplie de dizaines de bandits. Certaines bandes de criminels n’hésitaient pas d’ailleurs à s’attaquer à des groupes de plus de dix personnes, et leur comportement s’avérait souvent impitoyable. Les brigands tuaient souvent pour le plaisir les gens, y compris en cas de coopération manifeste, même quand les victimes ne résistaient pas.
Puis Arthur se ravisa, il se dit que ce serait un comportement peu honorable de s’en prendre à des gens innocents. Il pourrait à la place essayer de piéger des scélérats, surtout que les criminels pullulaient dans les environs. Il suffirait de mettre bien en évidence sa bourse pas très remplie mais contenant quand même de l’argent pour attirer l’attention de brigands. Il n’aurait qu’à éviter de sourire ou de parler afin de ne pas dévoiler ses crocs. S’il ne montrait pas de manière explicite sa nature de vampire, il devrait pousser des voleurs à essayer de s’en prendre à lui.
Il pourrait ainsi récupérer facilement sur eux du butin. Il allait se diriger vers les bois dans l’espoir d’une confrontation, mais il changea ses désirs. Quand il reconnut que celui qui collectait la monnaie des voyageurs était Bastien l’ancien contremaître, Arthur décida de passer en force, et de casser au passage un à deux os à son ennemi. Quand il vit plus en détail l’état du moyen de transport maritime alloué pour deux pièces d’or, quatre planches larges de bois branlantes qui menaçaient de se détacher. Il pensa que la tendance d’arnaqueur de Bastien n’avait pas disparu. Il y avait quelques soldats humains pour l’épauler mais le fort pensait gérer l’escorte.
Bastien : Pour passer il faut débourser deux pièces d’or.
Arthur : Non seulement je ne vais pas payer mais, en plus vous allez rembourser ceux que vous avez escroqués.
Bastien : Gardes arrêtez ce resquilleur.
Arthur : Je suis Arthur le vampire, le célèbre guerrier, vous n’avez aucune chance face à moi.
Bastien : C’est du bluff le fameux Arthur mesure plus de deux mètres trente et c’est une montagne de muscles. Tu n’es pas un gringalet mais tu n’es pas non plus spécialement musclé.
Arthur : Je suis un vampire, regardez mes crocs.
Bastien : Cela n’est pas une preuve formelle, de nombreux mutants ont des dents pointues et ne s’avèrent pas des buveurs de sang. Allez les gars je donnerai une récompense au premier qui assommera le fauteur de troubles.
Les cinq gardes ne firent pas long feu face à Arthur le fort qui se montra gentil, il se contenta d’assommer sans blesser gravement ses adversaires. Par contre il réservait un traitement spécial à Bastien le passeur, qui ne savait plus quoi faire. Puis il eut une idée, il brandit en récitant des psaumes une icône représentant Argent la divinité. Arthur se trémoussa en ayant l’air de souffrir beaucoup. Bastien triomphait, il allait pousser un cri de victoire, mais il se reprit et se remit à dire des passages du livre des révélations.
Il avait failli laisser la joie de la réussite compromettre son sauvetage. Il devait encore déclamer verbalement pendant au moins dix minutes des textes sacrés argentistes, avant d’être sûr qu’Arthur le vampire soit neutralisé.
Certains adeptes d’Argent disaient que trente secondes de récitation à haute voix de n’importe quel livre argentiste, suffisaient à priver un vampire de ses capacités magiques et physiques, mais d’autres affirmaient qu’un délai de cinq minutes pouvait être nécessaire. Dans le doute le passeur opta pour une déclamation de plusieurs minutes. Bastien le fourbe était très content, il allait pouvoir se venger du fort, la cause de sa déchéance sociale.
La révolte menée par Arthur avait signifié une suite d’événements néfastes pour le fourbe. Bastien échappa à la révolte dans la mine, grâce à des esclaves renégats qui le libérèrent de sa cellule. Malheureusement le propriétaire de la mine refusa d’entendre les explications de Bastien, et le congédia en confisquant la plupart de ses économies.
Durant des années le fourbe vécut grâce à la charité et de petites rapines. Toutefois il conserva une forte foi dans le dieu Argent, un moine le remarqua et le recommanda à un baron pieux. Petit à petit Bastien regrimpa les échelons, il commença comme marmiton dans les cuisines, puis passa garde, et enfin responsable d’un péage. Le baron qui employait le fourbe était aussi vénal que lui, il avait démoli un pont, mit en place un transport par radeau, et imposer des tarifs exorbitants soit disant pour réparer le pont. Toutefois l’argent collecté servait surtout à financer des fêtes. Bastien espérait une belle récompense en livrant Arthur aux autorités argentistes.
Les prêtres d’Argent adoraient mettre à mort des vampires, et surtout rémunéraient grassement ceux qui leur livraient un buveur de sang. Avec de la chance la capture du fort pourrait même valoir une promotion au fourbe. Bastien comptait exagérer le récit mettant en valeur son courage et son ardeur guerrière, ainsi il espérait une nomination comme capitaine de la garde du baron.