Le Chevalier des Elfes
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Arthur espérait profiter d’une référence de sagesse en rencontrant Merlin. Ce dernier regorgeait en effet de savoir. Et bien que son apparence soit celle d’un vieillard maigre, il ne manquait pas de vitalité. Il ne correspondait pas à l’image traditionnelle du vieux mage en robe. Il portait de temps en temps un bâton pour signifier sa fonction, mais il ne dédaignait pas l’épée et le pantalon. Il n’aimait pas spécialement les honneurs, il ne menait pas une existence d’ermite dans le sens qu’il rencontrait des gens, donnait parfois des cours dans des écoles, et enseignait chez lui à des élèves.

Mais il détestait la vie mondaine et les flagorneurs, il ne supportait pas du tout les gens qui essayaient de le flatter pour obtenir des faveurs. Il était tout à fait capable de se battre sans user de sorts, et il distribuait de temps à autres des baffes aux gens qui essayaient de l’amadouer en usant d’une langue suave, de l’attendrir par des mots élaborés et mielleux. Malheureusement Merlin l’exigeant n’était pas le plus accueillant des elfes. Il était même un aristocrate assez souvent méprisant.

Il traitait fréquemment d’une façon rude ses apprentis et ceux lui demandant des services sauf cas particuliers. Il offrait des prestations magiques exceptionnelles, il garantissait généralement des résultats excellents. Toutefois espérer le voir sourire et se montrer aimable relevait presque de l’impossibilité. Les seules personnes avec qui il acceptait de se montrer un minimum poli s’avéraient les rois elfes. Même si Merlin souffrait de défauts sociaux, il était un patriote dans l’âme, il considérait comme une tâche glorieuse de participer à la grandeur des royaumes elfes.

Ainsi il était prêt à donner de sa personne, à fournir des enchantements puissants si cela aidait les monarques à obtenir une réputation positive. Même si Merlin n’avait pas le droit de participer à une guerre de par la loi régissant les activités des haut-mages. Il pouvait tout de même favoriser les récoltes, et créer des enchantements utiles pour l’agriculture et l’économie.

Arthur essaya de trouver le juste milieu, d’être poli comme il fallait quand il se présenta devant le manoir de Merlin. Un bâtiment immense de plus de cent pièces dédiées principalement à la recherche magique, à la mise au point de sorts inédits. La demeure se caractérisait par ses murs en plomb capables de contenir des sorts dévastateurs, et le fait qu’elle regorgeait d’ingrédients surnaturels en tout genre, de la bave de crapaud, au casque en or. Merlin avait beau avoir un certain sens de l’organisation, il n’empêchait que son manoir croulait à cause de la multitude d’objets entreposés.

Arthur : Bonjour seigneur Merlin, je suis heureux de faire votre connaissance.

Merlin : Que les choses soient bien claires, tu es là pour apprendre et aussi pour travailler. Je me suis engagé à te fournir des cours, mais ne t’attends pas à des vacances.

Arthur : Je suis prêt à faire beaucoup d’efforts.

Merlin : On verra cela, tu ne seras pas le premier à se montrer fringant au début, puis à abandonner rapidement. En attendant de t’initier à la magie, tu vas d’abord trimer. Vas arracher les mauvaises herbes du jardin.

Merlin avait un jardin plutôt grand de plusieurs hectares, il contenait un vaste potager, mais aussi une pelouse drue, et des arbres de belle taille notamment des pommiers rendus immenses à cause de l’influence de la magie. Arthur se demandait en quoi des tâches de jardinage l’aideraient à être un meilleur mage. Mais il s’exécuta sans rechigner.

Il pouvait s’agir d’une sorte d’épreuve pour déterminer sa motivation. Ou alors Merlin profitait de ses apprentis pour faire de grosses économies, ne pas avoir à payer de la main d’œuvre. La vérité devait se situer entre les deux constats. Même si Arthur n’appréciait pas particulièrement de trimer une journée entière dans la boue, il effectua avec diligence et zèle les travaux botaniques. Par contre il manquait de savoir-faire pour s’occuper des plantes, il arracha autre chose que des mauvaises herbes. Ce qui mit profondément en colère Merlin.

Arthur ne fit pas de grosses erreurs, il déracina des végétaux très faciles à remplacer. D’ailleurs son professeur avait tout ce qu’il fallait chez lui pour replanter rapidement ce qu’il perdit par la faute du vampire. Il lui suffirait d’amener des graines et de réciter une formule magique, pour qu’en quelques heures il retrouve un jardin agencé comme il le voulait. Mais même si les pertes végétales du maître ne furent que très mineures, il n’empêchait que Merlin avait envie de se passer les nerfs. Et puis il considérait avec satisfaction sa réputation de mentor très exigeant, donc il ne comptait pas faire preuve de clémence. Y compris si la bourde très légère d’Arthur ne demanderait que cinq minutes à être complètement réparée.

Pour le maître c’était un jeu d’enfant de faire évoluer du céleri de l’état de graine à une apparence de plante adulte. Mais dommage pour Arthur, il commit une gaffe qui aurait des conséquences désagréables pour lui. Il vit à l’air énervé de son mentor qu’il allait passer un moment peu drôle. Il espérait que la punition ne serait pas trop relevée. Il remarqua que Merlin ne témoignait pas aux vampires la déférence habituelle des elfes. C’était assez normal il y avait déjà peu de semblables que le maître traitait poliment.

Pour lui il était un peu aberrant de considérer les buveurs de sang comme des êtres exceptionnels. Il appartenait à un courant de pensée selon lequel les vampires devaient être vus comme des gens normaux. Certes ils avaient une certaine dose de chance grâce à leur jeunesse presque éternelle. Mais ils n’en demeuraient pas moins des individus à châtier s’ils commettaient des erreurs ou des crimes.

En outre Merlin aimait vraiment imposer le ton à ses apprentis, peu importe leur origine sociale ou leurs richesses. Il ne prenait que très rarement des gants avec les gens voulant devenir un de ses élèves. Arthur sentait qu’il risquait de sévèrement déguster, s’il ne se montrait pas conforme aux attentes de son maître. Il était impressionné par l’attitude de son mentor. Il pourrait lui briser le cou, juste en serrant légèrement avec une main.

Sa partie sanguinaire l’invitait même à passer très rapidement à l’acte, elle n’appréciait pas le regard rempli d’orgueil du maître. Pour elle, un vieil elfe sans grande puissance physique, c’était une proie facile. Elle se fit douce et cajoleuse pour inciter le vampire à s’exécuter. Toutefois le fort désirait apprendre la magie auprès de son mentor, et il craignait des mauvaises surprises comme finir en cendres, s’il passait à l’attaque.

La lutte intérieure d’Arthur ne passa pas inaperçue. Merlin sentit le débat interne entre la conscience et la soif de sang. Pourtant il adopta délibérément un ton hautain envers le vampire.

Merlin : Tu n’es pas lent, mais tu as mal fait ton travail. Tu seras privé d’un repas.

Arthur : Je suis désolé, mais en jardinage je ne m’y connais pas trop.

Merlin : Je n’aime pas les gens qui se cherchent des excuses. Tu feras la cuisine pour moi si c’est dans tes capacités.

Arthur se débrouillait nettement mieux en préparations culinaires qu’en jardinage. Quand il était un simple soldat sans grade, il apprit auprès d’autres personnes à faire un repas nutritif avec un stock limité de viande et de légumes. Par contre il n’était pas non plus un chef cuistot. Il disposait de notions valables, cependant un plat trop complexe demeurait un mystère impénétrable pour lui.

Or Merlin avait des goûts plutôt sophistiqués. Ainsi Arthur bien qu’il se débrouilla du mieux qu’il le put, n’arriva pas à satisfaire le palais délicat de son maître. Il découpa avec soin de la viande de sanglier, l’assaisonna avec des haricots et des carottes cuits comme il fallait, et il prépara une tarte aux pommes plutôt bonne. Néanmoins il ne parvint pas à émouvoir Merlin qui avala sans prononcer un mot de remerciement, traita son élève de cuisinier de seconde zone, et assortit ses mots durs d’une gifle retentissante.

Arthur n’était pas au cœur d’une bataille mais il adoptait un état d’esprit guerrier. Il avait envie de déchaîner ses capacités de berserker sur Merlin. Il éprouvait le besoin de tester le tranchant d’une épée dans le ventre de son maître. Heureusement il parvint à calmer son accès de fureur en pensant qu’il pourrait apprendre des choses passionnantes, et qu’il serait peu glorieux de s’en prendre à un vieillard certes réputé pour la puissance de ses sorts, mais un vieillard quand même.

Mais Arthur devait encore faire de gros efforts pour empêcher sa colère de déclencher un esclandre. Il était suffisamment calmé maintenant pour ne pas causer de meurtre, mais il avait toujours la ferme intention de donner un coup de poing à Merlin en dédommagement de sa gifle. Il se récita la litanie de l’honorabilité, le contenu de son serment où il jurait de tout faire ce qui était en son pouvoir pour défendre les elfes. Mais cela ne suffisait pas, alors il pensa à son statut social.

Même si Merlin était vu comme une personne insupportable par de nombreux gens, il avait beaucoup de soutiens politiques. Or Arthur voulait une carrière brillante, et non finir dégradé. Il parvint ainsi à diminuer encore d’un cran sa colère en pensant aux conséquences néfastes pour lui, s’il s’en prenait physiquement à Merlin. Mais il lui fallut beaucoup d’efforts pour résister à la tentation puissante d’infliger des coups à son interlocuteur.

Le lendemain matin, Arthur eut de nouvelles tâches peu passionnantes à accomplir.

Merlin : Voyons ce que tu vaux en matière de rangement. Tu as intérêt à bien te débrouiller cette fois, sinon je te ferai fouetter.

Arthur : Entendu seigneur.

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