Glil : Mon général je sais que la mission de destruction du crâne maléfique des orques a été un succès, et que nos ennemis ont été battus, mais je m’oppose à ce qu’Arthur ait une promotion au rang de caporal.
Lancelot : Pourquoi t’opposes-tu à l’ascension d’Arthur ? D’après ses camarades il a un comportement héroïque et surtout efficace.
Glil : Arthur a mis en péril la mission, il m’a distrait, par sa faute je suis tombé dans un piège.
Lancelot : Même si dans l’armée la discipline à l’égard des supérieurs est généralement primordiale, les subordonnés ont le droit de se défendre quand on les accuse. Tu as eu des propos dédaigneux vis-à-vis d’Arthur, il n’a pas commis de faute en répliquant.
Glil : Arthur est un berserker, il est dangereux pour ses camarades. J’ai peur qu’il laisse un jour sa rage le submerger, et qu’il fasse un massacre chez ses compagnons.
Lancelot : Les berserkers sont des combattants très utiles. En prime j’ai confiance dans la force de caractère d’Arthur. En fait je crois bien plus en lui, qu’en toi lieutenant.
Glil : Pourquoi ne me faites-vous pas confiance ? J’ai eu de bonnes notes à l’école des officiers.
Lancelot : Certes tu as été un étudiant doué, mais tu es franchement limite en matière de capacités d’initiative.
Le lieutenant Glil n’en revenait pas, lui un elfe qui appartenait à une famille noble depuis plus de dix générations avait été rabaissé. Tandis qu’Arthur le fort, un humain anciennement esclave, était couvert de louanges. Glil se demandait si Arthur ne recourait pas à la magie noire pour obtenir des faveurs et lui nuire. C’était dans l’esprit torturé du lieutenant une explication logique. Même si des magiciens elfes ne détectèrent rien de louche chez le fort, cela ne voulait pas dire qu’Arthur était innocent. Il arrivait que des humains trompent la vigilance de haut-mages elfes, grâce à l’appui direct de dieux de la destruction.
Le fort était un berserker, un être dans lequel la divinité de la guerre Proélium, avait investi une partie de sa puissance. Certes Proélium était réputé pour détester les dieux de la destruction selon la majorité des théologiens elfes. Mais d’un autre côté d’après un cousin éloigné du lieutenant, le dieu de la guerre était en fait un agent des forces de la ruine. De plus la plupart des défenseurs elfes de Proélium étaient des gens du peuple. Or pour Glil un aristocrate même quand il supportait une réputation d’ignare et d’imbécile, avait un avis plus sensé que mille savants roturiers.
En effet pour le lieutenant le fait que les royaumes elfiques soient des démocraties, où la majorité décidait de ceux qui occupaient le rang de parlementaires était une imbécilité incroyable. Selon Glil les roturiers étaient naturellement inférieurs aux aristocrates. Pour le bien du peuple elfe, il était nécessaire qu’un jour les nobles soient les seuls à pouvoir voter pour les parlementaires. Quant aux humains, il faudrait leur ôter toute liberté politique et économique, afin de les protéger d’eux même, ne confier aux hommes que des tâches physiques très simples à effectuer.
Pour arranger les choses, certains supérieurs hiérarchiques de Glil le mirent en garde contre son envie de saquer Arthur. Ils l’avertirent d’arrêter de prendre le fort pour cible, de cesser de chercher à humilier un héros de guerre.
Le lieutenant était assez fâché, mais il n’abandonnait pas la lutte, certes pour le moment il arrêterait d’infliger des humiliations directes à Arthur. Mais il s’investissait dans la conception d’un dossier destiné à perdre son ennemi. Il payait des espions pour consigner les paroles du fort, établir des preuves de complot de sa part, démontrer sa fourberie. Malheureusement pour le moment Arthur avait l’air de jouer très bien la comédie, mais tôt ou tard il finirait par commettre une erreur.
Glil voyait les humains comme des menteurs lâches qui se trahissaient immanquablement à un moment ou un autre. Et même si le fort était un individu plus retors que la moyenne, il serait obligé tôt ou tard de révéler sa nature profonde. Entendu il témoignait un certain courage sur le champ de bataille, et il était nettement plus intelligent que beaucoup d’autres humains. Mais cela ne rendait que plus dangereux Arthur, cela prouvait surtout que le fort était un individu particulièrement calculateur, qui ne savait pas rester à sa place.
Selon le lieutenant, les humains ne faisaient rien par loyauté ou altruisme, ils ne cherchaient pas à défendre des causes nobles. Quand ils essayaient de s’illustrer, il y avait toujours un motif caché et peu honorable à cerner. Glil annonça lui-même la nouvelle de la promotion à Arthur, en l’assaisonnant de paroles blessantes. Il invita le fort dans sa tente, un espace tellement décoré que certaines personnes la prenaient au départ pour un lieu appartenant à un colonel. En effet Glil avait un goût prononcé pour le faste, il dormait dans des draps de soie, il surchargeait aussi en terme de décorations son lieu de vie, notamment avec des listes d’exploits. Il y avait plusieurs parchemins encadrés retraçant les faits d’armes de Glil et ceux de sa famille. Cependant Arthur ne pouvait s’empêcher d’émettre des doutes sur les circonstances exactes de certaines réalisations soit disant héroïques du lieutenant.
Plus il apprenait à connaître son interlocuteur, plus il le voyait comme une sorte de honte pour l’armée. Il admettait que les gens pouvaient changer avec le temps, qu’il était possible que Glil ait été plus courageux et compétent dans le passé. Mais Arthur mena sa petite enquête, et il découvrit que plusieurs des «exploits» du lieutenant s’accompagnaient d’ombres, d’éléments qui remettaient en cause leur véracité.
Pour faire simple Glil payait de temps à autre une grosse somme d’argent des soldats et des personnes peu gradées afin de s’attribuer certaines performances comme le fait d’avoir tué un chef de guerre, ou d’avoir tenu bon contre un groupe très supérieur en nombre.
Arthur méprisait son lieutenant, mais il ne cherchait pas pour l’instant à le démolir pour différentes raisons. Il avait un statut encore précaire dans l’armée, s’il allait jusqu’au bout dans une volonté de conflit avec un officier appartenant à une famille influente, ce n’était pas sûr que cette manœuvre soit exempte de conséquences négatives pour lui-même. Et surtout Arthur ne disposait pas de preuves irréfutables, il pourrait faire planer beaucoup de suspicion, mais il n’était pas certain d’obtenir une condamnation. Alors il persistait à contenir sa rancune, de plus il ressentait une immense pitié pour Glil. Il avait peur de contribuer à briser la vie du lieutenant, s’il parvenait à gagner un procès contre lui.
Glil : Arthur tu peux être content, désormais tu es caporal.
Arthur : Merci de m’annoncer cette bonne nouvelle, mon lieutenant.
Glil : Ne me remercies pas, si cela n’avait tenu qu’à moi, tu aurais été sévèrement puni, tu es une honte pour mon bataillon.
Arthur : Apparemment votre opinion est différente de celle de mes autres supérieurs.
Glil : Ne fais pas le malin, je vais t’en faire baver, à cause de ton inconscience j’ai failli perdre une jambe.
Arthur : Je n’ai rien à me reprocher, d’après mes camarades c’est vous qui avez été distrait. C’est vrai que j’ai discuté, mais je ne faisais qu’exprimer un droit élémentaire. Toute personne doit avoir la possibilité de contester les accusations qu’on lui porte.
Glil : Tu parles bien pour un moins que rien, qui a passé une bonne partie de son existence sous terre, mais cela ne te sauvera pas de ma colère.
En devenant caporal, Arthur le fort endossa de nouvelles responsabilités, il fit honneur à son grade. Il était le responsable d’un groupe modeste de quatre personnes, mais il prit à cœur ses fonctions. Il appliquait souvent le règlement, cependant il faisait preuve d’une certaine tolérance sur les manquements mineurs dès lors que les infractions ne mettaient pas en danger la vie de camarades.
Résultat les elfes sous ses ordres se mirent à vite l’apprécier. Ils le considéraient avec respect, malgré la différence de race. Le lieutenant Glil essaya de mettre son grain de sel, de pousser les subordonnés d’Arthur à témoigner contre lui, mais il n’arriva à rien de probant. Au contraire son comportement nuisible lui valut un rappel à l’ordre de la part de sa hiérarchie. Le lieutenant ne récolta que des ennuis en cherchant à s’appuyer sur la calomnie pour créer des problèmes au fort.
De son côté Arthur mit encore plus d’énergie pour se perfectionner, il s’initia au maniement du marteau de guerre, de la hache à deux mains, et de l’épée lourde. Finalement il opta pour l’épée de vingt kilos, notamment la claymore, un outil de mort qui fracassait autant qu’il tranchait. Son poids quand il était allié à une grand force permettait de réduire en bouillie la tête ou une autre partie du corps d’un ennemi, même dans le cas où l’adversaire bénéficiait de la protection d’une armure solide et épaisse.
Seule la magie permettait généralement de survivre à un coup de claymore. Le fort ne dédaignait cependant pas entretenir ses aptitudes dans le maniement du couteau. Il trouvait encore un intérêt stratégique à user de ce type d’outil de mort. Un couteau s’avérait bien davantage facile à dissimuler qu’une épée, et dans certaines situations délicates comme lors d’un réveil précipité, il fallait plusieurs secondes pour dégainer une claymore, contre beaucoup moins longtemps un couteau. Et puis un certain sentimentalisme l’incitait à continuer à peaufiner son talent dans l’usage de la première arme en métal qu’il apprit à utiliser.
Le fort ne se préoccupait pas seulement des armes, il s’instruisit davantage dans des domaines artistiques. Il se découvrit un goût pour la poésie et la gravure sur bois, il confectionnait de superbes symboles sur les boucliers et les arcs de certains compagnons d’arme. Arthur maniait aussi bien le ver libre que l’art de la rime complexe. Il était capable de créer un poème de cents vers composé uniquement d’alexandrins, et ayant des références complexes, une grande richesse de langage. Et par moment il s’adonnait à un art lyrique beaucoup moins codifié. Il formulait des poèmes intéressants mais nettement moins soumis à une construction stricte. Par exemple un ver dix syllabes pouvait être suivi d’un autre ver de sept syllabes, puis neuf et enfin treize.
Quelques officiers conservateurs firent un peu la moue à cause des choix artistiques du fort, mais globalement ses productions poétiques étaient bien considérées, vues comme des créations faites par une personne de talent.
Le temps passait, Arthur s’illustrait et acquérait une réputation positive croissante, tandis que Glil se morfondait, mais finalement une occasion se présenta pour lui d’acquérir de nouveaux galons, d’obtenir peut-être une promotion. Le général Lancelot avait une mission délicate pour Glil.
Lancelot : Lieutenant Glil, j’ai une mission très dangereuse à te proposer, il s’agit d’une requête et non d’un ordre. Pour la réussir il vaut mieux des volontaires. Je souhaite que tu ailles détruire une mine de super pierre malnérale.
Glil : Qu’est-ce exactement que la super pierre malnérale, mon général ?
Lancelot : Il existe la pierre malnérale classique, qui aide ceux qui pratiquent la magie noire, mais il y a aussi la super pierre malnérale, dont les effets sont dix à cent fois plus puissants.
Glil : Où faut-il aller pour trouver le gisement inquiétant ?
Lancelot : Sous terre, tu devras avec un groupe de soldats progresser en terrain inconnu, et surtout arriver à survivre à une véritable marée d’ennemis. Le gisement est près d’une ville de skavens ou, si tu préfères d’hommes-rats de plus de cent mille habitants.
Glil : Quelle sera la récompense en cas de réussite de la mission ?
Lancelot : Si tu te comportes honorablement, tu auras la garantie d’avoir un grade supplémentaire.
Glil : Ne vous en faites pas, mon général, je ferai l’impossible pour détruire la mine skaven.
Lancelot le général hésita à présenter sa requête, il savait qu’il condamnait vraisemblablement les volontaires à une mort certaine. Or il tenait à la vie de ses subordonnés. D’un autre côté s’il choisissait de ne pas intervenir de nombreux innocents et civils risquaient de souffrir atrocement.
Quand les skavens avaient à leur disposition de la pierre malnérale en grande quantité, ils devenaient beaucoup plus audacieux. Ils passaient de bandits occasionnels, à voleurs déchaînés. Ils voyaient souvent ce type de minéral comme un appel des dieux, une bénédiction qui incitait à tuer et à piller sans vergogne ceux se trouvant à la surface.
Même les plus modérés et vertueux des skavens changeaient fréquemment au contact de la pierre, ce type de caillou modifiait l’état d’esprit de beaucoup de monde. Seuls les personnes dotées d’une volonté de fer, d’un mental d’acier ne se transformaient pas en individus vindicatifs et violents au contact du minéral. Physiquement les skavens ressemblaient beaucoup au rat, mais ils mesuraient généralement au moins un mètre de haut, pouvaient se tenir debout tout en marchant ou courant et disposaient de deux mains. Lancelot s’avérait angoissé par la peur d’une déflagration qui emporte aussi ses subordonnés.
Avec un gramme de pierre malnérale, il était possible de pouvoir détruire un mur en granit de plus de dix centimètres d’épaisseur, avec un kilo de d’anéantir un quartier entier, avec une tonne d’annihiler une ville de taille considérable.
Un autre motif de crainte pour Lancelot venait de son subalterne le lieutenant Glil. Mais le général reçut des ordres d’en haut qui le sommaient de fournir des occasions à son subordonné de s’illustrer, de lui donner des possibilités d’hériter du statut de héros. Pour Lancelot son subalterne avait tellement peu de valeur, qu’il aurait dû être affecté dans un coin très tranquille, et avoir pour principale responsabilité la surveillance d’un endroit paisible pour ne pas dire ennuyeux, où les événements palpitants se limitaient à du vol de poule. Bref le général ne témoignait que très peu de confiance à Glil, malheureusement il ne désirait pas se mettre à dos une famille très influente.
Lancelot espérait limiter les dégâts en adjoignant à Glil des subordonnés valeureux et compétents. Il doutait que cela garantisse à coup sûr le succès de la mission, mais il se mit à prier pour que cela soit suffisant. Il aurait bien voulu passer outre les ordres de la famille de Glil, mais il était forcé d’obéir. Soit il assignait une mission palpitante au lieutenant, soit ses fonds financiers se retrouvaient divisés par au moins deux.
Ce qui aurait signifié sur le long terme de gros problèmes d’approvisionnement, et de graves difficultés pour combattre sur un champ de bataille. En effet le général avait plus de dépenses que nombre d’autres officiers supérieurs. Il comptait beaucoup sur la magie et une technologie avancée pour remporter les conflits.
Or les mages comme les ingénieurs s’avéraient du personnel monnayant à un prix souvent élevé leurs services. En prime Lancelot prenait très à cœur l’instruction de ses troupes, ce qui générait une hausse du savoir-faire mais engendrait aussi des frais. Le général ne regrettait pas ses choix, il les considérait même particulièrement utiles. Il voyait sa politique militaire comme une véritable réussite. Cependant ses objectifs s’accompagnaient de dépenses qui obligeaient à faire plus attention à la trésorerie. Alors Lancelot était contraint de chercher des alliances, de tolérer des brebis galeuses, des officiers peu recommandables afin de s’adjoindre le soutien financier de certaines familles puissantes.
Glil rassembla ses troupes à l’extérieur du campement elfe, il battit le rappel des volontaires. Il décida de parler sur une plaine constituée principalement d’herbes et de pissenlits.