LiangZhu | 良渚
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Volume 2 / Chapitre 18
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“ Le temps est venu de fabriquer des arcs et des flèches en bambou », dit grand-père Rivière. « C’est un moment historique. Grâce à cette arme, ô vaillants chasseurs de la tribu du Grand Lac, vous deviendrez plus redoutable que jamais. Aucun gibier ne vous résistera. » Après une bonne nuit de sommeil, il semblait d’humeur lyrique ce matin-là. 

« Mais je vous préviens : leur confection demande autant de minutie que pour tailler le jade. Soyez très attentifs. Et souvenez-vous que demain, viendra votre tour de transmettre ce précieux savoir aux générations futures. » 

« Alors, allons-y ! » 

« Après avoir élagué les tiges, hier soir, mettons de côté les plus pointues pour fabriquer des flèches, et gardons les plus régulières pour façonner nos arcs. » 

« Il s’agit d’abord de fendre chaque tige en quatre, après l’avoir coupée à la bonne longueur, ce qui, naturellement, dépend de la taille de chacun. » 

À ces mots, la gorge un peu sèche, il attrapa son bol en terre cuite pour se désaltérer. 

« Essaie plutôt avec ça, grand-père », dit Liang, en lui tendant un gobelet en bambou rempli d’eau limpide et scintillante. 

« Ça alors ! », s’exclama le vieil homme, en écarquillant les yeux. « Vous êtes de vrais petits prodiges ! », et, au milieu d’un grand éclat de rire, se mit à boire dans ce nouveau récipient, qui donnait à l’eau une saveur sucrée. 

« Le bambou est à la fois dure et flexible. », reprit-il. « On peut le chauffer, mais il se casse facilement quand il est trop humide ou trop sec. Il faut donc bien maîtriser le temps de cuisson. J’aurai l’occasion de vous montrer, mais d’abord, commençons par préparer les cales. » 

À l’aide d’un bâton, il traça dans la terre la forme et la taille des cales dont ils allaient avoir besoin, les enjoignant à respecter cette norme scrupuleusement. 

« L’air de rien, vous en avez gâché du bambou hier soir, avec ces vilains petits bols que vous avez voulu fabriquer », ajouta-t-il. « En le chauffant et en l’écrasant n’importe comment, vous avez abîmé ses fibres. Il est devenu facile à briser… » 

« … Et maintenant, regardez bien : » 

À l’aide d’une pierre dure et acérée – qu’il portait sur lui dans une poche en daim -, après avoir mesuré la bonne longueur avec une ficelle, il tailla de profondes entailles le long d’une tranche de bambou, en sciant de toutes ses forces ; puis il recommença l’opération de l’autre côté. Ensuite, des deux mains, il sépara la tranche en deux presque sans effort. Pour finir, il cisailla les fibres récalcitrantes avec une lame de jade. 

« Ouah ! », s’exclama Liang, très impressionné. « Ça c’est d’la découpe. Tu as raison, grand-père, on s’y est pris comme des manches hier soir avec nos bols. » 

« Qui ne tente rien n’a rien », professa le vieil homme. « À vrai dire, vous n’aviez pas vraiment le choix. Partant d’une tige brute, vous étiez obligés de la brûler pour parvenir à la couper. » 

À leur tour, ils se mirent à découper le bois en pièces de toutes tailles, à coup de pierre, de couteau et de machette en jade, dans un grand brouhaha de craquements de bambou, s’efforçant d’imiter les gestes du sorcier. À le regarder faire, ça n’avait pas eu l’air sorcier du tout. Le faire soi-même, en revanche… Ça, c’était une autre histoire. 

Quand, pour s’amuser, certains jetaient des copeaux de bambou dans les flammes pour les regarder brûler, il leur disait : 

« Sortez-les du feu. Ces petits bouts de bois sont plus précieux que vous ne le pensez. En les travaillant un peu, on peut s’en servir pour attraper des lièvres et des faisans dorés. » 

La fabrication des cales était particulièrement laborieuse. Ils en avaient besoin d’un grand nombre pour pouvoir façonner la courbure des arc. Durant cette étape, grand-père Rivière se chargea de chauffer le bambou au- dessus du feu, car il était le seul à savoir juger de l’humidité du bois et du bon moment pour le retirer des flammes. 

Puis vinrent la finition au couteau et le polissage du bambou à l’aide d’une pierre rugueuse, ce qui les occupa jusqu’au milieu de la journée. Affamés par cette longue mâtinée de labeur, leurs estomacs commençaient à gargouiller. 

« Et si on allait déjeuner, grand-père », proposa Liang. « Je sens d’ici ce que Zhu et les filles nous ont mijoté. » 

« À la soupe ! À la soupe ! », s’écria le sorcier. « Ça sent la soupe de millet, j’ai l’impression. » 

… … … 

« C’est bien du millet, grand-père », dit Zhu, occupée à touiller dans une grande poterie avec une spatule en jade. « En plus, j’ai fait cuire des morceaux de gibiers dans de la soupe de maïs, pour changer un peu. » 

« Sers-moi en un bol », dit le sorcier, en lui passant son récipient. 

« Tu m’en diras des nouvelles. C’est du maïs de cette année », dit Zhu. 

« À moi aussi, sers-moi un bol. » 

« Un bol pour moi, s’il te plaît. » 

Chacun sortit le bol qu’il s’était fabriqué la veille. Ainsi, tous accroupis près du feu, le petit récipient de bambou dans les mains, à se délecter de ragoût de gibier, les passants les regardaient avec curiosité – et une certaine convoitise… 

« Allons fabriquer des bols, nous aussi. » 

« En bambou ou en terre cuite ? » 

« J’aime bien celui de grand-père. » 

« Moi, je préfère celui de Liang et des autres, en bambou. » 

« Je vais en faire des deux sortes, un pour chaque membre de ma famille. » 

« Un par personne, très bonne idée » 

« Allons sur le rivage ramasser de l’argile et cuire des poteries. » 

« Qui vient avec nous ? On va dans la forêt couper des tiges de bambou. » 

On eut dit qu’ils venaient de faire une grande découverte. Par petits groupes, chacun partit de son côté, pour aller fabriquer ces désormais fameux petits ustensiles. 

« Je vous l’avais bien dit ! », s’exclama Liang en riant. 

« Ah Ah Ah ! Les voilà qu’ils veulent tous manger dans un bol », s’esclaffa Caillou. 

« Un bol par personne, je trouve ça très bien », dit grand-père Rivière. 

« Comme ça, on ne risquera plus d’avaler la salive de quelqu’un d’autre », fit remarquer Zhu, 

« Ah Ah Ah ! En voilà une bonne nouvelle », s’accordèrent les autres filles en riant aux éclats. 

« Eh Liang ! », cria Taureau, en accourant vers eux. « Il vous en reste des bols ou pas ? Le chef en veut un lui aussi. » 

« Petit feignant », dit Caillou, « plutôt que d’essayer de nous chiper nos bols, tu ferais mieux de lui en fabriquer un. » 

« Il a raison, Taureau », dit grand-père Rivière, « tu devrais t’y mettre. Ça pourra toujours te servir, quand viendra ton tour de prendre femme. » 

« Ah Ah Ah ! Rien n’a dire », s’esclaffa Liang, « manger dans un bol, c’est vraiment pas pareil. Même le chef ne peut pas résister. » 

« Parce que vous trouvez ça normal, vous », s’écria le chef, qui avait surgi de nulle part, « que tout le monde ait un bol, sauf moi ? » 

« Je te donne le mien, chef », dit Caillou. 

« Pour avaler ta salive ? Non merci, très peu pour moi. Je vais au lac avec les autres, en fabriquer une flopée, des grands, des petits. À partir de maintenant, ce sera un bol différent par repas ». Il avait l’air vraiment très motivé le chef. 

Après qu’il fut parti, ils terminèrent de manger ; puis, le plus soigneusement du monde, chacun rinça son bol à l’eau claire, avant de le ranger précieusement dans une sacoche en osier ou une poche en daim. 

« Et maintenant », dit grand-père Rivière, « retournons à nos moutons. » 



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