Alors Othion décida de présenter des arguments séduisants à son interlocuteur le fort, pendant que ce dernier se concentrait sur des révisions concernant l’histoire de batailles célèbres. Il travaillait dans une des bibliothèques secondaires de l’école de Sar, mais même s’il existait des endroits contenant beaucoup plus d’ouvrages, il s’agissait quand même d’un lieu avec des milliers de livres. Arthur après avoir empilé cinq traités sur des guerres sur une table, lisait de façon intensive. Il cala un coussin sur sa chaise en prévision des heures d’études nécessaires pour obtenir une bonne note au prochain contrôle. Il regarda Othion de manière agressive, quand ce dernier s’assit à côté de lui. Le vaniteux versa quelques pièces d’argent à gauche et à droite pour que les autres étudiants quittent pendant cinq minutes la bibliothèque.
Othion eut du mal à ne pas arborer un sourire béat devant la perspective de faire tomber Arthur dans un traquenard normalement inexpugnable. Mais il se força à adopter une expression faciale la plus neutre possible. Il n’avait pas un sourire franc, toutefois il n’arborait pas un air grognon ou triste non plus. Il préféra se composer un air solennel pour l’occasion. Cependant à l’intérieur il bouillonnait d’impatience. Si tout allait bien il serait bientôt débarrassé du fort. Il pourrait alors quitter son rôle détestable de serviteur d’un humain qu’il méprisait profondément.
Mais il se contraignit à réfréner ses émotions joyeuses. S’il ne se contrôlait pas un minimum, il attirerait la suspicion sur lui. Et tous les sacrifices opérés dans le but de tromper Arthur risquaient d’être vains. Ou du moins le piège destiné à le perdre serait davantage difficile à transformer en réussite. Il était nécessaire d’agir avec doigté et subtilité pour mener à sa perte cet ennemi. Cela faisait du mal pour Othion de l’admettre, mais il finit par reconnaître que son adversaire possédait une réelle intelligence dans certains domaines. Il n’avouerait jamais publiquement qu’Arthur surpassait des aristocrates elfes dans certaines matières scolaires.
Cependant il fut forcé de constater à force de côtoyer le fort que son ennemi possédait un réel talent, même selon les critères assez élitistes de l’école de Sar. Le vaniteux ressentait même parfois la peur que son adversaire réussisse à marquer durablement l’histoire des elfes mieux que lui. Qu’il se forge une véritable légende en tant qu’officier, et cela était vraiment intolérable pour Othion.
Arthur : Je suis en pleine révision, j’espère que tu me déranges pour quelque chose qui en vaut la peine Othion.
Othion : J’ai cru comprendre que vous vouliez beaucoup d’argent pour renforcer l’armée de Lancelot et d’autres projets. Je vous offre les moyens de concrétiser votre rêve.
Arthur : C’est quoi l’entourloupe ? Je doute que quelqu’un comme toi qui m’apprécie moyennement voire peu, veuille me rendre service sans contrepartie.
Othion : Je mène actuellement des recherches archéologiques qui m’ont permises de découvrir l’emplacement probable d’un trésor. Mais des skavens ont installé un village près du trésor. Si je creuse en étant seul, je risque la mort de la part des hommes-rats.
Arthur : Nous y voilà, tu veux que je joue les gardes du corps, voire que j’extermine les skavens.
Othion : En effet si vous vous contentez de me protéger je vous donnerai vingt pour cent du trésor. Si vous tuez l’ensemble des skavens je vous rétribuerai avec trente pour cent des richesses trouvées.
Arthur : La quête m’intéresse mais le pourcentage n’est pas équitable, je veux la moitié du butin.
Othion : Il m’a fallu des années de recherche pour localiser le trésor de Janaé, votre participation aux fouilles ne durera que quelques jours à peine.
Arthur : Tu me demandes de prendre de très gros risques, j’ai déjà combattu des skavens. Cette vermine est pleine de mauvaises surprises.
Othion : Un orque seul est plus dangereux que cinq hommes-rats.
Arthur : Tu ne connais pas l’effectif exact du village, il peut abriter des centaines de combattants. En outre les skavens ont beau ne pas être très forts individuellement, ils disposent d’atouts comme le rat-mastodonte qui les rendent très dangereux.
Othion : Très bien va pour cinquante pour cent du butin, mais vous devrez me promettre que vous vous battrez jusqu’à la mort pour me permettre de survivre si un pépin grave nous arrive.
Arthur : Je jure de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour garantir ta survie lors des fouilles pour trouver le trésor de Janaé, du moment que les recherches ne durent pas plus d’un mois.
Othion : Ne vous en faites pas, je suis bien documenté, les fouilles seront rapides.
Arthur : En attendant je vais me remettre à étudier.
Othion (contenant sa colère) : Il va bientôt être midi, je vais à la cantine.
Bien que le sixième sens d’Arthur le fort lui commande de se méfier, il accepta avec joie le marché d’Othion. Il avait terriblement envie de devenir richissime, cela servirait ses plans, notamment d’intégrer un maximum de magiciens dans l’armée de Lancelot. Comme cela Arthur pourrait rembourser sa dette d’honneur à l’égard du général en le dotant de subordonnés très utiles pour remporter des victoires.
Les magiciens elfes les moins chers exigeaient comme salaire pour dix à vingt ans d’engagement, une somme suffisante pour acquérir un manoir en bon état de plus de cent pièces. Il existait des lois qui encadraient les tarifications des mages, mais elles étaient très floues. De plus les magiciens elfes formaient une organisation très puissante. Résultat dans la majorité des royaumes elfiques sauf cas particulier un mage vendait très cher ses services. Les magiciens qui essayaient de se distinguer de la concurrence en bradant les prix, ne faisaient généralement pas long feu. Ils subissaient contre eux, une union sacrée de la majorité de leurs semblables.
Pour qu’un magicien elfe offre gratuitement ou à petit prix ses services il devait souvent subir un chantage, ou avoir été condamné par un tribunal. Certains officiers d’armées elfiques avaient d’ailleurs créé un service de recrutement des mages, chargés de collecter les preuves de délits et de crimes. Puis une fois que les magiciens hors-la-loi accumulaient les actes illégaux, deux choix s’offraient à eux, moisir pour très longtemps en prison, ou travailler pour l’armée. Parfois il arrivait que des mages abaissent leurs tarifs, quand le haut-roi des elfes exigeait que des jeteurs de sort participent à l’effort de guerre. Mais même le monarque peinait à imposer son autorité.
Othion demanda à son contact le devin rouge skaven, de voir les choses en très grand pour garantir le trépas d’Arthur. Ainsi à la place d’une troupe de skavens désorganisés et mal équipés, Arthur serait confronté à des ennemis disciplinés, très entraînés, et disposant d’armes redoutables. Dans le pire des cas, le devin rouge possédait une arme terrible pouvant tuer des milliers d’elfes assez facilement.
D’après Othion le vaniteux, le trésor de Janaé était à une demi-journée de marche de l’école des officiers de Sar. En plus des skavens, il y avait d’autres dangers, notamment des bandits humains. En effet Arthur et Othion durent traverser une forêt, qui était le théâtre d’embuscades fréquentes. Bien qu’aucun homme ne tenta de voler les deux compagnons, cela n’empêcha pas le fort d’être mal à l’aise, il sentait que l’on était en train de l’observer. Il avait l’impression que la corneille qui volait à proximité de lui, était un agent travaillant pour des individus malfaisants. Arthur estimait que les deux chiens sauvages qu’il rencontra, s’avéraient peut-être des espions œuvrant pour le but d’une organisation maléfique. Le trésor de Janaé d’après la carte du vaniteux, se trouvait dans la plaine des malheurs, un lieu réputé pour porter malchance.
Seuls les êtres les plus courageux osaient l’emprunter. En effet la plaine avait été le théâtre de nombreux événements funestes, pour ceux qui s’y aventuraient. Il y eut moins de dix survivants aux vingt batailles, qui se déroulèrent sur la plaine. Ce lieu passait pour l’endroit maudit par excellence. Il regorgeait de trésors mais seuls les cupides, les inconscients et les téméraires s’y aventuraient. Le fort se dit à plusieurs reprises, qu’il ferait mieux d’abandonner sa mission d’escorte. Puis il se força à continuer, car il avait donné sa parole. Or Arthur considérait les serments et les engagements comme sacrés. En outre un trésor de plusieurs dizaines de kilos constituait une occasion très tentante, la chance d’une vie. Le fort estimait pouvoir mener un train de vie de riche jouisseur, s’il survivait.
En effet les livres précieux recherchés par Arthur et son compagnon étaient des reliques sacrées devant suscitées un véritable engouement de la part des collectionneurs elfes. Les ouvrages littéraires visés s’avéraient des outils de pouvoir politique non négligeables. Ils apporteraient un très important prestige aux gens qui arriveraient à en devenir les propriétaires. Or les elfes même s’ils respectaient généralement les serments, n’étaient pas des personnes immunisées contre les attraits de la gloire. Au contraire certains d’entre eux comme de nombreux hommes pouvaient en faire beaucoup afin de récolter une célébrité positive. Ils étaient capables de manœuvres particulièrement poussées pour acquérir une hausse de statut.
Or Arthur se mit en quête d’un moyen de déstabiliser des puissants installés depuis des générations, de livres qui renfermaient une très grande sagesse, mais aussi des informations sensibles. Ce qui permettrait aux gens qui se les approprieraient de faire chanter des influents, de réclamer un partage de pouvoir politique et économique en leur faveur, sous peine de déclencher des ennuis mémorables à des riches et des politiques.
Au point qu’Arthur se demanda s’il n’était pas mieux de renoncer, il craignit un moment de s’attirer des ennuis prodigieux avec sa quête de livres, de se retrouver avec une coalition d’ennemis voués à sa perte. Puis il se dit que la recherche de l’influence passait de toute façon par l’obtention de quelques amitiés et de beaucoup d’adversaires, alors autant aller jusqu’au bout ; puisque son objectif consistait à récolter le maximum d’influence, quitte à énerver avec les ouvrages certains prêtres de Jéhavah, le dieu le plus important du panthéon elfique, la divinité de la justice, la nature et l’amour.
Pour l’instant Arthur et Othion traversait un chemin de terre entouré de champs agricoles, notamment de lieux dédiés à la pousse du chou et des haricots.
Arthur : Tu ne m’aimes pas beaucoup. Alors pourquoi es-tu allé vers moi afin de partager l’honneur de la découverte du trésor des livres de Janaé, le prophète du dieu Jéhavah ?
Othion : Vous êtes un homme cupide, cela vous empêche de solliciter l’aide d’autres personnes, dans la quête du trésor. Or moins il y aura de monde sur la piste du trésor plus mon renom sera important.
Arthur : Je ne suis pas cupide, il est vrai que j’aime acquérir de la richesse, mais je suis capable de faire preuve d’altruisme.
Othion : Autrement la principale raison qui me pousse à vous avoir choisi est votre valeur guerrière. Votre style est grossier mais très efficace.
Arthur : Je l’avoue tu me surpasses en matière d’élégance quand il s’agit de se battre. Cependant tu attaches tellement d’importance à la beauté de tes gestes que cela te rend prévisible, donc facile à contrer pour quelqu’un qui connaît bien le style de la noblesse elfique.
Othion : Qui vous a appris à vous battre au fait ?
Arthur : J’ai l’immense chance d’avoir reçu des leçons de la part du dieu Proélium en personne. Cette divinité m’a enseigné dans mes rêves, plusieurs bottes secrètes redoutables. Proélium est un maître d’armes excellent, mais la majorité de mes acquis je les dois à des bagarres et des affrontements sur le champ de bataille.
Othion : Je veux bien croire que Proélium existe, toutefois ce n’est pas un dieu, mais un esprit puissant. Seul Jéhavah mérite le titre de divinité.
Arthur : Jéhavah est un dieu puissant, néanmoins il n’est pas la seule divinité qui existe. Mon intuition me dit qu’il y a des millions, voire peut-être des milliards de dieux.
Othion : Permettez-moi de ne pas être d’accord avec vous. D’ailleurs vous commettez une erreur grave en professant qu’il y a d’autres dieux que Jéhavah. En agissant ainsi vous vous rendez coupable d’un péché majeur.
Arthur : Bon tu me soûles avec tes idées préconçues, je n’ai pas envie de débattre plus longtemps de théologie. Est-ce que l’on arrive bientôt ?
Othion : D’après la carte nous sommes tout près.
Arthur : Je sens une présence, mon sixième sens m’informe qu’au moins trois cents skavens, sont en embuscade.
Othion : Je suppose que vous voulez que l’on fasse demi-tour.
Arthur : Non je suis un peu diminué à cause de mon rhume. Mais je peux gérer à moi tout seul trois cents skavens, grâce à mon arme magique.
Othion : Je n’ai pas tout à fait confiance, je vous laisse vous débrouiller seul.
Arthur : Tu as raison, tu serais plus nuisible qu’autre chose. Tu pourrais même devenir un atout pour mes ennemis en leur servant d’otage.