C’est alors que les choses empirèrent.
Sir Youlong et Fei Yuhan parurent tous deux surpris et perdus devant le brusque revirement de situation. Heureusement, un Martialiste traditionnel se retourna juste à temps pour arrêter les Déchus.
– « Sortez d’ici! » Hurla un homme d’âge moyen, nerveux. « Il faut trouver une issue! »
Les deux autres conteneurs commençaient à vaciller de façon inquiétante sous l’effet des coups frappés sur ses parois par les captifs. La surface peu à peu se déformait et la serrure n’allait certainement pas tarder à céder.
Si chacune de ces boîtes contenait des dizaines de prisonniers, non seulement ils tueraient les déchus, mais il y avait un risque que toute l’équipe, elle aussi, soit anéantie.
Ils allaient donc devoir faire tout leur possible pour ne pas se retrouver piégés.
Fei Yuhan se ressaisit aussitôt et s’élança vers l’entrée de l’usine. Leur seul moyen de sortir de cette situation était de trouver un espace ouvert et de se disperser.
Roland décida d’attendre que tout le monde ait quitté les lieux, bien décidé à tout donner face à ces nouveaux Déchus qui se jetaient sur lui comme des zombies. Ils n’étaient pas nécessairement dangereux, mais s’il était mordu, Roland en serait tout de même affecté.
– « Ici l’équipe 1! Nous sommes attaqués et désavantagés numériquement! Demandons assistance immédiate! » Cria Sir Youlong dans le talkie walkie tout en combattant.
Un instant plus tard, deux autres Martialistes tombèrent face à un groupe de Déchus totalement fous qui s’empressèrent de les mettre en pièces.
Devant ce spectacle, Sir Youlong ralentit considérablement ses mouvements au point que même Roland, pourtant néophyte, s’en aperçut. Après avoir renversé quelques autres Déchus, Sir Youlong, pour la première fois, fut blessé.
C’est alors que les conteneurs s’ouvrirent, s’écrasèrent au sol et les Déchus, fous de rage, se précipitèrent. Cependant, ils étaient moins nombreux qu’ils ne l’auraient cru.
Roland haussa les sourcils. Une douzaine de Déchus, toujours attachés et qui avaient achevé leur transition, gisaient morts dans les conteneurs. Il y avait dans leur corps des trous d’où le sang suintait abondamment. On aurait dit que quelque chose les avait transpercés.
Par ailleurs, on pouvait voir toute une rangée de trous sur les parois des conteneurs.
« Bien joué! » Pensa-t-il.
Nul doute que c’était l’œuvre de Phyllis. Roland pouvait sans peine imaginer la sorcière se faufiler jusqu’aux conteneurs sous le voile d’invisibilité de Donna et plonger ses lames griffues dans les coffres.
– « Que s’est-il passé ? » Beugla le chef des Déchus. « Qu’avez-vous fait à mes enfants, canailles ?! »
Personne ne répondit. Si tous étaient aussi confus que le chef, ils n’avaient pas le loisir de réfléchir à l’incident. Alors que le nombre de leurs ennemis diminuait de façon significative, les Martialistes reprirent courage et entrevirent un rayon d’espoir et de vie.
– « Après tout, peu importe », grogna le chef en tapant du pied. « Rien ne doit venir contrecarrer mon plan. Vous allez tous mourir ici! »
Sur ces mots, il prit une boîte carrée qui rappelait à Roland une télécommande et appuya fermement sur le bouton.
Avec un rugissement assourdissant, les quatre coins de l’usine explosèrent simultanément. Le sol se fissura et s’effondra presqu’aussitôt. Le souffle balaya les torches qui s’éteignirent et tous se retrouvèrent à tâtonner dans une obscurité complète.
– « Espèce de sa*** », ne put s’empêcher de jurer Roland. Jamais il ne se serait douté que les Déchus avaient caché des explosifs dans le sol. Même s’il avait des capacités spéciales, il ne pouvait pas voler comme Foudre.
L’instant était critique lorsqu’il sentit soudain une petite main l’agripper :
– « Votre Majesté! »
Il tituba jusqu’à ce que quelqu’un le saisisse fermement et lui permette d’atterrir sur le sol sain et sauf.
– « Line ? » Demanda Roland à voix basse alors que la poussière le faisait tousser.
– « Oui, c’est moi. Tout va bien ? » Demanda aussitôt la sorcière. « Je vous ai immédiatement localisé dans le noir. »
Line était spécialiste des déplacements dans l’obscurité. Au moment où les torches s’étaient éteintes et où les ténèbres tombaient sur l’usine, elle avait pu se glisser à travers les ombres comme Rossignol dans sa brume.
– « Je vais bien. Et les autres sorcières ? »
– « Ne vous inquiétez pas. Phyllis est avec nous, Donna ne risque pas d’être blessée dans l’explosion et Fanny surveille l’extérieur, donc elle va bien elle aussi. »
– « Formidable », dit Roland en abaissant ses lunettes à vue panoramique.
Il regarda autour de lui.
– « Qu’est-ce que c’est, Votre Majesté ? » Demanda Line, intriguée. » « On dirait un Démon Surveillant… »
– « C’est un dispositif qui permet de voir la nuit », expliqua Roland, « aussi devrez-vous être prudente, même dans l’obscurité. Vous ne devez surtout pas vous faire repérer. »
– « Entendu », promit Line en disparaissant à nouveau dans les ténèbres, ne laissant apparaître que la moitié de sa tête. Roland vit des bulles s’échapper de son nez, comme si elle était immergée dans l’eau.
À la faible lueur du clair de lune qui tombait sur le sol, Roland eut tôt fait de se rendre compte de la situation.
Le groupe était dispersé et l’usine jonchée de dalles de béton. Il ne pouvait donc pas localiser les autres mais supposait que les Martialistes, en principe protégés par la Force de la Nature, avaient survécu à l’explosion. Les Déchus étant bien conscients de ce fait, ils avaient certainement d’autres plans. Il ne lui restait plus qu’à tenir bon jusqu’à ce que la seconde équipe vienne leur porter secours. Ils pourraient alors mettre fin à cette cérémonie sacrificielle.
Ce qui, par contre, préoccupait Roland, c’était le trou créé par l’explosion.
Selon C02, il n’y avait pas de sous-sol sous l’usine. De plus, à en croire la carte, l’usine avait dû être construite sur une surface plane.
Les murs inégaux dont ils étaient entourés n’en faisaient visiblement pas partie.
En d’autres termes, les Déchus avaient creusé le sol sous l’usine pour y enterrer des explosifs. Mais pourquoi ?
Roland remarqua que la zone proche du bord du trou, en pente relativement douce, s’accentuait brusquement en une chute vertigineuse, un peu comme un immense vortex où glissaient les cadavres des Déchus qui s’empilaient.
« Cela ferait-il partie de la cérémonie sacrificielle ? » Se demanda-t-il.
Ses soupçons ne tardèrent pas à se confirmer lorsqu’il vit réapparaître le chef. Sur son ordre, les Déchus cessèrent de fouiller les environs à la recherche des Martialistes et sautèrent dans le trou avec leurs cyclones. Certains portaient les corps de leurs compagnons et d’autres ceux des Martialistes tués. En un clin d’œil, la cavité fut presque remplie.
Le cœur de Roland eut une secousse étrange et il sentit soudain une chaleur se répandre en lui, comme si quelque chose l’appelait.
– « Mon Dieu, daignez accepter notre offrande », s’exclama le “majordome”, mains tendues, avant de se laisser tomber dans le trou.
Au même moment, une lumière éblouissante jaillit de tous les cyclones!
Roland ôta ses lunettes et en resta bouche bée. Les cyclones cramoisis montaient lentement, se condensaient en une masse puis se répandaient dans l’espace pour former une vaste zone d’Érosion de forme irrégulière.
C’est alors que quelque chose émergea de cette zone et prit la forme d’un homme sans visage, dont on ne distinguait qu’une tête et deux mains. Le reste n’était qu’une silhouette couleur d’encre parsemée d’étoiles tourbillonnantes et qui rappelait à Roland l’univers sombre et insondable.
Alors que l’ombre humanoïde se matérialisait, Roland vit du sang écarlate exsuder de son corps et se répandre dans le trou, transformant le souterrain en un espace où se mêlaient le rouge et le noir.
L’insecte sur l’épaule de Roland se mit à bourdonner, signe que Fanny avait pressenti un danger.
Roland avait déjà assisté à une scène similaire et rencontré un jour une créature magique lors d’un combat contre un Déchu. Cependant, celle qu’il avait devant lui était beaucoup plus grande, le haut de son corps seul pouvant atteindre deux ou trois étages!
C’était donc là le véritable but de ce sacrifice humain! Les Déchus avaient l’intention de créer de l’Érosion et de faire venir un monstre qui n’appartenait pas au Monde des Rêves.
Roland ne comprenait pas pourquoi ils avaient choisi de le faire particulièrement ce jour-là, attirant ainsi l’Association Martialiste alors qu’ils pouvaient invoquer cette créature à tout moment.
Mais il eut très vite la réponse à sa question.
Des dizaines de tentacules noires trempés de sang jaillirent soudain du sol, s’emparèrent d’un Martialiste caché sous une dalle de béton et le remirent à la créature magique.
– « Monstre… » balbutia la pauvre victime qui s’efforçait en vain de se dégager.
– « Vous avez volé quelque chose qui ne vous appartenait pas et vous envisagez de le garder pour vous. Il est grand temps de le rendre à son propriétaire! » La créature magique saisit le Martialiste et le jeta dans le trou : « Je vais corriger cette erreur et rétablir l’ordre dans le monde. Maintenant, acceptez votre sort et retournez aux origines! »
Tandis que cette proclamation retentissait dans toute l’usine déserte, la zone d’Érosion prit rapidement de l’expansion et le monstre se mit à grandir. On aurait dit qu’il s’apprêtait à jaillir du sol.
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